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07/12/2016 | FRANCE | N°15/01062

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 07 décembre 2016, 15/01062


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 07 DECEMBRE 2016



R.G. N° 15/01062



AFFAIRE :



[C] [N]





C/

SARL TAP FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 15/00030





Copie

s exécutoires délivrées à :



Me Roland ZERAH



SCP DUFOUR-HARTEMANN BRUN-PALAZZOLO





Copies certifiées conformes délivrées à :



[C] [N]



SARL TAP FRANCE







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SEPT DECEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 07 DECEMBRE 2016

R.G. N° 15/01062

AFFAIRE :

[C] [N]

C/

SARL TAP FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Janvier 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

Section : Encadrement

N° RG : 15/00030

Copies exécutoires délivrées à :

Me Roland ZERAH

SCP DUFOUR-HARTEMANN BRUN-PALAZZOLO

Copies certifiées conformes délivrées à :

[C] [N]

SARL TAP FRANCE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT DECEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [C] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Assisté de Me Roland ZERAH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0164

APPELANT

****************

SARL TAP FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Caroline BRUN de la SCP DUFOUR-HARTEMANN BRUN-PALAZZOLO, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 480

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Octobre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire GIRARD, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Gaëlle POIRIER,

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat à durée indéterminée à effet au 12 janvier 2009, M. [C] [N] a été engagé par la société Tap France en qualité de chef de marché automobile, statut non cadre, position VI, échelon I. A compter du 1er janvier 2010, il a été promu au statut de cadre. Dans le dernier état de la relation contractuelle, son emploi relevait du niveau 7, échelon 1 et il percevait une rémunération dont la moyenne sur trois mois s'élève à la somme de 4 686 € brut.

La convention collective applicable à la relation de travail est celle de commerces de gros (IDCC 573).

M. [N] a présenté des arrêts de travail du 3 septembre 2012 au 4 mars 2013, puis du 11 mars au 22 mai 2013. Aux termes de deux visites de reprise en date des 21 mai 2013 et 10 juin 2013, il a été déclaré « inapte au poste occupé et aux autres postes sur le site de [Localité 1] ».

Par courrier du 4 juillet 2013, la société Tap France a proposé au salarié deux postes de reclassement qu'il n'a pas acceptés.

Par courrier recommandé du 15 juillet 2013, M. [N] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement puis, il s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier adressé sous la même forme, le 29 juillet 2013.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles le 13 mai 2013 afin d'obtenir essentiellement des rappels de salaires, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et des dommages-intérêts pour harcèlement moral.

Par jugement du 26 janvier 2015, le conseil de prud'hommes de Versailles, section encadrement, a :

- dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Tap France de sa demande reconventionnelle,

- condamné M. [N] aux dépens.

M. [N] a régulièrement relevé appel du jugement le 24 février 2015.

Aux termes de ses conclusions transmises le 3 octobre 2016, soutenues oralement à l'audience du 19 octobre 2016, M. [N] demande à la cour d'infirmer le jugement et :

- condamner la société Tap France à lui payer les sommes suivantes :

* 8 152 € à titre de rappel de salaire,

* 2 250 € à titre de rappel de congés payés 2012,

* 39 136 € à titre d'heures supplémentaires,

* 25 000 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 120 000 € à titre d'indemnité pour licenciement nul, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 1 920 € à titre de frais de fonctionnement non remboursés,

* 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 13 500 € à titre d'indemnité de préavis,

* 1 350 € au titre des congés payés y afférents,

* 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions transmises le 23 août 2016 et soutenues oralement à l'audience du 19 octobre 2016, la société Tap France prie la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- subsidiairement, rejeter les demandes indemnitaires de M. [N],

- en tout état de cause, le condamner au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 19 octobre 2016,

Vu la lettre de licenciement,

SUR CE :

Sur l'exécution du contrat de travail :

M. [N] présente différentes demandes financières et soutient avoir été victime de harcèlement moral.

S'agissant tout d'abord du rappel de salaire, M. [N] soutient qu'il n'a pas perçu le salaire brut de 54'000 € par an prévu au contrat puisqu'en 2011 il n'a perçu que 52'323 € et seulement 47'525 € en 2012 . Il sollicite donc la condamnation de l'employeur à lui payer la différence, soit une somme de 8 152 € et l'infirmation du jugement qui l'a débouté de sa demande sur ce point.

