COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50G
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 05 JANVIER 2017
R.G. N° 15/00868
AFFAIRE :
[S] [G],
es qualité
...
C/
[B] [Q] épouse [W]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 18 Décembre 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 01
N° RG : 11/08568
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Marc VILLEFAYOT de la SCP HADENGUE & ASSOCIES
Me Catherine LEGRANDGERARD
Me Sophie BARCELLA de la SELARL 3ème Acte Société d'avocats
Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE CINQ JANVIER DEUX MILLE DIX SEPT,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
1/ Maître [S] [G], es qualité de liquidateur amiable de la société anonyme de CREDIT IMMOBILIER DES ENVIRONS DE PARIS ' SACIEP' »
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représentant : Me Marc VILLEFAYOT de la SCP HADENGUE & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 - N° du dossier 1500095
Représentant : Me Claire HUDELLET de la SCP RIBADEAU DUMAS - CHEMINADE - HUDELLET, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0183
APPELANT ET INTIME
2/ SARL CHAVILLE IMMOBILIER, anciennement dénommée 'BR IMMOBILIER'
N° SIRET : 505 320 523
[Adresse 3]
[Adresse 4]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Catherine LEGRANDGERARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 391
Représentant : Me Nathalie PAUWELS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituant Me Manuel RAISON de la SELARL Société d'exercice libéral RAISON-CARNEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2444
APPELANTE ET INTIMEE ET INTERVENANTE VOLONTAIRE
****************
1/ Madame [B] [Q] épouse [W]
née le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 1]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Adresse 4]
Représentant : Me Sophie BARCELLA de la SELARL 3ème Acte Société d'avocats, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1622
INTIMEE
2/ SCP [M] [T], [S] [V], [Q] [A] et [J] [K], notaires
N° SIRET : 784 402 869
[Adresse 6]
[Adresse 7]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Michel RONZEAU de la SCP SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOCIES, Postulant et Plaidant, avocat au barreau du VAL D'OISE, vestiaire : 9 - N° du dossier 1524173
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 10 Novembre 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président, et Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET
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FAITS ET PROCEDURE
Par acte du 29 octobre 2003, établi par l'agence immobilière Chaville immobilier, la société anonyme de crédit des environs de Paris (la Saciep), a consenti à [B] [W] une promesse synallagmatique de vente portant sur les lots 159 et 665 d'un ensemble immobilier situé à Chaville, moyennant le prix de 97 000 euros et le versement d'un dépôt de garantie de 9 800 euros.
L'acte authentique devait être établi au plus tard le 15 avril 2004, sous réserve de l'obtention par le notaire de toutes les pièces, titres et documents nécessaires à la réalisation de l'acte.
Le 26 janvier 2004, Me [T], notaire chargé initialement par les parties à la promesse de rédiger l'acte de vente, a levé un état hypothécaire, lequel a révélé notamment une inscription d'hypothèque conventionnelle au profit de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Loire Drôme Ardèche contre la société Le Doisu pour sûreté de la somme en principal de 27 000 000 francs et ayant effet jusqu'au 9 janvier 2012, et une inscription d'hypothèque légale prise les 20 janvier et 20 mars 2000 entre le jugement d'adjudication et sa publication, au profit du Trésor public, et ayant effet jusqu'au 19 janvier 2010.
[B] [W] a, par actes des 15, 27 avril et 3 juin 2011, assigné devant le tribunal de grande instance de Nanterre M. [G], liquidateur amiable de la Saciep, la société Chaville immobilier et la SCP [T]-[V]-[A]-[K]-[U] pour obtenir la réalisation forcée de la vente et le paiement de diverses sommes en réparation de ses préjudices.
En cours d'instance, la Saciep et [B] [W] ont, après mainlevée des inscriptions, réitéré la vente par acte authentique du 8 janvier 2013.
[B] [W] a en cours d'instance modifié ses prétentions et a sollicité la réparation de divers préjudices.
Par le jugement entrepris, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- condamné in solidum Me [G], en sa qualité de liquidateur amiable de la société anonyme de crédit immobilier des environs de Paris, et la société Chaville immobilier à payer à [B] [W] la somme de 76 753,29 euros à titre de dommages-intérêts,
- condamné les mêmes à payer à [B] [W] les intérêts au taux légal sur la somme de 9 800 euros depuis le 29 octobre 2003, diminuée des intérêts qui lui seront servis par la Caisse des dépôts et des consignations,
- dit que, conformément à l'article 1154 du code civil, les intérêts échus depuis plus année seront capitalisés et produiront eux-mêmes intérêts,
- condamné in solidum Me [G], ès qualité, et la société Chaville immobilier à payer à [B] [W] la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné [B] [W] à payer à la SCP [T] Leroy [A] Brandon [U] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné in solidum Me [G], ès qualité, et la société Chaville immobilier aux dépens.
