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13/10/2016 | FRANCE | N°15/01969

France | France, Cour d'appel de Versailles, 2e chambre 2e section, 13 octobre 2016, 15/01969


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 20J



2e chambre 2e section



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 OCTOBRE 2016



R.G. N° 15/01969



AFFAIRE :



[O], [E] [P]



C/



[Y] [S] divorcée [P]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juillet 2014 par le Juge aux affaires familiales de NANTERRE

N° Chambre : Pôle Famille,

1ère Section

N° Cabinet : 3

N° RG :

10/10854



Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me Michèle ARNOLD,

Me Guillaume BOULAN



















REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES,...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 20J

2e chambre 2e section

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 OCTOBRE 2016

R.G. N° 15/01969

AFFAIRE :

[O], [E] [P]

C/

[Y] [S] divorcée [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 07 Juillet 2014 par le Juge aux affaires familiales de NANTERRE

N° Chambre : Pôle Famille,

1ère Section

N° Cabinet : 3

N° RG : 10/10854

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me Michèle ARNOLD,

Me Guillaume BOULAN

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [O], [E] [P]

né le [Date naissance 1] 1935 à [Localité 1]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Michèle ARNOLD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0155

APPELANT

****************

Madame [Y], [X], [N] [S] divorcée [P]

née le [Date naissance 2] 1940 à [Localité 2]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Guillaume BOULAN de la SCP C R T D ET ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 713 - N° du dossier 2130507

Représentant : Me Eric GRASSIN, Plaidant, avocat au barreau D'ORLEANS, substitué par Me Pia RANDELLI (vérifier prénom), substitué par Me Pia RANDELLI, avocat au barreau d'Orléans

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2016 en chambre du conseil, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Agnès TAPIN, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Odile BOUVENOT-JACQUOT, Président,

Madame Agnès TAPIN, Conseiller,

Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Lise BESSON,

Greffier, lors du prononcé : Madame Claudette DAULTIER,

FAITS ET PROCEDURE,

Madame [Y] [S] et de Monsieur [O] [P] se sont mariés le [Date mariage 1] 1961 à [Localité 3], sans contrat de mariage préalable.

Quatre enfants, aujourd'hui largement majeurs, sont nés de cette union, en 1963, 1966, 1968 et 1974.

Madame [S] a déposé le 13 mars 2010 une requête en divorce.

Par ordonnance de non-conciliation du 10 mars 2011, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE a :

- autorisé les époux à assigner en divorce,

- constaté l'acceptation du principe de la rupture sans évocation des faits à l'origine de celle-ci,

- attribué le domicile conjugal à l'époux, bien en location, et le mobilier du ménage,

- dit que Monsieur [P] devra assumer la gestion du bien immobilier commun situé à [Localité 4],

- débouté Madame [S] de sa demande de provision pour frais d'instance,

- fixé à 200 € la pension alimentaire mensuelle due par Monsieur [P] à Madame [S] en exécution du devoir de secours, avec indexation,

- désigné Maître [M], notaire à [Localité 4] (Le Loiret), en application de l'article 255-10° du code civil.

Le 19 juin 2013, Madame [S] a assigné Monsieur [P] en divorce sur le fondement de l'article 233 du code civil.

Par jugement du 7 juillet 2014, le juge aux affaires familiales a :

- prononcé le divorce des époux,

- ordonné la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux,

- dit n'y avoir lieu à désignation d'un notaire,

- débouté Madame [S] de sa demande relative à l'usage du nom de son mari,

- dit qu'à titre de prestation compensatoire, Monsieur [P] sera condamné à payer à Madame [S] 600 € par mois pendant huit années, avec indexation,

- attribué sous réserve du droit de propriétaire, à Monsieur [P] le droit au bail et l'éventuel droit au maintien dans les lieux ayant constitué le logement de la famille,

- dit que le jugement prend effet dans les rapports entre les époux en ce qui concerne leurs biens au 10 mars 2011,

- attribué de manière préférentielle à Monsieur [P] le bien immobilier commun situé à [Localité 4],

-débouté Monsieur [P] de sa demande de comptes,

- fait masse des dépens, et dit qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.

