COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 OCTOBRE 2016
R.G. N° 14/03378
EL/AZ
AFFAIRE :
PUBLICIS LIFE BRANDS VENANT AUX DROITS DE LA SA SAATCHI & SAATCHI HEALTH venant aux droits de la société MEDIA VIDEO SON
C/
[W] [I]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
N° RG : 11/02724
Copies exécutoires délivrées à :
la SELARL HOCHE SOCIETE D AVOCATS
la SELARL ANTARES
Copies certifiées conformes délivrées à :
PUBLICIS LIFE BRANDS VENANT AUX DROITS DE LA SA SAATCHI & SAATCHI HEALTH venant aux droits de la société MEDIA VIDEO SON
[W] [I]
Pôle Emploi
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
PUBLICIS LIFE BRANDS VENANT AUX DROITS DE LA SA SAATCHI & SAATCHI HEALTH venant aux droits de la société MEDIA VIDEO SON
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par Me Nicolas MANCRET de la SELARL HOCHE SOCIETE D AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0061
En présence de M [E] [Y],
APPELANTE
****************
Monsieur [W] [I]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représenté par Me Yann CAUCHETIER de la SELARL ANTARES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : L0070
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie BOSI, Président,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
Vu le jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre rendu le 17 juin 2014 ayant :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail du demandeur aux torts exclusifs du défendeur et dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné le défendeur la Société SAATCHI & SAATCHI HEALTH venant aux droits de SAS MEDIA VIDEO SON à verser au demandeur les sommes de :
83.600 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
2.750 € au titre de rappel de congés payés sur treizième mois 2009 à 2010,
198.028,22 € au titre de rappel de rémunération variable de 2006 à 2010,
19.802,82 € au titre des congés payés y afférents,
5.465,41€ au titre de rappel de salaire sur majoration du travail du dimanche,
546,54 € à titre de congés payés afférents,
642,99 € à titre de rappel de salaire pour les journées du 1er mai 2007 et 2011,
64,29 € au titre des congés payés afférents,
51.438,20 € à titre de salaire sur 80 jours de récupération acquis et non pris,
5.143,82 € à titre de congés payés afférents,
1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la date du bureau de conciliation pour les salaires soit le 21 novembre 2011, la date du jugement pour les dommages et intérêts,
- rappelé que l'exécution est de droit à titre provisoire sur les créances salariales dans la limite de 6 mois de salaire ceci conformément à l'article R 1454-28 du code du travail,
- fixé à 13.920,83 € brut la moyenne mensuelle prévue à l'article R 1454-28 du code du travail,
- ordonné la communication du présent jugement aux organismes ayant versés des indemnités de chômage ceci conformément à l'article L 1235-4 du code du travail et dans la limite de 6 mois,
- ordonné la remise des documents suivants : certificat de travail, attestation pôle emploi et bulletins de salaire conformes à la présente décision,
- débouté la partie demanderesse du surplus de ses demandes,
- débouté la partie défenderesse de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la partie défenderesse la société Société SAATCHI & SAATCHI HEALTH venant aux droits de SAS MEDIA VIDEO SON aux éventuels dépens de l'affaire.
Vu la déclaration d'appel au nom de la Société SAATCHI & SAATCHI HEALTH du 3 juillet 2014.
Vu les conclusions écrites de la société PUBLICS LIFE BRANDS, venant aux droits de la société MEDIA VIDEO SON, soutenues oralement à l'audience de la cour par son avocat, qui demande de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- dire la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [I] non fondée,
- constater le bien-fondé du licenciement pour insuffisance professionnelle de Monsieur [I],
- débouter Monsieur [I] de l'ensemble de ses demandes,
A titre reconventionnel,
- condamner Monsieur [I] au versement de la somme de 30.817,08 € perçu indûment au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- condamner Monsieur [I] au versement de la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Monsieur [I] aux dépens.
