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03/11/2016 | FRANCE | N°14/00097

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11e chambre, 03 novembre 2016, 14/00097


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



11e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 NOVEMBRE 2016



R.G. N° 14/00097

SB/AZ



AFFAIRE :



[W] [M]





C/

SAS IREA









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne Billancourt



N° RG : 12/01773





Copies e

xécutoires délivrées à :



Me Elisabeth DELCROS

Me Alissar ABI FARAH





Copies certifiées conformes délivrées à :



[W] [M]



SAS IREA







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

11e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 NOVEMBRE 2016

R.G. N° 14/00097

SB/AZ

AFFAIRE :

[W] [M]

C/

SAS IREA

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne Billancourt

N° RG : 12/01773

Copies exécutoires délivrées à :

Me Elisabeth DELCROS

Me Alissar ABI FARAH

Copies certifiées conformes délivrées à :

[W] [M]

SAS IREA

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS NOVEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [W] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparante en personne, assistée de Me Elisabeth DELCROS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0147

APPELANTE

****************

SAS IREA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Alissar ABI FARAH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0536

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie BOSI, Président chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie BOSI, Président,

Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,

Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,

Vu le jugement du conseil de prud'hommes du 2 décembre 2013 ayant :

- dit que le licenciement constitue une faute grave,

- débouté Monsieur [M] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société IREA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de Monsieur [M] .

Vu la déclaration d'appel de Monsieur [M] du 2 janvier 2014.

Vu les dernières conclusions écrites de Monsieur [M] , développées oralement à l'audience de la cour par son avocat, qui demande :

- à titre principal, de prononcer la nullité du jugement,

- à titre subsidiaire, de requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, de :

* condamner la société IREA à payer à Monsieur [M] les sommes suivantes :

° indemnité de licenciement : 5652,62 euros

° indemnité compensatrice de préavis : 5652,62 euros en brut

° congés payés sur indemnité compensatrice de préavis :565,62 euros en brut

° dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 62 000 euros

° dommages et intérêts pour défaut de visite médicale de reprise : 15 000 euros

° rappel de salaire au titre de la mise à pied à titre conservatoire : 2 355,26 euros en brut

° congés payés incidents au rappel de salaire : 235,52 euros en brut

° dommages et intérêts pour harcèlement moral : 50 000 euros

* condamner la société IREA à payer à Monsieur [M] une indemnité pour frais irrépétibles de procédure de 2500 euros ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les frais d'exécution,

* dans l'hypothèse où la cour considérerait ne pas être suffisamment éclairée sur le contenu de la facture produite sous la pièce n°68, il lui est demandé avant toute décision au fond soit d'interroger la société BOUYGUES TELECOM soit de nommer un expert, et, de dire que les frais seront supportés par la société IREA.

Vu les dernières conclusions écrites de la société IREA ASCENSEURS, développées oralement à l'audience de la cour par son avocat qui demande :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [M] de toutes ses demandes,

- de le dire mal fondé en son appel,

- de condamner Monsieur [M] à payer à la société IREA la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- de condamner l'appelant aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.

CECI ETANT EXPOSE,

Considérant que la société IREA est spécialisée dans l'installation, la rénovation et l'entretien des ascenseurs ;

Considérant que par contrat de travail écrit et à durée indéterminée du 24 janvier 2008, la société IREA a engagé Monsieur [M] à compter du 28 janvier suivant en tant que technicien de travaux, niveau III, échelon 1 pour un salaire brut mensuel de 2 400 euros ;

Considérant que le 1er janvier 2009, Monsieur [M] a été promu agent de travaux, niveau III, échelon 2, et son salaire porté à 2 500 euros par mois sur 13 mois ;

Considérant que Monsieur [M] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 1er octobre 2012 ; qu'il a assisté à cet entretien en présence d'un délégué du personnel, Monsieur [F] ;

Considérant que par lettre recommandée avec avis de réception du 12 octobre 2012, la société IREA a notifié à Monsieur [M] son licenciement pour faute grave ;

Considérant qu'en dernier lieu Monsieur [M] percevait un salaire mensuel brut de 2540 euros auquel s'ajoutait une prime d'ancienneté de 49,45 euros et une prime de panier de 25,20 euros ;

Considérant que la convention collective de la métallurgie de la région parisienne s'applique à la relation contractuelle ;