Le 13 mars 2015, Monsieur [P] a interjeté un appel total de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 3 juin 2016 de 37 pages avec 99 pièces communiquées comprenant plusieurs pages chacune, Monsieur [P] demande de :

- infirmer partiellement le jugement déféré, et statuant à nouveau,

- sommer Madame [S] de verser aux débats l'ensemble des factures qu'elle a emportées ayant trait aux travaux financés par la communauté dans le cadre de la rénovation du bien immobilier constituant sa résidence principale actuelle à LA FERTÉ-SAINT-AUBIN,

- débouter Madame [S] de l'intégralité de ses demandes,

- désigner tout notaire qu'il plaira à la cour de nommer en vue de procéder à la liquidation des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux,

- nommer l'un de Messieurs ou Mesdames les juges en qualité de juge-commissaire à ces opérations,

- dire qu'il sera, en cas d'empêchement des juge, notaire ou huissier commis, procédé à leur remplacement par ordonnance de Monsieur le Président du tribunal de grande instance de NANTERRE rendue sur simple requête,

- donner acte à Monsieur [P] de ce qu'il entend bénéficier de récompenses en raison des sommes investies par la communauté des époux en vue des travaux réalisés au sein d'un bien propre appartenant à Madame [S], constituant sa résidence actuelle, situé [Adresse 2], travaux qui en raison de leur importance excèdent la simple contribution de Monsieur [P] aux charges du mariage,

- dire qu'il n'existe pas en l'espèce de disparité significative entre les ressources et charges respectives des époux justifiant le règlement d'une prestation compensatoire au profit de l'épouse,

- débouter Madame [S] de sa demande de prestation compensatoire,

- faire remonter la date des effets du divorce à la date à laquelle les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer, à savoir au 21 février 2010,

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où par extraordinaire « votre tribunal estimerait qu'il y a lieu, en l'espèce, à règlement d'une prestation compensatoire » :

- dire que ladite prestation compensatoire pourra être réglée sur huit années,

- donner acte à Monsieur [P] que dans l'hypothèse où une telle prestation compensatoire excéderait la somme mensuelle de 150 €, il ne sollicitera plus l'attribution préférentielle du bien immobilier commun situé à [Localité 4],

En tout état de cause,

-condamner Madame [S] à régler à Monsieur [P] 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions du 6 juin 2016, Madame [S] demande de :

- constater qu'aucun accord n'a pu se dégager entre les époux relatif à la liquidation du régime matrimonial

En conséquence,

- ordonner la liquidation des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux et donner acte à Madame [S] de ce qu'elle n'est pas opposée à la désignation de Maître [B] à cet effet,

- voir nommer Messieurs ou Mesdames les juges en qualité de juge-commissaire à ces opérations,

- voir dire qu'il sera, en cas d'empêchement des juge, notaire ou huissier commis, procédé à leur remplacement par ordonnance de Monsieur le Président rendue sur simple requête,

- donner acte à Madame [S] de sa proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux,

- donner acte à Madame [S] de ce qu'elle n'est pas opposée à l'attribution du droit au bail du domicile familial à Monsieur [P] seul,

- autoriser Madame [S] à faire usage du nom marital postérieurement au prononcé du divorce et en conséquence infirmer le jugement sur ce point,

- condamner Monsieur [P] à verser à Madame [S] une prestation compensatoire sous forme de rente viagère à hauteur de 600 € par mois,

Subsidiairement,

- confirmer le jugement entrepris sur la prestation compensatoire,

- condamner Monsieur [P] à verser à Madame [S] 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 juin 2016.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie à leurs écritures conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE LA COUR

Sur le nom d'usage

Madame [S] soutient bénéficier d'un intérêt légitime à conserver l'usage du nom marital après le prononcé du divorce dans la mesure où elle le porte depuis son mariage à 21 ans, soit depuis 54 ans,

Monsieur [P] s'oppose à la demande de Madame [S] expliquant qu'elle ne justifie d'aucun intérêt familial ou personnel l'autorisant à conserver l'usage du nom [P] qu'elle n'a cessé de dénigrer, et qu'elle réside à [Localité 5] dans un bien immobilier lui appartenant en propre, et où elle est parfaitement connue sous le nom de [S].

