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10/01/2017 | FRANCE | N°16/00184

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 10 janvier 2017, 16/00184


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 JANVIER 2017



R.G. N° 16/00184



AFFAIRE :



SAS TNS SOFRES





C/

[D] [X] [I]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 15 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Activités diverses

N° RG : 15/00414
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Copies exécutoires délivrées à :



SELARL CAPSTAN LMS



Me Jean-Claude BERNARD





Copies certifiées conformes délivrées à :



SAS TNS SOFRES



[D] [X] [I]



Pôle Emploi



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX JAN...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 JANVIER 2017

R.G. N° 16/00184

AFFAIRE :

SAS TNS SOFRES

C/

[D] [X] [I]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 15 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Activités diverses

N° RG : 15/00414

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL CAPSTAN LMS

Me Jean-Claude BERNARD

Copies certifiées conformes délivrées à :

SAS TNS SOFRES

[D] [X] [I]

Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS TNS SOFRES

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Mohamed CHERIF de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS,

APPELANTE

****************

Madame [D] [X] [I]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-Claude BERNARD, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BORREL, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation

EXPOSE DU LITIGE

Mme [X] a été engagée par la société TNS SOFRES en qualité d'enquêteur vacataire (réalisation de sondages par téléphone au sein d'un plateau téléphonique) à compter du 1er décembre 2005 et jusqu'au 31 décembre 2013, dans le cadre de multiples contrats à durée déterminée (CDD) d'usage successifs.

Elle faisait partie des salariés ayant la classification ETAM selon la convention collective dite SYNTEC.

Elle saisissait le conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT le 23 mai 2013, aux fins de voir requalifier les CDD d'usage en contrat à durée indéterminée (CDI) à temps plein, et de se voir allouer diverses indemnités au titre de la rupture.

Par jugement du 15 décembre 2015, dont la société TNS SOFRES a interjeté appel, le conseil a requalifié en CDI à temps plein la relation contractuelle,condamnant la société à lui payer, sur la base d'un salaire de 1254,28 €/mois, les sommes suivantes, avec remise des bulletins de salaire conformes:

- 1254,28 € à titre d'indemnité de requalification,

- 29 379,08 € à titre de rappel de salaires pour les périodes interstitielles entre les contrats successifs, et 2937,90 € au titre des congés payés afférents,sur la base d'un temps plein,

-2 508,56 € à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 250,85 € au titre des congés payés afférents;

- 2 201,77 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 10 034,24 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 950 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 28 octobre 2016, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit:

La société TNS SOFRES conclut à titre principal à l'infirmation du jugement et au débouté de Mme [X] en toutes ses demandes; elle forme une demande reconventionnelle en remboursement des indemnités de fin de contrat, en cas de requalification.

A titre subsidiaire, elle prie la cour de fixer le salaire de référence à la somme de 458,04 €, correspondant à un temps partiel, et de limiter les sommes allouées en conséquence.

Mme [X] sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, et forme une demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 1000 €.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

L'article L.1242-2 du code du travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1 ), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2 ) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3 ).

Aux termes de l'article D.1251-1 du Code du travail, les secteurs d'activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée sont (....) 9° l'information, les activités d'enquête et de sondage (...).

En application des articles L. 1242- 1, L. 1242- 2 et L. 1242- 12 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, qui ne peut avoir pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas déterminés par la loi, et doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

La possibilité de conclure des contrats à durée déterminés d'usage est certes prévue et encadrée par la convention collective des bureaux d'études techniques dite SYNTEC en son annexe 4-3 de l'article 43- «l'enquêteur vacataire est celui qui réalise des enquêtes par sondage à la vacation...Par nature, ces vacations comportent des prestations diverses effectuées à des périodes variables, en des lieux différents; elles sont imprévisibles, temporaires et discontinues, donc précaires et aléatoires...»- mais il appartient au juge de contrôler tant le formalisme des contrats que le motif par nature temporaire des contrats, qui doit être apprécié concrètement.

