COUR D'APPEL DE VERSAILLES
Code nac : 97Z
6e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 10 JANVIER 2017
R. G. No 16/ 02086
AFFAIRE :
Sylvie X...
C/ SELAS FIDAL
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Janvier 2016 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de CHARTRES
Copies exécutoires délivrées à :
SCP GERBET RENDA COYAC-GERBET
Me Alain BOULARD
Copies certifiées conformes délivrées à :
Sylvie X...
SELAS FIDAL
Copie Pôle Emploi
Au Bâtonnier Au MP
le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant fixé au 29 novembre 2016 puis prorogé au 10 janvier 2017, les parties en ayant été avisées, dans l'affaire entre :
Madame Sylvie X......
Comparante en personne, assistée de Me Sandra RENDA de la SCP GERBET RENDA COYAC-GERBET, avocat au barreau de CHARTRES,
APPELANTE
****************
SELAS FIDAL 32-34 boulevard du Général Leclerc 92200 NEUILLY SUR SEINE
Représentée par Me Alain BOULARD, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE,
INTIMEE ****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Octobre 2016, les parties ne s'y étant préalablement pas opposées, devant la cour composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président, Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller, Madame Françoise DESSET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation FAITS ET PROCÉDURE
Mme Sylvie X..., née le 22 juillet 1961, été embauchée par la SELAS Fidal en qualité de conseil juridique au bureau de Chartres le 1er décembre 1991. Elle a prêté serment comme avocate en janvier 2014. Elle a été promue manager-responsable de mission chargée du développement département droit des sociétés à effet au 1er octobre 2011.
Le 31 mars 2015, alors qu'elle prenait connaissance de deux correspondances du directeur général de la SELAS Fidal et du directeur du bureau de Chartres, M. Y..., adressées toutes deux à son mari, ancien directeur régional de la même société, pour la région du Mans, et relatives aux difficultés qu'elle rencontrait dans son travail, l'intéressée a été prise d'un malaise à son bureau. Transportée au service médical des urgences, elle a été en arrêt maladie pour syndrome dépressif. Elle a fait l'objet d'une visite de reprise le 19 juin 2015 à la suite de laquelle elle a été déclarée inapte à son poste de travail. Une seconde visite du 4 juin 2016 a donné lieu à la rédaction d'une seconde fiche d'inaptitude.
L'employeur a notifié à la salariée son licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception du 2 juillet 2015, ainsi libellée :
« Nous sommes au regret de vous notifier par la présente votre licenciement pour les motifs énoncés ci-après.
Le médecin du travail après une deuxième visite médicale de reprise intervenue le 4 juin 2015, la première ayant eu lieu le 19 mai 2015, a déclaré à l'issue de celle-ci :
" Inapte à son poste de travail, selon l'article R4624-31 du Code du travail. Etude de poste de travail réalisé le 28 mai 2015 (compte rendu joint). Peut occuper un poste d'avocate dans une autre agence que celle de Chartres ".
Nous avons recherché s'il existait des possibilités de vous reclasser au sein du cabinet, conformément aux dispositions de l'article L 1226-2 du Code du travail et aux recommandations du médecin du travail.
Nous vous avons proposé, par courrier du 11 juin 2015, avec copie au médecin du travail quatre postes d'avocats en droit des sociétés :
-1 poste d'avocat expérimenté au bureau de Dax ;-1 poste d'avocat junior à confirmer au bureau de Carcassonne ;-1 poste d'avocat junior au bureau de Besançon ;-1 poste d'avocat confirmé au bureau de Lyon.
Par courrier du 15 juin 2015, vous nous avez fait part de votre refus de ces propositions de poste.
Il n'existe pas d'autre poste de reclassement disponible au sein du cabinet.
En conséquence, votre reclassement s'avérant impossible, nous n'avons d'autre solution que de prononcer votre licenciement.
Aussi nous vous notifions votre licenciement pour inaptitude physique à votre poste déclarée par le médecin du travail et impossibilité de vous reclasser dans l'entreprise suite à votre refus des postes proposés ».
Contestant cette mesure Mme Sylvie X... a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Chartres en application des articles 142 et suivants du décret du 27 novembre 1991 par conclusions du 6 octobre 2015.
Par écritures de la même date, elle a saisi également ledit bâtonnier d'une demande de mesures d'urgence sur le fondement de l'article 148 du décret du 27 novembre 1991, lequel l'a, par décision du 22 janvier 2016, déclarée irrecevable et l'en a déboutée. Appel a été interjeté contre cette décision le 3 mars 2016. Par lettre du 12 mai 2016, la greffe de la cour d'appel accusait réception auprès de l'avocat de Mme Sylvie X... de sa déclaration d'appel, lequel précisait qu'elle n'avait pas déposé copie de la décision attaquée.
L'affaire au fond a été fixée au 22 janvier 2016, date à laquelle une demande de renvoi a été formulée par la salariée.
Par lettre du 2 mars 2016, le conseil de Mme Sylvie X... a saisi la cour d'appel de Versailles par application de l'article 179-5 du décret du 27 novembre 1991, au motif que le délai de 4 mois laissé au bâtonnier était expiré depuis le 20 février 2016, sans que cette dernière autorité n'ait prorogé ce délai par décision motivée.
A l'audience du 4 octobre 2016, les parties ont développé oralement leurs écritures déposées par elles puis signées par le greffier, auxquelles il est référé par application de l'article 455 du Code de procédure civile.