L'employeur s'oppose justement à la demande en faisant valoir que durant ses arrêts maladie, M. [N], en application de l'article 6 de l'avenant 1, cadre, de la convention collective a bénéficié du maintien de ses appointements mensuels pendant trois mois s'agissant d'un arrêt maladie, qu'il ne justifie pas du montant des indemnités complémentaires perçues par le biais du régime de prévoyance et qu'il n'établit donc pas la perte de salaire alléguée.

La demande sera par conséquent rejetée et le jugement confirmé sur ce point, la cour relevant que M. [N] a été absent pour maladie en 2011, du 1er au 15 janvier, du 1er au 28 février, du 1er au 6 mars ; en 2012, à compter du 4 septembre et qu'il a perçu à ce titre des indemnités journalières de sécurité sociale et complémentaires dont il ne justifie pas.

S'agissant du différentiel d'indemnités journalières pour maladie sur l'année 2012, M. [N] soutient qu'il lui est dû un différentiel de salaire d'un montant de 1 655,35 €. Sa demande sera rejetée de la même façon et le jugement confirmé sur ce point, compte tenu du fait que les indemnités journalières sont versées en tenant compte des jours de carence, que le maintien de salaire à 100 % n'est conventionnellement dû que durant trois mois et que le salarié ne justifie pas du montant des sommes qu'il a perçues au titre de la garantie prévoyance.

S'agissant de la demande présentée au titre du rappel de congés payés, M. [N] soutient qu'il lui reste dû 11 jours de congés payés pour l'année 2012 en se fondant sur son bulletin de salaire du mois de décembre 2012 qui fait effectivement apparaître un solde de congés payés non pris de 11 jours. Cependant, comme l'a justement retenu le conseil de prud'hommes, il résulte de l'article L. 3141-3 du code du travail dans sa version en vigueur au moment du licenciement et de l'article 51 de la convention collective que les périodes d'arrêt maladie, pour cause non professionnelle, n'ouvrent pas droit à congés payés de sorte que M. [N] a été rempli de ses droits par la perception de la somme de 4 106 € au titre des congés restant dus, au moment de la rupture. La demande sera par conséquent rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.

S'agissant de la demande présentée au titre des heures supplémentaires, M. [N] soutient avoir effectué plus de 20 heures supplémentaires par semaine, soit 80 par mois et réclame en conséquence la condamnation de l'employeur à lui verser, sur quatre ans, une somme de 39'136 €.

Au vu des dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Au soutien de sa demande, M. [N] verse aux débats les pièces suivantes :

- des attestations de plusieurs de ses collègues de travail qui font état d'heures supplémentaires, de dépassements d'horaires, d'implication, de disponibilité (M. [G], M. [Z], M. [Y], Mme [X]) mais qui, rédigées de façon imprécise et non circonstanciée, ne suffisent pas à établir l'amplitude des horaires de travail du salarié,

- l'attestation de l'un de ses subordonnés, M. [J] qui précise que lui-même devait faire des comptes-rendus de ses visites à M. [N], très tôt et très tard dans la journée, de six heures à 22 heures, voire, même le samedi. La cour observe que la généralité de cette attestation ne permet pas davantage d'établir de façon précise le volume des heures de travail prétendument effectuées par M. [N],

- des mails qui lui ont été adressés en dehors des heures de travail ou qu'il a lui-même adressé qui ne suffisent pas à établir l'amplitude de ses journées et le volume des heures effectuées,

- quatre pages de planning qui ne suffisent pas davantage à établir un quelconque volume des heures effectuées.

Il ressort de ce qui précède que les éléments versés aux débats par M. [N] pour étayer sa demande ne sont pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre en fournissant ses propres éléments, de sorte que M. [N] n'étaie pas suffisamment sa demande et que celle-ci sera rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point. De ce fait, la demande présentée au titre du travail dissimulé sera également rejetée, le jugement étant encore confirmé sur ce point.

