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12/01/2017 | FRANCE | N°15/03081

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16e chambre, 12 janvier 2017, 15/03081


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 53B



16e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 JANVIER 2017



R.G. N° 15/03081



AFFAIRE :





[W] [L]

...



C/



[G] [F]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mars 2015 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 12/02555



Expéditions exécuto

ires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Valérie LEGAL, avocat au barreau de VERSAILLES



Me Claire CORBILLE LALOUE de la SCP POISSON & CORBILLE LALOUE, avocat au barreau de CHARTRES



Me Bruno GALY de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON, avocat au barr...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

16e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 JANVIER 2017

R.G. N° 15/03081

AFFAIRE :

[W] [L]

...

C/

[G] [F]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 11 Mars 2015 par le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 12/02555

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Valérie LEGAL, avocat au barreau de VERSAILLES

Me Claire CORBILLE LALOUE de la SCP POISSON & CORBILLE LALOUE, avocat au barreau de CHARTRES

Me Bruno GALY de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON, avocat au barreau de CHARTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [W] [L]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Me Valérie LEGAL, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 274 - N° du dossier 150053

Représentant : Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0090 -

SCP [L] [J]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Me Valérie LEGAL, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 274 - N° du dossier 150053

Représentant : Me Herve-bernard KUHN de la SCP KUHN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0090

APPELANTS

****************

Monsieur [G] [F]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentant : Me Claire CORBILLE LALOUE de la SCP POISSON & CORBILLE LALOUE, Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000019 - N° du dossier 20121044

Représentant : Me Alexandre DAZIN de la SEP SEP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Monsieur [R] [F]

né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 2] ([Localité 2])

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 3]

Représentant : Me Claire CORBILLE LALOUE de la SCP POISSON & CORBILLE LALOUE, Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000019 - N° du dossier 20121044

Représentant : Me Alexandre DAZIN de la SEP SEP LACHAUD MANDEVILLE COUTADEUR & Associés, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : W06

Madame [P] [Z]

née le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 4] ([Localité 4])

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentant : Me Bruno GALY de l'AARPI BEZARD GALY COUZINET CONDON, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000002 - N° du dossier 17710

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Novembre 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline MARILLY, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Odette-Luce BOUVIER, Président,

Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,

Madame Céline MARILLY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Catherine CHARPENTIER,

FAITS ET PROCEDURE,

Mme [P] [Z] a prêté, le 31 octobre 2011, une somme de 20.000 € euros à M. [H] [F], remboursable sur une durée de 10 années, moyennant un taux d'intérêt annuel de 2.25 % l'an.

[H] [F] étant décédé le [Date décès 1] 2011, il a laissé pour lui succéder ses deux enfants [R] et [G] [F].

Par actes en date du 29 et 30 août 2012, Mme [Z] a saisi le tribunal de grande instance de Chartres afin de solliciter la condamnation de M. [G] [F] et de M. [R] [F] à lui verser 20.000 euros en principal et des intérêts à concurrence de 2.25 % l'an à compter du 31 octobre 2011.

A la suite de la délivrance de l'assignation, MM [G] et [R] [F] (les consorts [F]) ont déposé auprès du greffe du tribunal de grande instance de Chartres une déclaration d'acceptation à concurrence de l'actif net de la succession de leur père.

Maître [W] [L], notaire à Montgeron, n'ayant pu déposer l'inventaire dans le délai initialement imparti, une demande de prorogation de délai a été sollicitée et obtenue auprès du président du tribunal de grande instance de Chartres qui, par ordonnance du 31 janvier 2013, a accordé un délai complémentaire de 4 mois à compter de l'ordonnance, afin de dépôt de l'inventaire.

En définitive, l'inventaire de la succession a été signé le 31 mai 2013 et déposé au greffe du tribunal de grande instance de Chartres le 7 juin 2013, ce qui a donné lieu à la délivrance d'un certificat de dépôt tardif de l'inventaire.

Mme [Z] a dès lors soutenu devant le tribunal de grande instance que les consorts [F] étaient désormais réputés acceptants purs et simples.