Selon l'article 264 du code civil, à la suite du divorce, chacun des époux perd l'usage du nom de son conjoint. L'un des époux peut néanmoins conserver l'usage du nom de l'autre, soit avec l'accord de celui-ci, soit avec l'autorisation du juge, s'il justifie d'un intérêt particulier pour lui ou pour les enfants.

Madame [S], âgée de 74 ans et mariée à 21 ans, justifiant d'un intérêt particulier de conserver l'usage du nom de son époux avec lequel elle a été mariée pendant plus de 53 ans, puisqu'elle est connue par sa famille, ses amis, les organismes de retraite, et les différents services fiscaux, de gaz, d'électricité (cf les factures) sous ce nom depuis ces 53 années, il convient d'infirmer le jugement déféré et de dire qu'elle peut conserver l'usage du nom de Monsieur [P] qui n'établit nullement le dénigrement de ce nom par Madame [S].

Sur la date des effets du divorce sur les biens

Monsieur [P] demande de fixer cette date au 21 février 2010 dès lors que Madame [S] n'a jamais contesté avoir quitté le domicile conjugal et déménagé ses effets personnels en présence de plusieurs membres de sa famille ce jour là, et que bien que la charge de la preuve ne pèse pas sur lui, il démontre, au moyen de correspondances échangées entre eux, qu'entre » le 10 mars et le 23 septembre 2010, aucune communauté, ni collaboration n'ont existé entre les époux depuis le 21 février 2010. »

Madame [S] réplique que Monsieur [P] veut faire remonter la date des effets du divorce à une date antérieure pour des raisons strictement financières, alors qu'il n'est établi par aucune pièce versée aux débats l'absence de cohabitation, ni de collaboration.

En application de l'article 262-1 du code civil, le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, à la date de l'ordonnance de non conciliation lorsqu'il est prononcé pour acceptation du principe de la rupture du mariage, pour altération définitive du lien conjugal ou pour faute.

A la demande de l'un des époux, le juge peut fixer les effets du jugement à la date à laquelle ils ont cessé de cohabiter et de collaborer.

La cessation de la cohabitation fait présumer la cessation de la collaboration. Il incombe à celui qui s'oppose au report des effets du divorce à la date de cessation de cohabitation de prouver que des actes de collaboration ont eu lieu postérieurement entre les époux.

Madame [S] reconnaît une cessation de la cohabitation par son départ du domicile conjugal le 21 février 2010 pour habiter dans une maison lui appartenant en propre située à [Localité 5].

Il appartient à Madame [S] qui s'oppose au report de la date des effets du divorce à la cessation de la cohabitation de prouver que des actes de collaboration ont eu lieu postérieurement avec Monsieur [P].

Mais tel n'est pas le cas. Elle n'établit pas l'existence de relations patrimoniales entre les époux après leur séparation le 21 février 2010 allant au delà des obligations du mariage. Le fait qu'ils ont déclaré ensemble leurs revenus en 2010, et que Monsieur [P] ait payé les taxes foncières et d'habitation, ainsi que les charges de l'immeuble commun situé à [Localité 4] tout en percevant les loyers dudit immeuble, n'est pas constitutif de la poursuite d'une collaboration au sens de l'article susvisé, c'est à dire d'une volonté commune allant au delà des obligations du mariage ou de leur régime matrimonial. Tous ces actes effectués par Monsieur [P] l'étaient par ailleurs à charge de récompenses lors de la liquidation du régime matrimonial.

Il convient dans ces conditions d'infirmer le jugement de ce chef, et de faire remonter la date des effets du divorce sur les biens au 21 février 2010.

Sur la prestation compensatoire

Monsieur [P] fait valoir qu'il n'existe aucune disparité significative entre ses revenus (déduction faite de ses charges) et ceux de Madame [S], susceptible de justifier de ce qu'elle puisse prétendre à l'attribution d'une prestation compensatoire, qu'il a été gendarme jusqu'à sa retraite en 1990, n'ayant gravi aucun échelon, qu'il n'a jamais empêché son épouse d'exercer une activité professionnelle qu'il a d'ailleurs tentée de favoriser en lui permettant de bénéficier d'une formation de sténodactylo dispensée par la Gendarmerie, mais que « la personnalité caractérielle de Madame [S] » a eu pour conséquence qu'elle n'a occupé l'emploi réservé aux épouses de gendarmes que 15 jours. Il dit qu'elle s'est comportée de la même façon pour un poste à la mairie de PARIS, et pour un autre dans la restauration scolaire où elle n'est restée que quelques mois, Madame [S] n'ayant jamais souhaité en réalité mener une carrière professionnelle et suivre une formation.