Vu les conclusions écrites de Monsieur [W] [I], soutenues oralement à l'audience de la cour par son avocat, qui demande de :
- juger la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA
VIDEO SON irrecevable et, à tout le moins, mal fondée en son appel,
- juger Monsieur [I] recevable et bien fondé en ses conclusions et appel
incident,
En conséquence :
- confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a :
condamné la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 2.750,00 € bruts à titre de rappel de congés payés sur treizième mois 2009 et 2010,
prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [I] aux torts exclusifs de l'employeur,
jugé que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
condamné la Société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] :
un rappel de rémunération variable sur les années 2006 à 2010,
un rappel de congés payés,
un rappel de salaire au titre du travail du dimanche,
un rappel de salaire au titre du travail du 1er mai 2011,
un rappel de repos compensateur,
- pour le surplus, statuer à nouveau, notamment sur les montants et :
A titre principal :
fixer la moyenne de salaire de Monsieur [I] à la somme de 17.732,06 € bruts,
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 14.597,46 € à titre de solde d'indemnité de licenciement prévue par l'article V.1.2 de la Convention Collective,
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 212.784,72 € (12 mois de salaires) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre subsidiaire :
juger le licenciement de Monsieur [I] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 14. 597,46 € à titre de solde d'indemnité de licenciement prévue par l'article V.1.2 de la Convention Collective,
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 212.784,72 € (72 mois de salaires) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause :
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 164,86 € à titre d'intérêt légal de retard sur treizième mois 2009 et 2010,
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 289.500,65 € bruts à titre de rappel de rémunération variable au titre des années 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012,
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 28 950,06 € bruts à titre de rappel de congés payés sur rémunération variable au titre des années 2006, 2007, 2008, 2009, 2010, 2011 et 2012,
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 28.666,26 € à titre de rappel de salaire à valoir sur les 42 jours de congés payés acquis mais non pris sur les cinq dernières années,
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 30.000,00 € à titre de dommages et intérêts pour violation réitérée des dispositions légales sur le repos hebdomadaire,
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 17.609,36 € bruts à titre de rappel de salaire sur majoration du travail du dimanche outre 1.760,94 € bruts au titre des congés payés afférents,
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] de la somme de 1.638,08 bruts à titre de rappel de salaire pour les journées des 1er mai 2007 et 2011 outre 163,81 € de congés payés afférents,
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] une indemnité compensatrice de 90.094,40 € équivalente aux 80 jours de récupération acquis et non pris,
ordonner la remise des bulletins de salaire, attestation Pôle Emploi et certificat de travail conformes à la décision à intervenir,
condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 7.500,00 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience.
SUR CE,
Considérant qu'il convient de rappeler que la société MEDIA VIDEO SON, aux droits de laquelle sont successivement venues les Sociétés SAATCHI & SAATCHI HEALTH et PUBLICS LIFE BRANDS, est une entreprise ayant développé un haut niveau d'expertise dans le domaine de l'information médicale en France et en Europe ;
Considérant que Monsieur [I], ancien interne des hôpitaux [Localité 3], a été embauché par la société MEDIA VIDEO SON à compter 1er avril 1996 en qualité de 'Directeur du Développement International' par un contrat à durée indéterminée et à temps plein ;
Considérant que par lettre recommandée avec accusé de réception du 4 octobre 2011, Monsieur [I] a écrit à la société afin de se plaindre de manquements portant atteinte à ses fonctions et résultant du défaut de paiement de ses salaires, du non-respect de la législation sur le temps de travail et d'erreurs dans le décompte de ses jours de congés payés ;
