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22/09/2016 | FRANCE | N°14/04227

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 22 septembre 2016, 14/04227


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



17e chambre





ARRÊT N°







contradictoire

DU 22 SEPTEMBRE 2016

R.G. N° 14/04227





AFFAIRE :





[S] [J]



C/

SA KPMG





Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 18 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE

Section : Encadrement

N° RG : 1300788





Cop

ies exécutoires délivrées à :



Me Charles-henri HAMAMOUCHE



la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés





Copies certifiées conformes délivrées à :



[S] [J]



SA KPMG







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







LE VINGT DEUX SEPTEMBRE DEU...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

contradictoire

DU 22 SEPTEMBRE 2016

R.G. N° 14/04227

AFFAIRE :

[S] [J]

C/

SA KPMG

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 18 Septembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CERGY PONTOISE

Section : Encadrement

N° RG : 1300788

Copies exécutoires délivrées à :

Me Charles-henri HAMAMOUCHE

la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés

Copies certifiées conformes délivrées à :

[S] [J]

SA KPMG

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [S] [J]

[Adresse 1]

[Adresse 2]

comparante en personne, assistée de Me Charles-henri HAMAMOUCHE, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 90 substitué par Me Véronique HAMAMOUCHE, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 90

APPELANTE

****************

SA KPMG

[Adresse 3]

[Adresse 4]

représentée par Monsieur [P] [M], directeur des ressources humaines et Madame [F] [A], directrice régionale adjointe en vertu d'un pouvoir en date du 21 juin 2016, assistés de Me Eric MANCA de la SCP AUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0438

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Juin 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Juliette LANÇON, Vice-président placé chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Martine FOREST-HORNECKER, Président,

Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller,

Madame Juliette LANÇON, Vice-président placé,

Greffier, lors des débats : Madame Amélie LESTRADE,

Par jugement du 18 septembre 2014, le conseil de prud'hommes de Cergy-Pontoise (section Encadrement) a :

- dit que l'exception de péremption de l'instance soulevée par la SA KPMG est inopérante,

- dit que la prescription disciplinaire soulevée par Madame [S] [J] est inopérante,

- dit que le licenciement de Madame [S] [J] relève bien d'une faute grave,

- condamné la SA KPMG à payer à Madame [S] [J] la somme de :

. 10 000 € (dix mille euros) à titre de dommages et intérêts pour nullité de la clause de non concurrence,

- débouté Madame [S] [J] du surplus de ses demandes,

- débouté la SA KPMG de ses demandes reconventionnelles,

- mis les éventuels dépens de la présente instance pour moitié à la charge de Madame [S] [J] et la SA KPMG.

Par déclaration d'appel adressée au greffe le 26 septembre 2014 et par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, Madame [J] demande à la cour, infirmant le jugement, de :

- débouter la SA KPMG de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- débouter la SA KPMG de sa demande au titre de la péremption d'instance,

- débouter la SA KPMG de ses demandes de prescription en application de la loi du 14 juin 2013, car l'instance a été introduite avant sa promulgation,

- rejeter les pièces rédigées en langue anglaise,

- s'agissant d'un licenciement pour faute grave, dire que les faits allégués dans la lettre de licenciement ne sont pas établis matériellement,

- dire que les faits reprochés à la salariée étaient prescrits à la date de la mise à pied à titre conservatoire et convocation à un entretien préalable,

- fixer la moyenne de son salaire à la somme de 10 712 euros,

Sur le licenciement,

A titre principal, requalifier le licenciement intervenu le 17 avril 2009 en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la SA KPMG à lui verser les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la date de la saisie du conseil de prud'hommes :

. 7 177 euros à titre de salaire correspondant à la mise à pied à titre conservatoire,

. 718 euros au titre des congés payés y afférents,

. 32 136 euros au titre de l'indemnité de préavis,

. 3 214 euros au titre des congés payés sur préavis,

. 63 343 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 642 720 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 64 272 euros à titre de dommages intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

A titre subsidiaire, requalifier le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamner la SA KPMG à lui verser les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la date de la saisie du Conseil de Prud'hommes :

. 7 177 euros à titre de salaire correspondant à la mise à pied à titre conservatoire,

. 718 euros au titre des congés payés y afférents,

. 32 136 euros au titre de l'indemnité de préavis,

. 3 214 euros au titre des congés payés sur préavis,

. 63 343 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

Sur la convention de forfait jour,

- A titre principal, dire que la convention de forfait jour est irrégulière et sans effet,

- condamner la SA KPMG à lui verser les sommes de :