La société Chaville Immobilier et [S] [G], es qualité, ont interjeté appel les 14 janvier et 2 février 2015 et les deux instances ont été jointes le 15 octobre 2015.
Dans ses conclusions signifiées le 20 octobre 2016, [S] [G], es qualité, demande à la cour de :
- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté [B] [W] de ses demandes relatives à la dégradation de l'appartement, à un manque à gagner sur une police d'assurance-crédit pour acquérir l'appartement, à un redressement fiscal et enfin à un défaut d'exécution partielle du transfert de propriété,
Statuant à nouveau,
- débouter [B] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement,
- minorer les montants des préjudices,
- juger que la société Chaville Immobilier a manqué à ses obligations professionnelles et qu'elle est seule responsable du préjudice de Mme [W] et la condamner, soit à supporter la charge de l'indemnité qui serait allouée à celle-ci soit à garantir Me [G], es qualité de liquidateur amiable de la Saciep, de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre lui,
A titre reconventionnel,
- juger que la procédure entreprise par [B] [W] est abusive,
En conséquence,
- la condamner à régler à Me [G], es qualité, la somme de 10 000 euros,
- la condamner à lui payer la somme de 7 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.
Dans ses conclusions signifiées le 18 octobre 2016, la société Chaville Immobilier demande à la cour de :
- constater l'intervention volontaire de la société Chaville Immobilier immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 505 320 523,
A titre principal,
- constater l'absence de faute de l'agence immobilière, l'absence de préjudice indemnisable imputable à l'agence immobilière et l'absence de lien de causalité entre la mission de l'agence et les préjudices allégués,
En conséquence,
- infirmer le jugement entrepris,
- rejeter les demandes formées à son encontre,
A titre subsidiaire,
- juger que le pourcentage de sa responsabilité ne saurait excéder 5 %,
- minorer très substantiellement le préjudice allégué et juger qu'il ne saurait excéder la perte de chance d'avoir pu régulariser plus tôt la vente,
- condamner la Saciep, représentée par son liquidateur amiable, à la relever indemne et la garantir de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre,
- fixer pour ce faire la créance au passif de la liquidation de la Saciep,
En toute hypothèse,
- condamner [B] [W] à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.
Dans ses conclusions signifiées le 11 août 2015, la SCP notariale demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté [B] [W] de l'intégralité de ses demandes dirigées contre elle,
En tout état de cause,
- débouter [B] [W] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la SCP notariale,
Y ajoutant,
- condamner [B] [W] ou tout succombant à verser à la SCP notariale la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.
Dans ses conclusions signifiées le 12 juin 2015, [B] [W] demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* retenu la responsabilité de Me [G], es qualité, et de la société Chaville Immobilier et les a condamnés à réparer les préjudices matériels relatifs au défaut de jouissance du logement, aux frais de transport ainsi qu'au préjudice moral,
* condamné Me [G], es qualité, à lui verser les intérêts au taux légal sur la somme de 9 800 euros depuis le 29 octobre 2003, avec capitalisation des intérêts,
* condamné Me [G], es qualité, à une indemnité de procédure et aux dépens.
- infirmer le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
- ordonner à Me [G], es qualité, ou tout autre représentant qui s'y substituerait, la société Chaville Immobilier et la SCP de notaires d'identifier la boîte aux lettres attachée et /ou de la faire mettre à disposition de l'acquéreur du lot vendu sous astreinte de 50 euros par jour de retard,
- condamner solidairement les mêmes à lui payer les sommes suivantes :
* 65 872,96 euros au titre de son préjudice consécutif au défaut de jouissance de son logement,
* 25 000 euros au titre de son préjudice lié à la dégradation de l'appartement,
* 5 000 euros au titre de son préjudice lié au manque à gagner sur la police d'assurance-crédit,
* 4 000 euros correspondant aux frais de transport,
* 3 000 euros au titre du défaut d'exécution partiel du transfert de propriété/jouissance,
* 15 000 euros au titre du préjudice moral.
