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04/10/2016 | FRANCE | N°14/09279

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 04 octobre 2016, 14/09279


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



FL

Code nac : 64B



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 OCTOBRE 2016



R.G. N° 14/09279



AFFAIRE :



SA PUBLI-EXPERT





C/

SASU NOBILAS FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Décembre 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 05

N° Section :

N° RG : 2014F00676



Expéditions exéc

utoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphane CHOUTEAU

Me Christophe DEBRAY





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affair...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

FL

Code nac : 64B

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 OCTOBRE 2016

R.G. N° 14/09279

AFFAIRE :

SA PUBLI-EXPERT

C/

SASU NOBILAS FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 23 Décembre 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 05

N° Section :

N° RG : 2014F00676

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Stéphane CHOUTEAU

Me Christophe DEBRAY

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE OCTOBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA PUBLI-EXPERT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentant : Me Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 002092 - Représentant : Me Jean-marc FEDIDA, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0485

APPELANTE

****************

SASU NOBILAS FRANCE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 15021

Représentant : Me Mathieu DAVY, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0233 -

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Juin 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François LEPLAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,

Monsieur François LEPLAT, Conseiller,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSÉ DU LITIGE

En septembre 2013, la compagnie AXA a annoncé la résiliation de l'ensemble de ses contrats avec ses réparateurs automobiles conventionnés, soit environ 1.900 professionnels, tout en les invitant à s'engager directement auprès de la société par actions simplifiée NOBILAS FRANCE, plate-forme spécialisée dans la gestion des sinistres automobiles.

La société anonyme PUBLI-EXPERT, qui édite le site internet d'actualité spécialisé dans les services après-vente du monde automobile [Site Web 9] a publié des articles sur ce sujet.

Suite aux deux premiers articles publiés le 18 septembre 2013, la société NOBILAS FRANCE a pris contact avec la société PUBLI-EXPERT, le 28 octobre 2013, pour lui demander de supprimer certains propos et publier un droit de réponse, ce que la société PUBLI-EXPERT a refusé.

Le 17 décembre 2013, la société NOBILAS FRANCE a fait citer en diffamation et en injure la société PUBLI-EXPERT devant la 17ème chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, suite à la publication de certains de ces articles sur le site [Site Web 9].

C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier remis à personne le 4 mars 2014, la société NOBILAS FRANCE a fait assigner la société PUBLI-EXPERT devant le tribunal de commerce de Nanterre, lui demandant de :

1) sur le dénigrement commercial,

' dire que Publi-Expert a commis des actes de dénigrement commercial sur le site [Site Web 9], à récidive légale'encontre et au préjudice de Nobilas ;

en conséquence

' condamner Publi-Expert à payer à Nobilas la somme de 150.000 euros au titre du préjudice subi;

' ordonner la suppression des articles sous astreintes de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir :

- «Nobilas/AXA (suite) : pourquoi le rapprochement déplaît beaucoup... » paru le 18 septembre 2013 à l'adresse...et les commentaires qui y sont associés ;

- « Nobilas/AXA (suite) : résiliation de 1900 carrossiers mode d'emploi » paru le 18 septembre 2013.... et les commentaires qui y sont associés ;

- « Procès ' la société Nobilas nous menace...et elle a tort » paru le 7 novembre 2013... et les commentaires qui y sont associés ;

- « AXA/Nobilas : la FFC monte au front ! » paru le 7 novembre 2013... et les commentaires qui y sont associés ;

- « DERNIÈRE MINUTE - agrément de carrossiers : le CNPA interpelle la DGCCRF ! » paru le 12 novembre 2013... et les commentaires qui y sont associés ;

- « INTERVIEW - AXA/Nobilas : AXA répond à nos questions ! » paru le 14 novembre 2013... et les commentaires qui y sont associés ;

- « Nobilas dérange ...et s'en félicite » paru le 14 novembre 2013... et les commentaires qui y sont associés ;

- « AXA/Nobilas (suite) - enfin un carrossier « pro-Nobilas »... » paru le 19 novembre 2013 ... et les commentaires qui y sont associés ;

- « AXA/Nobilas (suite) - Réponse(s) à notre carrossier « pro-Nobilas »... » paru le 27 novembre 2013... et les commentaires qui y sont associés ;

' ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie ;

' ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de Nobilas et aux frais exclusifs de Publi-Expert sans que le coût de ces publications ne puisse excéder la somme de 20.000 euros HT et ce sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la réception du « bon à tirer » ;

' ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir pendant une durée de 6 mois sur la page d'accueil du site internet [Site Web 9] exploité par Publi-Expert, aux frais de la défenderesse, et ce sous astreinte de 1 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ;

2) sur le refus d'insertion publicitaire abusif et fautif,

' dire que Publi-Expert a commis un refus d'insertion publicitaire abusif et fautif à l'encontre et au préjudice de Nobilas ;

en conséquence,

' condamner Publi-Expert à payer à Nobilas la somme de 25.000 euros au titre du refus d'insertion publicitaire abusif ;

' ordonner la publication de la publicité initialement transmise par Nobilas sur le site [Site Web 9] dans les conditions préalablement arrêtées par les parties avant le refus opposé par Publi-Expert ;

3) en tout état de cause,

' condamner Publi-Expert à payer à Nobilas la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamner Publi-Expert aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Mathieu Davy, avocat aux offres de droit.

Par jugement entrepris du 23 décembre 2014 le tribunal de commerce de Nanterre a :

dit la SASU Nobilas France recevable en son action au titre du dénigrement commercial ;

condamné la SA Publi-Expert à payer à la SASU Nobilas France la somme de 60.000 euros au titre du dénigrement commercial, déboutant du surplus de la demande ;

débouté la SASU Nobilas France de ses demandes de publication du jugement et de son dispositif ;

débouté la SASU Nobilas France de sa demande de condamnation de la SA Publi-Expert au titre d'un refus d'insertion publicitaire abusif ;

condamné la SA Publi-Expert à payer à la SASU Nobilas France la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, déboutant du surplus de la demande ;

dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

condamné la SA Publi-Expert aux dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 26 décembre 2014 par la société PUBLI-EXPERT ;

Vu les dernières écritures signifiées le 6 janvier 2016 par lesquelles la société PUBLI-EXPERT demande à la cour de :

Vu l'article 5 du Code de Procédure pénale ;

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Vu les articles 29 et 53 de la loi du 29 juillet 1881 ;

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a débouté NOBILAS de ses demandes de publication et de condamnation au titre d'un refus publicitaire abusif ;

INFIRMER le jugement en ce qu'il a déclaré recevable NOBILAS en son action au titre du dénigrement commercial et condamné PUBLI-EXPERT à payer à NOBILAS la somme de 60.000 euros ;

Et statuant à nouveau,

In limine litis :

CONSTATER que les faits incriminés au titre du dénigrement commercial dans la présente instance sont identiques à ceux poursuivis dans le cadre de la procédure pénale actuellement pendante ;

CONSTATER la violation du principe « una via electa » ;

CONSTATER en toutes hypothèses que les propos poursuivis relèvent de la loi du 29 juillet 1881 ;

DÉCLARER en conséquence irrecevable l'intégralité des demandes formulées au titre du dénigrement commercial par la société NOBILAS,

Sur le fond :

CONSTATER que les propos poursuivis ne sont pas constitutifs de faits de dénigrement commercial ;

DÉBOUTER en conséquence la société NOBILAS de l'intégralité de ses demandes ;

CONDAMNER la société NOBILAS au paiement de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER la société NOBILAS aux entiers dépens.

Vu les dernières écritures signifiées le 8 avril 2016 au terme desquelles la société NOBILAS FRANCE demande à la cour de :

Vu les articles 1134 et 1382 du Code Civil,

Vu la juriprudence et les pièces versées à l'appui,

Vu le jugement rendu le 23 décembre 2014 par le Tribunal de Commerce de Nanterre,

I - In limine litis, sur la recevabilité de l'assignation

Dire et juger que les propos poursuivis dans l'assignation délivrée par la société NOBILAS France sont différents de ceux poursuivis dans la citation délivrée par cette dernière devant le Tribunal Correctionnel de Paris (n° Parquet 13346000226) ;

Dire et juger que les propos poursuivis dans l'assignation délivrée par la société NOBILAS France relèvent du dénigrement commercial ;

en conséquence,

Confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a dit recevable l'action de la société NOBILAS France ;

Déclarer recevable l'assignation délivrée par la société NOBILAS France ;