Considérant que contestant son licenciement, Monsieur [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne Billancourt le 7 novembre 2012 pour obtenir l'annulation de la mesure et la condamnation de la société à lui payer différentes sommes dont une au titre du harcèlement moral ;

SUR LE HARCELEMENT MORAL :

Considérant qu'aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail et sont susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;

Considérant qu'en application de l'article L 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité des faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;

Considérant qu'en l'espèce, Monsieur[M] se plaint d'avoir été harcelé moralement par son employeur qui, agissant de mauvaise foi, lui a fait des récriminations répétées et non fondées sur une courte période de temps ;

Qu'il reproche à l'employeur de :

- lui avoir fait grief de ne pas avoir renouvelé un palan alors que le suivi du renouvellement de ce matériel ne lui incombait pas,

- lui avoir fait subir l'inventaire de son véhicule professionnel d'une manière inhabituelle,

- l'avoir rappelé à l'ordre après l'inventaire de manière disproportionnée pour un soi-disant risque pour la sécurité,

- lui avoir reproché le désactivage volontaire d'une application de sécurité mise en place en juin 2012 alors qu'il lui avait signalé que l'application s'éteignait et que la batterie se déchargeait,

qu'il alertait les standardistes de la société des difficultés qu'il rencontrait et que travaillant en binôme depuis janvier 2012, il n'avait pas besoin du suivi d'un travailleur isolé,

- avoir exagéré les conséquences du renversement accidentel d'un muret provisoire sur un site en travaux,

- l'avoir menacé de sanctions financières à propos d'une contravention pour excès de vitesse qu'il avait déjà acquittée et alors que son déplacement était dû à la nécessité de se rendre chez son médecin et que la possibilité de décaler ses horaires ne lui avait pas été notifiée,

- lui avoir fait grief d'utiliser le véhicule de service alors que la société avait toujours admis que ses salariés puissent l'utiliser pour leurs trajets travail-domicile et inversement ainsi que pendant leurs congés,

- lui avoir reproché d'avoir dit à l'un de ses collègues que son téléphone professionnel était bloqué et qu'il en avait acheté un personnellement ,

- ne pas avoir organisé de visite médicale de reprise pour lui,

- ne pas l'avoir reçu en entretien individuel et avoir supprimé sa prime en 2012,

- à son retour d'arrêt de travail du 17 janvier 2012, l'avoir changé de secteur d'intervention, lui avoir donné un véhicule automobile en mauvais état, de surcroît dépourvu de climatisation et de GPS, et, lui avoir changé son numéro de téléphone professionnel, ce qui lui avait fait perdre ses contacts, puis lui avoir attribué un nouveau téléphone le 5 juin 2012 mais avec des lignes bloquées,

- lui avoir reproché de ne pas porter son équipement de protection alors qu'il n'avait plus d'intervention et s'était rendu à un entretien dans le bureau de la dirigeante à 16h30,

- lui avoir interdit de recevoir des appels téléphoniques extérieurs à l'entreprise et d'utiliser l'application navigation du smartphone professionnel qui lui avait été remis alors qu'il ne disposait plus de GPS pour faire ses déplacements professionnels ;

Que le salarié ajoute que cette situation a eu des effets sur sa santé ; qu'il produit un certificat médical suivant lequel il souffre de dépression ;

Considérant que ces faits précis et concordants pris dans leur ensemble sont de nature à faire présumer d'un harcèlement moral ;

Considérant qu'il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ;

Considérant que la société IREA réplique à juste titre qu'elle a été contrainte de répondre aux nombreuses lettres que Monsieur [M] lui avaient adressées ;

Considérant que la cour relève que les parties ont communiqué très souvent au moyen d'écrits et qu'elles ont retracé dans leurs courriers le contenu de leurs échanges verbaux ;

Que Monsieur [M] a réclamé la remise d'instructions écrites de son employeur ou souhaité des délais pour lui répondre par écrit ;

Qu'il apparaît également que la dirigeante de la société a provoqué des contacts avec Monsieur [M] en la présence de témoins ;

Considérant que cette situation traduit la détérioration des relations existant entre les parties et l' absence de confiance réciproque ;

Considérant que dans ce climat délétère, l'employeur a répondu aux contestations du salarié en ajoutant d'autres faits à son encontre ou en lui rappelant d'autres règles ou difficultés rencontrées;

Considérant s'agissant des modifications de secteur, de véhicule professionnel et de 'puce téléphonique' après l'arrêt maladie de Monsieur [M] qui a duré quelques semaines en 2012, que ni l'attestation de Monsieur [F] ni la référence faite 'aux besoins du service' sont suffisantes pour justifier en l'absence de tout autre élément objectif que ces changements sont étrangers à tout harcèlement;