En dernier lieu, la salariée demande la condamnation de la SELAS Fidal à lui payer les sommes suivantes :
-21 122 € d'indemnité de préavis outre celle de 2 112, 20 € d'indemnité de congés payés y afférents avec intérêts au taux légal à compter du 3 juillet 2015, date du licenciement ;-10 448 € de complément d'indemnité de licenciement outre celle de 49 124 € de complément d'indemnité spéciale de licenciement ;-300 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La salariée sollicitait aussi de la cour qu'elle déclare nulles les clauses relatives aux frais dits " frais de dossier " ou aux " frais exposés pour le service de la clientèle et non récupérés sur celle-ci " et déduits selon elle à tort des honoraires produits par Mme Sylvie X... ou à tout le moins que ces clauses lui soient déclarées inopposables. Elle demandait que dans le cas où son adversaire persisterait à estimer que ces frais viennent en sus des honoraires, il soit enjoint à l'expert comptable de Fidal de dire dans les deux mois du prononcé de la décision le pourcentage des factures au sein du bureau de Chartres au cours du dernier exercice mentionnant une somme spécifique au titre de frais de dossier.
D'ores et déjà, Mme Sylvie X... priait la cour de condamner son employeur à lui verser deux provisions l'une de 34 000 € à valoir sur le montant des sommes dues au titre du rappel de salaire correspondant aux frais de dossier et l'autre de 1 788 € à valoir sur le montant des frais non récupérés prélevés à tort. Subsidiairement, elle demandait à défaut de production d'une preuve de la part des créances en question déduites des honoraires, une expertise de nature à déterminer " le montant des créances contestées par le client dans le total de ces frais déduits au cours des trois derniers exercices avant le 31 mars 2015 ".
Mme Sylvie X... sollicitait également la remise par la SELAS Fidal des bulletins de salaires rectifiés depuis le 3 juillet 2012 ou un bulletin récapitulatif des salaires restant dus, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du premier mois qui suivrait le prononcé de l'arrêt.
Enfin il était demandé la condamnation de la SELAS Fidal à payer une provision de 42 250 € " à titre provisionnel " sur les dommages-intérêts pour travail dissimulé.
En troisième lieu Mme Sylvie X... demandait à la cour de constater la nullité de la convention de forfait jour et la condamnation de l'employeur à payer la somme 27 360 € au titre des heures supplémentaires résultant du non respect de cette convention outre la somme de 2 736 € d'indemnité de congés payés y afférents.
En quatrième lieu, Mme Sylvie X... a sollicité la condamnation de la SELAS Fidal à lui verser la somme de 100 000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice consécutif au détournement de clientèle et à la concurrence déloyale imputable au directeur du cabinet M. Thibault Y....
En cinquième lieu elle demandait l'allocation de la somme de 200 000 € pour violation de l'obligation de sécurité de résultat.
En sixième lieu, elle sollicitait la condamnation de l'employeur à lui verser la somme de 2 786 € correspondant au voyage qu'elle devait effectuer avec son mari et qui a dû être annulé en raison du malaise du 31mars 2015.
Elle entendait voir ordonner :- la remise de documents salariaux rectifiés comportant mention du préavis sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la notification de la décision ;- la publication aux frais du cabinet Fidal de la décision à intervenir dans trois journaux professionnels au choix de Mme Sylvie X... à l'échelon national à concurrence de 5 000 € ainsi que dans différents ordres d'avocats en France où le cabinet Fidal dispose d'un bureau.
Elle priait la cour de lui accorder la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
La partie adverse opposait l'irrecevabilité des prétentions nouvelles relatives au complément d'indemnité de licenciement, de dommages-intérêts pour infraction à l'article L 1226-15 du code du travail, d'une provision au titre de frais non récupérés, d'une expertise afin de déterminer les créances contestées et d'une provision au titre du travail dissimulé. Elle soulevait aussi l'incompétence de la cour, au profit du tribunal des affaires de sécurité sociale, sur la demande de remboursement de frais de voyage. Subsidiairement, la SELAS Fidal soutenait le rejet des prétentions adverses.