Considérant que le 5 octobre 2011, Monsieur [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail au torts exclusifs de l'employeur et le paiement de diverses sommes ;
Considérant que le 24 janvier 2012, Monsieur [I] a été convoqué le 2 février 2012 à un entretien préalable à son éventuel licenciement ;
Considérant que le 7 février 2012, Monsieur [I] a été licencié pour faute simple par lettre recommandée avec accusé de réception ;
Considérant que les parties n'étant pas parvenues à se concilier, le conseil de prud'hommes a rendu le jugement querellé ;
Sur la rupture de la relation de travail
Considérant, que lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail tout en continuant à travailler au service de son employeur, et que ce dernier le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat est justifiée ; que, si tel est le cas, il fixe la date de la rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement ;
Considérant qu'un salarié est fondé à poursuivre la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement, par ce dernier, à ses obligations ;
Qu'il appartient au juge de rechercher s'il existe à la charge de l'employeur des manquements d'une gravité suffisante pour prononcer cette résiliation qui emporte les effets d'un licenciement, selon le cas, sans cause réelle et sérieuse ou abusif ;
Considérant que lorsqu'un salarié a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire puis a été licencié, le juge, s'il ne retient pas de manquements suffisants justifiant la résiliation judiciaire du contrat de travail, doit examiner le licenciement prononcé ultérieurement, mais doit, pour l'appréciation du bien fondé du licenciement, prendre en considération les griefs invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation ou en contestation de son licenciement dès lors qu'ils sont de nature à avoir une influence sur cette appréciation ;
Qu'en tous les cas la rupture prend effet, lorsque le jugement intervient après le licenciement, à la date de ce dernier ;
Considérant en l'espèce que ce n'est que postérieurement au courrier en date du 5 octobre 2011 par lequel Monsieur [W] [I] a saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre de demandes tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, que Monsieur [I] a été convoqué à un entretien préalable (convocation du 24 janvier 2012) puis licencié par lettre recommandée avec accusé de réception du 7 février 2012 ;
Considérant que la société PUBLICS LIFE BRANDS soutient que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [I] est injustifiée en raison de la suspension du contrat de travail de 2002 à 2010 compte tenu des mandats sociaux que celui-ci détenait ;
Considérant que le cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail est possible lorsque sont exercées des fonctions techniques distinctes des attributions résultant du mandat social et que l'existence d'un lien de subordination juridique est caractérisée ;
Qu'il résulte du procès-verbal de la délibération du conseil d'administration de la SA MEDIA VISION SON du 30 septembre 2002 que le conseil d'administration, après avoir confié la direction générale de la société au président du conseil d'administration Monsieur [D] [U], a nommé Monsieur [W] [I] directeur général délégué en mentionnant expressément que Monsieur [I] n'est pas administrateur de la société et conserve le bénéfice de son contrat de directeur des opérations et du salaire qui y est attaché, étant ajouté que le directeur général délégué ne percevra aucune rémunération en cette qualité ;
Que Monsieur [I] détenait par ailleurs d'autres mandats sociaux dans les sociétés distinctes Holding 4L et Médecine Plus ;
Qu'il est constant qu'aucune rémunération n'a été fixée relativement à l'ensemble des mandats exercés par Monsieur [I] ;
Considérant par ailleurs que la situation professionnelle de Monsieur [I] a évolué dans l'entreprise MEDIA VIDEO SON ; qu'après avoir été 'Directeur du Développement International', il est devenu 'Directeur des opérations' à compter du mois de mars 1999 ;
Considérant que les pièces produites par Monsieur [I] reflètent le travail technique qu'il a poursuivi au cours de cette période et qu'elles sont corroborées par plusieurs attestations qu'il verse également aux débats;