. 182 021,32 euros au titre des heures supplémentaires et de 18 202,13 euros au titre des congés payés afférents, 99 820,11 euros au titre du repos compensateur,

. 9 982,01 euros au titre des congés payés afférents,

. 64 272 euros au titre d'indemnité pour travail dissimulé au titre des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail,

A titre subsidiaire, dire que la convention de forfait jour est irrégulière et sans effet,

- condamner la SA KPMG à lui verser les sommes de :

. 155 529,36 euros au titre des heures supplémentaires,

. 15 552,94 euros au titre des congés payés afférents,

. 64 272 euros au titre d'indemnité pour travail dissimulé au titre des articles L.8221-5 et L.8223-1 du Code du travail,

A titre infiniment subsidiaire, condamner la SA KPMG à lui verser la somme de 69 082 euros au titre de l'excédent des jours travaillés par rapport à la convention de forfait jours,

Sur la clause de non-concurrence,

A titre principal, condamner la SA KPMG à lui verser la somme de 96 408 euros au titre d'indemnité conventionnelle de la clause de non-concurrence,

A titre subsidiaire, confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a déclaré nulle cette clause,

Condamner la SA KPMG à lui verser la somme de 96 408 euros au titre de dommages et intérêts,

En tout état de cause,

- condamner la SA KPMG à lui verser les sommes suivantes avec intérêts au taux légal à compter de la date de la saisie du conseil de prud'hommes :

. 13 200 euros à titre de la rémunération variable du 1/10/2008 au 31/03/2009,

. 1 320 euros au titre des congés payés afférents à cette rémunération variable,

. 10 613 euros au titre des conges payés acquis,

. 2 346 euros au titre du compte épargne temps,

. 24 828 euros au titre de la discrimination à la promotion professionnelle,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la SA KPMG à lui verser la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société KPMG demande à la cour de :

- dire et juger que le licenciement de Madame [J] est justifié par une faute grave,

- dire et juger que les faits justifiant ce licenciement n'étaient pas prescrits à la date d'engagement de la procédure,

- dire et juger que le licenciement de Madame [J] n'est pas intervenu dans des conditions vexatoires et brutales,

- dire et juger que Madame [J] n'a été victime d'aucune discrimination,

- constater que le forfait jours de Madame [J] est valable,

- constater que la demande de rappels d'heures supplémentaires formulées par Madame [J] est dénuée de fondement,

- constater qu'aucun rappel de salaires à quelque titre que ce soit n'est dû à Madame [J],

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Cergy Pontoise,

Au surplus :

- constater que la clause de respect de clientèle n'est pas une clause de non-concurrence,

- constater l'absence de tout préjudice résultant de l'existence de cette clause,

- réformer le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Cergy Pontoise sur ce point,

En conséquence :

- débouter Madame [J] de l'ensemble de ses demandes,

- débouter Madame [J] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner Madame [J] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

LA COUR,

qui se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et à la décision déférée,

Considérant que Madame [J] a été embauchée par le Cabinet KIMMEL TOUATI en date du 26 octobre 1987 en qualité d'expert-comptable et de commissaire aux comptes suivant contrat de travail écrit à durée indéterminée ;

Que, par une opération de rachat d'entreprise en date du 1er octobre 1995, la SA KPMG est devenu son employeur ;

Que le convention collective applicable au litige est celle des cabinets d'expert-comptables et des commissaires aux comptes ;

Que, par courrier du 31 mars 2009, Madame [J] a été mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable fixé au 10 avril 2009 ;

Qu'à compter du 31 mars, elle a été en arrêt maladie jusqu'au 31 mai 2009 ;

Que, par courrier du 17 avril 2009, elle a été licenciée pour faute grave en ces termes :

Nous faisons suite à l'entretien préalable du 10 avril 2009 au cours duquel vous étiez assisté de Monsieur [A] [U], représentant du personnel. Nous avons écouté vos explications sur les griefs portés à votre encontre mais les arguments que vous nous avez présentés n'ont pas été de nature à modifier notre appréciation des faits.

Nous sommes ainsi contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave aux motifs suivants :

Le 10 octobre 2007, vous avez transmis une lettre de mission à un prospect, la société SOFIRIF en vue de réaliser une mission d'expertise-comptable et ce sans vous être assurée préalablement de la faisabilité d'une telle mission, comme le prévoit notre procédure d'acceptation de clients et missions dans le but notamment de protéger le cabinet de tout risque en matière d'incompatibilité. Vous avez donc adressé cette lettre de mission en violation des règles du cabinet.