- condamner solidairement les mêmes à garantir [B] [W] de toute éventuelle condamnation ou demande de paiement liée au comportement fautif des parties adverses, en ce compris tout éventuel redressement ou taxation fiscale,
- ordonner, en tant que de besoin, l'inscription au passif de la Saciep,
- rejeter l'intégralité des demandes formées par la Saciep,
- condamner solidairement Me [G] -ou tout autre représentant qui s'y substituerait- la société Chaville Immobilier et la SCP de notaires au paiement de la somme de 9 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec recouvrement direct.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 novembre 2016.
SUR QUOI, LA COUR
Le tribunal a jugé qu'en ne procédant pas aux vérifications qui s'imposaient à elle, la Saciep a commis une faute qui a empêché [B] [W] de jouir du bien à la date convenue.
Le tribunal a ensuite retenu qu'il appartenait à la société Chaville Immobilier, chargée par la Saciep de rédiger le compromis de vente, de s'assurer de son effectivité, et spécialement de la disponibilité du bien en levant un état hypothécaire.
Le tribunal a en revanche considéré que Me [T] n'avait pas manqué à ses obligations de diligence et de conseil à l'égard de Mme [W].
Me [G], en sa qualité de liquidateur amiable de la Saciep, rappelle que celle-ci a reçu par jugement d'adjudication l'attribution de plusieurs lots immobiliers en compensation partielle d'une créance, qu'elle a mis en vente mais qu'elle n'est pas 'une professionnelle de l'immobilier'. Il fait valoir que la Saciep ignorait que des inscriptions hypothécaires sur le bien étaient intervenues entre le jugement d'adjudication et sa publication. Il affirme qu'il incombait à la société Chaville Immobilier de lever un état hypothécaire préalablement à la signature du compromis et que c'est sa défaillance qui est à l'origine du litige.
S'agissant des préjudices allégués, Me [G] rappelle que [B] [W] a choisi d'acquérir le bien plutôt que de se prévaloir de la condition suspensive et qu'elle s'est abstenue de demander à la Saciep la réitération de la vente.
La société Chaville immobilier souligne que le vendeur a lui-même une obligation d'information et de loyauté envers son mandataire, lequel ne l'a pas informée de l'existence d'une hypothèque sur le bien, qu'elle ne pouvait concevoir une difficulté à ce titre alors que d'autres lots avaient été vendus précédemment et qu'il s'agit là d'un vice caché excluant sa responsabilité. Elle ajoute qu'elle a fait preuve de précaution en insérant une condition suspensive et que la levée d'un état hypothécaire relevait de la mission impartie au notaire.
[B] [W] fait valoir que les trois intervenants à la vente ont commis des fautes à l'origine de ses préjudices : la Saciep en déclarant de mauvaise foi, lors de la conclusion du compromis de vente, que les biens étaient libres de toute hypothèque et en tardant à faire régulariser l'acte authentique, la société Chaville immobilier en ayant méconnu son devoir de conseil et de diligence en ne l'informant pas de l'état hypothécaire de l'immeuble, en omettant de lever l'état hypothécaire de l'immeuble et en ayant tardé à faire régulariser l'acte authentique. Quant à la SCP de notaires, [B] [W] lui reproche d'avoir méconnu son devoir de conseil, de ne l'avoir l'avoir informée que tardivement de l'inscription émanant du Trésor public et de ne l'avoir pas informée de l'existence de l'inscription hypothécaire prise par la Caisse d'épargne, et de ne pas avoir vérifié la situation hypothécaire de l'immeuble.
Comme devant les premiers juges, la SCP de notaires fait valoir que Me [T] a été diligent en informant [B] [W] dès le 9 juin 2004 de l'impossibilité de réaliser la vente du fait de la situation hypothécaire du bien, qu'il s'est employé à obtenir du Crédit immobilier de France et duTrésor public la mainlevée de l'hypothèque et que [B] [W] ne rapporte la preuve ni d'un lien de causalité entre son intervention et le préjudice qu'elle invoque ni la preuve de ce préjudice.
* * *
- Sur les manquements reprochés à la Saciep
Il est constant que la Saciep, créancière hypothécaire de la société Le Doisu ayant poursuivi devant le tribunal de grande instance de Nanterre la vente sur saisie de différents lots de copropriété au sein de l'ensemble immobilier situé à [Adresse 8], est devenue propriétaire des deux lots objets de la promesse de vente du 29 octobre 2003 par jugement d'adjudication rendu à son profit par le tribunal de grande instance de Nanterre, le 10 juin 1999.