Qu'à cet égard, il sera rappelé que les dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ne sont pas prescrites à peine de nullité et qu'il appartient à la cour d'apprécier la valeur probante des attestations versées aux débats ;
Qu'en l'occurrence, il n'y a pas lieu d'écarter des débats les attestations litigieuses au seul motif qu'elles ne répondent pas toutes aux prescriptions légales dès lors qu'elles ont été régulièrement communiquées et qu'elles mentionnent l'identité de leurs auteurs ainsi que leur adresse ; que la circonstance que deux d'entre elles ne sont pas en tout ou partie manuscrites ne saurait suffire à justifier leur irrecevabilité ; que MM. [M] et [D], ainsi que Madame [V] attestent de manière précise du caractère technique et opérationnel des fonctions alors exercées par Monsieur [I], notamment en coordonnant les équipes techniques à l'occasion de congrès médicaux internationaux, réalisant lui-même des interviews-vidéos ou supervisant des programmes d'information audiovisuels ; qu'à l'inverse, la pièce relative aux pouvoirs bancaires de M. [I] invoquée par l'appelant se rapporte à la seule société distincte MEDECINE PLUS ;
Qu'en outre, un document d'organisation générale de l'entreprise et des règles internes ainsi que des échanges produits font ressortir que M.[I] rendait compte de son activité opérationnelle au comité de direction et notamment à Monsieur [W] ;
Qu'eu égard aux éléments produits, il est justifié que M.[I] assumait durant la période litigieuse des fonctions techniques - qui ont donné lieu au versement de salaires - distinctes de celles qu'il exerçait par ailleurs dans le cadre de son mandat social et que ces fonctions techniques étaient effectuées en état de subordination ;
Considérant en conséquence qu'il n'y a pas lieu de retenir que le contrat de travail de M.[I] était suspendu pendant la période de détention de mandats sociaux en sorte qu'il ne pourrait par suite invoquer de manquement de l'employeur au droit du travail ;
Considérant Que Monsieur [I] invoque plusieurs manquements de son employeur se rapportant à des rappels de salaires et de congés payés ainsi qu'à la législation sur le temps de travail au soutien de sa demande de résiliation judiciaire :
- Sur le refus de payer au salarié ses treizième mois de 2009 à 2010 en dépit de réclamations régulières :
Considérant que l'article 13 du contrat de travail a prévu une rémunération fixe annuelle répartie sur 13 mois ;
Que dès le 15 février 2011, par courriel, Monsieur [I] s'est plaint auprès de Monsieur [W] du non-paiement de son treizième mois en 2009 et 2010 ainsi que des difficultés qu'il rencontrait à propos des jours de récupération ;
Qu'il a relancé à plusieurs reprises la direction de l'entreprise avant de lui adresser une lettre recommandée avec avis de réception le 4 octobre 2011 pour formaliser ses griefs ;
Que ce n'est que postérieurement à ce dernier courrier et à la saisine de la juridiction prud'homale que la société a procédé au paiement des rémunérations dues au titre du 13ème mois;
- Sur la rémunération variable :
Considérant que le contrat de travail liant Monsieur [I] à la société MVS, après avoir fixé au salarié l'objectif, entre le 1er avril 1996 au 31 mars 1997, d'une augmentation de 20% de la marge brute réalisée entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 1995 et prévu un plafonnement de la rémunération variable à 300.000 Francs (soit 45.734,70 euros) en son article 10, a indiqué en son article 12 que 'les accords concernant tant l'objectif que les pourcentages fixant la rémunération variable sont renégociables à la fin de la première année' ;
Qu'il n'est pas justifié d'une négociation et de la fixation d'objectifs au salarié pour les années 2006 à 2012 ;
Que dans ces conditions, Monsieur [I] est bien fondé à réclamer le paiement de la rémunération variable qui lui était due ;
Qu'en tout état de cause, l'appelante ne rapporte pas suffisamment la preuve, eu égard aux pièces qu'elle produit et compte tenu des éléments versés aux débats par l'intimé, de la non-réalisation des objectifs initialement fixés dans le contrat de travail Monsieur [I] ;
- Sur l'atteinte aux fonctions et aux conditions de travail :
Considérant que dans le contexte de l'intégration de la société MVS dans le groupe PUBLICIS, Monsieur [I] produit plusieurs pièces faisant apparaître que l'employeur lui a attribué de nouvelles fonctions opérationnelles au-delà de son domaine d'expertise et qu'il a sollicité vainement un descriptif précis de poste ;
