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10/01/2017 | FRANCE | N°16/00397

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 10 janvier 2017, 16/00397


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 JANVIER 2017



R.G. N° 16/00397



AFFAIRE :



[K] [Z]





C/

SA BUREAU VERITAS









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

Section : Activités diverses

N° RG : F 14/01841



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Copies exécutoires délivrées à :



Me Blandine SIBENALER



SCP JOSEPH AGUERA et ASSOCIES





Copies certifiées conformes délivrées à :



[K] [Z]



SA BUREAU VERITAS







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX JANVIER DEUX MILLE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 JANVIER 2017

R.G. N° 16/00397

AFFAIRE :

[K] [Z]

C/

SA BUREAU VERITAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Nanterre

Section : Activités diverses

N° RG : F 14/01841

Copies exécutoires délivrées à :

Me Blandine SIBENALER

SCP JOSEPH AGUERA et ASSOCIES

Copies certifiées conformes délivrées à :

[K] [Z]

SA BUREAU VERITAS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [Z]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Blandine SIBENALER, avocat au barreau de PARIS,

APPELANT

****************

SA BUREAU VERITAS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Christian BROCHARD de la SCP JOSEPH AGUERA et ASSOCIES, avocat au barreau de LYON,

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BORREL, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation

FAITS ET PROCÉDURE,

Le 11 septembre 1995 M. [Z] a été embauché par la société BUREAU VERITAS selon un contrat à durée indéterminée, en qualité d'expert industrie.

Il est détenteur de plusieurs mandats syndicaux et dispose à ce titre de 70 heures par mois de délégation.

La société verse une indemnité forfaitaire de déjeuner aux salariés itinérants qui sont en mission chez les clients, indemnité qui n'est pas versée aux salariés dans le cadre de leurs heures de délégation, hors réunions institutionnelles.

Par lettre du 27 mars 2013 la société adressait un avertissement à M. [Z] pour utilisation abusive de la messagerie professionnelle à des fins non professionnelles en connaissance de l'interdiction de cet usage.

Malgré la contestation de M. [Z] par lettre du 2 avril 2015, cette sanction était maintenue.

Le 30 août 2013 ce dernier saisissait le conseil de prud'hommes de CHALON SUR SAONE aux fins d'annulation de cet avertissement, mais l'affaire était radiée.

Le 26 juin 2014, M. [Z] saisissait cette fois le conseil de prud'hommes de NANTERRE, lequel, par jugement du 2 décembre 2015, dont il a interjeté appel, l'a débouté de ses demandes d'annulation de l'avertissement et de paiement de rappel de salaire au titre des indemnités forfaitaire de déjeuner pendant ses heures de délégation.

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 7 novembre 2016, auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit :

M. [Z] abandonne sa demande d'annulation de l'avertissement et maintient celle relative aux indemnités forfaitaires de déjeuner, sollicitant l'infirmation du jugement et la condamnation de la société BUREAU VERITAS à lui payer, les sommes suivantes :

- 5 032,35 € à titre de rappel d'indemnités forfaitaires de déjeuner pour les années 2011 à 2014,

- 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BUREAU VERITAS, ci- après la société, conclut à la confirmation du jugement, et au débouté de M. [Z] en toutes ses demandes, sollicitant la somme de 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Le régime des frais professionnels distingue deux situations :

- ils sont remboursés en fonction des dépenses réelles, sur justificatifs,

ou

- ils sont compensés par le versement d'une allocation forfaitaire présumée être utilisée conformément à son objet, sans justificatifs, si leur montant ne dépasse pas, en ce qui concerne les indemnités de repas, un certain montant fixé par l'arrêté ministériel du 20 décembre 2002, selon un barème fixé comme suit :

- en 2011 : 17,10

- en 2012 : 17,40

- en 2013 : 17,70

- en 2014 : 17,90

- en 2015 : 18,10

- en 2016 : 18,30.

Les frais de repas, donnent lieu au sein de la société le plus souvent à des allocations forfaitaires, des indemnités de repas étant allouées dans le cadre d'un déplacement professionnel, sujet du présent litige.

Concernant les frais engagés par les représentants du personnel, comme M. [Z], il faut rappeler que selon l'article L.2143-17 du code du travail, les heures de délégation sont considérées comme des heures de travail, et ne doivent pas entraîner de perte de salaire du fait de l'exercice de ces fonctions de représentant du personnel.

C'est en référence à ce principe de maintien de la rémunération, y compris de ses accessoires (primes diverses, tickets restaurant...), que la cour doit examiner la demande de M. [Z] relative au paiement d'indemnités forfaitaires de déjeuner.

M.[Z] soutient que lorsqu'il est en délégation au titre de ses mandats de délégué du personnel ou de délégué syndical, la société devrait lui verser des indemnités forfaitaires de déjeuner, de la même manière qu'elle lui verse ces indemnités lorsqu'il exerce ses fonctions d'expert et se trouve en déplacement professionnel, mais aussi lorsqu'il participe aux réunions institutionnelles (comité d'entreprise, comité de groupe, CHSCT...) et qu'il n'existe pas de restauration collective sur place.

Entre 2011 et 2014 il a toutefois perçu des tickets restaurant lorsqu'il était en délégation au titre de ses mandats de délégué du personnel ou de délégué syndical, ces tickets (soit 7,90 €)étant d'un montant inférieur aux indemnités forfaitaires de déjeuner (soit 17,10 à 18,30 €)

La société prétend que le principe du maintien de la rémunération n'est applicable que pour les sommes de nature salariale et non pour celles ayant la nature de remboursement de frais, comme les indemnités forfaitaires de déjeuner qui constituent des remboursements de frais professionnels et dont le versement est conditionné par :

le fait que le salarié se trouve dans l'impossibilité de regagner son domicile ou son lieu de travail habituel pour déjeuner, ce qui l'oblige à prendre son repas au restaurant, ce qui suppose l'engagement réel d'une dépense.

Elle précise que le fait qu'elle ne contrôle pas systématiquement si cette dépense est réellement engagée n' a pas pour effet de changer la nature de cette indemnité qui demeure non salariale.

Le litige ne porte que sur le point de savoir si M. [Z] peut percevoir des indemnités forfaitaires de déjeuner lorsqu'il est en heures de délégation, hors réunions institutionnelles ou enquête liée à ses mandats, et que son employeur ne sait donc pas où il se trouve, ce qui ne lui permet pas de vérifier ses conditions de restauration et notamment s'il a réellement exposé des frais de repas.

La réponse à cette question nécessite de déterminer dans un premier temps si ces indemnités ont une nature salariale ou constituent des frais professionnels destinés à être remboursés soit aux frais réels (ce qui n'est pas le choix fait par la société pour des raisons pratiques) soit selon un montant forfaitaire, choix de la société.

Les indemnités de repas sont considérés comme des frais professionnels, mais sont dénommées forfaitaires par application du forfait ACCOS qui les plafonne avec une réactualisation chaque année par l'URSSAF, plafond que la société applique dans ses notes chaque année.

Dans la limite de ce montant forfaitaire, il existe une présomption d'utilisation conforme, ce qui évite aux entreprises de conserver les justificatifs des dépenses de repas, et ce depuis l'arrêté du 20 décembre 2002.

Au delà de ce forfait ces indemnités de repas sont considérées par l'administration comme des avantages en nature donc deviennent des accessoires du salaire.

Le fait qu'en l'espèce le montant des indemnités forfaitaires de déjeuner, lesquelles sont allouées aux salariés itinérants comme M. [Z], soient forfaitaires ne leur confère donc pas une nature salariale.

Ces indemnités sont donc clairement des frais professionnels, de sorte que M. [Z] ne peut arguer qu'il doit percevoir ces indemnités au titre du maintien de son salaire et de ses accessoires.

Les notes internes de la société en date des 28 février 2011, 21 janvier 2013 et 23 janvier 2014, fixent les modalités de prise en charge des frais de repas de ces salariés ; en effet selon ces notes, «Les collaborateurs itinérants planifiés (non cadres et cadres) bénéficient de la prise en charge du repas, selon un barème ci- dessous, dès lors qu'ils sont en mission chez les clients et qu'ils ont engagé une dépense pour le repas.

Par contre ils ne peuvent en bénéficier dans les situations suivantes:

présence au bureau en fin de matinée ou en début d'après- midi (avant fermeture des cantines ou restaurants),

présence au bureau au moins la demi- journée.

En effet, ils bénéficient dans ces situations d'un ticket restaurant ou de l'accès au restaurant d'entreprise.»