Ce jugement n'a été toutefois publié au bureau des hypothèques que les 12 février et 6 mars 2001 du fait d'une transmission tardive de la copie du jugement par le conseil d'alors de la Saciep.
La Saciep fait l'objet d'une procédure de liquidation amiable depuis le 19 décembre 2001 et a entamé la réalisation de ses actifs, notamment la vente des lots qu'elle possède dans l'ensemble immobilier situé à [Localité 2].
La promesse de vente dispose notamment : "Le vendeur déclare (...) 4/ que les biens à vendre sont libres de tout privilège immobilier spécial et de toutes hypothèques conventionnelles, judiciaires ou légales, et que si des inscriptions hypothécaires se révélaient, il s'oblige à en rapporter mainlevée et radiation à ses frais".
Le vendeur qui donne mandat de vente contracte envers son mandataire une obligation d'information quant au bien objet du mandat. Il ne peut être soutenu par la Saciep que sa responsabilité se trouverait écartée au seul motif qu'elle ignorait que des inscriptions hypothécaires avaient été prises postérieurement au jugement d'adjudication. Même si la Saciep conteste la qualification de 'professionnelle de l'immobilier' que lui a donnée le tribunal, son activité consistait à consentir des prêts aux foyers à revenus modestes en vue d'une acquisition immobilière et le secteur de l'immobilier est donc loin de lui être étranger.
En déclarant expressément que le bien était libre de tout hypothèque, le vendeur prenait envers son mandataire comme envers le bénéficiaire de la promesse un engagement. En tout état de cause, il lui appartenait d'informer l'agent immobilier qu'il n'avait effectué aucune recherche en ce sens ou de lever un état hypothécaire.
C'est à bon droit que le tribunal a retenu la responsabilité de la Saciep en relevant qu'en ne procédant pas aux vérifications nécessaires préalablement à la déclaration qu'elle portait à l'acte, elle avait commis une faute.
- Sur les manquements reprochés à la société Chaville Immobilier
La promesse de vente a été conclue par l'entremise de la société Chaville Immobilier notamment sur la foi de la déclaration faite par le vendeur quant à l'absence d'hypothèque sur le bien.
Il est constant qu'en sa qualité de négociateur et rédacteur d'acte, l'agent immobilier est tenu de s'assurer que se trouvent réunies toutes les conditions nécessaires à l'efficacité juridique de la convention.
Sauf circonstance particulière non alléguée et encore moins démontrée au cas présent, il n'incombe pas à l'agence immobilière mais au notaire de lever l'état hypothécaire.
Le compromis litigieux contient la condition suspensive suivante : "La réalisation de la présente vente est soumise formellement aux conditions suspensives suivantes, stipulée au seul profit de l'acquéreur, lequel pourra toujours y renoncer : (...) 2/ Etat hypothécaire : que l'état hypothécaire ne révèle aucune inscription ou privilège d'un montant total supérieur au prix de vente convenu ou qui soit de nature à faire échec à l'obtention d'un crédit éventuel. (...)".
En insérant cette condition suspensive, l'agence immobilière s'est acquittée de ses obligations professionnelles en protégeant l'acquéreur des conséquences d'une inscription hypothécaire de nature à faire échec à la vente lorsque comme c'est le cas ici l'hypothèque inscrite au profit du Trésor Public l'était pour un montant supérieur au prix de vente.
Il importe peu que [B] [W] n'ait ensuite pas jugé opportun de se prévaloir de cette condition suspensive.
- Sur les manquements reprochés à la SCP de notaires
Me [T] n'est pas intervenu à la réalisation de la promesse de vente. Il ne peut donc lui être reproché un défaut d'information, de diligence ou de conseil à ce stade. Il n'est pas contesté qu'il a procédé le 26 janvier 2004 à la levée de l'état hypothécaire qui a révélé plusieurs inscriptions dont une prise les 20 janvier et 20 mars 2000 au profit du Trésor Public pour sûreté de la somme de 1 414 916 euros.
L'acte authentique de vente aurait dû être établi avant le 15 avril 2004. Par un courrier du 9 juin 2004, Me [T] a adressé à [B] [W] la copie de l'état hypothécaire et lui confirmait que cette inscription empêchait la réalisation de la vente tant que le Trésor public n'aurait pas donné son accord à une main-levée de cette inscription. Cette correspondance évoque les différents entretiens téléphoniques qui l'ont précédée.