Considérant, qu'en application de l'article 13 de son contrat de travail, Monsieur [I] était soumis à la législation sur le temps de travail ;
Qu'il exerçait, ainsi qu'il a déjà été retenu, des fonctions techniques distinctes de son mandat social et que son contrat de travail n'était pas suspendu pendant la période de détention de mandats sociaux ;
Qu'il produit notamment un tableau récapitulatif transmis par les services de l'entreprise pour justifier d'atteintes au droit au repos hebdomadaire ;
Qu'il démontre l'absence de majoration de salaire concernant 43 dimanches travaillés indemnisables et avoir travaillé les 1er mai 2007 et 2011, pourtant jours férié et chômé ;
Qu'il justifie également avoir travaillé 80 jours au-delà de son temps de travail mais non compensés ;
Qu'en revanche, il n'est pas établi que courant 2006 et 2008, l'employeur n'ait pas régularisé les jours de congés non pris et perdus ;
Considérant, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, que le salarié établit les manquements graves commis par l'employeur ; qu'il y lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de celui-ci et dit que cette résiliation judiciaire produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences financières
Sur les treizième mois des années 2009 et 2010 :
Considérant qu'au regard des motifs susvisés, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné l'employeur à verser la somme de 2.750 € à titre de rappel des congés payés sur ces treizième mois 2009 à 2010 ;
Sur la rémunération variable :
Considérant que compte tenu des motifs susvisés, le salarié peut prétendre en son principe , ainsi que l'a retenu le conseil, à l'intégralité de la rémunération variable prévue contractuellement ;
Que s'agissant des quantums dûs à ce titre, il n'y a lieu d'infirmer le jugement qu'en ce qu'il a rejeté la demande de rémunération variable pour l'année 2011, qui demeurait due au titre de cette année ;
Qu'en revanche, la demande formée au titre de l'année 2012 sera rejetée eu égard à la date du licenciement ;
Que la somme allouée au titre de la rémunération de rappel de rémunération variable de 2006 à 2011 sera par suite fixée à 274.408 euros (soit 45.734,70 euros de variable annuel x 6 ans) qu'à cette somme s'ajoutera celle de 27.440 euros au titre des congés payés y afférents ;
Sur le rappel d'indemnité de licenciement :
Considérant qu'en l'absence de suspension du contrat du travail, M. [I] avait acquis au jour de la rupture de son contrat de travail une ancienneté de près de 16 années au sein de l'entreprise ;
Qu'en application de dispositions conventionnelles applicables et sur la base d'une rémunération mensuelle brute moyenne de 17.132,06 euros (12.850 euros de salaire de base auxquels s'ajoutent la rémunération variable et le 13ème mois au prorata), l'employeur est redevable d'une indemnité de licenciement de 67.488,22 euros ;
Qu'il sera par suite fait droit à la demande tendant à voir condamner la société PUBLICIS LIFE BRANDS à payer à M. [I] la somme de 14.597,46 € au titre du solde de l'indemnité de licenciement restant due, le jugement entrepris étant infirmé de ce chef ;
Sur les atteintes à la législation sur le temps de travail
Considérant que compte tenu de 43 dimanches travaillés indemnisables, sur la base d'un salaire journalier de 819,04 euros et d'une majoration conventionnelle de 50%, la société PUBLICIS LIFE BRANDS sera condamnée à payer à Monsieur [I] la somme de 17.609,36 € bruts à titre de rappel de salaire sur majoration du travail du dimanche outre 1.760,93 € bruts au titre des congés payés afférents ; que le jugement sera donc infirmé de ce chef ;
Qu'ayant travaillé les 1er mai 2007 et 2011, pourtant jours férié et chômé, la société PUBLICIS LIFE BRANDS sera aussi condamnée à lui payer la somme de 1.638,08 bruts à titre de rappel de salaire pour les journées des 1er mai 2007 et 2011 outre 163,81 € de congés payés afférents , le jugement entrepris étant également partiellement infirmé de ce chef ;
Qu'ayant travaillé 80 jours au-delà de son temps de travail mais non compensés, la société PUBLICIS LIFE BRANDS sera condamnée à lui verser une indemnité compensatrice de 90.094,40 € équivalente aux 80 jours de récupération acquis et non pris ;