La société TNS SOFRES, qui emploie environ 680 salariés, expose qu'en raison des fluctuations de la demande dans le secteur des enquêtes et sondages et du caractère limité dans le temps et souvent urgent de chaque enquête, ses salariés travaillent selon trois modalités de contrat :

* Le contrat à durée indéterminée «classique» pour les chargés d'études exclusifs auxquels est garantie une activité permanente, ce qui représentait en 2013 environ 60 % des salariés,

* le contrat intermittent à durée indéterminée ou CEIGA, pour les chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle, auxquels elle garantit une rémunération annuelle,

* le contrat à durée déterminée d'usage pour les enquêteurs vacataires, chargés des enquêtes imprévisibles et aléatoires ou de commandes exceptionnelles, comme ce serait le cas de Mme [X].

Elle précise que le volume incompressible de son activité, correspondant aux demandes récurrentes de clients et à l'analyse des données recueillies (interprétation des sondages), est actuellement pris en charge par les nombreux salariés en CDI, plus nombreux que les vacataires recrutés en CDD.

Elle fait valoir que Mme [X] a été employée à compter du 21 janvier 2004 et jusqu'au 4 décembre 2013 (dates différentes selon la salariée) selon des CDD d'usage, pour des besoins ponctuels et variables (missions et clients différents), qu'elle était libre de travailler pour d'autres employeurs et qu'elle a travaillé à temps partiel sur les 12 derniers mois pour une rémunération moyenne de 658,04 €/mois.

Elle précise que Mme [X] aurait refusé un CDI de type CEIGA qui lui a été proposé par lettre du 20 juillet 2009, préférant continuer à travailler à temps partiel en CDD.

Mme [X] soutient avoir travaillé comme enquêteur vacataire, du 1er décembre 2005 au 31 décembre 2013, pendant 8 ans, exclusivement dans les locaux de la société à [Localité 2], en téléphonant à des particuliers ou des professionnels pour remplir des questionnaires, exécutant une prestation identique, alors que le motif du recours au CDD n'était pas précisé ; comme l'indique le guide de l'enquêteur, elle affirme qu'elle était prévenue par téléphone le plus souvent la veille pour le lendemain, et qu'elle devait appeler la société pour connaître la prochaine mission, de sorte qu'elle n'avait aucune visibilité sur son rythme de travail ; elle précise que les horaires de travail, bien que fixés du lundi au vendredi de 17 à 21h et le samedi de 9 à 13h (horaires de référence sur les contrats) étaient modulables et réaménagés en fonction des besoins de la société.

Comme la durée des missions et les horaires de travail n'étaient pas prévisibles, elle devait se tenir à la disposition permanente de la société.

Elle soutient n'avoir pas eu d'autre employeur que la société TNS SOFRES comme employeur sur la période 2009/2012, et estime que la rupture de la relation contractuelle est imputable à la société laquelle, à compter de décembre 2013, aurait cessé de lui confier du travail, et ce sans aucune explication.

***

Il s'agit, pour la requalification des CDD et CDI, de déterminer si Mme [X] occupait un emploi par nature temporaire satisfaisant aux conditions légales posées, la nature et la temporalité du travail apparaissant déterminants.

A titre préliminaire, la cour constate une contradiction entre la période contractuelle invoquée par la société et celle invoquée par la salariée; en l'absence de contrats pour les années 2004 et 2005 et de bulletins de paie pour l'année 2004, il sera retenu janvier 2005 comme mois de début de la relation, au vu du seul bulletin de paie de décembre 2005, sur lequel est indiqué un cumul de salaires qui laisse présumer un début de travail début 2005 (cumul de 1057 h et 9427 € brut de salaires cumulés, alors que pour décembre 2005 une trentaine d'heures de travail est mentionnée) et de retenir plus facilement en revanche le 6 décembre 2013 comme date de fin de la relation contractuelle (invoquée par la société), au vu du bulletin de paie de décembre 2013 et du contrat de travail en date du 2 décembre 2013 produits par la salariée.