II - Sur le dénigrement commercial

Dire et juger que la société PUBLI EXPERT a commis des actes de dénigrement commercial sur le site [Site Web 9], à l'encontre et au préjudice de la société NOBILAS France;

en conséquence,

Confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a retenu que la société PUBLI EXPERT avait commis une faute de dénigrement commercial à l'encontre de la société NOBILAS France ;

Infirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a condamné la société PUBLI EXPERT à payer à la société NOBILAS France la somme de 60.000 euros, au titre du préjudice subi ;

en conséquence,

Condamner la société PUBLI EXPERT à payer à la société NOBILAS France la somme de 200.000 euros, au titre du préjudice subi ;

Ordonner la suppression des articles sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard, à compter de la signification de l'arrêt à intervenir :

o « Nobilas/AXA (suite): Pourquoi le rapprochement déplaît beaucoup... », paru le 18 septembre 2013 à 18h41 à l'adresse URL [Site Web 1], et des commentaires qui y sont associés ;

o « Nobilas/AXA (suite): résiliation de 1 900 carrossiers, mode d'emploi... », paru le 18 septembre 2013 à 18h41 à l'adresse URL [Site Web 2], et des commentaires qui y sont associés ;

o « Procès' - La société Nobilas nous menace... et elle a tort ! », paru le 7 novembre 2013 à 9h24 à l'adresse URL [Site Web 3], et des commentaires qui y sont associés ;

o « AXA/Nobilas: la FFC monte au front ! », paru le 7 novembre 2013 à 17h10 à l'adresse URL [Site Web 4], et des commentaires qui y sont associés ;

o « DERNIÈRE MINUTE - Agréments de carrossiers : le CNPA interpelle la DGCCRF! », paru le 12 novembre 2013 à 9h04 à l'adresse URL http://[Site Web 9]/actualite/6233-DERNIÈRE-minute-agrements-de-carrossiers-le-cnpa-interpelle-la-dgccrf, et des commentaires qui y sont associés ;

o « INTERVIEW - AXA/Nobilas : AXA répond à nos questions! », paru le 14 novembre 2013 à 14h08 à l'adresse URL [Site Web 5]. et des commentaires qui y sont associés ;

o « Nobilas "dérange"... et s'en félicite », paru le 14 novembre 2013 à 17h36 à l'adresse URL [Site Web 6], et des commentaires qui y sont associés ;

o « AXA/NOBILAS (suite) - Enfin un carrossier "pro-Nobilas"... », paru le 19 novembre 2013 à 12h55 à l'adresse URL

[Site Web 7], et des commentaires qui y sont associés ;

o « Axa/Nobilas (suite) - Réponse(s) à notre carrossier "pro-Nobilas"... », paru le 27 novembre 2013 à 7h46 à l'adresse URL [Site Web 8] et des commentaires qui y sont associés ;

Infirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a refusé de faire droit à la demande de publication du jugement ;

en conséquence,

Ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la société NOBILAS FRANCE et aux frais exclusifs et avancés par la société PUBLI EXPERT sans que le coût de ces publications ne puisse excéder la somme de 20.000 euros HT, et ce sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la réception du « Bon à tirer » ;

Infirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a refusé de faire droit à la demande de publication du dispositif du jugement ;

en conséquence,

Ordonner la publication du dispositif de l'arrêt à intervenir, pendant une durée de 6 mois, sur la page d'accueil du site internet [Site Web 9] exploité par la société PUBLI EXPERT, aux frais de l'Appelante, et ce sous astreinte définitive de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.

III - Sur le refus d'insertion publicitaire abusif et fautif

Dire et juger que la société PUBLI EXPERT a commis un refus d'insertion publicitaire abusif et fautif à l'encontre et au préjudice de la société NOBILAS France ;

en conséquence,

Infirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a refusé de faire droit à la demande de condamnation au titre du refus abusif d'insertion publicitaire ;

Condamner la société PUBLI EXPERT à payer à la société NOBILAS France la somme de 25.000 euros, au titre du refus d'insertion publicitaire abusif ;

Ordonner la publication de la publicité initialement transmise par la société NOBILAS France, sur le site [Site Web 9]. dans les conditions préalablement arrêtées par les parties avant le refus opposé par la société PUBLI EXPERT.