Considérant que si des atteintes au droit au repos hebdomadaire ont été constatées, Monsieur [I] ne rapporte cependant pas suffisamment la preuve, au regard des seuls éléments produits, d'un préjudice personnel consécutif et distinct ; que le jugement ayant rejeté sa demande formée de ce chef sera donc confirmé ;
Sur le rappel de congés payés
Considérant qu'il n'est suffisamment démontré par le salarié ni que les jours de congés payés dont il réclame également le paiement lui aient été retirés unilatéralement, à défaut d'avoir été pris durant la période annuelle définie ni qu'il existait un accord avec son employeur pour les maintenir ; que le rejet de cette demande sera donc confirmé ;
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Considérant qu'en application de l'article L1235-3 du code du travail, M. [I] peut également prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant brut des salaires qu'il a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement ;
Considérant qu'au vu des éléments d'appréciation dont dispose la cour, il sera fait droit à la demande du salarié tendant à obtenir la condamnation de la société PUBLICIS LIFE BRANDS à lui payer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse dans la limite de 102.792 euros, le jugement étant infirmé en son quantum ;
Sur les documents de rupture :
Considérant qu'il y a lieu d'ordonner dans les conditions du dispositif la remise d'un certificat de travail, d'une attestation pôle emploi et d'un bulletin de salaire récapitulatif, tous conformes au présent arrêt ;
Sur le remboursement des indemnités chômage :
Considérant qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités ;
Que le jugement sera confirmé de ce chef ;
Sur les autres demandes
Considérant que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation soit le 21 novembre 2011;
Considérant que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe ;
Considérant que l'équité commande de faire droit à l'indemnité pour frais irrépétibles de procédure présentée par Monsieur [I] dans la limite de 3.000 euros en sus de la somme allouée en première instance qui a été bien évaluée ;
Considérant que la société PUBLICIS LIFE BRANDS qui succombe pour l'essentiel à l'action sera déboutée en sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure et condamnée aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant contradictoirement,
Infirme partiellement le jugement entrepris,
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Fixe la moyenne de salaire de Monsieur [I] à la somme de 17.732,06 € bruts,
Condamne la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] les sommes de :
- 14.597,46 euros à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 102.792 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 274.408 euros à titre de rappel de rémunération variable au titre des années 2006, 2007, 2008, 2009, 2010 et 2011, ainsi que 27.440 euros au titre des congés payés y afférents,
- 17.609,36 euros bruts à titre de rappel de salaire sur majoration du travail du dimanche outre 1.760,93 euros bruts au titre des congés payés afférents ,
- 1.638,08 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les journées des 1er mai 2007 et 2011 outre 163,81 € de congés payés afférents,
- 90.094,40 euros à titre d'indemnité compensatrice des 80 jours de récupération acquis et non pris,
Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit le 21 novembre 2011,
Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe,
Confirme le jugement entrepris pour le surplus,
Y ajoutant,
Ordonne à la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à remettre à Monsieur [I] dans le mois suivant la signification du présent arrêt un certificat de travail, une attestation pôle emploi et un bulletin de salaire récapitulatif, tous conformes au présent arrêt,
Condamne la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON à payer à Monsieur [I] la somme de 3.000 euros à titre d'indemnité complémentaire pour frais irrépétibles de procédure,
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société PUBLICIS LIFE BRANDS venant aux droits de la Société MEDIA VIDEO SON aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2 ème alinéa de l'art 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Sylvie BOSI, Président, et par Madame Brigitte BEUREL, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT