La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/10/2016 | FRANCE | N°15/00786

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 26 octobre 2016, 15/00786


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





17e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 26 OCTOBRE 2016



R.G. N° 15/00786



AFFAIRE :



[A] [V]



C/



SA EMC COMPUTER SYSTEMS FRANCE









Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire - d'ARGENTEUIL

Section : Encadrement

N° RG : 12/00263







Copies exécutoires dél

ivrées à :



AARPI FOURNIER LABAT-SIBON ASSOCIES



SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE





Copies certifiées conformes délivrées à :



[A] [V]



SA EMC COMPUTER SYSTEMS FRANCE



POLE EMPLOI





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

17e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 26 OCTOBRE 2016

R.G. N° 15/00786

AFFAIRE :

[A] [V]

C/

SA EMC COMPUTER SYSTEMS FRANCE

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 10 décembre 2013 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire - d'ARGENTEUIL

Section : Encadrement

N° RG : 12/00263

Copies exécutoires délivrées à :

AARPI FOURNIER LABAT-SIBON ASSOCIES

SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[A] [V]

SA EMC COMPUTER SYSTEMS FRANCE

POLE EMPLOI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SIX OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [A] [V]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représenté par Me Virginie FOURNIER-LABAT de l'AARPI FOURNIER LABAT-SIBON ASSOCIES, avocate au barreau de Paris, substituée par Me GUEREL Marie, avocate au barreau de Paris, vestiaire : P0204

APPELANT

****************

SA EMC COMPUTER SYSTEMS FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Nicolas CALLIES de la SELAFA CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de Hauts-de-Seine , substitué par Me POLAK Faustine, avocate au barreau des Hauts-de-Seine, vestiaire : 1701

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Clotilde MAUGENDRE, Président, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Clotilde MAUGENDRE, Président,

Madame Isabelle DE MERSSEMAN, Conseiller,

Madame Monique CHAULET, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Christine LECLERC

Vu le jugement du conseil de prud'hommes d'Argenteuil (section encadrement) du 10 décembre 2013 qui a :

- dit que la société EMC Computer Systems France a valablement licencié M. [A] [V] pour faute grave, celui-ci ayant été rempli de tous ses droits,

- débouté M. [V] de toutes ses demandes,

- condamné M. [V] à verser à la société EMC Computer Systems France la somme de 1 500 euros toutes taxes comprises sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [V] à une amende civile de 1 500 euros qui sera recouvrée par le trésor public,

- condamné M. [V] aux entiers dépens.

Vu la déclaration d'appel adressée au greffe pour M. [V] le 6 janvier 2014.

Vu l'ordonnance de radiation prononcée le 11 février 2015 pour défaut de diligences des parties.

Vu la remise au rôle intervenue le 18 février 2015.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil pour M. [A] [V] qui demande à la cour, infirmant le jugement, de :

- constater la prescription des faits fautifs retenus à son encontre,

à titre principal,

- prononcer la nullité du licenciement prononcé à son encontre,

- condamner la société EMC Computer Systems France à lui verser la somme de 125 000 euros à titre de dommages et intérêts,

Subsidiairement,

- dire que le licenciement prononcé est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société à lui verser la somme de 125 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En tout état de cause,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

' 20 714,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 2 071,42 euros à titre de congés payés sur préavis,

' 6 124,27 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

' 50 000 euros à titre d'indemnité pour harcèlement moral,

- assortir les condamnations du taux d'intérêt légal, avec capitalisation des intérêts,

- ordonner, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document à compter de l'arrêt à intervenir, la remise de l'attestation Pôle emploi, des bulletins de salaire et du certificat de travail rectifiés,

- se réserver l'astreinte,

- condamner la société EMC Computer Systems France aux entiers dépens et au paiement de la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil pour la société EMC Computer Systems France qui demande à la cour de :

- dire le licenciement de M. [V] fondé sur une faute grave,

- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner M. [V] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR,

Considérant que M. [V] a été engagé par la société EMC Computer Systems France, en qualité de Technology Consultant, par contrat de travail à durée indéterminée du 12 juillet 2006 à effet au 4 septembre 2006 ;