Les consorts [F] ont assigné maître [W] [L] et son étude en intervention forcée aux fins de garantie dans l'hypothèse où le tribunal retenait que les consorts [F] étaient désormais réputés acceptants purs et simples.

Par jugement du 11 mars 2015, le tribunal de grande instance de Chartres a :

- condamné MM. [G] et [R] [F] à payer à Mme [P] [Z] la somme de 20.000 euros avec intérêts à 2,25 % à compter du 15 mai 2012;

- condamné in solidum maître [L] et la SCP [L] et [J] à garantir MM. [G] et [R] [F],

- rejeté les demandes en application de l'article 700 du de procédure civile,

- condamné MM. [G] et [R] [F] aux dépens,

- condamné in solidum maître [L] et la SCP [L] et [J] à garantir MM. [G] et [R] [F] du chef des dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Le 23 avril 2015, M. [L] et la société [L] et [J] ont formé appel dudit jugement.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 23 octobre 2015, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [L] et la société [L] et [J], appelants, demandent à la cour de:

- réformer la décision entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- déclarer l'appel en garantie formé par les consorts [F] irrecevable, mal fondé et les en débouter ;

- subsidiairement, surseoir à statuer dans l'attente de l'arrêt qui sera rendu par la cour d'appel de Versailles à la suite de l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance rendue par le président du tribunal de grande instance de Chartres le 14 août 2015 ;

- condamner les consorts [F] en tous les dépens.

Au soutien de leur demande d'infirmation de la décision, M.[L] et la société [L] et [J] soutiennent que les consorts [F] ne rapportent pas la preuve incombant au demandeur à une action en responsabilité civile professionnelle, de l'existence d'un lien de causalité entre la faute qui est reprochée à l'étude et le préjudice qu'ils invoquent, à savoir, la garantie de la créance de Mme [Z].

Ils indiquent que la faute reprochée à l'étude n'est pas à l'origine du préjudice subi par les consorts [F]. En effet, selon les appelants, l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net ayant été formalisée le 25 octobre 2012, le délai pour déposer l'inventaire expirait le 26 décembre 2012. Or, la requête pour proroger le délai imparti ayant été déposée le 31 décembre 2012, aucun délai supplémentaire n'aurait dû pouvoir être accordé aux consorts [F] qui étaient réputés acceptants pur et simple le 26 décembre 2012.

A titre subsidiaire, ils sollicitent le sursis à statuer en arguant du fait que la faute qui leur est reprochée n'aurait dû avoir aucune incidence sur la situation des consorts [F], si l'ordonnance rendue le 31 janvier 2013 par le tribunal de grande instance de Chartres ne lui avait pas à tort, accordé un délai supplémentaire de 4 mois, à compter du prononcé de l'ordonnance, pour procéder au dépôt de l'inventaire de la succession de [H] [F] ; que c'est la raison pour laquelle ils ont assigné les consorts [F] en référé rétractation de ladite ordonnance, et ont fait appel de la décision du président du tribunal de grande instance de Chartres, qui a, par ordonnance du 14 août 2015, rejeté cette demande, au motif que la requête aurait été déposée le 24 décembre, et non le 31 décembre 2015 ; que l'affaire étant pendante devant la cour d'appel de Versailles, la cour saisie du présent appel ne pourra statuer en l'état.

Enfin, ils soutiennent que les consorts [F] ne rapportent pas la preuve d'un préjudice actuel et certain, car ces derniers ne démontrent nullement que l'actif successoral serait inférieur au passif et qu'ils seraient tenus des dettes de leur père sur leur patrimoine personnel du fait de la prétendue faute du notaire ; qu'en effet, le tableau communiqué à la cour ne reprend pas l'inventaire établi par l'étude et ne saurait tenir lieu de déclaration de succession ; qu'il ne vise des dettes qui ne figurent pas sur l'inventaire, fait état de caution bancaire qui ne constitue nullement en l'état, une créance certaine et liquide et exigible et ne reprend pas les avoirs du défunt au soir de son décès.