MOTIFS
Sur l'appel contre la décision du bâtonnier de Chartres du 22 janvier 2016
Considérant qu'aux termes de l'article 933 du Code de procédure civile la déclaration d'appel est accompagnée de la copie de la décision ; qu'il n'est pas soutenu que la décision attaquée du 22 janvier 2016 rejetant des demandes de mesures urgentes ait été produite ; qu'au demeurant elle ne figure pas au dossier ; qu'en conséquence l'appel est irrecevable ;
Sur l'irrecevabilité de la saisine de la cour sur le fondement de l'article 179-5 du décret du 27 novembre 1991
Considérant que la SELAS Fidal soulève l'irrecevabilité de la saisine de la cour sur le fondement de l'article 179-5 du décret du 27 novembre 1991 au lieu de l'article 148 du même décret ;
Considérant qu'aux termes de l'article 149 du décret du 27 novembre 1991, le bâtonnier saisi au fond est tenu de rendre sa décision dans les quatre mois de sa saisine à peine de dessaisissement au profit de la cour d'appel ;
Que ce texte s'inscrit dans le cadre de l'espèce qui est celui d'un litige né à l'occasion d'un contrat de collaboration ou d'un contrat de travail, qui est jugé en application de l'article 142 du même décret par le bâtonnier du barreau auprès duquel l'avocat du collaborateur ou salarié est inscrit, soit celui du barreau de Chartres ;
Considérant qu'il s'en suit que dès lors qu'il est constant que ledit bâtonnier ne s'est pas prononcé dans ledit délai de quatre mois, il s'est trouvé dessaisi en faveur de la cour d'appel comme le prévoit ledit article ;
Considérant certes que le dossier en cause a été transmis à la cour par l'avocat de la salariée joint à une lettre du 2 mars 2016, au visa de l'article 179-5 du décret du 27 novembre 1991 applicable aux différends entre avocats à l'occasion de leur exercice professionnel ; que ce texte, qui ne correspond pas au même champs d'application que celui des articles 142 et suivants applicable à l'espèce concernant spécialement les litiges nés des contrats de collaboration ou de travail liant des avocats, dispose que le bâtonnier rend sa décision dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, en règle générale, faute de quoi chacune des parties peut saisir la cour d'appel dans le mois qui suit l'expiration de ces délais ;
Considérant que par suite les deux textes aboutissent au même résultat au présent cas, de sorte que malgré le visa inexact donné par le conseil de la salariée pour fonder sa saisine de la cour, celle-ci est tenue de se prononcer pour répondre aux demandes de Mme Sylvie X... ;
Sur l'irrecevabilité des demandes nouvelles
Considérant que la SELAS Fidal soulève l'irrecevabilité des demandes qui n'avaient pas été formulées à l'égard du bâtonnier, à savoir un complément d'indemnité de licenciement, des dommages-intérêts pour infraction à l'article L 1226-15 du Code du travail, une provision sur rappel de salaire au titre des frais non récupérés, une expertise afin de déterminer les créances contestées et une provision pour travail dissimulé ;
Considérant que la procédure opposant un avocat employeur à un avocat salarié est régie par les règles relatives à la procédure prud'homale et notamment par l'article R 1452-7 selon lequel toutes demandes nouvelles dérivant d'un même contrat de travail sont recevables même en appel ; que l'exception d'irrecevabilité doit donc être rejetée ;
Sur le forfait jour
Considérant que Mme Sylvie X... soutient avoir effectué des heures supplémentaires pour avoir travaillé de 8 heures à 20 heures chaque jour, soit 231 heures par mois, au lieu des 218 prévues par le forfait jours, à quoi s'ajoutait 2 à 3 heures par samedi ou dimanche, ce qui donne 252 heures sur douze mois au-delà du forfait jour ; Qu'elle sollicite à ce titre sur la base de 40 € de l'heure, une rémunération de 27 360 € outre 2 736 € d'indemnité de congés payés y afférents ;
Considérant que l'employeur répond qu'elle n'étaye pas notamment par un relevé précis les heures effectuées, qu'elle bénéficiait d'une totale liberté dans l'organisation de son temps de travail, qu'elle a d'ailleurs signé les décomptes de rémunération établi par l'employeur, que sa demande est d'autant plus exagérée qu'elle compte des heures supplémentaires comme si elle était soumise à des heures de bureau pendant les congés payés et ne tient en revanche pas compte de sa baisse d'activité durant les derniers mois, que sa mission ne requérait pas des heures supplémentaires pour lesquelles elle était au demeurant rémunérée en tout état de cause à travers l'intéressement ;
Considérant que de manière liminaire il doit être relevé que la salariée n'avance aucun moyen de nature à fonder la nullité du forfait ; qu'en revanche, il convient de rechercher si la salariée a effectué des heures supplémentaires au-delà du forfait et pour lesquelles elle doit bénéficier d'une rémunération ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 317-4 du Code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Considérant que si la preuve des horaires de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ;
Considérant sur la demande en paiement d'heures supplémentaires effectuées au-delà du forfait, que c'est à tort que l'employeur reproche à la salariée d'avoir calculé des heures supplémentaires au titre de la période de congés, le mode de calcul des heures supplémentaires qui consiste à les évaluer sur l'année pour les ramener à la durée des périodes travaillées excluant une telle erreur ; qu'en revanche son temps de travail doit être relativisé à l'aune de sa liberté dans l'organisation de son travail qui lui permettait de vaquer parfois à ses activités personnelles pendant les heures de bureau ; qu'en outre Mme Sylvie X... a adressé à son directeur de bureau un courriel du 22 décembre 2014 rapportant qu'elle travaillait de 8 heures à 20 heures, ce qui n'a jamais donné lieu à contestation ;
Qu'il n'en demeure pas moins que selon l'attestation de son employée de maison, Mme Sylvie X... quittait son domicile le matin avant 8 heures 15 et qu'elle ne rencontrait cette personne qu'au moyen de rendez-vous en début d'après-midi ;
Que l'employeur s'agissant d'une petite structure ne pouvait ignorer l'existence des heures supplémentaires effectuées au bureau tardivement le soir ; que son absence de contrôle du nombre d'heures effectuées s'assimile à une autorisation tacite de les effectuer ; qu'en revanche les heures effectuées le week end n'apparaissent pas avoir été autorisées de manière certaine ;
Considérant qu'il suit de l'ensemble de ces observations que la salarié étaye l'exécution de 216 heures supplémentaires sur les 3 ans non atteints par la prescription, dont une année où son rythme s'est réduit ;
Considérant que la signature par la salariée d'un décompte d'heures inférieur pendant l'exécution d'un contrat de travail et l'absence de réclamation de sa part, pendant cette période ne fait pas disparaître son droit à rémunération ; que l'employeur ne parvient pas à justifier d'un nombre d'heures inférieur ;
Considérant que dans ces conditions et reprenant le mode de calcul desdites heures non critiquées par l'employeur il lui sera alloué la somme de 8640 € outre 864 € d'indemnité de congés payés y afférents ;
Sur les clauses relatives aux frais de dossier
Considérant que le contrat de travail dispose :
" Le manager responsable de mission percevra :
- Un intéressement sur honoraires au taux de 33, 25 pour cent ;- Les honoraires nets servant de base à cet intéressement sont ceux acquis au jour de la clôture de l'exercice social par le travail personnel de l'avocat tels qu'ils sont retenus pour l'établissement du compte de résultat de la direction régionale à laquelle l'avocat est rattaché, déduction faite des créances douteuses déterminées selon les usages du cabinet, des ajustements rendus nécessaires notamment travaux restant à exécuter, participation d'autre intervenants, frais exposés pour le service de la clientèle et non récupérés sur celle-ci (...).
Quelles que soient les modalités de facturation, les taxes fiscales, droits d'ordre, droits de plaidoirie et contributions équivalente, frais de dossier (...) ne constituent pas des honoraires ".
Considérant que Mme Sylvie X... soutient que ces clauses sont nulles en ce qu'elles concernent les frais de dossier, puisque d'abord le taux de ceux-ci n'a cessé d'augmenter, ensuite le libellé de la clause est imprécis, et enfin elle ouvre la porte à l'arbitraire de l'employeur ;
Considérant que les frais de dossiers exposés pour le client sont appréciés par l'avocat chargé du dossier en vue du bon avancement de celui-ci, indépendamment de la volonté de l'employeur et ne font pas porter les risques d'entreprise sur le salarié, tandis qu'il n'est pas allégué que ces frais aient pour effet de réduire le salaire de l'intéressé, dont il n'est qu'une composante, en dessous des minima sociaux ;
Considérant que l'analyse de ces clauses démontre que l'intéressement de la salariée porte sur les honoraires nets, ce qui explique que les frais de dossier facturés au client et non payés par celui-ci soient exclus de leur base de calcul, tandis que lorsqu'ils sont payés par lui, ils viennent nécessairement réduire la base de calcul des commissions comme venant en soustraction de la contrepartie de la prestation ; que l'on ne voit pas en quoi un tel mode de calcul porte atteinte à la déontologie ; que si la salariée se plaint de risques d'abus, elle ne les explique pas concrètement ni a fortiori ne justifie en avoir été victime ; que dans ces conditions, elle sera déboutée de sa demande de rappel de salaire à ce titre ;
Considérant que la salariée subsidiairement prie la cour de déclarer cette clause inopposable en ce qu'elle n'a pas eu libre accès à la clientèle nouvelle de Fidal au cours des trois derniers exercices ; qu'aucun lien de permet de faire dépendre l'opposabilité de cette clause à la question du libre accès à la clientèle ;
Considérant qu'il est sans intérêt au vu du développement qui précède d'enjoindre à l'expert comptable de préciser le pourcentage des factures au sein du bureau de Chartres au cours du dernier exercice, mentionnant une somme spécifique au titre des frais de dossier ;
Sur la demande d'indemnité de travail dissimulé
Considérant que la salariée sollicite l'allocation de la somme de 42 450 € d'indemnité de travail dissimulé, par suite de la rétention d'honoraires d'une somme correspondant aux frais de dossier ; que dès lors qu'elle succombe sur cette contestation des frais de dossier, il convient de la débouter de sa demande ;
Considérant que l'employeur n'évoque pas à l'appui de cette demande les heures supplémentaires non mentionnées sur les bulletins de paie et non déclarées ; qu'il convient cependant de préciser que l'intention de la SELAS Fidal de se soustraire à ses obligations de ce chef n'est pas caractérisée, dès lors que l'employeur quoique non opposé à l'exécution d'heures supplémentaires ne les a pas contrôlées exactement et n'a pas necéssairement agi intentionnellement ;
Sur les demandes de détournement de clientèle ou concurrence déloyale
Considérant que la SELAS Fidal soulève l'incompétence du bâtonnier et donc de la cour pour se prononcer sur les demandes de Mme Sylvie X... en paiement de la somme de 100 000 € de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et détournement de clientèle résultant notamment ce que le directeur de bureau aurait traité plusieurs dossiers relevant de la salariée ;
Considérant que ce que celle-ci dénomme concurrence déloyale ou détournement de clientèle ne s'analyse pas comme un acte lié à la concurrence entre deux personnes en dehors des liens du contrat de travail ; que le traitement par le directeur de bureau ou par une autre salariée de clients qui selon le contrat de travail devrait l'être par Mme Sylvie X... qui se trouve de ce fait privée de revenus caractérise un différend entre l'employeur et le salarié qui s'est élevé à l'occasion d'un contrat de travail et relevant donc du conseil des prud'hommes selon l'article L 1411-1 du Code du travail ; que par conséquent le bâtonnier statuant dans ce cadre en raison de l'existence d'un contrat de travail entre deux avocats est bien compétent ;
Considérant que, sous la qualification de détournement de clientèle et de concurrence déloyale, Mme Sylvie X... reproche à son directeur de bureau M. Y..., compétent en droit fiscal, d'être intervenu dans son secteur d'activité qui est le droit des sociétés, en faisant des actes chez des clients dont elle avait la charge, en prenant des clients nouveaux en droit des sociétés en dépit des normes d'attribution au sein de la SELAS Fidal, de s'être attribué des honoraires notamment après son départ, pour un travail effectué par la salariée et d'avoir réduit son volume d'affaire au profit de sa consoeur, Maître Z..., seule autre personne du cabinet à connaître du droit des sociétés ;
Considérant que l'employeur estime le grief inopérant, dès lors que l'avocat salarié n'a pas de clientèle personnelle et que la partie adverse ne justifie pas de ses allégations ;
Considérant que les conditions particulières du contrat de travail du salarié précisent que l'intéressée est affectée à un département particulier celui du droit des sociétés dont il est constant qu'il était constitué de deux avocats et doit assurer le développement de la clientèle ; que Mme Sylvie X... était payée en partie par commissions sur les honoraires de sorte que l'employeur se devait de lui permettre de progresser en fonction de l'importance de la clientèle du cabinet dans sa spécialité ; qu'il s'ensuit que le devoir de loyauté de l'employeur en l'absence de clause plus précise sur la répartition des dossiers, implique que le directeur de bureau ne prenne pas en main des actes inhérents à des clients traités habituellement par la salariée sans reproche ou encore qu'il s'attribue des dossiers ne relevant pas de son propre secteur sauf exception ;
