COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 10 JANVIER 2017
R.G. N° 16/00178
AFFAIRE :
SAS TNS SOFRES
C/
[L] [R] [P]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Décembre 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Activités diverses
N° RG : 15/00585
Copies exécutoires délivrées à :
SELARL CAPSTAN LMS
Me Jean-Claude BERNARD
Copies certifiées conformes délivrées à :
SAS TNS SOFRES
[L] [R] [P]
Pôle Emploi
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS TNS SOFRES
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Mohamed CHERIF de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS,
APPELANTE
****************
Monsieur [L] [R] [P]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Comparant en personne, assisté de Me Jean-Claude BERNARD, avocat au barreau de PARIS,
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BORREL, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président,
Madame Sylvie BORREL, Conseiller,
Monsieur Patrice DUSAUSOY, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation
EXPOSE DU LITIGE
M. [P] a été engagé par la société TNS SOFRES en qualité d'enquêteur vacataire (réalisation de sondages par téléphone au sein d'un plateau téléphonique) à compter du 20 décembre 2010 et jusqu'au 24 avril 2013, dans le cadre de multiples contrats à durée déterminée (CDD) d'usage successifs.
Il faisait partie des salariés ayant la classification ETAM et le coefficient 230 selon la convention collective dite SYNTEC.
Il saisissait le conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT le 21 mai 2013, aux fins de voir requalifier les CDD d'usage en contrat à durée indéterminée (CDI) à temps plein, et de se voir allouer diverses indemnités au titre de la rupture.
Par jugement du 15 décembre 2015, dont la société TNS SOFRES a interjeté appel, le conseil a requalifié en CDI à temps plein la relation contractuelle, condamnant la société à lui payer, sur la base d'un salaire de 1254,28 €/mois, les sommes suivantes, avec remise des bulletins de salaire conformes:
- 1254,28 € à titre d'indemnité de requalification,
- 11 738,80 € à titre de rappel de salaires pour les périodes interstitielles entre les contrats successifs, et 1173,88 € au titre des congés payés afférents,sur la base d'un temps plein,
- 2 508,56 € à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 250,85 € au titre des congés payés afférents;
- 487,77 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
7 525,68 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse;
950 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par écritures soutenues oralement à l'audience du 28 octobre 2016, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit:
La société TNS SOFRES conclut à titre principal à l'infirmation du jugement et au débouté de M. [P] en toutes ses demandes; elle forme une demande reconventionnelle en remboursement des indemnités de fin de contrat, en cas de requalification.
A titre subsidiaire, elle prie la cour de fixer le salaire de référence à la somme de 643,66 €, correspondant à un temps partiel, et de limiter les sommes allouées en conséquence.
M. [P] sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions, outre la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :
L'article L.1242-2 du code du travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1 ), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2 ) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3 ).
Aux termes de l'article D.1251-1 du Code du travail, les secteurs d'activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée sont (....) 9° l'information, les activités d'enquête et de sondage (...).
En application des articles L. 1242- 1, L. 1242- 2 et L. 1242- 12 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, qui ne peut avoir pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas déterminés par la loi, et doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
La possibilité de conclure des contrats à durée déterminés d'usage est certes prévue et encadrée par la convention collective des bureaux d'études techniques dite SYNTEC en son annexe 4-3 de l'article 43- «l'enquêteur vacataire est celui qui réalise des enquêtes par sondage à la vacation...Par nature, ces vacations comportent des prestations diverses effectuées à des périodes variables, en des lieux différents; elles sont imprévisibles, temporaires et discontinues, donc précaires et aléatoires...»- mais il appartient au juge de contrôler tant le formalisme des contrats que le motif par nature temporaire des contrats, qui doit être apprécié concrètement.
La société TNS SOFRES, qui emploie environ 680 salariés, expose qu'en raison des fluctuations de la demande dans le secteur des enquêtes et sondages et du caractère limité dans le temps et souvent urgent de chaque enquête, ses salariés travaillent selon trois modalités de contrat:
* Le contrat à durée indéterminée «classique» pour les chargés d'études exclusifs auxquels est garantie une activité permanente, ce qui représentait en 2013 environ 60 % des salariés,
* le contrat intermittent à durée indéterminée ou CEIGA, pour les chargés d'enquête intermittents à garantie annuelle, auxquels elle garantit une rémunération annuelle,
* le contrat à durée déterminée d'usage pour les enquêteurs vacataires, chargés des enquêtes imprévisibles et aléatoires ou de commandes exceptionnelles, comme ce serait le cas de M. [P].
Elle précise que le volume incompressible de son activité, correspondant aux demandes récurrentes de clients et à l'analyse des données recueillies (interprétation des sondages), est actuellement pris en charge par les nombreux salariés en CDI, plus nombreux que les vacataires recrutés en CDD.
Elle fait valoir que M. [P] a été employé à compter du 16 décembre 2010 (vous verrez une différence de date avec ce qu'indique l'intimé, qui donne le 20 décembre mais cela importe peu) et jusqu'au 24 avril 2013 selon des CDD d'usage, pour des besoins ponctuels et variables (missions et clients différents), qu'il était libre de travailler pour d'autres employeurs et qu'il a travaillé à temps partiel sur les 12 derniers mois pour une rémunération moyenne de 643,66 €/mois.
Elle estime qu'il ne rapporte pas la preuve d'être resté à sa disposition permanente, et affirme qu'elle lui proposait des études en fonction de sa disponibilité.
M. [P] soutient avoir travaillé comme enquêteur vacataire pendant 2 ans 4 mois, du 20 décembre 2010 au 24 avril 2013, exclusivement dans les locaux de la société à MALAKOFF, en téléphonant à des particuliers ou des professionnels pour remplir des questionnaires, exécutant une prestation identique, la plupart du temps des clients récurrents, alors que le motif du recours au CDD n'était pas précisé; comme l'indique le guide de l'enquêteur, il affirme qu'il était prévenu par téléphone le plus souvent la veille pour le lendemain, et qu'il devait appeler la société pour connaître la prochaine mission, de sorte qu'il n'avait aucune visibilité sur son rythme de travail; il précise que les premiers contrats, comme le premier du 20 décembre 2010 ne fixait aucun horaire, et que par la suite les contrats mentionnaient des horaires de travail prévisionnels, car fixés théoriquement du lundi au vendredi de 17 à 21h et le samedi de 9 à 13h (horaires de référence sur les contrats) mais modulables et réaménagés en fonction des besoins de la société.
Comme la durée des missions et les horaires de travail n'étaient pas prévisibles, il devait se tenir à la disposition permanente de la société.
Il soutient n'avoir jamais eu d'autre employeur que la société TNS SOFRES comme employeur sur la période concernée, et estime que la rupture de la relation contractuelle est imputable à la société laquelle, à compter de mai 2013, a cessé de lui confier du travail, et ce sans aucune explication, malgré sa lettre recommandée du 30 avril 2013.
***
Il s'agit, pour la requalification des CDD et CDI, de déterminer si M. [P] occupait un emploi par nature temporaire satisfaisant aux conditions légales posées, la nature et la temporalité du travail apparaissant déterminants.
A titre préliminaire, la cour constate que l'ensemble des 149 CDD d'usage produits par M. [P] à partir de l'année 2011 satisfont au formalisme requis par L. 1242- 12 du code du travail concernant leur durée et la date de leur terme, la qualification du salarié, la convention collective, l'objet précis, la rémunération, outre pour les contrats produits à compter d'avril 2011 le créneau horaires de travail du lundi au vendredi de 17 à 21h et le samedi de 9h30 à 13h.