Le notaire a manifestement tardé à informer plus complètement [B] [W] de l'existence des hypothèques, ne lui a adressé copie des documents qu'en juin 2004 et a omis de l'informer de l'hypothèque prise par la Caisse d'Epargne, étant toutefois observé que s'agissant de cette dernière, les formalités de main-levée restaient certes à accomplir mais le bien immobilier n'en était plus affecté en raison du jugement d'adjudication qui purge les hypothèques.
Mais la cour observe que ce manquement ne pouvait avoir de conséquence dés lors qu'en tout état de cause la vente n'aurait pas davantage pu se réaliser à la date convenue et que [B] [W] n'aurait pas renoncé à l'opération projetée.
La SCP de notaires justifie avoir réalisé de nombreuses démarches dés le 17 juin 2004 notamment auprès du Crédit immobilier de France, société mère de la Saciep, afin que soit levée l'inscription du Trésor Public, ainsi qu'auprès de la Saciep et du Trésor Public, démarches et interventions dont elle a tenu [B] [W] régulièrement informée.
Ainsi le manquement fautif du notaire est sans lien de causalité avec les préjudices allégués par [B] [W].
Seule la Saciep pourrait donc être tenue d'indemniser les préjudices allégués par [B] [W].
- Sur les préjudices
Le tribunal a jugé que [B] [W] n'avait commis aucune faute en choisissant de ne pas se prévaloir de la condition suspensive qui lui permettait de ne pas donner suite à la vente en cas d'hypothèque sur le bien au motif que cette clause a été édictée dans son unique intérêt.
Les intimés affirment que, dûment informée par le notaire que le bien immobilier faisait l'objet d'une inscription hypothécaire, [B] [W] avait fait le choix de poursuivre son projet et avait ainsi pris le risque que son projet d'acquisition subisse un important retard.
[B] [W] réplique qu'elle n'a fait qu'user de son droit le plus absolu de ne pas se prévaloir de cette condition et que de surcroît elle ne pouvait imaginer que le retard serait aussi important.
La condition suspensive ayant été édictée dans son seul intérêt, le fait pour [B] [W] de ne pas s'en être prévalue ne saurait en lui-même être fautif.
Toutefois en décidant de poursuivre son projet d'acquérir un bien immobilier dont elle apprenait qu'il était grevé d'une hypothèque, [B] [W] a pris un risque important de voir la réalisation de ce projet longuement retardée.
Il y a lieu de juger que [B] [W], qui a choisi de ne pas se prévaloir de la condition suspensive et de réaliser la vente, alors qu'à tout moment, au cours des années écoulées entre la signature de la promesse et la réitération, elle aurait pu le faire utilement, est mal fondée à demander réparation du préjudice ainsi causé, qui est exclusivement le résultat de sa propre décision.
Il n'est par ailleurs pas sans intérêt de relever que l'évolution du marché immobilier a entraîné un fort accroissement de la valeur marchande de ce bien, évalué par le vendeur à la somme de 180 000 euros.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ses dispositions relatives à l'indemnisation des préjudices allégués par [B] [W].
S'agissant de la demande relative à la boîte aux lettres, le tribunal a justement répondu que celle-ci était située dans les parties communes de son immeuble, lequel est soumis au régime de la copropriété, relevait donc de la responsabilité du syndicat des copropriétaires et qu'il appartenait à [B] [W] de demander au syndic de l'immeuble de lui faire bénéficier d'une boîte aux lettres conformément au règlement de copropriété de l'immeuble. Si à ce jour [B] [W] demeure confrontée à cette difficulté, qui pourtant ne semble pas insurmontable, la réponse donnée par le tribunal demeure pertinente et les demandes dirigées contre le vendeur seront rejetées.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux indemnités de procédure seront infirmées.
La Saciep ne démontre pas que l'appel formé par [B] [W] ait eu un caractère abusif à l'origine d'un préjudice et sera déboutée de sa demande en dommages-intérêts.
[B] [W], qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement direct.
L'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance comme en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Donne acte à la société Chaville Immobilier, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Nanterre sous le numéro 505 320 523, de son intervention volontaire,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a rejeté la demande dirigée contre la SCP de notaires et celles relatives à la boîte aux lettres,
Statuant à nouveau,
Rejette l'ensemble des demandes formées par [B] [W],
Rejette la demande en dommages-intérêts formée par Me [G] en sa qualité de liquidateur amiable de la Saciep,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne [B] [W] aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,