Il conteste qu'elle ait favorisé la carrière de son époux au détriment de la sienne, et affirme que malgré cela, elle ne s'est pas investie dans l'éducation de leurs enfants ou dans le bien être de leur foyer, précisant qu'elle n'entretient aucune relation suivie avec ses enfants qu'elle a maltraités. Il dit que les deux garçons ont été très jeunes en internat, et que les filles n'ont plus de contact avec leur mère.

Monsieur [P] indique qu'il ne possède aucun patrimoine personnel, à la différence de Madame [S] qui est propriétaire en propre du bien immobilier situé à [Adresse 2] où elle vit, et que l'unique bien immobilier acquis par eux ensemble situé à [Localité 4], bien loué en partie, engendre des dépenses d'entretien importantes auxquelles il doit faire face seul. Il déclare que grâce aux « investissements de la communauté réalisés sur le bien » de Madame [S], celle-ci n'a aucun travaux à y accomplir, contrairement au bien de [Localité 4] qui est en très mauvais état, et après le décès de sa mère.

Il ajoute que l'importance des travaux qu'il a réalisés sur l'immeuble de Madame [S] pendant la vie commune exclut qu'ils puissent correspondre à sa simple contribution aux charges du mariage, et qu'il justifie avoir investi dans la communauté l'ensemble des sommes qu'il a perçues suite à la vente de l'immeuble situé à [Localité 6], ayant constitué le logement familial de ses parents.

Madame [S] réplique que le divorce va créer une disparité significative de niveau de vie entre les époux justifiant, tant dans son principe que dans son quantum, l'allocation d'une prestation compensatoire à son profit, qu'elle n'a jamais travaillé de sa vie, et qu'elle a assumé seule les quatre enfants « laissant à son mari toute faculté professionnelle ».

Elle déclare justifier être en état de besoin, ne percevant actuellement qu'une retraite mensuelle de 709 € par mois, et ne disposant de pratiquement pas d'épargne dans laquelle elle a du puiser pour faire face à ses charges. Elle dit que la situation de Monsieur [P] est toute autre puisqu'il a toujours travaillé, perçoit une retraite confortable, et bénéficie d'une épargne importante.

Suivant l'article 270 du code civil, l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives, en fonction de la situation au moment du prononcé du divorce et de l'évolution dans un avenir prévisible.

Toutefois, le juge peut refuser d'accorder une telle prestation si l'équité le commande, soit en considération des critères prévus à l'article 271, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l'époux qui demande le bénéfice de cette prestation, au regard des circonstances particulières de la rupture.

Il y a lieu de tenir compte, notamment, de la durée du mariage, de l'âge et de l'état de santé des époux, de la qualification et de la situation professionnelles des époux, des conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, du patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial, de leurs droits existants et prévisibles, et leur situation respective en matière de pension de retraite.

Selon l'article 274 du code civil, le juge décide des modalités selon lesquelles s'exécutera la prestation compensatoire en capital. Celles-ci sont limitativement prévues par la loi . L'article 275 du code civil précise que lorsque le débiteur n'est pas en mesure de verser le capital dans les conditions prévues à l'article 274, le juge fixe les modalités de paiement du capital, dans la limite de huit années, sous la forme de versements périodiques indexés selon les règles applicables aux pensions alimentaires.

Enfin, suivant l'article 276 du code civil, « à titre exceptionnel, le juge peut, par décision spécialement motivée, lorsque l'âge ou l'état de santé du créancier ne lui permet pas de subvenir à ses besoins, fixer la prestation compensatoire sous forme de rente viagère. Il prend en considération les éléments d'appréciation prévus à l'article 271 ... ».

