COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
19e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 11 JANVIER 2017
R.G. N° 15/01417
AFFAIRE :
SARLAU SIMED
C/
[I] [C]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de POISSY
Section : Industrie
N° RG : 14/00151
Copies exécutoires délivrées à :
SCP OLLIER ET ASSOCIES
Me Dominique DOLSA
Copies certifiées conformes délivrées à :
SARLAU SIMED
[I] [C]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARLAU SIMED
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Juliette HUA de la SCP OLLIER ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
APPELANTE
****************
Monsieur [I] [C]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Assisté de Me Dominique DOLSA, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 444
INTIMÉ
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Stéphane BOUCHARD, conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Claire GIRARD, Président,
Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,
Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,
FAITS ET PROCÉDURE :
M. [I] [C] a été embauché à compter du 22 avril 1974 selon contrat de travail à durée indéterminée par la société Simed en qualité de peintre.
La convention collective applicable à la relation de travail est la convention collective de la métallurgie de la région parisienne.
Par contrat en date 1er juin 1994, la société Simed a attribué à M. [I] [C] un logement de fonction moyennant un loyer mensuel de 2 200 francs, soit 335,39 euros, révisable annuellement.
A compter du mois de juillet 2010, M. [C] a cessé de payer son loyer d'un montant de 415 euros à son employeur.
Par ordonnance en date du 26 septembre 2013, le juge du tribunal d'instance de Versailles a rendu exécutoire la recommandation de la commission d'examen des situations de surendettement des particuliers des Yvelines aux fins de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de M. [C].
Par lettre recommandée avec avis de réception du 30 octobre 2013, la société Simed a notifié à M. [C] son licenciement pour motif économique.
Au moment de la rupture du contrat de travail, la rémunération mensuelle moyenne s'élevait à 1 771,51 euros brut.
Le 10 février 2014, M. [I] [C] a quitté le logement de fonction.
Le 21 mars 2014, M. [I] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Poissy (section industrie) aux fins d'obtenir le paiement de l'indemnité légale de licenciement et de l'indemnité compensatrice de congés payés que la société Simed refusait de lui verser en invoquant une compensation avec les dettes notamment de loyer de ce dernier.
Par un jugement du 9 février 2015, le conseil de prud'hommes a :
- fixé la créance de la société Simed à la somme de 866,67 euros au titre des loyers d'octobre 2013 à février 2014 ;
- condamné la société Simed à verser à M. [I] [C], avec intérêts légaux à compter du 28 avril 2014, date d'audience devant le bureau de conciliation, les sommes suivantes :
* 20 686,70 euros à titre d'indemnité de licenciement ;
* 2 250,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;
- rappelé que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances visées à l'article R. 1454-14, alinéa 2, du code du travail ;
- fixé la moyenne mensuelle des salaires à la somme de 1 771,51 euros ;
- débouté la société Simed de ses demandes reconventionnelles ;
- condamné la société Simed aux dépens, y compris ceux afférents aux actes et procédure d'exécution éventuels, et au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 10 mars 2015, la société Simed a régulièrement relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions du 4 novembre 2016, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la société Simed demande à la cour de :
- infirmer le jugement ;
- débouter M. [I] [C] de l'ensemble de ses demandes ;
- juger que M. [I] [C] reste redevable de la somme de 34 171,91 euros au titre des loyers et charges dus pour l'occupation de son logement de fonction ;
- procéder par compensation au règlement des sommes dues entre les parties et constater que M. [I] [C] reste à devoir à son employeur la somme de 10 663,45 euros au titre des sommes compensées ;
- condamner M. [I] [C] à lui verser la somme de 10 663,45 euros au titre des sommes compensées ;
- condamner M. [I] [C] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions du 16 septembre 2016, soutenues oralement à l'audience, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, M. [I] [C] demande à la cour de :
- confirmer le jugement ;
- débouter la société Simed de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la société Simed aux dépens et au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 4 novembre 2016 ;
SUR CE :
Sur la compensation :
Considérant que la société Simed soutient que M. [C] est débiteur des sommes de 29 195,91 euros au titre des loyers impayés de juillet 2010 au 10 février 2014 et de 4 976,74 euros au titre des 'charges', soit la somme totale de 34 171,91 euros, aux motifs notamment que le salarié n'établit pas la preuve d'un abaissement du loyer de son logement de fonction à la somme de 200 euros mensuelle à compter d'avril 2011 et qu'il ne peut lui opposer l'ordonnance du juge du tribunal d'instance en date du 26 septembre 2013 rendant exécutoire la recommandation de rétablissement personnel faute de notification de cette ordonnance ; qu'après compensation avec l'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice de préavis qu'elle doit à M. [C], ce dernier doit être condamné à lui verser la somme de 10 663,45 euros ;
Que M. [C] soutient que sa dette envers la société Simed est seulement composée des loyers impayés d'octobre 2013 à son départ des lieux le 10 février 2014 d'un montant de 866,67 euros, eu égard à l'abaissement de son loyer à 200 euros mensuels par son employeur à compter d'avril 2011 et à l'ordonnance du juge du tribunal d'instance du 26 octobre 2013 qui a effacé toutes ses dettes non professionnelles nées antérieurement à son prononcé ; qu'il est créancier envers son employeur d'une indemnité légale de licenciement de 21 553,57 euros et d'une indemnité compensatrice de congés payés de 2 250,34 euros ; qu'après compensation entre la dette de loyer et la créance d'indemnité de licenciement, la société Simed lui doit 20 686,70 euros à ce titre ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1290 du code civil dans sa version applicable au litige, la compensation s'opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l'insu des débiteurs et les deux dettes s'éteignent réciproquement, à l'instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu'à concurrence de leurs quotités respectives ; qu'aux termes de l'article 1291 du même code, dans sa version applicable au litige, la compensation n'a lieu qu'entre deux dettes qui ont également pour objet une somme d'argent, ou une certaine quantité de choses fongibles de la même espèce et qui sont également liquides et exigibles ;