S'agissant de la demande de remboursement de frais, pour la première fois en cause d'appel, M. [N] sollicite la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 1 920 € à titre de frais de fonctionnement, représentant les frais d'électricité et d'abonnement Internet relatifs à son domicile personnel dont il soutient qu'il était transformé en bureau. Pour justifier sa demande, M. [N] communique quelques photographies d'une table de travail, ce qui est totalement insuffisant pour faire droit à sa demande en l'absence d'engagement de l'employeur sur la prise en charge de ces frais, ni de démonstration d'un quelconque usage en ce sens, ni de justification des sommes réclamées. La demande sera par conséquent rejetée.

S'agissant du harcèlement moral, aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

M. [N] soutient avoir été victime d'une mise à l'écart organisée ayant entraîné une dégradation de son état de santé. Pour établir l'existence de ces faits il verse aux débats, en dehors de ses propres écrits lesquels sont dépourvus de valeur probante, les éléments suivants :

- le mail dont le contenu n'est pas communiqué, adressé par lui le 23 mai 2012 à M. [V] [L] (p. 6) concernant une réunion commerciale à laquelle il était convié et dont il soutient dans ses écritures qu'il prouve que ses fonctions allaient être confiées à d'autres salariés. La cour observe que cette pièce parfaitement vide de tout contenu est totalement insuffisante pour démontrer les allégations du salarié,

- un échange de mails du 20 juin 2012 entre lui et Monsieur [L] dont il ressort que l'employeur entendait changer l'organisation du marché GSB, point qui n'est pas contesté,

- un mail de Monsieur [L] en date du 31 juillet 2012, adressé à Monsieur [K] [M], indiquant : « [W] on dégage [N], tu penses pouvoir aider [G] au début ' »

- un mail de M. [L] en date du 31 juillet 2012, adressé à d'autres salariés le 1er août 2012, indiquant « j'ai viré [C] [...] donc attention à ne plus rien lui communiquer et au contraire à tout reprendre en main »

- un mail de M. [K] [M] en date du 24 août 2012, indiquant que « [G] » reprenait la gestion commerciale des grands comptes dont les sièges sociaux se trouvent dans le nord »

- un rapport médico-légal en date du 7 décembre 2014, établi à la demande d'une société d'assurance, reprenant l'historique des antécédents médicaux de M. [N], faisant état de ses graves problèmes de santé, de ses problèmes de couple et de ses difficultés professionnelles,

- les avis d'inaptitude de la médecine du travail concernant tous postes à [Localité 1],

- des attestations de collègues de travail relatives à la dégradation des conditions de travail à l'intérieur de la société (M. [Y]), à l'état d'esprit de ceux-ci lorsqu'ils ont appris le licenciement de M. [N] (M. [Z], Mme [X]), à la mise à l'écart du salarié (suppression du logiciel de gestion indispensable aux commerciaux, redistribution de ses fonctions à d'autres personnes (Mme [X]),

- une attestation de M. [J] évoquant le harcèlement moral subi par le salarié tous les jours mais d'une façon si vague et si peu circonstanciée que la cour ne la retiendra pas,

- un mail de M. [L] du 15 février 2013 qui n'a pas été transmis en copie au salarié mais ce fait est insuffisant pour démontrer qu'il ne faisait plus partie des effectifs dès lors qu'il n'est pas établi qu'il était le seul salarié à ne pas être mis en copie et qu'il était en arrêt de travail à cette période.

Les éléments ainsi établis par M. [N], constitués finalement par son changement d'affectation, sa mise à l'écart de son ancien service, la brutalité des propos de son supérieur et son état de santé, pris dans leur ensemble, laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient en conséquence à l'employeur de prouver qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

La société Tap France soutient que, contrairement à ce que prétend M. [N], le changement d'organisation du marché, par délégation de certaines de ses fonctions à Mme [P], a été décidé au vu des résultats, peu concluants, du salarié qui n'a pas été en mesure d'établir un rapport sur son activité du premier trimestre 2012 pour une réunion prévue le 15 juin 2012 et que cette réorganisation reste conforme aux mentions de son contrat de travail selon lesquelles, en raison de ses impératifs d'adaptation au marché et ses besoins, la société pourra ajouter ou retrancher aux fonctions de M. [N].