Considérant qu'il n'en résulte pas pour autant que tout client auparavant traité par Mme Sylvie X... devait le demeurer si l'organisation requise pour le bon fonctionnement du cabinet exigeait le contraire ;
Considérant que l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 dispose que l'avocat salarié bénéficie de l ‘ indépendance que comporte son serment et n'est soumis à un lien de subordination à l'égard de son employeur que pour la détermination de ses conditions de travail ; que le mode de répartition au sein du cabinet qui ressort du compte rendu de réunion du 20 décembre 2012 révèle que s'agissant des dossiers nouveaux et de nouveaux clients, en droit des sociétés, c'est au directeur de bureau de voir à qui il confiera un dossier suivant les compétences et aussi suivant la charge de travail de chacun ; que ceci répond à un souci de méthode qui ne peut en tant que tel être assimilé à une atteinte au statut de l'intéressée ou à une manière de la désavantager ;
Considérant que la salariée, s'appuyant sur des documents établis par l'employeur relatifs à son chiffre d'affaire et à celui de l'autre avocate spécialisée en droit social entrée au cabinet en 2001, Maître Z..., allègue une nette détérioration de sa situation à partir de la mise en place de nouveau régime de répartition des dossiers et clients nouveaux par le directeur de bureau M. Y... ; qu'ainsi, il apparaît qu'entre le 20 décembre 2012, le 30 septembre 2013 et le 30 septembre 2014, les résultats de Maître Z... sont passés successivement de 142 896 €, à 170 486 € puis à 194 369 €, tandis que ceux de Mme Sylvie X... passaient de 229 414 € à 214 875 € et à 199436 €, ce qui traduit une détérioration des revenus de l'avocate manager et ancienne au profit d'une amélioration de ceux de l'autre ; que des tableaux analytiques produits par l'employeur pour les besoins de la cause ne sauraient porter atteinte à la valeur probante des tableaux synthétiques également établis par l'employeur et ainsi invoqués par la salariée ; qu'ainsi la détérioration de la situation de celle-ci à compter de la fin 2012 est avérée ; que sur ces périodes, Mme Sylvie X... a perdu par rapport aux chiffre de décembre 2012 [(229 414-170 486) + (229 414-194 369)] 44 517 € de chiffre d'affaire et Maître Z... a gagné [(170 486-142 896) + (194 369-142 896)] 79 063 € ; qu'ainsi une augmentation du chiffre d'affaire sur la période considérée de (79 896-44 517) 35 379 € a été répartie de manière à réduire la part de Mme Sylvie X... et d'augmenter la part de Maître Z... ;
Considérant qu'il en résulte un préjudice financier qui, au vu des chiffres qui précèdent, de la détérioration non contestée de la situation du bureau de Chartres à cette période et du taux d'intéressement de la salariée de 37, 5 %, doit être fixé à la somme de 7 000 € ;
Sur le manquement à l'obligation de sécurité de résultat
Considérant que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et qui, informé de l'existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, a pris les mesures immédiates propres à le faire cesser ;
Considérant que la salariée reproche à l'employeur le manquement à l'obligation de sécurité en ce qu'alors qu'elle a saisi le CHSCT le 2 juin 2015 elle n'a reçu de convocation pour une enquête prévue au 28 octobre 2015, alors que le départ de l'entreprise datait de sept mois, que son directeur de bureau a laissé son état de santé se dégrader tout en informant le directeur régional, que le même directeur de bureau a porté atteinte à son moral en la dévalorisant, en lui imposant un lien de subordination, en la privant du contact avec la clientèle nouvelle du cabinet, en ne respectant pas l'égalité entre elle-même et l'autre avocate du cabinet spécialisée en droit des sociétés, en profitant personnellement de cette impossibilité d'accéder à la clientèle nouvelle, pour se l'attribuer en ne prenant pas de mesures malgré une lettre du mari de Mme Sylvie X... datée du 10 février 2015 adressée au directeur régional et au directeur de bureau, alors qu'au surplus elle avait fait l'objet d'un arrêt de travail à la mi mars avant le malaise du 31 suivant ;
Considérant qu'en réponse à la lettre du M. Claude X... des 10 et 13 février 2016, qui mettait en exergue notamment l'atteinte relevée plus haut aux droits de la salariée à conserver un volume de clientèle dont rien ne justifiait la réduction, il n'a été répondu que par deux courriers des destinataires des 5 et 10 mars 2013 niant toute difficulté ; que l'intéressée a été en arrêt maladie du 10 mars jusqu'au 17 mars 2016 pour " burn out " ; que pourtant il n'apparaît pas que l'employeur ait pris des mesures notamment en se préoccupant de la saisine précitée du CHSCT faite par la salariée ou en mettant en oeuvre les mesures exigées par l'article L 4121-2 du Code du travail notamment pour éviter les risques tels que le " burn out " dont a été victime la salariée ; que dès lors il y a bien manquement à l'obligation de sécurité de résultat ;
Considérant que les autres griefs de nature à soutenir ce moyen à savoir notamment le despotisme, l'abus de pouvoir, le favoritisme, mise à part la question de la répartition anormale de clientèle, ne sont pas établis, dès lors qu'ils ressortent essentiellement d'écrits de Mme Sylvie X... ou de son mari qui peuvent pour une large part n'être que le fruit d'un ressenti ;