Qu'en effet, le secteur initial de Monsieur [M] a continué d'exister et les circonstances de son changement d'affectation ont été vexatoires dans la mesure où le nouvel attributaire de son secteur et de ses équipements était son ancien stagiaire ;

Qu'au surplus, l'état du parc automobiles du 1/01/2013 montre que la société disposait de véhicules à deux roues et de quelques voitures tous dépourvus de GPS ;

Que Monsieur [M] qui réalisait des déplacements pour se rendre sur des chantiers a été pénalisé par l'absence de GPS dans le véhicule automobile ainsi que par l'absence de possibilité d'utiliser l'application navigation du smartphone qui lui avait été remis par son employeur sans paralyser le système de sécurité mis en place ;

Considérant en conséquence que le harcèlement moral est caractérisé ; qu'il n'est pas nécessaire d'étudier les éléments avancés pour combattre la présomption pour les autres faits ;

Considérant qu'à l'audience, la cour a interrogé le représentant de Monsieur [M] sur les effets du harcèlement moral, dans l'hypothèse où il serait retenu sur la validité du licenciement, celui-ci a maintenu que seuls des dommages et intérêts étaient sollicités de ce chef ;

SUR L'ABSENCE DE VISITE DE REPRISE :

Considérant que Monsieur [M] soulève la nullité de son licenciement car il n'a pas passé de visite de reprise après l'accident de travail du 7 avril 2010 ;

Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à la suite de son accident du travail du 7 avril 2010, Monsieur [M] a été arrêté du 8 au 26 avril 2010 soit plus de 8 jours ;

Considérant que la reprise du travail n'a pas donné lieu à une convocation pour visite médicale de reprise ;

Considérant que le droit à la sécurité du travail a été méconnu ;

Que l'irrégularité n'est pas couverte par les visites ultérieures ;

Considérant que la société IREA ne pouvait licencier Monsieur [M] que pour faute grave;

Qu'en l'absence de faute grave le licenciement est nul ;

SUR LE LICENCIEMENT :

Considérant qu'en application de l'article L 1232-6 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception ; que cette lettre comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur ;

Considérant que Monsieur[M] affirme que la société IREA l'a licencié verbalement ;

Considérant que dans une lettre du 14 septembre 2012, postée le 17 septembre suivant, Madame [W], dirigeante de la société IREA, a répondu à une précédente lettre de Monsieur [M] du 6 août 2012 et lui a demandé des explications sur le fait que la société lui avait remis un téléphone le 5 juin 2012 pour les appels internes mais qu'il avait dit à ses collègues de travail qu'il ne pouvait plus l'utiliser et qu'il avait dû s'acheter un téléphone personnel ainsi que sur le fait qu'il utilisait son véhicule professionnel à des fins personnelles et qu'il avait été vu sur le parking d'une grande surface en compagnie d'un tiers ;

Considérant qu'il est constant que le 20 septembre 2012, pour un autre motif, Monsieur [M] a rencontré Madame [W] ; que la rencontre a eu lieu en la présence de Monsieur [F], délégué du personnel ;

Considérant que Monsieur [M] indique que Madame [W] lui a demandé de parler immédiatement de la lettre du 14 septembre et qu'il lui a répondu qu'il voulait avoir le temps de la relire ce qui lui a déplu ; qu'elle lui a dit qu'elle n'avait pas de temps à perdre avec lui et que puisque c'était ainsi, il était licencié sur le champ ; qu'il lui a rendu les papiers de la voiture ; qu'elle lui a demandé de reprendre ses affaires ; qu'il est descendu pour aller les chercher dans la voiture ; qu'elle l'a rejoint avec le délégué du personnel et Monsieur [E] et qu'elle lui a dit qu'il avait fait preuve d'insubordination et qu'il allait recevoir une mise à pied en ajoutant 'comme ça vous aurez le temps de lire le courrier que je vous ai envoyé' ;

Considérant que Monsieur [M] a relaté ces faits dans une lettre recommandée avec avis de réception du 20 septembre 2012 qu'il a adressée à la société IREA ;