Ceci est d'autant plus grave comme vous le soulignez vous-même dans votre demande de « Conflict Check » [cellule chargée de la recherche des conflits d'intérêts] initiée le même jour, vous savez que KPMG est par ailleurs commissaire aux comptes du Crédit Coopératif qui détient une participation dans la société SOFIRIF et qu'il existe donc un risque en matière d'incompatibilité ou d'indépendance.

Vous mettez ensuite plus de trois mois à répondre à la cellule « Conflict Check » qui vous demande des compléments d'information pour traiter votre demande et vous commencez à intervenir début avril 2008 chez le client sans avoir obtenu l'autorisation formelle « SAN » [Sentinel Approval Number] de la cellule « Conflict Check », la encore en violation des règles du cabinet.

Pire encore, alors que le 16 juin 2008 vous êtes informée de la réponse négative du « Sentinel Lead Partner » [associé, responsable du compte client] qui doit donner l'autorisation pour réaliser la mission, vous poursuivez malgré tout la mission sans pouvoir enregistrer vos temps d'intervention ni facturer puisque notre logiciel ne permet pas de créer un client sans numéro « SAN ». Ces temps sont ainsi enregistrés dans un code « temps non facturables » démontrant que vous avez agi en toute connaissance de cause.

Ce n'est que plusieurs mois après que la Direction Régionale est informée de la situation. Celle-ci vous confirme alors le 23 janvier 2009, après étude de la situation et nouvelle démarche auprès du « Sentinel Lead Partner » qu'il convenait de cesser la mission. Position confirmée le 30 janvier 2009 par un nouveau refus de SAN et le 24 février 2009 par le département national Risk Management.

Vous avez envoyé à notre demande un courrier le 17 mars dernier au client par lequel vous lui confirmiez enfin l'incompatibilité existante et formalisiez l'arrêt de la mission.

La réponse du client en date du 18 mars 2009 exprimant un profond mécontentement sur la gestion et la clôture de cette mission, nous a confirmé le fait que la mission initiée sans accord préalable était sur le point d'être finalisée par vos soins et que vous aviez laissé croire au client pendant plus d'un an que vous étiez en mesure de la traiter.

Par ailleurs, l'exercice de cette mission requerrait des compétences bancaires spécifiques que ni vous, ni les membres de votre équipe ne possèdent, faisant ainsi supporter au client et au cabinet un risque supplémentaire.

Dans un registre similaire, nous avons également constaté pour les clients SCI Land, MR2V, Clos des anglaises SCI, Barrau Gérard, DGF, Fieishman-Hillard, qu'aucun renouvellement de numéro « SAN » n'avait été effectué en 2008 comme le prévoit là aussi nos procédures et que par conséquent, la facturation client était imputée sur les numéros SAN de l'année précédente ; ceci encore une fois en total non respect des règles du cabinet.

Ces faits sont constitutifs d'une violation grave et répétée des règles internes du cabinet et des règles professionnelles (codes de déontologie) que vous ne pouviez méconnaître en votre qualité d'associé KPMG, expert-comptable inscrit à l'Ordre et commissaire aux comptes inscrit à la Compagnie.

Lors de votre entretien préalable vous nous avez fait part de votre analyse de la situation en estimant qu'il n'y avait pas d'incompatibilité et que vous pouviez travailler pour le compte de SOFIRIF, alors même que le système de contrôle interne vous avait indiqué à plusieurs reprises qu'il y avait incompatibilité et que vous deviez cesser votre mission.

Cette violation réitérée des règles les plus fondamentales de la profession est d'autant plus grave que vous avez été informée à différentes reprises de la condamnation d'interdiction d'exercice avec sursis du Cabinet pour des faits comparables dans le cadre de l'affaire Marionnaud et que vous connaissiez le risque que vous faisiez courir au cabinet en agissant ainsi.

Par votre action délibérée, nous devons faire face à un risque pénal et civil qui pourrait mettre en péril l'activité de KPMG sur le territoire national si une condamnation d'interdiction d'exercice devait être prononcée à la suite de la condamnation précédente.

Cela est parfaitement inacceptable compte tenu des consignes qui vous ont été données et du niveau d'expérience que vous avez.

Vous comprendrez que de fait, tes discussions que nous avions eues en vue d'une éventuelle rupture négociée que vous aviez sollicitée n'ont plus lieu d'être.

En conséquence de la gravité de ces faits, nous vous notifions votre licenciement pour faute grave, De ce fait votre licenciement prend effet dès réception de la présente et aucune indemnité de licenciement ni d'indemnité de préavis ne vous sera versée ;

Considérant, sur le licenciement, que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque ;

Qu'en application de l'article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ces faits ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;

Que c'est à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'a eu connaissance des faits reprochés que dans les deux mois ayant précédé la procédure disciplinaire ;

Considérant que la société KPMG verse aux débats des documents en langue anglaise dont elle ne propose pas de traduction et qui, comme tels doivent être écartés des débats en application de l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 qui fonde la primauté et l'exclusivité de la langue française devant les juridictions nationales ;

Considérant, sur les clients SCI LAND, MR2V, Clos des anglaises Sci, Barreau Gérard, DGF, Fleishman-Hillard, la société KPMG ne verse aux débats aucune pièce relative à ces clients ; que ce grief n'est pas établi ;

Considérant, sur le dossier SOFIRIF, que Madame [J] soutient que les faits reprochés sont prescrits puisqu'elle a travaillé sur le dossier SOFIRIF sans avoir eu le numéro SAN avec l'accord de sa hiérarchie depuis 2008 ;

Considérant que la société KPMG rétorque qu'il n'a eu connaissance des faits que le 19 mars 2009 par le courrier de la société SOFIRIF ;

Considérant que, dès le mois d'octobre 2007, Madame [J] a formulé une demande de recherche de conflits d'intérêts pour pouvoir s'occuper de la société SOFIRIF ; que plusieurs mails ont été échangés en 2007 et 2008 entre elle et Madame [P], assistante QRM Paris & Centre sur des éléments de renseignements manquants dans la demande de recherche et sur le fait que la demande était urgente ;

Que le 16 juin 2008, Madame [J] a reçu un mail du centre conflit check lui indiquant 'le SAN pour votre mission de comptes annuels pour SOFIRIF vient d'être refusé dans Sentinel, car le SLP du groupe ([X] [S]) est également CAC du crédit coopératif' ;

Que le 17 mars 2009, la société KPMG a écrit à la société SOFIRIF en lui disant : 'vous nous aviez informés être détenus pour moins de 20% par le Crédit Coopératif, auquel votre coopérative est affiliée. Dans un premier temps, cette détention minoritaire par le cc, dont nous sommes commissaire aux comptes, nous avait laissé penser que nous pouvions répondre à votre demande de collaboration. Toutefois, nous avons été informés depuis que votre coopérative est intégrée globalement dans les comptes consolidés du cc que nous certifions. Pour cette raison, et conformément à notre code de déontologie, nous ne pouvons réaliser l'ensemble des travaux que vous souhaitiez nous confier' ;

Que le 19 mars, la société SOFIRIF lui a répondu que : 'en effet, comment est-ce possible qu'après plus d'un an de collaboration, c'est à cette date que vous nous faites savoir que vous ne pouvez pas, par déontologie, continuer de vous occuper de notre comptabilité, et surtout signer nos documents comptables à la veille des échéance légales' ;

Que la société KPMG ne verse aucune autre pièce que ces deux courriers pour établir qu'elle n'a eu connaissance des faits litigieux que le 19 mars 2009 ; qu'elle a engagé la procédure disciplinaire le 31 mars 2009 ;

Que Madame [J] verse quant à elle aux débats deux attestations d'expert-comptables, salariés de la société KPMG, qui indiquent que le système 'SENTINEL' nouvellement mis en place était défaillant, qu'il générait souvent des refus automatiques ou des 'demandes incomplètes' pendant plusieurs semaines, que toute la direction régionale était au courant et que les supérieurs hiérarchiques demandaient de passer outre et d'accepter le client, en attendant d'avoir une réponse positive ;

Que Monsieur [D], expert comptable, atteste qu'il est intervenu sur le dossier SOFIRIF de Madame [J] dès le mois d'avril 2008, en parfait accord avec [H] [Z] (N+1 de Madame [J]), qu'ils l'avaient informé qu'ils n'arrivaient pas à obtenir de réponse du système informatique pour obtenir un code client à SOFIRIF, que ce dernier a répondu que cette procédure informatique était nouvelle et ne fonctionnait pas bien, qu'il a estimé lui aussi qu'il n'y avait aucun risque pour les travaux d'expertise comptable car le cc détenait moins de 40% de capital de SOFIRIF et leur a donné l'accord pour commencer leurs travaux chez le client ; qu'il ajoute qu'à 'chaque intervention trimestrielle, s'est posé le problème de la saisie des temps passés sur le dossier, que Monsieur [H] [Z] a demandé de saisir nos temps passés en temps non facturables dans le logiciel Gescil, en précisant dans le libellé 'SOFIRIF' afin de pouvoir les réaffecter dès l'obtention du numéro' et qu'il atteste 'qu'à aucun moment il n'y a dissimulation de temps ou de demande de dissimulation de temps par Madame [J], ni par Monsieur [H] [Z], sur le dossier SOFIRIF' ;