Il en ressort que la société se réserve le droit de vérifier si les frais de repas ont été réellement exposés comme tout frais professionnel, ou si compte -tenu de son emploi du temps le salarié ne pouvait bénéficier du restaurant d'entreprise ou d'un ticket restaurant.

Cependant la charge de la preuve d'une utilisation non conforme de ces indemnités forfaitaires de déjeuner, que le salarié soit ou non représentant du personnel en délégation, appartient à l'employeur.

Or, la société ne rapporte pas cette preuve, ni n'établit qu'elle demande des justificatifs aux autres salariés itinérants qui ne sont pas représentants du personnel.

En conséquence, la demande de M. [Z] apparaît justifiée dans son principe.

Au vu des décomptes détaillés contenus dans les conclusions de M. [Z] pour les années 2011 à 2014, ce dernier prend en compte ses journées de délégation au titre de son mandat de délégué du personnel ou de délégué syndical (journées que la société ne conteste pas), et déduit les tickets restaurant déjà perçus du montant des indemnités forfaitaires de déjeuner, de sorte qu'il ne demande pas deux fois ses frais de repas.

Les contestations émises par la société sur certains jours de délégation, pour lesquels M. [Z] a déjà perçu des indemnités forfaitaires de déjeuner par le comité d'entreprise, sont toutefois à prendre en compte; la société n'a pas pris la peine de décompter les sommes déjà perçues; cependant, au vu des relevés de frais professionnels produits en pièce 15 et émanant de la comptabilité dudit comité, seront déduits les montants suivants déjà payés à M. [Z]:

Pour 2011: 119,30 €, au titre des 6 janvier, 19 janvier, 8 février, 30 et 31 août, 14 et 19 septembre soit (16,80 x 2 + 17,10 x 5) pour 6 jours.

Pour 2012: 208,80 € au titre des 11 janvier, 2 indemnités le 16 mars, 4 et 5 avril, 5 juillet, 30 août, 12 septembre, 23 octobre, 5, 14 et 15 novembre, soit (17,40 x 12 ) pour 11 jours.

Pour 2013: 371,70 €, au titre des 17 janvier, 6/7 février, 16 mars, 15/16/22/23 mai, 3/10 juillet, 18/19 septembre, 8/17 octobre, 4/13/14 novembre, soit ( 17,40 x 21) pour 17 jours.

Pour 2014: 531 € au titre des 16/22 janvier, 12/13 février, 12/13/19/20 mars, 9/10/16/17 avril, 6/7/14/28 mai, 1/2/3 juillet, 10/11/17/18/29 septembre, soit (17,70 x 30) pour 24 jours.

Ces sommes seront déduites des montants réclamés au titre des rappels d'indemnités forfaitaires dûs, déduction faite des tickets repas, soit pour chaque année :

Pour 2011 : 1257,45 ' 119,30 = 1138,15 €.

Pour 2012 : 1192,86 ' 208,80 = 984,06 €.

Pour 2013 : 1 088,64 ' 371,70 = 716,94 €.

Pour 2014 : 1 493,40 ' 531 = 962,40 €.

Soit au total la somme de 3 801,55 €.

La société devra donc payer à M. [Z] la somme de 3801,55 € net, à titre de rappels d'indemnités forfaitaires de repas pour les années 2011 à 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2014, date d'accusé de réception par la société de sa convocation en bureau de conciliation,et ce pour les indemnités dues au titre des années 2011 à 2013, et à compter du 8 septembre 2015 (date de dépôt des conclusions pour l'audience du bureau de jugement) pour les indemnités dues au titre de l'année 2014.

Il convient donc d'infirmer le jugement de ce chef.

La société devra payer à M. [Z] la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et sera en conséquence déboutée de sa demande sur ce même fondement.

Les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de la société.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe :

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de NANTERRE en date du 2 décembre 2015, et statuant à nouveau sur les seules demandes d'indemnités forfaitaires de repas,

Condamne la société BUREAU VERITAS à payer à M. [Z] la somme de 3 801,55 € net, à titre de rappels d'indemnités forfaitaires de repas pour les années 2011 à 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2014 au titre des années 2011 à 2013, et à compter du 8 septembre 2015 pour les indemnités dues au titre de l'année 2014, outre la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne la société BUREAU VERITAS aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/00397
Date de la décision : 10/01/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/00397 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-10;16.00397 ?
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