IV - En tout état de cause

Débouter la société PUBLI EXPERT de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Confirmer le jugement frappé d'appel en ce qu'il a condamné la société PUBLI EXPERT à payer à la société NOBILAS France la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner la société PUBLI EXPERT en cause d'appel à payer à la société NOBILAS France la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

Condamner la société PUBLI EXPERT aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Mathieu DAVY, Avocat aux offres de droit.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action de la société NOBILAS FRANCE :

La société PUBLI-EXPERT, qui conteste en tout état de cause le caractère dénigrant des propos litigieux dénoncés par la société NOBILAS FRANCE, lui oppose une fin de non-recevoir, tirée de la saisine préalable du tribunal correctionnel de Paris, pour les mêmes propos, sur le fondement de la diffamation et de l'injure, telles que définies à l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, saisine qu'elle a effectuée par citation directe.

Outre le fait qu'elle conteste, au visa de l'article 5 du code de procédure pénale, le cumul d'une action civile délictuelle, fondée sur l'article 1382 du code civil et d'une action pénale sur celui de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, elle affirme que les abus de la liberté d'expression ne peuvent être réprimés que sur le fondement de cette loi.

La société NOBILAS FRANCE prétend quant à elle qu'il est parfaitement possible de mettre en oeuvre simultanément une action en dénigrement et une autre en diffamation, pour autant qu'il s'agisse de faits distincts, ce qui est le cas en l'espèce, produisant un tableau comparatif qu'elle a confectionné à cet effet.

Elle précise que des propos peuvent être parfaitement constitutifs de dénigrement commercial sans être pour autant injurieux au diffamatoires.

Elle met aux débats copie de la citation directe en diffamation et injure devant le tribunal correctionnel de Paris, qu'elle a fait délivrer le 17 décembre 2013 à la société PUBLI-EXPERT et à [H] [J], son directeur de publication, laquelle énumère les articles litigieux, publiés entre le 18 septembre et le 28 novembre 2013, qui sont, contrairement à l'appréciation qu'en a faite le tribunal de commerce de Nanterre, parfaitement identiques à ceux visés dans la présente procédure, introduite par assignation du 4 mars 2014, à savoir :

- «Nobilas/AXA (suite) : pourquoi le rapprochement déplaît beaucoup... » paru le 18 septembre 2013 à l'adresse...et les commentaires qui y sont associés ;

- « Nobilas/AXA (suite) : résiliation de 1900 carrossiers mode d'emploi » paru le 18 septembre 2013.... et les commentaires qui y sont associés ;

- « Procès ' la société Nobilas nous menace...et elle a tort » paru le 7 novembre 2013... et les commentaires qui y sont associés ;

- « AXA/Nobilas : la FFC monte au front ! » paru le 7 novembre 2013... et les commentaires qui y sont associés ;

- « DERNIÈRE MINUTE - agrément de carrossiers : le CNPA interpelle la DGCCRF ! » paru le 12 novembre 2013... et les commentaires qui y sont associés ;

- « INTERVIEW - AXA/Nobilas : AXA répond à nos questions ! » paru le 14 novembre 2013... et les commentaires qui y sont associés ;

- « Nobilas dérange ...et s'en félicite » paru le 14 novembre 2013... et les commentaires qui y sont associés ;

- « AXA/Nobilas (suite) - enfin un carrossier « pro-Nobilas »... » paru le 19 novembre 2013 ... et les commentaires qui y sont associés ;

- « AXA/Nobilas (suite) - Réponse(s) à notre carrossier « pro-Nobilas »... » paru le 27 novembre 2013... et les commentaires qui y sont associés.

Il était parfaitement loisible à la société NOBILAS FRANCE, de saisir, dans le bref délai de prescription de l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la juridiction répressive en diffamation et injure pour le contenu des articles qu'elle a soumis à son appréciation, mais elle ne pouvait, qui plus est hors ce délai, saisir le tribunal de commerce de Nanterre des mêmes faits, la société PUBLI-EXPERT rappelant fort justement que les abus de la liberté d'expression ne peuvent être sanctionnés que dans le seul cadre de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Ainsi, contrairement en ce qu'en a décidé le tribunal de commerce de Nanterre, qui a accueilli l'action en dénigrement de la société NOBILAS FRANCE et a subséquemment condamné la société PUBLI-EXPERT à lui payer des dommages et intérêts, la cour dira l'action en dénigrement de la société NOBILAS FRANCE irrecevable.

Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur le refus d'insertion publicitaire :

La société NOBILAS FRANCE expose qu'elle a confié la conception de campagnes publicitaires à la société DÉCLINAISONS, laquelle est convenue avec la société PUBLI-EXPERT, au courant du mois d'octobre 2013, d'une insertion sur le site [Site Web 9]., mais que la directrice de la publicité de la société PUBLI-EXPERT a refusé, le vendredi 31 octobre 2013 au soir, veille de la parution, de faire paraître cette publicité, indiquant avoir reçu une consigne de dernière minute de la direction générale, selon courriel versé aux débats, sans le moindre motif.

Elle estime ce refus d'insertion publicitaire de dernière minute abusif.

En premier lieu, elle le juge discriminatoire au regard de l'acceptation d'insertions de ses concurrents, tel Mon Garage ou encore AD (AUTO DISTRIBUTION), ajoutant que cette dernière société bénéficie également d'une large promotion sur le site www.am-today.com, exploité par la société AM TODAY, qui serait étroitement liée à la société PUBLI-EXPERT avec laquelle elle partagerait les mêmes locaux et les mêmes dirigeants.

En deuxième lieu, elle voit dans ce refus une intention de lui nuire, ensuite de la mise en demeure qu'elle lui a adressée.

En troisième lieu, elle dénonce l'absence de caractère anormal de son insertion, qui n'était pas de nature à compromettre les intérêts matériels ou moraux de la société PUBLI-EXPERT.

La société NOBILAS FRANCE ajoute que ce refus d'insertion l'a privée d'un lectorat potentiel de plus de 260.000 professionnels par mois.

La société PUBLI-EXPERT, pour sa part, dénie tout caractère abusif à ce refus d'insertion, qui est intervenu le 31 octobre 2013, postérieurement à la mise en demeure que la société NOBILAS FRANCE lui avait adressé le 18 octobre 2013.

Elle rappelle le principe de la liberté de la presse en la matière et expose que ses conditions générales de vente prévoient qu'elle n'a pas à donner de motivation en pareille circonstance.

Elle fait observer que la preuve n'est pas rapportée qu'elle favoriserait la publication d'entreprises directement concurrentes de la société NOBILAS FRANCE.

A cet égard, le tribunal a exactement apprécié que le refus d'insertion litigieux ne présentait aucun caractère abusif, dès lors qu'en vertu du principe de la liberté de la presse un directeur de publication est libre de refuser l'insertion d'une annonce dans la publication qu'il dirige, sans avoir à justifier de ce refus, s'il ne commet aucune faute en cela ;

Qu'en l'espèce, aucune intention de nuire de la part de la société PUBLI-EXPERT à l'égard de la société NOBILAS FRANCE ne pouvait être invoquée dans le refus d'insertion publicitaire qui lui a été opposé le 31 octobre 2013, du fait de la dégradation de leurs relations, intervenue ensuite de la mise en demeure que la deuxième avait adressée à la première le 18 octobre 2013 ;

Que la publicité faite par la société PUBLI-EXPERT au profit de la société Mon Garage, dont il n'est pas démontré qu'elle exerce une activité concurrente de celle de la société NOBILAS FRANCE ne pouvait être qualifiée de discriminatoire à son égard.

La cour ajoute, sur ce dernier point, que les constats d'huissier de justice mis aux débats devant elle par la société NOBILAS FRANCE, dressés en 2015, soit bien postérieurement au refus litigieux, sont inopérants à rapporter la preuve de la discrimination qu'elle invoque.

En conséquence, la cour confirmera le jugement sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable d'allouer à la société PUBLI-EXPERT une indemnité de procédure de 5.000 euros. La société NOBILAS FRANCE, qui succombe, sera, en revanche, déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 23 décembre 2014, sauf en ce qu'il a débouté la société par actions simplifiée NOBILAS FRANCE de sa demande indemnitaire au titre du caractère prétendument abusif du refus d'insertion publicitaire,

Et statuant à nouveau,

DÉCLARE irrecevable l'action en dénigrement formée par la société par actions simplifiée NOBILAS FRANCE à l'encontre de la société anonyme PUBLI-EXPERT,

REJETTE toutes autres demandes,

Et y ajoutant,

CONDAMNE la société par actions simplifiée NOBILAS FRANCE à payer à la société anonyme PUBLI-EXPERT la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société par actions simplifiée NOBILAS FRANCE aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 14/09279
Date de la décision : 04/10/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°14/09279 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-10-04;14.09279 ?
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