En effet, ces contrats conclus pour une durée de travail variant de quelques heures à plusieurs jours, donnaient lieu à une rémunération à l'heure (entre 9,18 € et 9,59 brut de l'heure), avec l'indication précise de l'étude et du contrat concernés, mention exigée par l'article L. 1242- 2 du code du travail, sans qu'il soit nécessaire d'en indiquer le motif, mention non exigée par l'article L. 1242- 12 du code du travail concernant les CDD d'usage.
Par ailleurs, il convient de déterminer si le travail effectué par M. [P] était par nature temporaire ou s'il recouvrait des besoins permanents au sein de la société.
Il est avéré que l'activité de M. [P] était une prestation d'enquête téléphonique exercée dans le même lieu, les locaux de la société à MALAKOFF, chaque enquête était différente tant dans sa nature que sa durée (allant d'un jour à quelques jours), l'objet de l'enquête étant précisé; bien que les enquêtes soient différentes pour des clients différents, certaines enquêtes apparaissent de manière récurrente y compris pour un même client (GIM, EBF, EDF, radios, ...), sans que toutefois l'on sache toujours quel est le client au seul nom de l'intitulé, et le travail de M. [P] reste le même travail de prestation d'enquête téléphonique, activité normale et permanente de la société TNS SOFRES consistant justement à proposer à ses nombreux clients des prestations variées.
C'est également le cas de ses huit autres collègues (intimés dans des dossiers similaires plaidés à la même audience par les mêmes avocats, ayant eu connaissance des pièces des deux dossiers) qui effectuaient le même type d'études, parfois pour les mêmes clients que M. [P], ce que la cour a pu vérifier en analysant les contrats de travail de ces salariés.
Par ailleurs, si la durée des missions variait, ces missions étaient régulières quasiment chaque mois sur la période contractuelle, à l'exception du premier trimestre 2011 sans contrats.
Si la société TNS SOFRES devait effectuer parfois des enquêtes «éclair» dites OMNIPHONE, dont les modalités étaient déterminées en quelques jours avec les clients au vu des pièces produites, ce qui supposait une forte réactivité et donc un accroissement d'activité soudain pouvant justifier le recours à des CDD (la société ne travaillant pas avec des sous- traitants), elle ne rapporte la preuve que d'une participation très limitée de M. [P] à ce type d'enquêtes; en effet, au vu des contrats concernés, M. [P] n'a travaillé en 2012/2013 que de manière très ponctuelle, soit 83h au total, pour ce type d'enquêtes OMNIPHONE, au vu des annexes des bulletins de paie seulement produites par la société pour ces deux années.
Ces éléments sont insuffisants pour rapporter la preuve que le travail effectué par M. [P], certes ponctuellement en urgence et de manière aléatoire pour des enquêtes OMNIPHONE (soit 83h sur 1239h entre 17 mois, de janvier 2012 à avril 2013, soit 4,88 h par mois en moyenne et 7% du temps de travail), était un travail par nature temporaire, alors qu'au contraire le travail de M. [P] correspondait le plus souvent à l'activité normale et permanente de la société TNS SOFRES sur la majeure partie de la relation contractuelle qui a duré environ 2 ans 4 mois.
Faute pour la société TNS SOFRES de produire des éléments consistants sur le travail effectué par l'ensemble des salariés employés en CDD sur la période contractuelle concernée, et des éléments sur toute la période contractuelle de M. [P] pour établir sa participation régulière à des enquêtes ponctuelles et urgentes, la cour considère que la société ne rapporte pas la preuve qu'elle était contrainte, par la nature urgente et ponctuelle et le volume de ces enquêtes, de les confier à des enquêteurs vacataires en CDD comme M. [P], plutôt qu'à des salariés permanents en CDI classique ou CEIGA.
Par conséquent le recours de manière quasiment ininterrompue à un grand nombre de CDD d'usage sur une longue période pour l'emploi de M. [P] n'était pas justifié par la nature temporaire de son emploi, de sorte qu'il convient de faire droit à la demande de requalification des CDD en un CDI à compter du 20 décembre 2010, comme l'a jugé le conseil.
