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10/01/2017 | FRANCE | N°16/00182

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 10 janvier 2017, 16/00182


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 JANVIER 2017



R.G. N° 16/00182



AFFAIRE :



SAS TNS SOFRES





C/

[M] [Q]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Activités diverses

N° RG : 15/00412





Copies exécutoires délivrées à :



SELARL CAPSTAN LMS



Me Jean-Claude BERNARD





Copies certifiées conformes délivrées à :



SAS TNS SOFRES



[M] [Q]







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX JANVIER DEUX MILLE DIX SE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 JANVIER 2017

R.G. N° 16/00182

AFFAIRE :

SAS TNS SOFRES

C/

[M] [Q]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Activités diverses

N° RG : 15/00412

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL CAPSTAN LMS

Me Jean-Claude BERNARD

Copies certifiées conformes délivrées à :

SAS TNS SOFRES

[M] [Q]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS TNS SOFRES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Mohamed CHERIF de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS,

APPELANTE

****************

Madame [M] [Q]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean-Claude BERNARD, avocat au barreau de PARIS,

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BORREL, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,

Madame Sylvie BORREL, Conseiller,

Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation,

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [Q] a été engagée par la société TNS SOFRES en qualité d'enquêteur vacataire (réalisation de sondages par téléphone au sein d'un plateau téléphonique) à compter du 20 janvier 2012 et jusqu'en août 2013, dans le cadre de multiples contrats à durée déterminée (CDD) d'usage successifs.

Elle faisait partie des salariés ayant la classification ETAM selon la convention collective dite SYNTEC.

Elle saisissait le conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT le 5 décembre 2013, aux fins de voir requalifier les CDD d'usage en contrat à durée indéterminée (CDI) à temps plein, et de se voir allouer diverses indemnités au titre de la rupture.

Par jugement du 15 décembre 2015, dont la société TNS SOFRES a interjeté appel, le conseil a requalifié en CDI à temps plein la relation contractuelle,condamnant la société à lui payer, sur la base d'un salaire de 1254,28 €/mois, les sommes suivantes, avec remise des bulletins de salaire conformes:

- 1254,28 € à titre d'indemnité de requalification,

- 9 257,57 € à titre de rappel de salaires pour les périodes interstitielles entre les contrats successifs, et 925,75 € au titre des congés payés afférents,sur la base d'un temps plein,

- 1 254,28 € à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 125,42 € au titre des congés payés afférents;

- 741,21 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

2 509,64 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

- 950 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 28 octobre 2016, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit:

La société TNS SOFRES conclut à titre principal à l'infirmation du jugement et au débouté de Mme [Q] en toutes ses demandes; elle forme une demande reconventionnelle en remboursement des indemnités de fin de contrat, en cas de requalification.

A titre subsidiaire, elle prie la cour de fixer le salaire de référence à la somme de 993,55 €, correspondant à un temps partiel, et de limiter les sommes allouées en conséquence.

Mme [Q] sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, à l'exception des sommes allouées à titre d'indemnité de préavis et au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, priant la cour de porter ces indemnités respectivement aux sommes de 2 508,56 € (outre les congés payés afférents) et 7 525 €.

Elle forme une demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la somme de 1000 €.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée:

L'article L.1242-2 du code du travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1 ), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2 ) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3 ).

Aux termes de l'article D.1251-1 du Code du travail, les secteurs d'activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée sont (....) 9° l'information, les activités d'enquête et de sondage (...).

En application des articles L. 1242- 1, L. 1242- 2 et L. 1242- 12 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, qui ne peut avoir pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas déterminés par la loi, et doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

La possibilité de conclure des contrats à durée déterminés d'usage est certes prévue et encadrée par la convention collective des bureaux d'études techniques dite SYNTEC en son annexe 4-3 de l'article 43- «l'enquêteur vacataire est celui qui réalise des enquêtes par sondage à la vacation...Par nature, ces vacations comportent des prestations diverses effectuées à des périodes variables, en des lieux différents; elles sont imprévisibles, temporaires et discontinues, donc précaires et aléatoires...»- mais il appartient au juge de contrôler tant le formalisme des contrats que le motif par nature temporaire des contrats, qui doit être apprécié concrètement.

La société TNS SOFRES, qui emploie environ 680 salariés, expose qu'en raison des fluctuations de la demande dans le secteur des enquêtes et sondages et du caractère limité dans le temps et souvent urgent de chaque enquête, ses salariés travaillent selon trois modalités de contrat:

* Le contrat à durée indéterminée «classique» pour les chargés d'études exclusifs auxquels est garantie une activité permanente, ce qui représentait en 2013 environ 60 % des salariés,

* le contrat intermittent à durée indéterminée ou CEIGA, pour les chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle, auxquels elle garantit une rémunération annuelle,

* le contrat à durée déterminée d'usage pour les enquêteurs vacataires, chargés des enquêtes imprévisibles et aléatoires ou de commandes exceptionnelles, comme ce serait le cas de Mme [Q].