Dans leurs dernières conclusions transmises le 18 septembre 2015, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. [G] [F] et M. [R] [F], intimés, demandent à la cour de:

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

- débouter Maître [L] et la SCP [L] et [J] de l'intégralité de leurs demandes contraire au présent dispositif,

- débouter Mme [Z] de l'intégralité de ses demandes contraires au présent dispositif,

- condamner solidairement maître [L] et la SCP [L] et [J] à régler aux consorts [F] la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement maître [L] et la SCP [L] et [J] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Poisson Corbille Laloue, avocat aux offres de droit, en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure civile ;

Au soutien de leurs demandes, ils invoquent la faute du notaire en charge du règlement de la succession de leur père, [H] [F], qui a déposé l'inventaire de ses biens, le 7 juin 2013, en dépassant ainsi le délai prorogé et fixé par le tribunal au 31 mai ; que cette faute a entraîné automatiquement la sanction de l'alinéa 4 de l'article 790 du code civil, les héritiers étant dès lors, réputés acceptants purs et simples et tenus personnellement responsables des dettes contractées par le défunt, alors même qu'il résulte de l'inventaire dressé par Me [L] que le passif est supérieur à l'actif successoral.

Ils font valoir par ailleurs, que le recours en rétractation de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Chartres du 31 janvier 2013, par laquelle les consorts [F] avaient obtenu un délai complémentaire pour déposer l'inventaire de la succession de leur père, a pour seul objectif de leur permettre d'échapper à leur responsabilité, alors même que les notaires avaient eux mêmes demandé aux héritiers de solliciter une prorogation du délai, puisqu'ils n'étaient pas en mesure de le faire ; que la requête aux fins de prorogation du délai avait été transmise dans les délais, faxée et adressée par voie postale le 21 décembre 2012, mais également déposée directement au greffe, par l'intermédiaire de la SCP Poisson Corbille Laloue, le 24 décembre 2012.

Dans ses dernières conclusions transmises le 6 août 2015, et auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [Z], intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- condamner MM. [G] et [R] [F] à lui payer la somme de 20.000 euros avec des intérêts au taux contractuel de 2,25 % l'an depuis le 31 octobre 2011 jusqu'au paiement,

- outre la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais de première instance,

- et les entiers dépens de première instance qui seront recouvrés directement par l'AARPI Bezard Galy Couzinet Condon en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Y ajoutant

- de condamner solidairement MM. [G] [F] et [R] [F], maître [W] [L] et la SCP [L] & [J] à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens d'appel qui seront recouvrés directement par l'AARPI Bezard Galy Couzinet Condon en application de l'article 699 du code de procédure civile,

Au soutien de ses demandes, Mme [Z] fait valoir qu'il n'est pas discuté que les consorts [F] sont réputés acceptants purement et simplement, le délai fixé pour le dépôt de l'inventaire de la succession au greffe n'ayant pas été respecté et qu'ils répondent de ce fait des dettes et charges de la succession.

Elle ajoute que c'est à tort que le tribunal a fixé le point de départ des intérêts à compter de la mise en demeure comme s'il s'agissait d'intérêts moratoires, alors qu'il s'agit d'intérêts contractuels, courant, conformément au contrat, de la date du prêt.

Elle soutient enfin que le notaire ne forme aucune critique contre les condamnations obtenues par Mme [Z] et se borne à remettre en cause la garantie obtenue par les consorts [F], exposant que leur requête en prolongation du délai pour déposer l'inventaire aurait été tardive; qu'il s'agit d'un moyen nouveau jamais invoqué en première instance et contraire à la pièce 24.

****

La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 octobre 2016.

L'audience de plaidoirie a été fixée au 21 septembre 2016 et le délibéré au 12 janvier 2017.

SUR CE LA COUR

Sur la demande de paiement des intérêts

Il n'est pas contesté en appel que le dépôt de l'inventaire de la succession de leur père au tribunal était tardif et que les consorts [F] sont donc réputés acceptants purs et simples, conformément à l'article 790, alinéa 4, du code civil et qu'ils sont tenus en conséquence au paiement de ses dettes, et notamment du prêt consenti à leur père par Mme [Z] d'un montant de 20.000 euros.