Considérant que les manifestations d'insatisfaction de la salariée, la saisine du CHSCT et la dévalorisation résultant de la baisse illégitime de son activité étaient de nature à porter atteinte à son équilibre psychique et se sont traduits pas deux arrêts maladie en mars 2015 ; que le préjudice subi antérieurement au malaise à l'origine de l'inaptitude sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 5 000 € ;
Sur la rupture
Considérant que Mme Sylvie X... invoque l'illicéité du licenciement dès lors que celui-ci découle d'un accident du travail, à savoir son malaise du 31 mars 2015, et qu'il n'a pas été précédé d'une consultation des délégués du personnel sur les postes de reclassement proposés en application de l'article L 1226-10 du Code du travail ;
Considérant que la SELAS Fidal répond que nonobstant la déclaration faite de l'accident comme accident du travail, tel n'était pas le cas comme l'a décidé la CPAM le 10 août 2015, au motif que la perte de connaissance s'était produite à l'occasion de la lecture de lettres destinées à un tiers, son mari ;
Considérant qu'il est constant que le refus de reconnaissance de l'accident du travail par cet organisme a fait l'objet d'un recours devant la Commission de recours amiable puis par lettre du 23 novembre 2015 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale qui n'a pas encore statué ;
Considérant que l'indépendance du juge prud'homal et de la juridiction de la sécurité sociale implique que la cour se prononce sur l'existence de l'origine professionnelle de l'accident litigieux, dont il est constant qu'il a donné lieu au malaise du 31 mars 2015, puis à l'inaptitude de l'intéressée ; que ce point non contesté est d'ailleurs établi par l'arrêt de travail remontant à ce malaise, prolongé pour se terminer par la constatation de l'inaptitude professionnelle dans le cadre de la visite de reprise ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 411-1 du Code de la Sécurité Sociale doit être considéré comme accident du travail l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chef d'entreprise, à moins qu'il soit établi que la cause de l'accident est totalement étrangère au travail ;
Considérant qu'il est constant que le malaise litigieux s'est produit dans le bureau de l'intéressée alors qu'elle avait décidé de prendre connaissance de courriers reçus précédemment par son mari de la part du directeur général de Fidal et du Directeur de bureau de Chartres en réponse aux critiques manifestées par le mari de l'avocate, lui-même retraité mais ancien directeur régional de la région du Mans ; que ce dernier agissant dans l'intérêt de Mme Sylvie X... avait fait état auprès de ces deux responsables de la SELAS Fidal des plaintes de son épouse quant au sort qui lui était réservé au sein du cabinet de Chartres ;
Considérant que l'accident en cause s'est produit à l'occasion de la défense de ses intérêts dans le cadre d'un conflit l'opposant à son employeur sur les conditions d'exercice de sa profession, notamment à travers une réduction des affaires qui lui étaient confiées ; qu'il importe peu que la lettre exprimant ses griefs et dont la réponse a provoqué la lésion litigieuse ait été écrite par son mari ; que dès lors, la reconnaissance de l'accident du travail s'impose ;
Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles L 1226-10 et L 1226-15 du Code du travail que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités ; que cette proposition doit intervenir après avis des délégués du personnel faute de quoi, en cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires ;
Considérant que l'absence de consultation des délégués du personnel par l'employeur qui pourtant avait fait une déclaration d'accident du travail frappe donc d'irrégularité le licenciement qui a été mené en violation de ce texte ; que toutefois à défaut de réintégration du salarié, le non respect des obligations relatives à la formalité de consultation des délégués du personnel et celles relatives au reclassement du salarié ne peut être sanctionné que par une seule et même indemnité au titre de l'article L 1226-15 ; que dans ces conditions il convient au préalable de se prononcer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement au regard de l'obligation de reclassement ;
Considérant que Mme Sylvie X... soutient n'avoir pas fait l'objet d'une recherche de reclassement sérieuse ni loyale ;
Considérant que la SELAS Fidal oppose qu'elle a bien proposé quatre postes par lettre du 11 juin 2015 et qu'après cette offre qui a été refusée il ne peut lui être reproché de ne pas actualiser sans cesse ses propositions, alors qu'au surplus les emplois qui se sont révélés après l'offre précitée exigeaient la maîtrise de l'anglais ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 1226-10 à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, cette proposition prenant en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise ;
Que c'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, et de rapporter la preuve de l'impossibilité de reclassement qu'il allègue ;
Considérant que selon l'article L 1226-15 alinéas 2, 3 et 4 du Code du travail, lorsqu'un licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L 1226-10 et L 1226-12 du même code, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; qu'en cas de refus de la réintégration par l'une ou l'autre des parties le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire, qui se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L 1226-14 du même code ;