Les pièces des dossiers permettent d'établir les ressources, les charges et les patrimoines respectifs, suivants des parties.

Madame [S], âgée actuellement de 76 ans, s'est mariée avec Monsieur [P], âgé de 81 ans, le 4 avril 1961, soit depuis environ 53 ans au moment du jugement de divorce, et 49 ans ¿ jusqu'à l'ordonnance de non-conciliation.

Ils ne font état ni l'un ni l'autre de problème de santé particulier.

Ils sont actuellement tous les deux à la retraite, lui depuis le 18 mars 1990.

Les revenus de Madame [S] sont constitués par des pensions de retraite versées par la CNAV, c'est à dire une pension de retraite, la majoration pour enfants, et l'allocation solidarité aux personnes âgées.

Les avis d'impôt sur ses revenus et les déclarations fiscales de la CNAV établissent qu'elle a perçu:

- en 2008, des pensions de 3.985 €,

- en 2009, des pensions de 4.040 €,

- 2010 n'est pas renseigné,

- en 2011, des pensions de 4.329 € nets, les revenus de capitaux mobiliers n'étant pas renseignés,

- en 2012, des revenus de 5.236 € comprenant 4.419 € de pensions et 817 € de revenus de capitaux mobiliers,

- en 2013, des revenus de 5.753 € comprenant 4.937 € de pensions et 816 € de revenus de capitaux mobiliers,

- en 2014, des revenus de 6.002 € comprenant 5.189 € de pensions et 813 € de revenus de capitaux mobiliers, qui représentent en moyenne 500 € par mois nets imposables.

Madame [S] déclare percevoir un peu plus de 700 € par mois, en moyenne, de pensions en 2015, et 2016.

Jusqu'à la séparation du couple intervenue début 2010, Madame [S] déclarait avec Monsieur [P] des revenus fonciers nets dits RFN, provenant de la location de leur immeuble commun situé à [Localité 4] et de l'immeuble propre de Madame [S] de [Localité 5], ainsi que des revenus de capitaux mobiliers, dits RCM. Ils se sont élevés à :

- en 2008, pour les RFN à 8.610 € et pour les RCM à 207 €,

- en 2009, pour les RFN à 8.880 € et pour les RCM à 208 €.

Elle ne conteste pas être titulaire du certificat d'études primaires comme Monsieur [P]. Il n'est justifié d'aucun travail salarié au cours de la vie conjugale, ni de formation professionnelle particulière, Madame [S] expliquant s'être occupée des quatre enfants du couple pendant la vie commune.

Les contestations de Monsieur [P] sur ce point ne sont étayées par aucun document, le certificat d'admission de [W], un des fils du couple né en 1963, au collège militaire de SAINT CYR le 7 septembre 1979 ne permettant pas de retenir que Madame [S] ne s'occupait pas de ses enfants ni de leur ménage pendant la vie commune.

Les revenus de Monsieur [P] sont constitués, selon ses avis d'impôt sur ses revenus, par des pensions de retraite versées par la gendarmerie, la CNAV, le groupe MORNAY et la MSA, ces trois dernières étant modestes. Il a ainsi perçu :

- en 2008, des pensions de 26.762 € nets imposables

- en 2009, des pensions de 27.125 €,

- ni 2010 ni 2011 ne sont renseignées,

- en 2012, des revenus de 30.107 € comprenant 28.433 € de pensions et 1.674 € de RFN,

- 2013 n'est pas renseigné,

- en 2014, des revenus de 34.947 € comprenant 32.965 € de pensions, 314 € de RCM et 1.668 € de RFN,

- en 2015, des revenus de 35.484 € comprenant 32.970 € de pensions, 220 € de RCM et 2.294 € de RFN qui représentent en moyenne 2957 € par mois.

Monsieur [P] expose avoir travaillé comme salarié agricole d'abord dans la ferme de ses parents, puis en se déplaçant d'une ferme à l'autre entre 1958 et 1960, dernière année au cours de laquelle il a intégré l'école de gendarmerie de CHAUMONT EN CHAMPAGNE.

A la sortie de l'école, il a intégré le 15 avril 1961 l'escadron de gendarmerie mobile à RIS ORANGIS. Il dit avoir été ensuite affecté à [Localité 7], puis au PLESSIS ROBINSON où il a été gendarme mobile jusqu'à sa retraite, effectuant des missions de maintien de l'ordre.