Que, par courrier du 11 août 2008, lui a été confirmé sa nouvelle position, à partir du 1er août 2008, d'Alliance Technology Consultant, emploi ouvrant droit à une rémunération annuelle brute de 71 000 euros et à une rémunération variable annuelle de 12 000 euros à 100% d'atteinte des objectifs ;

Qu'à compter du 1er juillet 2010, il a été affecté au sein de l'équipe ' District Chase ' ;

Qu'il a été placé en arrêt de travail pour maladie à partir du 12 juillet 2010 jusqu'au mois d'octobre 2010 ;

Que, par mail du 23 juillet 2010, il s'est plaint auprès de son employeur d'avoir ' été mis sur une voie de garage et de subir un harcèlement moral ;

Qu'ayant repris son travail quelques jours à la fin du mois d'octobre 2010, à l'issue de la visite de reprise du 2 novembre 2010 il a été déclaré ' inapte temporaire  ;

Qu'il a alors été à nouveau placé en arrêt de travail pour maladie ;

Que, convoqué par lettre recommandée avec avis de réception du 31 janvier 2011 à un entretien préalable fixé au 8 février 2011, M. [V] a été licencié pour faute grave par lettre du 25 février 2011 ainsi libellée :

' (...)

Dans un courriel en date du 23 juillet 2010, vous avez contesté votre affectation au sein du district ' chasse de la société EMC2 au motif que celle-ci constituerait ' ni plus ni moins une voie de garage, encore appelée mise au placard ' portant atteinte à votre intégrité physique et morale.

Un tel reproche n'a pas manqué de nous surprendre dès lors que la conquête de nouveaux clients est une mission valorisante entrant pleinement dans le cadre de vos attributions.

Dans votre cas particulier, il s'agissait en outre d'une réelle opportunité pour révéler vos aptitudes professionnelles et votre capacité à vous impliquer dans un travail d'équipe.

De surcroît, vous n'aviez jamais formulé le moindre désaccord sur cette nouvelle tâche auparavant, notamment lors de vos différents entretiens avec Messieurs [M] et [U].

Concernant votre charge de travail, nous avons pris le soin de vous rappeler dans un courrier en date du 27 juillet 2010 que l'activité du district ' chasse était répartie entre les collaborateurs en fonction des affaires et des problématiques soumises à la société EMC2.

L'activité de ce district étant relativement faible durant la période estivale, il était donc normal que vous n'ayez pas de rendez-vous clients programmés à cette époque : d'autres ingénieurs technico-commerciaux étaient d'ailleurs dans la même situation que vous.

Il convient de souligner qu'au mois de juillet 2010, l'organisation du district « chasse » était encore en cours d'élaboration et requérait nécessairement quelques ajustements.

Lorsque vous avez repris vos fonctions le 26 octobre 2010, vous vous êtes entretenu avec Monsieur [M] au sujet de cette nouvelle affectation au sein du district « chasse ». Il vous a été rappelé que ce district comportait de réelles perspectives professionnelles.

Il a été prévu qu'un plan d'actions soit mis en place afin que vous puissiez reprendre vos fonctions en toute sérénité.

Vous avez remercié Messieurs [M] et [I] pour leur sens de l'écoute et leurs conseils.

Vous avez indiqué que vous n'étiez toutefois pas prêt à « affronter un rendez-vous client » et avez demandé à exercer votre activité en télétravail.

Les faits portés à notre connaissance récemment nous ont permis de comprendre, rétrospectivement, les réelles motivations de votre démarche.

En effet, nous avons été informés que vous vous consacriez pleinement au développement d'un projet professionnel depuis plusieurs mois.

Vous avez ainsi créé la société [Adresse 3], établissement enregistré au Registre du Commerce et des Sociétés le 6 octobre 2010.

La concomitance entre la création de cette structure, l'apparition de griefs à l'encontre de la société EMC2 et la demande de télétravail n'est certainement pas une coïncidence.

C'est la raison pour laquelle vous avez délibérément caché cette activité à votre hiérarchie et contrevenu à votre obligation d'aviser la société EMC2 de votre lieu de « repos » pendant l'arrêt de travail.