Considérant que la société IREA a repris les faits dans la lettre de licenciement du 12 octobre 2012 en précisant que le 20 septembre 2012, Monsieur [M] avait refusé de s'expliquer sur les observations mentionnées dans la lettre recommandée du 17 septembre 2012 au sujet de ses utilisations à des fins personnelles du téléphone portable et de véhicule mis à sa disposition au motif qu'il n'avait pas lu la lettre ; que s'étant levé, l'employeur lui avait demandé de se rasseoir et proposé de lui lire la lettre en sa présence et en celle du délégué ; qu'il avait de nouveau refusé et s'était levé pour partir ; que l'employeur lui avait demandé une nouvelle fois de se rasseoir et de poursuivre l'entretien ; qu'il avait encore refusé en adoptant de surcroît un comportement ironique ;

Considérant que la société IREA conteste avoir licencié verbalement Monsieur [M] le 20 septembre 2012 ;

Considérant que par lettre du 21 septembre 2012, la société IREA a convoqué Monsieur [M] à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé le 1er octobre 2012 et lui a confirmé la mise à pied conservatoire qui lui avait été notifiée verbalement le 20 septembre 2012 dans l'attente de la décision à intervenir ;

Qu'elle a licencié Monsieur [M] pour faute grave par lettre du 12 octobre 2012 ;

Considérant que l'attestation de l'employeur à Pôle emploi précise que le dernier jour travaillé à été le 20 septembre 2012 ce qui correspond à la fois au point de départ de la mise à pied et à la date à laquelle le salarié prétend avoir été congédié verbalement ;

Qu'il ne saurait être tiré argument de la mention de la date du 20 septembre 2012 dans l'attestation pour Pôle emploi pour affirmer qu'il s'agit d'un indice contribuant à établir la date du congédiement verbal ;

Considérant par contre qu'il résulte de l'attestation claire et circonstanciée de Monsieur [F] du 5 décembre 2013, que Madame [W] a dit à Monsieur [M] le 20 septembre 2012 qu'elle le licenciait :

Que le témoin précise que Monsieur [M] a indiqué plusieurs fois qu'il voulait répondre 'par écrit et à tête reposée' à la demande d'observation de Madame [W] sur la lettre du 18 septembre précédent ; que celle-ci a nettement élevé le ton et lui a dit : ' Ici, c'est moi qui commande et si vous refusez le dialogue, je vous licencie sur le champ !' ; que Monsieur [M] lui a répondu : 'Eh bien licenciez- moi sur le champ' ; que Madame [W] a répliqué : 'Vous êtes licencié' ;

Que le témoin ajoute que Monsieur [M] est descendu dans le parking pour reprendre ses affaires ; que Madame [W] a demandé à Monsieur [E], directeur commercial, de les accompagner pour le rejoindre ; qu'en leur présence, elle lui a demandé de revenir pour discuter du courrier ; qu'il lui a dit qu'il lui répondrait par écrit puisqu'elle venait de le licencier ; que Madame [W], haussant le ton, a répliqué que puisqu'il refusait le dialogue, elle le mettait à pied trois jours ce qui lui laisserait le temps de lire la lettre ;

Considérant que l'employeur ne peut sans incohérence reprocher à Monsieur [F] son impartialité quand il relate des faits sur la réunion du 20 septembre, qui confortent la position de Monsieur [M] , et utiliser à son bénéfice le témoignage du même rédacteur quand il relate le déroulement de la journée de travail du 20 août 2012 ;

Considérant que la société IREA se prévaut de l'attestation de Monsieur [B] pour critiquer l'attestation de Monsieur [F] ;

Que toutefois, Monsieur [B] n'a pas assisté à la réunion du 20 septembre 2012 ;

Que l'état des relations entre Monsieur [F] et Monsieur [B] à propos d'élections n'ont aucun rapport avec le rôle tenu par Monsieur [F] lors de l'entretien du 20 septembre 2012 ;

Considérant en conséquence que le licenciement verbal même irrégulier est intervenu avant la notification de la mise à pied ;

Qu'il a entraîné la rupture du contrat de travail de Monsieur [M] dès l'instant ou le salarié en a pris acte ;

Que Monsieur [M] a pris ses effets personnels, laissé son véhicule de fonction et quitté l'entreprise pour ne plus revenir y travailler ;

Considérant que le support écrit à la motivation fait défaut et ne peut être régularisé par un envoi postérieur ;

Considérant au surplus que les griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement

comme constituant des fautes graves ne sont pas établis :