Considérant, sur les dettes de la société Simed, que la cour observe que la société, qui ne chiffre pas le montant de ses dettes envers le salarié, ne conteste pas que l'indemnité légale de licenciement à laquelle ce dernier a droit s'élève à la somme de 21 553,37 euros et que l'indemnité compensatrice de congés payés s'élève à la somme de 2 250,34 euros ;
Considérant, sur les dettes de M. [C], qu'en premier lieu, ce dernier n'établit pas que la copie de l'ordonnance du juge du tribunal d'instance de Versailles rendant exécutoire son rétablissement personnel sans liquidation judiciaire et par suite, en vertu de l'article L. 332-5 du code de la consommation, procédant à l'effacement de ses dettes notamment de loyer envers la société Simed qui était partie à la procédure de rétablissement, a été notifiée à cette dernière, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception conformément aux dispositions de l'article R. 334-22 du même code dans sa version applicable au litige ; que dans ces conditions, étant rappelé que la force de chose jugée attachée à une décision judiciaire dès son prononcé ne peut avoir pour effet de priver une partie d'un droit tant que cette décision ne lui a pas été notifiée, M. [C] ne peut se prévaloir d'un quelconque effacement de ses dettes envers la société Simed ; que d'autre part, il ressort de pièces versées aux débats, et notamment d'une quittance de loyer signée par M. [K], président de la société Simed (pièce n°7 de l'intimé), des deux tableaux de décompte des sommes dues par M. [C] établis par la société Simed, dont l'un est versé aux débats par cette dernière (pièce n°4), que l'employeur a, le 23 mars 2011, abaissé à compter du mois d'avril 2011 le loyer de l'intéressé à 200 euros mensuels et sans prévoir désormais d'application de la clause de révision, comme l'a relevé justement le conseil de prud'hommes ; qu'il s'ensuit que le montant des loyers dû par M. [C] doit être fixé à la somme de 10 601 euros (de juillet 2010 à mars 2011 inclus : 415 euros x 9 mois = 3 735 euros ; d'avril 2011 au 10 février 2014 : 200 euros x 34,33 mois = 6 866 euros) ;
Qu'en deuxième lieu, la société Simed ne peut imputer à M. [C] les sommes suivantes mentionnées dans son décompte pour calculer la somme de 29 195,17 euros (pièce n°4) :
- 6 554 euros à titre d'actualisation du loyer, eu égard à l'abandon de la clause de révision mentionné ci-dessus ;
- 2 715,95 euros à titre de factures de gaz impayées, le contrat de location prévoyant expressément que ces frais sont à la charge de l'employeur ;
- 1 793 euros au titre de la taxe foncière, en l'absence de stipulation contractuelle prévoyant le paiement par le locataire de cette taxe due par le propriétaire ;
- 1 078,20 euros au titre de la 'mutuelle', aucun justificatif n'étant apporté sur ce point ;
Qu'en troisième lieu, la société ne justifie par ailleurs en rien du montant de 4 976,74 euros dont elle se prévaut au titre des 'charges' ;
Qu'enfin, ce même décompte fait apparaître une somme de 2 143,98 euros à déduire des dettes de M. [C] au titre de sommes déjà versées ; qu'il y a ainsi lieu de soustraire cette somme de la dette de l'intéressé ;
Qu'en conséquence, il résulte de ce qui précède que la dette liquide et exigible de M. [C] doit être fixée à la somme de 8 457,02 euros au titre des loyers impayés ;
Considérant que par application de la compensation entre la dette de loyer et la dette d'indemnité de licenciement prévue par les articles 1290 et 1291 du code civil dans leur version applicable au litige, M. [C] est fondé à réclamer l'allocation d'une somme de 13 096,35 euros à titre d'indemnité légale de licenciement ; que la société Simed sera en conséquence déboutée de sa demande envers M. [C] ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ces points ;
Que le jugement sera en revanche confirmé en ce qu'il condamne la société Simed à verser à M. [C] une somme de 2 250,34 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;
Sur les intérêts :
Considérant que les sommes allouées porteront intérêts, à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, pour ce qui est des créances de nature salariale et, à compter du jugement en ce qui concerne les créances à caractère indemnitaire ; que le jugement attaqué sera donc infirmé sur ce point ;
Sur les autres demandes :
Considérant qu'eu égard à la solution du litige, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il statue sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;
Qu'en outre, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, il sera alloué à l'avocat de M. [C], qui bénéficie de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros au titre des frais et honoraires non compris dans les dépens que le bénéficiaire aurait exposés en cause d'appel en l'absence de cette aide, à charge pour l'avocat, s'il recouvre tout ou partie de cette somme, de renoncer à percevoir tout ou partie de la part contributive de l'Etat dans les conditions de ce texte ; que de plus, la société Simed, partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il statue sur l'indemnité compensatrice de congés payés, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,
Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la dette de loyer de M. [I] [C] envers la société Simed s'élève à 8 457,02 euros,
Condamne la société Simed à verser à M. [I] [C] une somme de 13 096,35 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
Dit que les sommes allouées porteront intérêts, à compter de la date de réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, pour ce qui est des créances de nature salariale et à compter du jugement attaqué en ce qui concerne les créances à caractère indemnitaire,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société Simed, en application de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à verser à Maître Dominique Dolsa, avocat de M. [I] [C], une somme de 1 000 euros,
Condamne la société Simed aux dépens d'appel,
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Claire GIRARD, président et par Madame POIRIER, greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,