Il résulte des échanges de mails entre M. [L] et M. [N] des 2 mai 2012, 18 juin 2012 et 20 juin 2012 que celui-ci a demandé à M. [N] ses chiffres pour la réunion sur le premier trimestre 2012, que le 1er juin, M. [N] a sollicité un report de 15 jours pour faire sa présentation, que l'employeur déplorait la baisse des chiffres de l'activité GSP depuis deux ans et attendait un changement de cap et a décidé une réorganisation du marché, attendant toujours, le 20 juin, un état des lieux précis de l'activité de M. [N]. Par ailleurs, le mail de M. [L] du 8 mars 2013 établit qu'à son retour de congé maladie, M. [N] devait être affecté sur le marché de l'automobile sous l'autorité de Monsieur [B]. L'employeur justifie ainsi suffisamment que la réorganisation du service de M. [N] a été décidée en vertu de son pouvoir de direction, en raison des résultats insatisfaisants obtenus par le salarié.

D'autre part, l'employeur verse aux débats plusieurs attestations de salariés dont celle de Mme [X] qui a également attesté en faveur de M. [N], selon lesquelles leurs auteurs n'ont jamais constaté personnellement de brimades, d'injures ou de faits de harcèlement à l'encontre de M. [N], de sorte qu'aucun élément objectif ne vient étayer les allégations de M. [N] même si ses collègues ont pu être surpris du changement d'organisation décidé.

De plus, même si le médecin du travail a indiqué que M. [N] était inapte à travailler sur [Localité 1], le rapport d'expertise médicale réalisé sur sa personne par l'expert de la compagnie d'assurance Axa, établit que M. [N] connaissait depuis plusieurs années de très graves problèmes de santé ainsi que des problèmes de couple de sorte qu'il n'est pas établi que la dégradation de son état de santé trouve son origine dans sa situation professionnelle.

Enfin, la cour observe que les expressions peu respectueuses utilisées par M. [L] pour parler de la réorganisation du service de M. [N] ne suffisent pas à elles seules à caractériser des agissements de harcèlement moral.

Il résulte de ce qui précède que les faits qui, pris dans leur ensemble, laissaient supposer des agissements de harcèlement moral sont en réalité justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers de sorte que la cour ne retiendra pas l'existence du harcèlement moral allégué. M. [N] sera débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur la rupture du contrat de travail :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :

« Vous avez été embauché en qualité de chef de marché automobile à compter du 12 janvier 2009 et par avenant du 4 janvier 2010 au poste de chef de marché GMS et GSB.

À la suite des visites médicales du 22 mai 2013 et du 10 juin 2013, et après étude de votre poste de travail et des conditions de travail dans l'entreprise, le Docteur [D], médecin du travail a déclaré inapte à votre poste.

Il a conclu : « inapte au poste occupé et aux autres postes sur le site de [Localité 1]. Faire un reclassement sur le groupe. »

Nous avons engagé recherche de reclassement au sein de l'entreprise.

Nous avons interrogé le médecin du travail, le Docteur [D] qui connaît l'entreprise pour s'y être présenté, sur les possibilités de vous reclasser dans l'entreprise, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Le médecin du travail a confirmé que vous étiez « inapte et de manière définitive au poste occupé et à tout poste sur le site de [Localité 1]. »

Ainsi, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur votre attitude et après un examen et des recherches approfondies, il s'avère que nous ne pouvons pas vous reclasser au sein de l'entreprise.

Nous avons alors effectué des recherches de reclassement au sein du groupe.

Nous avons interrogé les entreprises du groupe sur les postes vacants pouvant correspondre à vos compétences.

Deux postes étaient disponibles.

Par courrier en date du 4 juillet 2013, nous vous avons proposé de vous reclasser sur ces postes, vous laissant un délai de réflexion de huit jours.

Vous n'avez pas apporté de réponses positives à ses propositions de reclassement.

Nous sommes donc contraints de vous licencier pour inaptitude avec impossibilité de reclassement.

En application de l'article L. 1226-4 du code du travail, la rupture de votre contrat sera effective dès la notification de votre licenciement et vous ne percevrez donc pas d'indemnité compensatrice de préavis. »

La cour n'ayant pas retenu l'existence du harcèlement moral dénoncé par le salarié, la demande de nullité du licenciement qui en découlait sera rejetée, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du licenciement, M. [N] soutient d'une part que le motif réel du licenciement est un motif économique et d'autre part que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement.

Pour justifier que l'inaptitude n'est pas la cause exacte du licenciement et qu'en réalité le motif du licenciement était d'ordre économique, l'employeur entendant se dispenser de la procédure adéquate, M. [N] verse aux débats un mail de M. [L] en date du 8 mars 2013 précisant que les chiffres des deux premiers mois de l'année sont catastrophiques et une attestation de Monsieur [I], directeur industriel, qui indique qu'un plan social portant sur une réduction d'effectifs de 18 personnes a été présenté début 2011 au comité d'entreprise et s'est finalement soldé par 23 départs. Ces éléments sont insuffisants pour établir que le motif réel du licenciement est d'ordre économique d'autant que l'avis d'inaptitude médical est très postérieur à la date de présentation du plan social dont fait état M. [I].

S'agissant de l'obligation de reclassement, M. [N] reproche à l'employeur de lui avoir présenté des propositions impliquant une baisse substantielle de salaire et de ne pas justifier de ses recherches à l'intérieur du groupe Tap, implanté pourtant dans plusieurs pays et constitué de six sociétés. Il fait également valoir qu'il aurait pu exercer ses fonctions par télétravail.

L'employeur soutient au contraire avoir scrupuleusement respecté ses obligations en mettant en 'uvre tous les moyens dont il disposait dès lors que l'intéressé était inapte à un poste sur le site de [Localité 1] et que les postes éventuellement disponibles à l'étranger soit, n'entraient pas dans le périmètre de reclassement soit, supposaient une formation initiale qu'il n'était pas dans l'obligation d'assurer au salarié dans le cadre de son reclassement.

En application de l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Il résulte de l'avis d'inaptitude du médecin du travail comme du courrier de celui-ci, adressé à la société Tap France le 19 juin 2013, que M. [N] était inapte au poste occupé et aux autres postes sur le site de [Localité 1]. Il en résulte que M. [N] ne pouvait plus exercer de fonction au sein de la société Tap France même en télétravail. Le médecin du travail indiquait cependant outre l'interdiction de « tout poste » sur le site de [Localité 1] qu'une recherche pouvait être engagée sur le groupe.

La société justifie avoir effectué des recherches de reclassement au sein des autres sociétés du groupe comme la société Bellevret en produisant le courrier recommandé adressé à cette société le 26 juin 2013, laquelle a répondu le 28 juin en identifiant un poste de commercial sédentaire qui a été proposé à M. [N] le 4 juillet 2013, ou encore la société Tap Iberica, laquelle a répondu négativement, ou encore la société Tap Polland laquelle a répondu négativement le 28 juin 2013 ainsi qu'à la société Mathiaut production, laquelle a identifié un poste d'assistant commercial qui a été proposé au salarié par courrier du 4 juillet 2013.

Par ailleurs, s'agissant des sociétés Tap Romania et Tap Ukraine, l'employeur établit d'une part, que la société RC métal service est une unité de production en Ukraine qui fournit à la société Bellevret industrie des bennes, accessoires de bennes, des pièces en métal ferreux et des emballages en bois (contrat du 14 janvier 2015) et d'autre part, que la société Hexagon système qui a son siège en Roumanie, dans une mansarde, est un bureau d'études (acte constitutif du 10 juillet 2015), de sorte que la permutation de M. [N], commercial, au sein de ces entreprises aurait nécessité, de la part de l'employeur, une formation initiale qu'il n'est pas tenu d'assurer dans le cadre d'un reclassement.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur justifie avoir effectué les recherches de reclassement de manière sérieuse et loyale et le manquement allégué par M. [N] ne sera pas retenu.

La cour déboutera donc M. [N] de sa demande aux fins de voir juger le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M. [N] aux dépens. Il devra également les supporter en cause d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile et indemniser la société Tap France des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 1 500 €.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant par mise à disposition au greffe et contradictoirement,

Confirme le jugement dans toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [N] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne Monsieur [C] [N] à payer à la société Tap France la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [C] [N] aux dépens.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claire GIRARD, président et par Madame POIRIER, greffier en pré affectation, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 15/01062
Date de la décision : 07/12/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°15/01062 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-12-07;15.01062 ?
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