Que l'insubordination du 20 septembre 2012 ne résulte que des affirmations de l'employeur, Monsieur [F], témoin direct des faits, relevant que Monsieur [M] s'était opposé poliment à la demande d'explication de Madame [W], qu'il n'avait pas eu d'attitude irrespectueuse lorsqu'il s'était levé au cours de la réunion et qu'il s'était rassis quand elle lui avait demandé vivement de le faire ;

Que s'agissant du mensonge sur le déroulement de la journée de travail du 20 août 2012 , Monsieur [M] a indiqué à son employeur qu'il n'avait pas eu de pause déjeuner tandis que Monsieur [F] s'est montré plus nuancé sur les faits en précisant dans son attestation du 1er octobre 2012 qu'il avait proposé à Monsieur [M] de prendre sa pause déjeuner et de le rejoindre directement à l'adresse de l'intervention qu'ils devaient effectuer ensemble mais que Monsieur [M] avait préféré venir avec lui pour aller chercher une pièce ; qu'ils s'étaient ensuite rendus sur les lieux du travail où ils avaient mangé et 'pris une pause rapidement' ; que Monsieur [F] a certifié que l'intervention s'était terminée vers 16 heures sans préciser l'heure à laquelle les salariés avaient quitté les lieux ; que Monsieur [M] a évoqué également l'heure de 16 heures en précisant qu'il avait laissé un message à Monsieur [H] pour lui demander de partir à cette heure là mais que n'ayant pas reçu de réponse, il était resté sur place jusqu'à 17h15 ; que les éléments sur l'heure de départ fournis par Monsieur [M] ne sont pas nécessairement incompatibles avec ceux donnés par Monsieur [F] ; que l'appréciation sur la pause repas est légèrement divergente ; qu'il existe en tout état de cause un doute sérieux sur les faits qui doit profiter au salarié ;

Que s'agissant du comportement diffamatoire et des tentatives faites pour semer la discorde et dénigrer le contremaître du service après vente, M [J], auprès de l'un de ses collègues de travail , le relevé des contacts téléphoniques n'établit pas la teneur des propos reprochés au salarié ; qu'en outre, les attestations des salariés de la société Messieurs [Q], [Y], [J] manquent de précisions sur les propos tenus par Monsieur [M] ; que dès lors ni le caractère diffamatoire ni le dénigrement ne sont caractérisés ;

Que s'agissant de l'usage à des fins personnelles du smartphone Galaxy Nexus Samsung remis à Monsieur [M] le 5 juin 2012, il ressort du relevé des échanges DATA effectués à partir du numéro de téléphone attribué à Monsieur [M] que des connexions internet ont eu lieu avec son smartphone professionnel ; que la nature des connexions n'est toutefois pas établie ; qu'il ne peut être exclu que certaines mises à jour ont eu lieu automatiquement ; qu'en tout état de cause ces connexions n'ont pas eu lieu sur les heures de travail du salarié puisque l'employeur indique qu'elles ont eu lieu pendant un arrêt maladie les 13,17, 20, 21 et 26 août 2012 ainsi que pendant une journée de congés le 30 août 2012 ; que de surcroît la société IREA les quantifie dans la lettre de licenciement à 13 000 Ko et 4 342 Ko ; que converties en Mo ou Go, unités de mesure habituellement utilisées dans ce domaine, il apparaît que les consommations alléguées sont très limitées et traduisent une utilisation des plus restreinte d'internet ; que le relevé des communications téléphoniques du 13 juillet 2012 au 12 août 2012 mentionne l'existence d'appels qui ont duré pour les trois plus longs 11, 13 et 17 minutes ; que la grande majorité des appels sont inférieurs à 2 minutes et qu'ils n'ont coûté aucun supplément à l'entreprise qui avait souscrit un abonnement ; que l'employeur ne justifie d'aucun préjudice ; qu'au surplus l'employeur produit un document de l'URSSAF suivant lequel la remise des téléphones portables avait été retenue comme avantage en nature le 28 mai 2009 ; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments même si l'employeur avait mis en garde Monsieur [M] sur le fait qu'il ne devait pas utiliser à titre personnel le smartphone, il n'en demeurerait pas moins que la mesure de licenciement est totalement disproportionnée par rapport aux faits ;

SUR LA NULLITE DU LICENCIEMENT :

Considérant en conséquence qu'il résulte des éléments ci-dessus que le licenciement est nul et en tout état de cause dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;

SUR LES DEMANDES PECUNIAIRES :