Mme [X], qui a travaillé du 1er janvier 2005 au 6 décembre 2013, a donc une ancienneté de quasiment 9 ans.

A titre préliminaire, la cour constate que l'ensemble des 153 CDD d'usage produits par Mme [X], et dont le nombre n'est pas exhaustif, satisfont au formalisme requis par l'article L. 1242- 12 du code du travail concernant leur durée et la date de leur terme, la qualification du salarié, la convention collective, la désignation du poste de travail, la rémunération, outre qu'ils comportent le créneau horaires de travail du lundi au vendredi de 17 à 21h et le samedi de 9h30 à 13h).

En effet, ces contrats conclus pour une durée de travail variant de quelques heures à plusieurs jours, donnaient lieu à une rémunération à l'heure (entre 8 et 9,59 € brut de l'heure selon les périodes), avec l'indication précise de l'étude et du contrat concernés, mention exigée par l'article L. 1242- 2 du code du travail, sans qu'il soit nécessaire d'en indiquer le motif, mention non exigée par l'article L. 1242- 12 du code du travail concernant les CDD d'usage.

Il convient de déterminer si le travail effectué par Mme [X] était par nature temporaire ou s'il recouvrait des besoins permanents au sein de la société.

Il est avéré que l'activité de Mme [X] était une prestation d'enquête téléphonique exercée dans le même lieu, les locaux de la société à [Localité 2], chaque enquête était différente tant dans sa nature que sa durée (allant d'un jour à quelques jours), l'objet de l'enquête étant précisé ; bien que les enquêtes soient différentes pour des clients différents, certaines enquêtes apparaissent de manière récurrente y compris pour un même client (GIM, GDF, EBF, diverses radios, baro élections et MGEN...), sans que toutefois l'on sache toujours quel est le client au seul nom de l'intitulé, le travail de Mme [X] reste le même travail de prestation d'enquête téléphonique, activité normale et permanente de la société TNS SOFRES consistant justement à proposer à ses nombreux clients des prestations variées.

C'est également le cas de ses huit autres collègues (intimés dans des dossiers similaires plaidés à la même audience par les mêmes avocats, ayant eu connaissance des pièces des deux dossiers) qui effectuaient le même type d'études, parfois pour les mêmes clients que Mme [X], ce que la cour a pu vérifier en analysant les contrats de travail de ces salariés.

Par ailleurs, si la durée des missions variait, ces missions étaient régulières quasiment chaque mois sur la période contractuelle la plus récente (2009/2013).

Si la société TNS SOFRES devait effectuer parfois des enquêtes «éclair» dites OMNIPHONE, ou des études personnalisées dont les modalités étaient déterminées en quelques jours avec les clients au vu des pièces produites, ce qui supposait une forte réactivité et donc un accroissement d'activité soudain pouvant justifier le recours à des CDD (la société ne travaillant pas avec des sous- traitants), elle ne produit aucun justificatif sur le volume global de ces études de nature imprévisibles et le volume traité en particulier par Mme [X] ; elle ne rapporte la preuve que d'une participation très limitée de Mme [X] aux enquêtes intitulées OMNIPHONE; en effet, au vu des contrats concernés par les enquêtes «éclair» dites OMNIPHONE (seules identifiables comme imprévisibles sur les contrats produits), Mme [X] n'a travaillé titre d'exemple en 2012 que de manière très ponctuelle, soit 40 h sur 1058h, soit 4%, pour ce type d'enquêtes OMNIPHONE, au vu des annexes des bulletins de paie.

Ces éléments sont insuffisants pour rapporter la preuve que le travail effectué par Mme [X], certes ponctuellement en urgence et de manière aléatoire (soit 4%), était un travail par nature temporaire, alors qu'au contraire le travail de Mme [X] correspondait à l'activité normale et permanente de la société TNS SOFRES sur la majeure partie de la relation contractuelle qui a duré quasiment 9 ans.