Le tribunal de grande instance de Chartres a condamné les consorts [F] à payer à [P] [Z] la somme de 20.000 euros, avec intérêts à 2,25 % à compter du 15 mai 2012, date de réception de la lettre de mise en demeure.

Est uniquement contesté en cause d'appel le point de départ desdits intérêts.

La cour relève qu'il résulte de la pièce produite au dossier relative au prêt consenti par Mme [Z] à [H] [F] et qui s'intitule 'testament', que le rédacteur, [H] [F] a spécifié, le 31 octobre 2011, qu'un 'prêt personnel lui est consenti par [P] [Z] pour une durée de dix ans et que pour le cas où son décès interviendrait avant le remboursement complet, ses héritiers seront tenus solidairement d'achever ce remboursement en vertu du présent testament majoré d'un intérêt de 2,25 %.'.

Le taux évoqué par le défunt dans son 'testament' peut s'analyser en un taux conventionnel, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté en appel par les consorts [F].

Les intérêts contractuels courent à compter du jour du contrat de prêt, en l'espèce, le 31 octobre 2011.

Il convient par conséquent d'infirmer la décision du premier juge qui a considéré à tort que les héritiers devaient payer des intérêts à compter du 15 mai 2012 , date de la réception de la lettre de mise en demeure et statuant à nouveau, de condamner MM. [G] [F] et [R] [F] à payer à Mme [P] [Z] la somme de 20.000 euros avec intérêts à 2,25 % à compter du 31 octobre 2011,

Sur la responsabilité du notaire et l'appel en garantie

Selon l'ancien article 1382 du code civil applicable à l'espèce, l'instance ayant été engagée avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-130 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à la réparer.

En l'espèce, maître [L], notaire, s'est vu confier le règlement de la succession de [H] [F], impliquant notamment la rédaction de l'inventaire de la succession du défunt, les consorts [F] ayant déposé au greffe du tribunal, une déclaration d'acceptation de la succession de leur père à concurrence de l'actif net, le 25 octobre 2012.

En sa qualité de professionnel et tenu à un devoir de conseil, le notaire se devait de respecter les délais légaux fixés par l'article 790 du code civil pour le dépôt de l'inventaire au greffe du tribunal et permettre ainsi aux consorts [F] de n'être héritiers qu'à concurrence de l'actif net, comme ils le souhaitaient.

C'est d'ailleurs à ce titre, et dans le cadre de sa mission, que maître [L] a rédigé une attestation le 21 décembre 2012 dans laquelle il a indiqué qu'il 'apparaissait impossible en l'état de déposer dans les délais convenus ledit inventaire, en raison de divers éléments tant d'actif que de passif qui restent à définir' et 'qu'il était requis auprès du tribunal de grande instance de Chartres une prorogation du délai du dépôt de l'inventaire du patrimoine successoral', à hauteur de deux mois.

Il résulte donc des pièces du dossier que le notaire a conseillé et soutenu les consorts [F] dans leur démarche de demande de prorogation de délai, accordé le 31 janvier 2013, par ordonnance du tribunal de grande instance de Chartres, pour une durée de 4 mois à compter du prononcé de ladite ordonnance.

Maître [L] conteste désormais la prolongation ordonnée par le tribunal qui aurait, selon lui, été saisi tardivement par les consorts [F].

Il est constant que les parties peuvent soutenir en cause d'appel des moyens nouveaux au soutien des prétentions soumises au premier juge dès lors qu'il n'existe pas de contradiction entre les moyens invoqués en première instance et en appel.

Toutefois, le moyen soutenu en l'espèce par maître [L] tiré de la tardiveté de la demande de prorogation de délai est inopérant en ce qu'il importe peu de savoir, à ce stade de la procédure, si le tribunal a été saisi tardivement ou non, puisqu'il appartenait en tout état de cause au notaire de veiller à ce que les délais pour le dépôt de l'inventaire soit respectés, y compris ceux qui devaient permettre aux consorts [F] d'obtenir une prolongation de délai que le notaire avait d'ailleurs lui-même préconisé.