Considérant que l'ancienneté de Monsieur [M] dans l'entreprise était à la date de son licenciement de 4 ans, 7 mois et 20 jours ( du 28 janvier 2008 au 20 septembre 2012 ) ;

Qu'il était âgé de 53 ans à la date de son licenciement ;

Que le salaire de Monsieur [M] était de 2 540 euros outre la prime d'ancienneté de 49,45 euros ;

Que la prime de panier correspond à des remboursement de frais ;

Que la moyenne de ses 12 derniers mois de salaire est de 2 801,11 euros prime d'ancienneté et 13ème mois compris ;

Qu'il a retrouvé un emploi en octobre 2015 avec une diminution de salaire ;

Considérant que la société IREA emploie plus 10 salariés ;

Considérant que Monsieur [M] a droit à une indemnité légale de licenciement de de

2. 598,36 euros ;

Considérant que le licenciement de Monsieur [M] n'entre pas dans le cadre d'un licenciement collectif ;

Que la demande d'indemnité conventionnelle de 5652,62 euros qu'il forme au motif qu'il est compris dans un licenciement collectif sera rejetée ;

Considérant que le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de rémunération soit 5 602,22 euros en brut outre les congés payés incidents soit 560,22 euros en brut ;

Considérant que Monsieur [M] ne demande pas sa réintégration ;

Qu'il a droit à une indemnité pour licenciement nul qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois soit 33 613,32 euros ;

Que le salarié fait état d'un préjudice financier supplémentaire lié aux difficultés de retrouver un emploi aussi bien rémunéré, à la perte de revenus et de droits à la retraite pour solliciter la somme de 62 000 euros ;

Qu'il a retrouvé un emploi en octobre 2015 avec une baisse de revenus ;

Qu'il a connu des épisodes de dépression ;

Qu'au vu des éléments d'appréciation dont elle dispose la cour évalue à la somme de

36 500 euros le montant des dommages et intérêts qui lui sont dus de ce chef ;

Considérant que la mise à pied conservatoire n'est pas justifiée ; qu'aucune faute grave n'a été caractérisée ;

Qu'il sera fait droit à la demande en paiement de la somme de 2 335,26 euros en brut augmentés de la somme de 233,52 euros en brut à titre de congés payés ;

Considérant que l'absence de visite de reprise pendant 7 mois a créé un préjudice au salarié qui n'a perdu la chance de bénéficier de mesure d'adaptation ;

Qu'il a été déclaré apte postérieurement ;

Que son préjudice est évalué à la somme de 2 000 euros ;

Considérant que le harcèlement a crée un préjudice moral au salarié que la cour est en mesure d'évaluer à la somme de 2 000 euros ;

Considérant que l'employeur sera condamné au paiement de ces sommes au salarié ;

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCEDURE CIVIL ET LES DEPENS :

Considérant que l'équité commande seulement d'indemniser Monsieur[M] des frais irrépétibles de procédure qu'il a dû exposer pour la première instance et l'appel ;

Que la société IREA sera condamnée à lui payer de ce chef la somme de 2 500 euros ;

Considérant que la société IREA qui succombe à l'action sera déboutée de sa demande de ce chef et condamnée aux entiers dépens qui comprendront les éventuels frais d'exécution ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Dit que le licenciement de Monsieur [W] [M] est nul,

Constate le harcèlement moral,

Condamne la société IREA à payer à Monsieur [M] les sommes suivantes :

- indemnité de licenciement de 2. 598,36 euros,

- indemnité compensatrice de préavis : 5 602,22 euros en brut,

- congés payés incidents: 560,22 euros en brut,

- indemnité pour licenciement nul : 36 500 euros,

- rappel de salaires pour mise à pied injustifiée : 2335,26 euros en brut,

- congés payés incidents : 233,52 euros brut,

- dommages et intérêts pour absence de viste médicale de reprise : 2 000 euros ;

- dommages et intérêts pour harcèlement moral : 2 000 euros

Dit que les créances salariales sont productives d'un intérêt légal à compter de la remise à l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,

Dit que les créances indemnitaires sont productives d'un intérêt au taux légal à compter de la décision qui les fixe;

Condamne la société IREA à payer à Monsieur [M] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société IREA aux entiers dépens en ce compris les éventuels frais d'exécution,

Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2 ème alinéa de l'art 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Sylvie BOSI, Président, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 11e chambre
Numéro d'arrêt : 14/00097
Date de la décision : 03/11/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 11, arrêt n°14/00097 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-11-03;14.00097 ?
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