Sur le temps de travail :
Selon l'article L.3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la qualification du salarié, les éléments de rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié, outre les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail prévue par le contrat.
L'absence d'une de ces mentions entraîne la requalification en contrat de travail à temps complet, et il incombe à l'employeur qui le conteste de rapporter la preuve qu'il s'agit d'un travail à temps partiel.
En l'espèce le premier contrat de M. [P] en date du 20 décembre 2010 ne comporte pas toutes les mentions sus-énoncées:
- aucun horaire de travail n'est indiqué, et encore moins les modalités selon lesquelles les horaires précis de travail pour chaque journée travaillée lui seront communiqués par écrit, contrairement aux exigences du texte, car le contrat mentionne seulement:
'consignes et délais de réalisation: fixés par le responsable des enquêtes téléphoniques et communiqués par le chef d'équipe lors du briefing.
Délais prévisionnels*: du 20 au 23 décembre 2010'
'*Remarque: ces délais ne permettent en aucune façon de définir le nombre d'heures travaillées.'
Ainsi les modalités des jours et des heures de travail ne sont donc pas communiqués par écrit au salarié, mais confirmés par téléphone la veille.
En effet, ce premier contrat est signé le jour du début de la prestation de travail, comme les suivants, quasiment tous signés le premier jour ou la veille de leur exécution, et il est avéré que le salarié devait appeler la société la veille pour le lendemain pour avoir une confirmation, comme l'indique M. [P], sans contestation de la société sur ce point, pour savoir s'il allait travailler et pour combien de jours.
Ces éléments sur l'organisation sont confirmés par le guide de l'enquêteur, qui précise les jours (lundi, mercredi et vendredi) et plages horaires pour appeler le responsable de planning, et le fait que la confirmation de la convocation des vacataires leur est donnée la veille à partie de 18h30 pour le lendemain pour les études de journée, et le jour même à partir de 13h pour les études en soirée.
Cette disponibilité des vacataires est relativement importante, puisqu'il est requis qu'ils contactent la société TNS SOFRES au moins une fois par quinzaine, sous peine de perdre leur emploi; en effet, il est mentionné dans ledit guide: «'nous vous rappelons que si vous êtes vacataire et si aucun point n'a été effectué pendant deux semaines, vous serez radié du fichier Enquêteurs.'»
Toutefois, le vacataire, comme M. [P], pouvait être indisponible sur une courte période sans perdre son emploi, à condition d'en faire la demande écrite au responsable des enquêtes, qui l'acceptait ou non.
Or, concernant M. [P], la société ne produit qu'une seule seule autorisation d'absence, qui correspond à un arrêt- maladie du 14 au 23 septembre 2012.
Il appartient donc à la société, pour faire échec à la requalification encourue pour non respect de l'article L.3123-14 du code du travail, de rapporter la preuve que M. [P] ne se tenait pas à sa disposition permanente, ce qu'elle ne fait pas.
En effet, s'il n'a effectivement travaillé que 8 mois sur 12 en 2011 ( d'avril à juillet, de septembre à décembre), la société n'établit pas qu'elle lui a proposé du travail pour les périodes interstitielles qu'il aurait refusé au cours de l'année 2011.
En 2012, il a travaillé 11 mois sur 12, soit 191 jours, soit en moyenne 17 jours par mois en 11 mois, au vu des contrats de travail et bulletins de paie produits par les parties; là encore, la société n'établit pas qu'elle lui a proposé du travail qu'il aurait refusé pour les périodes interstitielles, sans qu'il faille prendre en compte la période de maladie, pour laquelle l'absence est justifiée.
Par ailleurs, M. [P] ne pouvait pas prévoir par avance ses temps de travail pour chaque mois, tous les contrats étant signés le premier jour de travail de la période concernée, avec un délai de prévenance compris entre quelques heures et un jour, ce qui rendait difficile la recherche d'un autre travail.