Faute pour la société TNS SOFRES de produire des éléments consistants sur le travail effectué par l'ensemble des salariés employés en CDD sur la période contractuelle concernée, et des éléments sur toute la période contractuelle de Mme [X], pour établir sa participation régulière à des enquêtes ponctuelles et urgentes, la cour considère qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'elle était contrainte, par la nature urgente et ponctuelle et le volume de ces enquêtes, de les confier à des enquêteurs vacataires en CDD comme Mme [X], plutôt qu'à des salariés permanents en CDI classique ou CEIGA.

Le fait que Mme [X] ait refusé un CDI de type CEIGA qui lui a été proposé par lettre du 20 juillet 2009 n'a pas d'incidence sur la requalification, les raisons de son refus n'étant pas établies par la société.

Par conséquent le recours de manière quasiment ininterrompue à un grand nombre de CDD d'usage sur une longue période pour l'emploi de Mme [X] n'était pas justifié par la nature temporaire de son emploi, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de requalification des CDD en un CDI, comme l'a jugé le conseil, à compter du 1er janvier 2005.

Sur le temps de travail :

Selon l'article L.3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la qualification du salarié, les éléments de rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié, outre les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail prévue par le contrat.

L'absence d'une de ces mentions entraîne la requalification en contrat de travail à temps complet, et il incombe à l'employeur qui le conteste de rapporter la preuve qu'il s'agit d'un travail à temps partiel.

En l'espèce la cour ne dispose pas des premiers contrats de Mme [X] entre 2005 et 2009, mais dispose, outre des contrats entre septembre 2011 et décembre 2013 produit pr la salariée et la société, de 8 contrats en date des 24 juin, 10 et 22 juillet, 25 août et 9 décembre 2008, ainsi que ceux du 12 octobre 2009, 25 janvier et 31 mai 2010, lesquels ne comportent pas toutes les mentions sus-énoncées, à savoir :

- aucun horaire de travail n'est indiqué, et encore moins les modalités selon lesquelles les horaires précis de travail pour chaque journée travaillée lui seront communiqués par écrit, contrairement aux exigences du texte, car le contrat mentionne seulement :

'consignes et délais de réalisation: fixés par le responsable des enquêtes téléphoniques et communiqués par le chef d'équipe lors du briefing.

Délais prévisionnels : du 20 au 23 décembre 2010'

'Remarque: ces délais ne permettent en aucune façon de définir le nombre d'heures travaillées.'

Ainsi les modalités des jours et des heures de travail ne sont donc pas communiqués par écrit au salarié, mais confirmés par téléphone la veille.

En effet, ce premier contrat est signé le jour du début de la prestation de travail, comme les suivants, quasiment tous signés le premier jour ou la veille de leur exécution, et il est avéré que le salarié devait appeler la société la veille pour le lendemain pour avoir une confirmation, comme l'indique, sans contestation de la société sur ce point, pour savoir s'il allait travailler et pour combien de jours.

Vu l'absence de certaines mentions légales les contrats sont donc réputés à temps complet et la charge de la preuve contraire incombe à l'employeur.

Ces éléments sur l'organisation sont confirmés par le guide de l'enquêteur, qui précise les jours (lundi, mercredi et vendredi) et plages horaires pour appeler le responsable de planning, et le fait que la confirmation de la convocation des vacataires leur est donnée la veille à partie de 18h30 pour le lendemain pour les études de journée, et le jour même à partir de 13h pour les études en soirée.

Cette disponibilité des vacataires est relativement importante, puisqu'il est requis qu'ils contactent la société TNS SOFRES au moins une fois par quinzaine, sous peine de perdre leur emploi; en effet, il est mentionné dans ledit guide : «'nous vous rappelons que si vous êtes vacataire et si aucun point n'a été effectué pendant deux semaines, vous serez radié du fichier Enquêteurs.'»

Toutefois, le vacataire, comme Mme [X], pouvait être indisponible sur une courte période sans perdre son emploi, à condition d'en faire la demande écrite au responsable des enquêtes, qui l'acceptait ou non.

Or, concernant Mme [X], la société ne produit qu'une demande en ce sens, du 5 au 13 juillet 2013, soit une semaine en 9 ans de relation contractuelle, ce qui est insuffisant pour démontrer que la salariée n'était pas à la disposition permanente de la société.