Le patrimoine commun des époux est constitué d'un immeuble d'habitation situé à [Adresse 3], acquis le 30 juin 1971 au prix de 70.000 francs, et dont une partie est encore louée. Il s'agit d'un immeuble ancien datant d'avant 1850, type sept pièces, sur trois niveaux avec une cave, et une courette. Un appartement de trois pièces principales se trouve au RDC, ainsi qu'au premier étage, de 63 m² habitables chacun. Le notaire Maître [M] a évalué l'ensemble de l'immeuble à 80.000 € le 3 mars 2011 eu égard à son emplacement au centre ville, à son absence de garage, le mauvais état d'entretien des extérieurs et de l'intérieur et à exiguïté des pièces.

Monsieur [P] demande de retenir une valeur se situant entre 50.000 € et 60.000 € en raison de la location d'un des appartements.

Cette proposition ne s'appuyant sur aucun document probant, la cour retient la valeur fixée par le notaire désigné par le juge aux affaires familiales

Ce patrimoine comprend également les meubles meublants non évalués.

Madame [S] est titulaire de plusieurs comptes ouverts à la CAISSE D'EPARGNE Loire Centre d'une valeur totale de 23.093 € le 28 décembre 2010 (comprenant un livret A, un livret B, un LDD, un PEL et un compte titres BPCE) outre le compte courant. Fin décembre 2015, la totalité de son épargne s'est élevée à 16.565 €.

Monsieur [P] est également titulaire de plusieurs comptes ouverts à la CAISSE D'EPARGNE (compte courant, livret A et obligations écureuil), à la BANQUE POSTALE (compte courant), un contrat d'assurance vie CNP assurances de 33.644 € au 31 décembre 2015, et au CREDIT AGRICOLE Centre Loire (compte courant et LDD).

En juin 2011, l'ensemble de son épargne, hors compte courant, s'élevait à 15.703 €. Ni le portefeuille de valeurs mobilières, ni le contrat d'assurance vie ne sont renseignés.

Fin décembre 2015, l'ensemble de son épargne, hors compte courant, s'élève à 55.139 €.

Chaque époux aura droit à la moitié de la valeur des biens communs précités au jour de la date d'effets du divorce sur les biens fixé ci dessous par la cour, sous réserve des éventuelles récompenses et reprises retenues lors de la liquidation du régime matrimonial.

Le patrimoine propre de Madame [S] comme l'ayant recueilli de la succession de ses parents décédés, est constitué de l'immeuble dans lequel elle habite depuis le 21 février 2010, situé [Adresse 2], après qu'il ait été loué pendant plusieurs années.

Il s'agit de plusieurs bâtiments sur environ 1.700 m² de terrain. Le bâtiment d'habitation comprend quatre pièces principales sur un RDC et un étage, un grenier et un garage. Un deuxième bâtiment, en mauvais état, comprend une grange, une ancienne étable et des écuries.

Un notaire de cette ville a évalué l'immeuble le 4 août 2011 à 155.000 € en raison de sa situation, de « sa proximité des commodités », et des travaux restant à terminer.

Maître [M] l'a évalué le 10 octobre 2013 à 150.000 €.

La cour retient la valeur médiane de 152.500 €.

Maître [M] a constaté lors de son évaluation, à la demande de Monsieur [P], les « travaux faits pendant le mariage dans l'immeuble de [Localité 5], à savoir : la véranda, les carrelages, le parquet, l'électricité, l'isolation sous toiture, toute la toiture, les huisseries, le raccordement au gaz, le chauffage central, et toute la couverture de la grange. »

Monsieur [P] produit à l'appui de sa revendication de récompenses résultant des travaux réalisés dans cet immeuble selon lui par ses soins et sur des fonds propres lui appartenant, plusieurs factures, et les attestations de Monsieur [Q] [X] qui déclare avoir travaillé sur l'électricité de la maison en février 1997, et de Monsieur [U] [P] qui dit avoir aidé aux travaux de raccordement de gaz et pour le chauffage en mars 1997.

Il n'est pas fait état d'un bien immobilier propre de Monsieur [P] qui justifie cependant avoir perçu :

- une somme à parfaire provenant de la vente en 1985 de la maison de ses parents située à [Localité 6] pour 150.000 francs,

- puis suite au décès de sa mère en décembre 1998 et février 1999, une somme totale de 25.378francs, soit environ 3.900 €.

Il soutient avoir employé tous ces fonds au paiement des factures des travaux réalisés par lui dans la maison de [Localité 5].

Les charges fixes justifiées de Madame [S] comprennent outre les charges habituelles d'assurances habitation de l'immeuble de [Localité 5], santé, de gaz et de téléphone fixe, ainsi que ses dépenses courantes d'entretien, de nourriture et d'habillement, les taxes foncières 2014 de l'immeuble de [Localité 5] de 655 €.

Madame [S] ne paie pas d'impôt sur ses revenus, et elle est exonérée du paiement de la taxe d'habitation.

Les charges fixes justifiées de Monsieur [P] comprennent outre les charges habituelles des assurances santé, habitation, accident famille, protection juridique, de gaz, d'électricité, de téléphones fixe et mobile, ainsi que ses dépenses courantes d'entretien, de nourriture et d'habillement :

-l'impôt 2015 sur les revenus 2014 de 1.295 € et les prélèvements sociaux de 258 €,

-le loyer d'un appartement situé au PLESSIS ROBINSON de 473 € TCC selon la quittance de décembre 2015.

-la taxe d'habitation 2015 de l'appartement qu'il loue de 965 € et du garage de 73 €.

Il justifie payer également depuis la séparation du couple, pour le compte de la communauté, tout en percevant les revenus fonciers de l'immeuble commun de [Localité 4], les charges suivantes de celui-ci :

- les taxes foncières 2015 de 944 €,

- la taxe d'habitation 2015 de 406 €,

- le gaz, l'assurance habitation, l'électricité, et la taxe des ordures ménagères.

Il convient de relever qu'une grande partie de ces charges viennent en déduction des revenus fonciers bruts, comme cela est établi par les déclarations des revenus fonciers produites.

[W], le fils aîné du couple, a attesté le 30 juin 2011 être au chômage, à la charge de son père et ne percevoir aucun revenu. Monsieur [P] atteste sur l'honneur le 1er juin 2016 que son fils est encore à sa charge.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les choix professionnels effectués par Monsieur [P] pour poursuivre sa carrière professionnelle dans la gendarmerie a conduit Madame [S], en accord avec Monsieur [P], à ne pas travailler pendant le mariage pour s'occuper de leurs quatre enfants d'âges rapprochés, et de leur ménage, notamment pendant ses nombreux déplacements professionnels.

La preuve n'est pas rapportée par Monsieur [P] de la limitation de son déroulement de carrière en raison du comportement de son épouse.

Ainsi, eu égard à la durée du mariage des époux, compte tenu de leur âge, des conséquences des choix professionnels faits par Madame [S] pendant la vie commune pour l'éducation des quatre enfants et en accord entre les époux, du patrimoine prévisible de ceux-ci en capital après la liquidation du régime matrimonial, où Monsieur [P] revendique des récompenses, de leurs droits prévisibles et de leur situation respective en matière de pension de retraite qui sont très nettement en défaveur de Madame [S] qui n'a pas occupé un emploi professionnel pendant le mariage, est établie la nette disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives des époux, disparité qui s'effectue au détriment de Madame [S].

Conformément à l'article 274 du code civil, et eu égard à l'âge avancé des époux, Monsieur [P] devra verser un capital à Madame [S] permettant de compenser sa situation financière avec celle de Monsieur [P] qui dispose de revenus confortables, d'une épargne conséquente et va voir la liquidation du régime matrimonial lui octroyer des fonds plus élevés qu'à Madame [S], même si celle-ci est propriétaire d'un bien immobilier en propre qui lui évite de payer un loyer.

Certes Madame [S] demande une rente viagère et Monsieur [P] offre subsidiairement le paiement d'un capital qu'il ne chiffre pas, par versements mensuels de 150 € pendant 8 ans. Mais cette offre nécessite la fixation d'un capital qui s'élève à 14.400 € selon l'offre de Monsieur [P], et s'avère dérisoire au regard des éléments sus décrits.