Ses avis d'imposition pour les années 2011 et 2012 démontrent qu'il a pas eu d'autre employeur que la société en 2012 et que son employeur principal en 2011 était la société ( à hauteur de 96 % de ses revenus), et aucun élément n'est produit par cette dernière pour rapporter la preuve que M. [P] avait choisi délibérément de travailler à temps partiel.
Dès lors, eu égard à l'ensemble de ces éléments et notamment aux modalités de prévenance sur les jours et horaires de travail, M. [P] se trouvait à la disposition permanente de la société TNS SOFRES, ce qui justifie la requalification du contrat de travail à temps plein, sur la base du salaire à temps plein coefficient 230 de la convention collective, soit 1254,28 €/mois, et le rappel de salaire afférents aux périodes non travaillées (périodes interstitielles) entre les contrats, en déduisant les salaires déjà perçus.
Le montant de l'indemnité de requalification allouée par le conseil, soit la somme de 1254,28 €, sera confirmé.
La société devra donc payer à M. [P], au titre des périodes interstitielles et selon les calculs mentionnés dans les conclusions de cette dernière, les sommes suivantes:
- 4 496, 77 € pour l'année 2011,
- 5 776,01 € pour l'année 2012,
- 1 466,02 € pour l'année 2013,
soit au total la somme de 11 738,80 €, outre celle de 1 173,88 € au titre des congés payés afférents, comme l'a jugé le conseil.
Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société, tendant à la déduction de l'indemnité de fin de CDD, car la mauvaise qualification du contrat est de son fait et ne saurait justifier une action en remboursement.
Sur la rupture de la relation contractuelle :
Lorsqu'un contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée postérieurement à son exécution, la relation contractuelle se trouve rompue de fait et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date du premier jour suivant celui auquel l'employeur, qui s'estimait à tort lié au salarié par un contrat de travail à durée déterminée venu à échéance, a cessé de lui fournir un travail et de le rémunérer.
(Cass 23 septembre 2014 n°13- 14- 896)
En l'espèce, la société, à compter du 25 avril 2013, a cessé de confier du travail à M. [P], et ce sans aucune explication, malgré la lettre recommandée que ce dernier lui a adressée du 30 avril 2013 pour réclamer des missions.
En l'absence de fourniture de travail depuis début mai 2013, et faute pour la société de prouver que M. [P] a refusé du travail à partir de cette date, il y a lieu de considérer que la rupture de la relation contractuelle est intervenue aux torts de l'employeur début mai 2013, la rupture ayant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Concernant les indemnités de rupture, il sera fait droit aux demandes de M. [P] à l'encontre de la société TNS SOFRES, pour les montants suivants valablement fixés par la conseil:
- 2 508,56 € au titre de l'indemnité de préavis, pour deux mois de préavis (vu son ancienneté de plus de 2 ans en application de l'article L. 1234-1 du code du travail), outre celle de 250,85 € de au titre des congés payés afférents,
- 487,77 € au titre de l'indemnité légale de licenciement.
Vu l'ancienneté de M. [P], soit plus de 2 ans, le montant de 7 525,68 € (équivalent à 6 mois de salaire) alloué par le conseil à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, apparaît justifié.
Le jugement sera donc intégralement confirmé.
La cour ajoutera la condamnation de la société à rembourser à POLE EMPLOI ILE DE FRANCE 3 mois d'allocations chômage éventuellement versées à M. [P] , en application de l'article L. 1235- 4 du code du travail.
Sur les demandes accessoires:
La somme de 1000 € sera allouée à M. [P] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de celle de 950 € allouée par le conseil.
La société TNS SOFRES sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe:
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT en date du 15 décembre 2015,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;
Condamne la société TNS SOFRES à rembourser le cas échéant à POLE EMPLOI ILE DE FRANCE 3 mois d'allocations versées à M. [P];
Condamne la société TNS SOFRES à payer à M. [P] la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de celle de 950 € allouée par le conseil, et la condamne aux dépens d'appel.
- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, Président et par Madame FABRE, Greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le GREFFIER, Le PRESIDENT,