Elle précise que le volume incompressible de son activité, correspondant aux demandes récurrentes de clients et à l'analyse des données recueillies (interprétation des sondages), est actuellement pris en charge par les nombreux salariés en CDI, plus nombreux que les vacataires recrutés en CDD.

Elle fait valoir que Mme [Q] a été employée à compter du 19 janvier 2012 et jusqu'au 19 juillet 2013 selon des CDD d'usage, pour des besoins ponctuels et variables (missions et clients différents), qu'elle était libre de travailler pour d'autres employeurs et qu'elle a travaillé à temps partiel sur les 12 derniers mois pour une rémunération moyenne de 993,55 €/mois.

Elle précise que Mme [Q] l'aurait avertie qu'elle serait indisponible du 22 au 29 juillet 2013, et que par la suite elle n'a plus contacté la société; la société soutient l' avoir contactée en vain le 26 août 2013, précisant que finalement Mme [Q] l'aurait contactée le 30 août 2013 en indiquant qu'elle avait trouvé un CDD jusqu'au 31 décembre 2013, ce qui ne la rendait plus disponible pour poursuivre son travail d'enquêteur.

Mme [Q] soutient avoir travaillé comme enquêteur vacataire pendant un an 7 mois, exclusivement dans les locaux de la société à [Localité 1], en téléphonant à des particuliers ou des professionnels pour remplir des questionnaires, exécutant une prestation identique, la plupart du temps pour le même client, alors que le motif du recours au CDD n'était pas précisé; comme l'indique le guide de l'enquêteur, elle affirme qu'elle était prévenue par téléphone le plus souvent la veille pour le lendemain, et qu'elle devait appeler la société pour connaître la prochaine mission, de sorte qu'elle n'avait aucune visibilité sur son rythme de travail; elle précise que les horaires de travail, bien que fixés du lundi au vendredi de 17 à 21h et le samedi de 9 à 13h (horaires de référence sur les contrats) étaient modulables et réaménagés en fonction des besoins de la société.

Comme la durée des missions et les horaires de travail n'étaient pas prévisibles, elle devait se tenir à la disposition permanente de la société.

Elle soutient n'avoir jamais eu d'autre employeur que la société TNS SOFRES comme employeur sur la période concernée, et estime que la rupture de la relation contractuelle est imputable à la société laquelle, à compter de septembre 2013, a cessé de lui confier du travail, suite à la fermeture du plateau téléphonique de [Localité 1], et ce sans aucune explication.

***

Il s'agit, pour la requalification des CDD et CDI, de déterminer si Mme [Q] occupait un emploi par nature temporaire satisfaisant aux conditions légales posées, la nature et la temporalité du travail apparaissant déterminants.

A titre préliminaire, la cour constate que l'ensemble des 129 CDD d'usage produits par Mme [Q] satisfont au formalisme requis par l'article L. 1242- 12 du code du travail concernant leur durée et la date de leur terme, la qualification du salarié, la convention collective, la désigantion du poste de travail, la rémunération, outre qu'ils comportent le créneau horaires de travail du lundi au vendredi de 17 à 21h et le samedi de 9h30 à 13h).

En effet, ces contrats conclus pour une durée de travail variant de quelques heures à plusieurs jours, donnaient lieu à une rémunération à l'heure (9,39 € brut de l'heure), avec l'indication précise de l'étude et du contrat concernés, mention exigée par l'article L. 1242- 2 du code du travail, sans qu'il soit nécessaire d'en indiquer le motif, mention non exigée par l'article L. 1242- 12 du code du travail concernant les CDD d'usage.

Par ailleurs, il convient de déterminer si le travail effectué par Mme [Q] était par nature temporaire ou s'il recouvrait des besoins permanents au sein de la société.

Il est avéré que l'activité de Mme [Q] était une prestation d'enquête téléphonique exercée dans le même lieu, les locaux de la société à [Localité 1], chaque enquête était différente tant dans sa nature que sa durée (allant d'un jour à quelques jours), l'objet de l'enquête étant précisé; bien que les enquêtes soient différentes pour des clients différents, certaines enquêtes apparaissent de manière récurrente y compris pour un même client (GIM, radios, RENTOKIL...), sans que toutefois l'on sache toujours quel est le client au seul nom de l'intitulé, et le travail de Mme [Q] reste le même travail de prestation d'enquête téléphonique, activité normale et permanente de la société TNS SOFRES consistant justement à proposer à ses nombreux clients des prestations variées.