C'est ainsi que dans la limite des demandes de Madame [S] qui ne justifie pas de circonstances exceptionnelles pouvant conduire à satisfaire sa demande de rente viagère, étant précisé que sa santé n'est pas obérée, il convient de condamner Monsieur [P] à lui verser une prestation compensatoire en capital de 57.000 €.

Le jugement est donc infirmé de ce chef.

Sur la liquidation et le partage du régime matrimonial

Selon les articles 267 du code civil et 1361 du code de procédure civile, le juge aux affaires familiales en prononçant le divorce ordonne la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux et, le cas échéant désigne un notaire aux fins de liquider le régime matrimonial.

En l'espèce, il convient d'ordonner le partage et la liquidation des intérêts patrimoniaux des époux en application de l'article 267 du code civil, tel que prononcé déjà par le juge de première instance qui est donc confirmé de ce chef, et de désigner également un notaire dans les conditions précisées au dispositif, en raison des divergences persistantes entre les époux notamment sur la valeur du bien immobilier commun de [Localité 4], sur la demande de récompenses de Monsieur [P] résultant de travaux qu'il aurait effectués et payés sur l'immeuble appartenant en propre à Madame [S] à [Localité 5], sur le partage des meubles meublants, et sur la reddition du compte de gérance du bien immobilier commun par Monsieur [P].

Les parties sont d'accord sur la désignation du successeur de Maître [M] parti à la retraite.

Cette disposition est ajoutée au jugement déféré.

Au vu de cette désignation, il n'y a pas de lieu de faire droit à la demande de Monsieur [P] de « sommer Madame [S] de verser aux débats l'ensemble des factures qu'elle a emportées ayant trait aux travaux financés par la communauté dans le cadre de la rénovation du bien immobilier constituant sa résidence principale actuelle à LA FERTÉ-SAINT-AUBIN ». Elle devra le faire, si c'est le cas, auprès du notaire pour qu'il puisse mener à bien sa mission.

Enfin, il convient de rejeter la demande de constat faite par Monsieur [P] de ce « qu'il entend bénéficier de récompenses en raison des sommes investies par la communauté des époux en vue des travaux réalisés au sein d'un bien propre appartenant à Madame [S], constituant sa résidence actuelle situé à LA FERTÉ-SAINT-AUBIN ... » dès lors qu'elle ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Il en va de même pour la demande de donner acte « subsidiaire » de Monsieur [P] sur l'attribution préférentielle du bien situé à [Localité 4], ainsi que pour les demandes de « donner acte » faites par Madame [S].

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles exposés dans cette procédure. Elles sont déboutées de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, chaque partie conserve à sa charge ses propres dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt CONTRADICTOIRE et en dernier ressort après débats en chambre du conseil,

INFIRMANT PARTIELLEMENT le jugement du 7 juillet 2014,

DIT que Madame [Y] [S] peut conserver l'usage du nom de Monsieur [O] [P],

DIT que le jugement de divorce prend effet dans les rapports entre les époux, en ce qui concerne leurs biens, au 21 février 2010,

FIXE à la somme de 57.000 € la prestation compensatoire en capital due par Monsieur [O] [P] à Madame [Y] [S], net de frais et de droits, et au besoin l'y condamne,

Y AJOUTANT,

DESIGNE Maître [Y], notaire à [Adresse 4], pour procéder à la liquidation et au partage des intérêts patrimoniaux de Monsieur [O] [P] et de Madame [Y] [S],

DIT que les frais de notaire seront payés par moitié par chacune des parties,

DIT qu'en cas de difficulté, il appartient à la partie la plus diligente de saisir le juge conformément aux formes prévues par les articles 1359 et suivants du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions non contraires au présent arrêt,

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

DIT que chaque partie conserve à sa charge ses propres dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Odile BOUVENOT-JACQUOT, Président, et par Madame Claudette DAULTIER greffier auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 2e chambre 2e section
Numéro d'arrêt : 15/01969
Date de la décision : 13/10/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 2J, arrêt n°15/01969 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-13;15.01969 ?
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