Considérant que par lettre du 11 juin 2015, la SELAS Fidal a proposé 4 postes en droit des sociétés qui est le domaine de la salariée, en vue de son reclassement, à savoir l'un à Dax du même niveau que le sien et les trois autres à Carcassonne, Besançon et Lyon d'une qualification inférieure ; qu'il est précisé, quant au premier poste, que la maîtrise de l'anglais comme langue de travail est requise ; que la salariée justifie de ce que l'employeur a diffusé par ailleurs par annonces versées aux débats des postes d'avocats en droit des sociétés les 12 juin 2015, 18 juin 2015 et 19 juin 2015 respectivement à Alençon, Brest et Rennes ; que dès lors que la procédure de licenciement n'était pas entamée, il appartenait à l'employeur de poursuivre ses recherches et d'élargir ses propositions tant que Mme Sylvie X... n'avait pas accepté une offre ; que celle-ci précise d'ailleurs que le poste d'Alençon lui convenait pour être situé non loin de sa résidence secondaire qui avait été antérieurement sa résidence principale ; que dans ces conditions le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et implique la condamnation de la SELAS Fidal au paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant minimal d'une année de salaire ;
Sur les conséquences financières du licenciement
Considérant que la salariée sollicite l'allocation de la somme de 300000 € de dommages-intérêts en réparation du préjudice né de la rupture, en exposant avoir embrassé après le licenciement une activité d'avocat indépendant et qu'une étude d'AG2R La Mondiale établit un manque à gagner au cours de son activité jusqu'à sa retraite à 67 ans par rapport à ses revenus de 2013 qui serait la dernière année où elle n'a pas subi la perte de nouveaux client du fait de la politique de son directeur de bureau ;
Considérant que ce travail repose sur une évolution de la durée de l'activité de l'intéressée, une évolution des revenus qu'elle aurait eu au sein de la SELAS Fidal et une évolution de ceux qu'elle devrait avoir après le licenciement, toutes aussi hypothétiques les unes que les autres ; qu'il y a lieu toutefois de tenir compte de la baisse de revenus actuellement avérée puisque le cabinet comptable ECG a évalué le bénéfice prévisionnel de Mme Sylvie X... pour l'année 2016 de 25 650 € ;
Que compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme Sylvie X..., de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer une somme de 120 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant que Mme Sylvie X... estime le montant de l'indemnité légale de licenciement à la somme de 49 124 €, et revendique le double de cette somme à titre d'indemnité spéciale au sens de l'article L 1226-15 du Code du travail qui est égale au double de l'indemnité prévue à l'article L 1234-9 du Code du travail ; qu'elle sollicite finalement la différence entre le montant de cette indemnité spéciale et la somme de 38 676 € versée à titre d'indemnité de licenciement par l'employeur ;
Considérant que l'article L 1234-9 du Code du travail renvoie à l'article R 1234-2 selon lequel l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d'ancienneté auquel s'ajoutent deux quinzièmes de mois par année au-delà du dix ans d'ancienneté ; que l'article R1234-4 du même code précise que le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, soit le douzième de la rémunération des douze derniers mois, qui précèdent le licenciement, soit le tiers des trois derniers mois ;
Considérant que la salariée retient comme la formule la plus avantageuse la moyenne des trois derniers mois de salaire, alors que l'employeur selon ses dires non contestés avait retenu pour servir une indemnité de licenciement la somme de 38 676 € la moyenne des douze derniers mois de salaire ; que toutefois s'agissant d'un licenciement pour inaptitude, l'indemnité compensatrice égale à l'indemnité de préavis, à la différence de l'indemnité de préavis elle-même, n'a pas pour effet de prolonger le contrat de travail et ne doit pas servir au calcul de l'ancienneté qui sert de base l'estimation de l'indemnité spéciale ; que cette ancienneté comprise entre la date d'embauche qui est le 1er décembre 1991 et la date de réception de la lettre de rupture daté du 2 juillet 2015 est donc d'un total de 23 ans, 2 mois et 2 jours ;
Qu'il s'ensuit que l'indemnité de licenciement prévue à l'article L 1234-9 du Code du travail se calcule comme suit :- au titre de 1/ 5 de 20, 585 années d'ancienneté : 1/ 5 x7 075 x 23, 105 = 32693 € ;- au titre de 2/ 15 par année d'ancienneté au-delà de dix ans : 2/ 15 x 7 075 x 10, 105 = 9 532, 38 € ;- soit au total : 32 693 + 9 532, 38 = 42 225, 38 € ;
Et qu'il reste dû à la salariée au titre de l'indemnité spéciale de licenciement qui est de (42 225, 38 x 2) 84 450, 76 € et qui a perçu la somme de 38 676 € d'indemnité de licenciement, la somme de (84 450, 76-38 676) 45 774, 76 € ;
Considérant que Mme Sylvie X... sollicite l'allocation de la somme de 21 122 € d'indemnité de préavis égale au triple du salaire mensuel retenu pour le calcul de l'indemnité de licenciement ; qu'il doit être fait droit à cette prétention ; qu'en revanche elle sera déboutée de la demande d'indemnité de congés payés y afférents dans la mesure où l'indemnité compensatrice n'a pas la nature d'une indemnité de préavis, dès lors que l'inaptitude fait obstacle à son exécution ;
Sur la demande de remboursement des frais de voyage annulé
Considérant que Mme Sylvie X... sollicite le remboursement des frais de voyage d'un montant de 2 786 € pour un séjour en Espagne du 13 au 21 avril 2015 ; qu'en effet elle allègue qu'il n'a pu être effectué en raison de l'arrêt maladie à l'origine de la constatation de son invalidité ;