C'est également le cas de ses huit autres collègues (intimés dans des dossiers similaires plaidés à la même audience par les mêmes avocats, ayant eu connaissance des pièces des deux dossiers) qui effectuaient le même type d'études, parfois pour les mêmes clients que Mme [Q], ce que la cour a pu vérifier en analysant les contrats de travail de ces salariés.

Par ailleurs, si la durée des missions variait, ces missions étaient régulières chaque mois sur la période contractuelle.

Si la société TNS SOFRES devait effectuer parfois des enquêtes «éclair» dites OMNIPHONE, dont les modalités étaient déterminées en quelques jours avec les clients au vu des pièces produites, ce qui supposait une forte réactivité et donc un accroissement d'activité soudain pouvant justifier le recours à des CDD (la société ne travaillant pas avec des sous- traitants), elle ne rapporte la preuve que d'une participation très limitée de Mme [Q] à ce type d'enquêtes; en effet, au vu des contrats concernés, Mme [Q] n'a travaillé en 2012/2013 que de manière très ponctuelle, soit 25h au total, pour ce type d'enquêtes OMNIPHONE, au vu des annexes des bulletins de paie .

Ces éléments sont insuffisants pour rapporter la preuve que le travail effectué par Mme [Q], certes ponctuellement en urgence et de manière aléatoire (soit 25h), était un travail par nature temporaire, alors qu'au contraire le travail de Mme [Q] correspondait à l'activité normale et permanente de la société TNS SOFRES sur la majeure partie de la relation contractuelle qui a duré environ 18 mois.

Faute pour la société TNS SOFRES de produire des éléments consistants sur le travail effectué par l'ensemble des salariés employés en CDD sur la période contractuelle concernée, et des éléments sur toute la période contractuelle de Mme [Q] pour établir sa participation régulière à des enquêtes ponctuelles et urgentes, la cour considère qu'elle ne rapporte pas la preuve qu'elle était contrainte, par la nature urgente et ponctuelle et le volume de ces enquêtes, de les confier à des enquêteurs vacataires en CDD comme Mme [Q], plutôt qu'à des salariés permanents en CDI classique ou CEIGA.

Par conséquent le recours de manière quasiment ininterrompue à un grand nombre de CDD d'usage sur une longue période pour l'emploi de Mme [Q] n'était pas justifié par la nature temporaire de son emploi, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de requalification des CDD en un CDI à compter du 20 janvier 2012, comme l'a jugé le conseil.

Sur le temps de travail:

Selon l'article L.3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la qualification du salarié, les éléments de rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié, outre les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail prévue par le contrat.

L'absence d'une de ces mentions entraîne la requalification en contrat de travail à temps complet, et il incombe à l'employeur qui le conteste de rapporter la preuve qu'il s'agit d'un travail à temps partiel.

En l'espèce les contrats de Mme [Q] ne comportent pas toutes les mentions sus-énoncées:

les horaires précis de travail pour chaque journée travaillée ne sont pas communiqués par écrit au salarié, contrairement aux exigences du texte, car le contrat mentionne:

'les horaires de référence des études réalisées auprès des particuliers sont les suivants: du lundi au vendredi de 17 à 21h et le samedi de 9 à 13h'»

'Les horaires de travail du titulaire du présent contrat peuvent être modulables et leurs répartitions peuvent être aménagées et/ou réglementées et/ou diminuées en fonction des besoins de la société et des directives données par le responsible de plateau.'

Ainsi les modalités des jours et des heures de travail ne sont donc pas communiqués par écrit au salarié, mais confirmés par téléphone la veille.

En effet, les contrats sont quasiment tous signés le premier jour ou la veille de leur exécution, et il est avéré que le salarié devait appeler la société la veille pour le lendemain pour avoir une confirmation, comme l'indique Mme [Q], sans contestation de la société sur ce point, pour savoir si elle allait travailler et pour combien de jours.

Dans les faits, elle a travaillé chaque mois de janvier 2012 à juillet 2013, en moyenne 21 jours par mois en 2012 et 18 jours en 2013 (en excluant le mois de juillet dernier mois travaillé) au vu des contrats de travail et bulletins de paie produits par les parties.

Ces éléments sur l'organisation sont confirmés par le guide de l'enquêteur, qui précise les jours (lundi, mercredi et vendredi) et plages horaires pour appeler le responsable de planning, et le fait que la confirmation de la convocation des vacataires leur est donnée la veille à partie de 18h30 pour le lendemain pour les études de journée, et le jour même à partir de 13h pour les études en soirée.

Cette disponibilité des vacataires est relativement importante, puisqu'il est requis qu'ils contactent la société TNS SOFRES au moins une fois par quinzaine, sous peine de perdre leur emploi ; en effet, il est mentionné dans ledit guide: «'nous vous rappelons que si vous êtes vacataire et si aucun point n'a été effectué pendant deux semaines, vous serez radié du fichier Enquêteurs.'»