Lors de l'entretien préalable de licenciement, vous nous avez fait part être dans un « état naturel végétatif » vous empêchant d'avoir toute activité de quelque nature que ce soit.

Vous avez bien évidemment nié toute activité professionnelle au sein de la société [Adresse 3].

Or de toute évidence, cette activité professionnelle vous occupait à temps plein et vous profitait personnellement alors même que vous continuiez à être rémunéré par la société EMC2.

En effet, vous apparaissez dans le Registre du Commerce et des Sociétés comme le gérant officiel de cette société depuis sa création.

De même, vous apparaissez comme l'exploitant du site internet officiel de la Société.

Votre numéro de téléphone portable apparait en évidence tant sur le site internet que sur les plaquettes publicitaires de la Société, de sorte que les clients peuvent vous joindre en permanence.

La disponibilité que vous accordez aux clients de la société [Adresse 3] est d'autant plus inacceptable que vous prétendez par ailleurs ne pas être prêt à « affronter un rendez-vous client » pour le compte de la société EMC2.

Enfin, la gestion de la société [Adresse 3], comprenant plusieurs appartements et un spa « grand luxe », requiert nécessairement un investissement professionnel important incompatible avec un arrêt de travail.

L'exercice d'une activité à temps plein pendant la suspension rémunérée de votre contrat de travail, au détriment de votre employeur et à son insu, constitue un acte de déloyauté que nous ne pouvons tolérer.

Ce manquement, répréhensible en soi, est d'autant plus grave que vous avez par ailleurs reproché à la société EMC2 une prétendue « mise au placard ».

Vous n'aviez évidemment aucune intention de revenir travailler au sein de la société EMC2.

En réalité, vous avez invoqué des prétextes fallacieux pour suspendre votre activité au sein de la société EMC2 tout en continuant à bénéficier d'un maintien de rémunération.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour faute grave, lequel prend effet dès l'envoi de cette lettre, sans préavis ni indemnité de rupture. 

(...) .

Sur le harcèlement moral :

Considérant que M. [V] soutient que la modification de ses fonctions constituaient une rétrogradation déguisée , qu'un mois après son changement son emploi du temps était toujours vide et que ' la mise au placard qui lui a été imposée a entraîné une grave dépression réactionnelle ;

Qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, ' aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel  ;

Qu'en application de l'article L. 1154-1, dans sa version applicable au présent litige, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Qu'il n'est pas discuté qu'à partir du 1er juillet 2010 M. [V] a été intégré à l'équipe ' District Chasse ' et que le mois de juin devait être utilisé pour assurer une transition ;

Qu'il résulte du courrier de la société EMC Computer Systems France du 27 juillet 2010 évoquant l'insatisfaction de plusieurs ingénieurs commerciaux qui ont eu à travailler avec M. [V] et son manque d'implication dans le traitement de certains dossiers et de l'attestation de M. [G], responsable avant-vente, que ce changement de poste avait été imposé à M. [V] en raison de ces difficultés ; que le courrier établit également que M. [V] souhaitait que ce changement soit présenté comme une promotion accompagnée d'une augmentation de salaire, ce qui lui a été refusé ;

Que M. [V] allègue qu'à partir de son changement de service, il a été laissé sans travail ; qu'il résulte du mail de M. [M], manager, du 7 juillet 2010 ' peux-tu svp me rappeler avec qui tu bosses sur le district ' Sinon quels sont tes rendez-vous cette semaine ' et de la réponse ' [P] n'a pas encore statué (c'est en cours) apparemment je devrais travailler avec [Z] [P] et peut - être [Z] [R]. Je n'ai pas de rvd prévu cette semaine que le changement de fonction n'avait pas été effectivement mis en place au mois de juillet ;

Que cet élément et la circonstance que le mois de juin avait été présenté comme étant une période de transition corrobore la sincérité de l'agenda des mois de juin et juillet 2010 produit par M. [V] dont il résulte qu'il avait eu une activité extrêmement limitée ;

Que M. [D], M. [S], M. [N], Mme [B], amis de M. [V], attestent séparément de ce que celui-ci leur avait exprimé son inquiétude concernant son changement de poste au mois de mai 2010 et de ce qu'à la fin du mois de juin 2010 il leur avait indiqué qu'il s'était retrouvé sans activité, sans rendez-vous ; que tous les quatre témoignent de ce qu'à partir du mois juin 2010, il était en grande difficulté personnelle, très abattu et inquiet ;

Que Mme [W], cliente du Chalet la Vanoise, atteste que lors de son séjour au cours du mois de février 2011 elle a été accueillie par Mme [V] et que lorsqu'elle croisait M. [V] dans les escaliers ou sur le parking, il était habillé de façon négligée et semblait ' perdu et absent ;

Que la dégradation de l'état de santé de M. [V] est confirmée par ses nombreux arrêts de travail pour maladie, le premier en date du 21 juin 2010, par la production des ordonnances médicales lui prescrivant un traitement médicamenteux à partir du mois de juillet 2010, par l'avis d'inaptitude temporaire du 2 novembre 2010 et par les attestations très circonstanciées rédigées par Mme [A], pyschologue neurologue, les 9, 15 et 23 décembre 2010, 7 et 18 janvier 2011 qui décrit l'épisode de dépression majeure persistante de M. [V] malgré un suivi psychothérapeutique intensif ;

Considérant que les faits ainsi établis par M. [V], pris dans leur ensemble, permettant de présumer l'existence d'agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, il incombe à la société EMC Computer Systems France de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un harcèlement et sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Que l'attestation de M. [G] mettant en cause l'activité professionnelle antérieure de M. [V] mais indiquant aussi que dans son nouveau poste il allait travailler avec un responsable commercial, le mail du 1er juin 2010 de M. [M] demandant à M. [V] de se rapprocher de lui pour mettre en place son engagement dans le district Chasse et le mail du 21 juin reprochant à M. [V] son absence à une réunion, alors qu'il était ce jour là en arrêt de maladie, ne justifient pas que les agissements laissant présumer l'existence d'un harcèlement étaient justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'au contraire, ils établissent qu'aucune mesure n'avait été prise pour préparer le changement de fonction imposé et donner au salarié les moyens de faire face à ses nouvelles responsabilités et que, notamment, aucun responsable commercial n'avait été désigné comme étant son partenaire ;

Qu'infirmant le jugement, il convient donc de dire le harcèlement moral établi ;

Que la dégradation grave de l'état de santé de M. [V] est établie sur la période des mois de juillet 2010 à févier 2011 ; qu'en revanche, à l'exception de factures de consultations psychologiques des mois d'avril et mai 2011, aucun élément n'est communiqué pour la période ultérieure ;

Que le préjudice subi par M. [V] sera réparé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros ;

Sur la rupture :

Considérant,, qu'en application de l'article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois et courant à compter du jour où l'employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés, à moins que ces faits aient donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;

Que M. [V] soutient que la société EMC Computer Systems France était informée depuis 2008 de ce qu'il avait créé, en juin 2008, une SCI dénommée ' J.L.L.P ' pour acquérir un immeuble situé à Peisey-Nancroy, en Savoie, afin de le rénover et de mettre des appartements en location ; qu'il ajoute que la création en octobre 2010 de la SARL [Adresse 3], destinée à gérer les activités de la SCI, n'était que l'aboutissement de sa démarche ;

Que la société EMC Computer Systems France réplique que M. [V] est gérant des deux sociétés qui ont des objets bien différents et que si dans la première son investissement n'est que financier, dans la seconde il exerce une activité professionnelle incompatible avec la clause d'exclusivité qui figure dans son contrat de travail ; qu'elle affirme n'avoir été informée de l'activité parallèle du salarié qu'à la mi-décembre 2010 ;

Que l'employeur ne reproche pas à M. [V] d'avoir créé en juin 2008 la SCI J.L.L.P mais son activité au sein de la SARL [Adresse 3] ; que cette société, dont les statuts ont été déposés le 6 octobre 2010 et au sein de laquelle M. [V] exerçait la fonction de gérant, a fait l'objet d'une publication au BODAC le 22 octobre 2010 ;

Que la circonstance que M. [J], également salarié de la société EMC Computer Systems France, ait détenu des parts de la SCI J.L.L.P et que M. [V] en 2008 ait envoyé et reçu sur sa messagerie professionnelle des mails relatifs au chalet des Domaines de la Vanoise n'est pas de nature à démonter que la société EMC Computer Systems France connaissait alors l'implication de M. [V] dans une société qui n'existait pas encore ;

Que s'agissant d'une activité de location de terrains et d'autres biens immobiliers, totalement différente de celle exercée par la société EMC Computer Systems France, le témoignage circonstancié et précis de M. [Y], DRH, qui relate avoir été informé à la mi-décembre 2010 par un salarié de l'émoi suscité dans l'entreprise du fait que M. [V] en arrêt de travail pour maladie se vantait de consacrer son temps au développement d'un hôtel de luxe suffit à établir que l'employeur n'a eu connaissance des faits qu'à cette époque ;

Que la procédure disciplinaire ayant été engagée le 31 janvier 2011, les faits reprochés n'étaient pas prescrits ;

Considérant que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque ;

Que la société EMC Computer Systems France qui n'apporte pas la preuve que M. [V] ait perçu une rémunération de son activité de gérant de la SARL ne peut valablement lui opposer la clause d'exclusivité qui figure dans son contrat de travail ;

Que l'obligation de loyauté est maintenue pendant la période de suspension du contrat de travail résultant d'un arrêt de maladie ;

Que, cependant, l'exercice par le salarié, pendant un arrêt de maladie, d'une activité non concurrente à celle l'employeur et qui ne lui a pas causé de préjudice n'est pas constitutif d'un comportement fautif ;

Qu'en l'espèce, l'implication de M. [V] dans la constitution de la SARL [Adresse 3], la circonstance que sur le site internet il figure comme contact avec son numéro de portable et qu'il ait eu de nombreuses conversations téléphoniques relatives à la SARL ne constituaient pas une activité concurrente à celle de la société EMC Computer Systems France, leader mondial de stockage informatique, et n'étaient pas de nature à lui porter préjudice ;

Que, cependant, quand bien même le harcèlement moral est établi, il ne peut être déduit de la circonstance que M. [V] se soit plaint de harcèlement moral personnellement le 23 juillet 2010 et par son avocat le 8 septembre 2010, que le licenciement notifié le 25 février 2011 a pour véritable cause ces plaintes ;

Qu'il convient, infirmant le jugement, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Considérant que M. [V] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement ;

Qu'au regard de son âge au moment du licenciement, 44 ans, de son ancienneté d'environ 4,5 mois dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi eu égard à son expérience professionnelle et de ce qu'il ne communique aucun élément sur sa situation professionnelle depuis la rupture, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi, la somme de 50 000 euros ;

Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités ;

Que la société EMC Computer Systems France sera également condamnée à verser au salarié une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents dont il a été indûment privé et dont les montants ne sont pas critiqués ;

Considérant que sans qu'il soit besoin d'assortir cette mesure d'une astreinte, il convient d'ordonner à la société EMC Computer Systems France de remettre à M. [V] une attestation Pôle emploi, des bulletins de salaire et du certificat de travail rectifiés,

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de M. [V] les frais par lui exposés non compris dans les dépens à hauteur de 3 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Dit le harcèlement moral établi,

Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société EMC Computer Systems France à payer à M. [A] [V] les sommes suivantes :

' 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

' 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

' 20 714,22 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

' 2 071,42 euros à titre de congés payés sur préavis,

' 6 124,27 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,

Dit que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,

Ordonne à la société EMC Computer Systems France de remettre à M. [V] une attestation Pôle emploi, des bulletins de salaire et du certificat de travail rectifiés,

Ordonne d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamne la société EMC Computer Systems France à payer à M. [V] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la société EMC Computer Systems France de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société EMC Computer Systems France aux dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde Maugendre, président et Madame Marine Gandreau, greffier en pré-affectation.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 15/00786
Date de la décision : 26/10/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°15/00786 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-26;15.00786 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award