Dans les faits, la cour constate aussi que Mme [X] a travaillé régulièrement pour la société depuis 9 ans, soit plus de 1000 h par an sur les 5 dernières années pleines de 2008 à 2012), selon le tableau en page 16 des conclusions de la société, ce qui représente plus qu'un mi- temps (un plein temps représentant 1607 h/an).

Les avis d'imposition de Mme [X] pour les années 2008/2012 , permet d'établir qu'elle n'a pas eu d'autres employeurs que la société.

Dès lors, au vu de ces trois éléments, la société ne rapporte pas la preuve que Mme [X] ne se trouvait pas à la disposition permanente de la société, ce qui justifie la requalification à temps plein de son contrat de travail, sur la base d'un salaire de référence calculé sur la base du salaire conventionnel pour le coefficient 230 de la convention collective, soit 1254,28 € brut/mois, comme l'a jugé le conseil.

Mme [X], qui se trouvait à la disposition permanente de la société, sera donc accueillie en sa demande de rappel de salaire afférents aux périodes non travaillées (périodes interstitielles) entre les contrats, comme l'a jugé le conseil.

En application de l'article L.1245-2 du code du travail, le salarié qui voit son contrat à durée déterminée requalifié en contrat à durée indéterminée, perçoit une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

Le montant de l'indemnité de requalification allouée par le conseil, soit 1254,28 €, qui représente un mois de salaire, sera confirmée, vu l'ancienneté de la précarité du travail de Mme [X].

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société, tendant à la déduction de l'indemnité de fin de CDD, car la mauvaise qualification du contrat est de son fait et ne saurait justifier une action en remboursement.

Sur la rupture de la relation contractuelle :

Lorsqu'un contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée postérieurement à son exécution, la relation contractuelle se trouve rompue de fait et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date du premier jour suivant celui auquel l'employeur, qui s'estimait à tort lié au salarié par un contrat de travail à durée déterminée venu à échéance, a cessé de lui fournir un travail et de le rémunérer.

(Cass 23 septembre 2014 n°13- 14- 896)

En l'absence de fourniture de travail depuis le 7 décembre 2013, et faute pour la société de prouver que Mme [X] a refusé du travail à partir de cette date, il y a lieu de considérer que la rupture de la relation contractuelle est intervenue aux torts de l'employeur le 7 décembre 2013, la rupture ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Concernant les indemnités de préavis et de licenciement sans cause réelle et sérieuse, respectivement fixées à 2508,56 € outre les congés payés et à 10 034,24 €, le jugement sera confirmé, le conseil ayant évalué le préjudice de la salariée de manière adaptée.

L'indemnité conventionnelle de licenciement, fixée à 2 201,77 € par le conseil sur la base d'une ancienneté réduite, aurait pu être ajustée à la somme de 2822,13 €, selon le calcul suivant (tenant compte d'une ancienneté de 9 ans):

- 1254,28 x 0,25 x 9, selon l'article 19 de la convention collective.

La cour ne pouvant cependant statuer au delà de la demande, le jugement sera confirmé.

La cour ajoutera la condamnation de la société à rembourser à POLE EMPLOI ILE DE FRANCE 3 mois d'allocations chômage éventuellement versées à Mme [X] après la rupture contractuelle, en application de l'article L. 1235- 4 du code du travail.

Sur les demandes accessoires:

La somme de 1000 € sera allouée à Mme [X] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de celle de 950 € allouée par le conseil.

La société TNS SOFRES sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe:

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT en date du 15 décembre 2015,

Condamne la société TNS SOFRES à rembourser à POLE EMPLOI ILE DE FRANCE 3 mois d'allocations chômage éventuellement versées à Mme [X];

Condamne la société TNS SOFRES à payer à Mme [X] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de celle de 950 € allouée par le conseil, et la condamne aux dépens d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/00184
Date de la décision : 10/01/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/00184 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-10;16.00184 ?
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