Toutefois, le vacataire, comme Mme [Q], pouvait être indisponible sur une courte période sans perdre son emploi, à condition d'en faire la demande écrite au responsable des enquêtes, qui l'acceptait ou non.

Or, concernant Mme [Q], la société ne produit aucune demande écrite en ce sens; en effet , le seul élément produit est une fiche planning émanant de la société, dans laquelle il est indiqué que Mme [Q] a demandé sa radiation le 30 août 2013 car elle aurait trouvé un CDD jusqu'au 30 décembre 2013, ce qui ne concerne donc que la rupture contractuelle et non la période contractuelle.

Il résulte de ces éléments de fait que Mme [Q] ne pouvait pas prévoir par avance ses temps de travail pour chaque mois, tous les contrats étant signés le premier jour de travail de la période concernée, avec un délai de prévenance compris entre quelques heures et un jour.

Son avis d'imposition pour l'année 2012 démontre qu'elle n'a pas eu d'autre employeur que la société, et aucun élément n'est produit par cette dernière pour rapporter la preuve que Mme [Q] avait choisi délibérément de travailler à temps partiel.

Dès lors, eu égard aux modalités de prévenance sur les jours et horaires de travail, Mme [Q] se trouvait à la disposition permanente de la société TNS SOFRES, et la société n'en rapporte d'ailleurs pas la preuve contraire, ce qui justifie la requalification du contrat de travail à temps plein, sur la base du salaire à temps plein coefficient 230 de la convention collective, soit 1254,28 €/mois, et le rappel de salaire afférents aux périodes non travaillées (périodes interstitielles) entre les contrats, en déduisant les salaires déjà perçus.

Le montant de l'indemnité de requalification allouée par le conseil, soit la somme de 1254,28 €, sera confirmé.

La société devra donc payer à Mme [Q], au titre des périodes interstitielles et selon les calculs mentionnés dans les conclusions de cette dernière, les sommes suivantes:

- 5 631,08 € pour l'année 2012,

- 3 626,49 € pour l'année 2013,

soit au total la somme de 9 257,57 €, outre celle de 925,75 € au titre des congés payés afférents, comme l'a jugé le conseil.

Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société, tendant à la déduction de l'indemnité de fin de CDD, car la mauvaise qualification du contrat est de son fait et ne saurait justifier une action en remboursement.

Sur la rupture de la relation contractuelle :

Lorsqu'un contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée postérieurement à son exécution, la relation contractuelle se trouve rompue de fait et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date du premier jour suivant celui auquel l'employeur, qui s'estimait à tort lié au salarié par un contrat de travail à durée déterminée venu à échéance, a cessé de lui fournir un travail et de le rémunérer.

(Cass 23 septembre 2014 n°13- 14- 896)

En l'espèce, la société soutient que Mme [Q] l'aurait averti de son absence du 22 au 29 juillet 2013, sans toutefois démissionner.

En l'absence de fourniture de travail depuis début août 2013, et faute pour la société de prouver que Mme [Q] a refusé du travail à partir de cette date, il y a lieu de considérer que la rupture de la relation contractuelle est intervenue aux torts de l'employeur début août 2013, la rupture ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Concernant les indemnités de rupture, il sera fait droit aux demandes de Mme [Q] à l'encontre de la société TNS SOFRES, pour les montants suivants valablement fixés par la conseil:

- 1254,28 € au titre de l'indemnité de préavis, pour un mois de préavis, outre celle de 125,42 € de € au titre des congés payés afférents, car selon l'article 15 de la convention collective SYNTEC, le délai de préavis pour les salariés ETAM ayant moins de deux ans d'ancienneté, comme Mme [Q] , est d'un mois et non de deux comme elle le réclamait;

- 741,21 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

Vu la faible ancienneté de Mme [Q], soit 19 mois, et le fait qu'elle n'apporte aucun élément sur sa situation professionnelle après la rupture, justifie le montant de 2 509,64 € (équivalent à 2 mois de salaire) alloué par le conseil à titre de dommages et intérêts au titre de son licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement sera donc intégralement confirmé.

Il n'y a pas lieu de faire application de l'article L. 1235- 4 du code du travail, car Mme [Q] n'indique pas avoir perçu des allocations chômage suite à la rupture contractuelle, et n'a pas contesté avoir trouvé un autre travail juste après cette rupture.

Sur les demandes accessoires :

La somme de 1000 € sera allouée à Mme [Q] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de celle de 950 € allouée par le conseil.

La société TNS SOFRES sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe:

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT en date du 15 décembre 2015,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Condamne la société TNS SOFRES à payer à Mme [Q] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de celle de 950 € allouée par le conseil, et la condamne aux dépens d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 16/00182
Date de la décision : 10/01/2017

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°16/00182 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2017-01-10;16.00182 ?
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