Les manquements du notaire et les conséquences pour les consorts [F] auraient été les mêmes avant la prolongation du délai, l'inventaire n'ayant pas été déposé dans le délai légal.

Il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer en attendant que la cour d'appel statue sur l'appel qui aurait été formé contre la décision rejetant la demande de rétractation de l'ordonnance accordant une prorogation de délai.

Il n'est en outre pas reproché au notaire la tardiveté du dépôt de la requête aux fins de prolongation du délai mais bien la tardiveté du dépôt de l'inventaire dans le délai accordé par le tribunal de grande instance.

Ces manquements à ses obligations et notamment à son devoir de conseil des consorts [F] constituent une faute susceptible d'engager sa responsabilité quasi délictuelle en application de l'ancien article 1382 du code civil.

Le préjudice résultant de façon directe et certaine de ce dépôt tardif de l'inventaire découle de l'application stricte de l'alinéa 4 de l'article 790 du code civil, les héritiers étant automatiquement réputés acceptant purs et simples de la succession et tenus à ce titre de payer les dettes de leur père, y compris pour un montant supérieur au montant des actifs reçus et ne pouvant plus opter pour une acceptation limitée aux actifs.

Il n'appartient pas à la cour de déterminer le montant contesté des actifs et du passif de la succession, le seul fait d'avoir été privé des effets de l'acceptation de la succession à concurrence de l'actif net, et notamment de pouvoir n'être tenu au paiement des dettes de la succession que jusqu'à concurrence de la valeur des biens recueillis, s'analyse, en effet, en une perte de chance pour les héritiers, qu'il conviendra pour le notaire, qui ne peut être appelé en garantie du paiement de la dette, d'indemniser.

L'indemnisation de la perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée.

Il convient en conséquence d'infirmer la décision de première instance en ce qu'elle a condamné in solidum maître [L] et la SCP [L] et [J] à garantir MM. [G] et [R] [F] et, statuant à nouveau, de condamner maître [L] et la SCP [L] et [J] à payer aux consorts [F], en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de la faute professionnelle commise, l'équivalent des deux tiers du montant de la dette due à Mme [Z] soit la somme de 13.333 euros.

Les autres dispositions du jugement n'étant pas contestées en cause d'appel, elles seront confirmées.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

Il apparaît équitable de condamner maître [L] et la SCP [L] et [J] à payer in solidum la somme globale de 1.500 euros aux consorts [F] et celle de 700 euros à Mme [Z] au titre des frais irrépétibles de procédure.

Parties perdantes maître [L] et la SCP [L] et [J] supporteront in solidum les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement rendu le 11 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Chartres en ce qu'il a condamné MM. [G] [F] et [R] [F] à payer à [P] [Z] la somme de 20.000 euros,

INFIRME le jugement rendu le 11 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Chartres en ce qu'il a dit que les intérêts de 2,25 % seront dus sur cette somme à compter du 15 mai 2012, et en ce qu'il a condamné in solidum maître [L] et la SCP [L] et [J] à garantir MM. [G] et [R] [F],

Statuant à nouveau de ces chefs,

CONDAMNE MM. [G] [F] et [R] [F] à payer des intérêts à 2,25 % sur la somme de 20.000 euros courant à compter du 31 octobre 2011,

CONDAMNE maître [L] et la SCP [L] et [J] à payer in solidum à MM. [G] [F] et [R] [F], en réparation du préjudice par eux subi, la somme de 13.333 euros,

Y ajoutant,

REJETTE la demande de sursis à statuer

CONDAMNE in solidum maître [L] et la SCP [L] et [J] à payer in solidum la somme de 1.500 euros à MM. [R] [F] et [G] [F] et la somme de 700 euros à Mme [Z] au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE in solidum maître [L] et la SCP [L] et [J] aux entiers dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Odette-Luce BOUVIER, Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 16e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03081
Date de la décision : 12/01/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 16, arrêt n°15/03081 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-12;15.03081 ?
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