Considérant que l'employeur soulève l'incompétence de la juridiction prud'homale, dès lors que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a été saisi d'une demande de reconnaissance de l'accident du 31 mars 2015 comme relevant de la législation professionnelle ;
Considérant que sous couvert d'une action en responsabilité à l'encontre de l'employeur pour mauvaise exécution du contrat de travail, la salariée demande en réalité la réparation du préjudice résultant de l'accident du travail dont elle a été victime, ce dont il découle qu'une telle action ne peut être portée que devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale ; que la cour se déclarera donc incompétente ;
Sur la demande de publication de la présente décision
Considérant que Mme Sylvie X... demande la publication aux frais du cabinet Fidal de la décision à intervenir dans trois journaux professionnels au choix de la salariée à l'échelon national à concurrence de 5000 € ainsi que dans les différents ordres des avocats en France où le cabinet Fidal dispose d'un bureau ;
Considérant qu'elle justifie cette prétention par un souci d'exemplarité qui permet de " préserver le maintien et le respect des règles de la profession " et d'assurer une sanction qui frappe " ceux qui s'en égarent " ; que cette préoccupation qui relève du droit pénal n'est pas fondée s'agissant ici seulement de réparer le préjudice subi ; que cette demande sera rejetée ;
Sur les intérêts
Considérant que les sommes allouées à titre de créances contractuelles à savoir l'indemnité spéciale et l'indemnité compensatrice porteront intérêts à compter de la première mise en demeure de les verser ; que celle-ci consiste dans la convocation de la salariée devant le bâtonnier de l'ordre ; que cette date demeure inconnue ; qu'il convient donc de retenir comme point de départ des intérêts, en l'absence de preuve de la réception de la convocation du 21 octobre 2015 avec notification des conclusions de Mme Sylvie X..., la date de cette audience, soit le 22 janvier 2016 ;
Sur la remise de bulletins de paie rectifiés
Considérant que la salariée sollicite la remise de bulletins de paie rectifiés depuis le 3 juillet 2012 et un bulletin récapitulatif des salaires restant dus sous astreinte de 100 € par jour de retard " à compter du premier mois qui suivra le prononcé de l'arrêt à intervenir " ;
Considérant qu'il sera ordonné la délivrance d'un bulletin de paie conforme à la présente décision s'agissant du préavis ; que cette remise devra intervenir dans le mois de la présente décision à peine d'une astreinte de 100 € par jour de retard ;
Sur l'application de l'article 700 du Code de procédure civile
Considérant qu'il apparaît équitable au regard de l'article 700 du Code de procédure civile de condamner l'employeur à verser à l'avocate la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles ; que la SELAS Fidal qui succombe sera condamnée aux dépens ;
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Considérant qu'en application de l'article L 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement, dès lors qu'il ne s'agit pas du licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, en dernier ressort, par arrêt mis à disposition au greffe ;
Déclare irrecevable l'appel formée contre la décision du bâtonnier de Chartres du 27 novembre 2015 ;
Statuant sur les demandes au fond ;
- Rejette l'exception d'irrecevabilité formée par la SELAS Fidal pour demandes nouvelles de Mme Sylvie X... ;- Se déclare compétent sur la demande du chef de détournement de clientèle et concurrence déloyale ;- se déclare incompétent sur la demande de remboursement de frais de voyage et renvoie l'affaire devant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Chartres ;
- Condamne la SELAS Fidal à payer à Mme Sylvie X... les sommes suivantes :
1) 21 122 € d'indemnité compensatrice de préavis ; 2) 45 774, 76 € de complément d'indemnité spéciale de licenciement compte tenu de la somme déjà perçue à titre d'indemnité légale de licenciement ; 3) les intérêts au taux légal de ces deux indemnités à compter du 22 janvier 2016 ; 4) 120 000 € de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; 5) 8 640 € de rappel de salaire pour heures supplémentaires outre 864 € d'indemnité de congés payés y afférents ; 6) 7 000 € de dommages-intérêts pour perte de clientèle ; 7) 5 000 € de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat ; 8) 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Ordonne la délivrance d'un bulletin de paie conforme à la présente décision dans le mois de la notification de celle-ci à peine d'une astreinte de 100 € par jour de retard ;
Déboute Mme Sylvie X...- de sa demande en paiement d'une indemnité de congés payés afférents à l'indemnité de préavis ;- de sa demande en nullité ou inopposabilité des clauses relatives aux " frais de dossier " et " montants non récupérés sur les clients " ;- de sa demande en paiement de provision sur rappel de salaires inhérents aux déductions pour frais de dossier et montants non récupérés sur les clients ;- de sa demande tendant à voir enjoindre à l'expert comptable de préciser le pourcentage des factures au sein du bureau de Chartes au cours du dernier exercice, mentionnant une somme spécifique au titre des frais de dossier ;- de sa demande d'expertise ;- de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;- de sa demande en annulation ou déclaration d'inopposabilité de la convention de forfait jour ;- de sa demande de publication du présent arrêt ;
Ordonne le remboursement par la SELAS Fidal à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées à Mme Sylvie X... à compter du jour du licenciement dans la limite de six mois ;
Condamne la SELAS Fidal aux dépens
-prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,