Que Madame [J] produit au dossier les CRAC (commentaires sur l'activité commerciale du trimestre) envoyés en janvier et avril 2008 à Monsieur [Z], N+1 de Madame [J], Monsieur [Y] et Madame [A], associé directeur adjoint région Paris et Centre, dans lequel il est mentionné 'nouveaux clients : SOFIRIF = 15 K€ mais tjrs pas créé sur le WAC - filiale du crédit coop - CAC KPMG mais partcip inf à 20% - en attente de confirmation de l'absence d'incompatibilité' ;

Que Madame [J] produit également au dossier un mail de Madame [A], qui pose la question du crédit coopératif et de ses adhérents et qui dit : 'après plusieurs échanges avec le SLP (à l'époque [X] [S]) nous n'avons pas obtenu le SAN au motif que cette société était consolidée dans le cadre d'une conso Groupe Coopératif qui regroupe tous les adhérents quelque soit le % de participation. Mon analyse de la situation est la suivante : pas d'incompatibilité au sens de l'article L. 822-11 car l'adhérent n'est pas contrôlée au sens de l'article L. 233-3 I et II' ; que Monsieur [S] dans un mail du 21 janvier a indiqué à Madame [A], 'après analyse du document joint il apparaît que l'on ne peut pas parler de contrôle au sens du L. 233-3 du code de commerce sur SOFIRIF' ;

Que le 23 janvier 2009, Monsieur [B], nouveau N+1 de Madame [J], Monsieur [Z] étant devenu le N+2, lui a dit qu'il avait contacté Madame [A], qui s'est rapproché de [X] [S] et [B] [L] et que ce dernier a demandé de stopper immédiatement la mission ;

Qu'il n'est pas contesté que Madame [J] n'a plus travaillé sur la mission SOFIRIF à compter de cette date ;

Qu'il résulte de l'ensemble de ses éléments que Madame [J] n'a pas dissimulé le dossier SOFIRIF sur lequel elle travaillait, que sa hiérarchie était au courant qu'elle travaillait dessus avant d'avoir obtenu un numéro SAN, ce qui était une pratique habituelle du fait de l'installation du nouveau système et que dès que sa hiérarchie lui a demandé de stopper la mission, elle s'est exécuté, avant le début du délai de deux mois de la prescription ;

Qu'en conséquence, il est établi que la société KPMG était au courant de la mission SOFIRIF bien avant le 31 janvier 2009 ; que les faits reprochés à Madame [J] sont prescrits, de sorte que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;

Considérant, sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, que Madame [J] qui, à la date du licenciement, comptait au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés a droit, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, à une indemnité qui ne saurait être inférieure aux salaires bruts perçus au cours des six derniers mois précédant son licenciement ;

Qu'au regard de son âge au moment du licenciement, 46 ans, de son ancienneté de presque 22 ans dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, soit 10 712 euros mensuel, de ce qu'elle a créé une société d'expertise en 2010, mais qu'elle justifie par deux attestations de clients de la société KPMG du contexte de dénigrement entourant son licenciement et qui perdure dans le milieu restreint de l'expertise comptable, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral subi la somme de 170 000 euros ; que le jugement sera infirmé de ce chef ;

Que la société KPMG sera également condamnée à verser au salarié un rappel de salaire afférent à la période de mise à pied conservatoire, les congés payés y afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents dont il a été indûment privé et dont les montants ne sont pas critiqués ;

Qu'en application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner d'office le remboursement par l'employeur, à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités ;

Considérant, sur les dommages intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, que Madame [J] soutient que son supérieur hiérarchique, Monsieur [Z], lui a demandé la veille de se présenter le 31 mars à 8 heures, l'a mise à pied à titre conservatoire sans qu'elle puisse revoir son équipe et prendre ses effets personnels, que son licenciement a été précipité, que son employeur a fait exécuter une perquisition à son domicile le 12 mai 2009, alors que les bilans des clients avaient déjà été établis et que plusieurs clients ont été informés des raisons de son départ ;

Que la société KPMG rétorque qu'il n'existe aucune précipitation dans la procédure engagée, qu'il a été demandé à Madame [J] à plusieurs reprises de restituer les dossiers conservés à son domicile en violation du règlement intérieur en avril et mai 2009, que cette dernière a affirmé les rendre sans le faire, qu'elle a donc saisi la justice pour obtenir une ordonnance pour récupérer les documents directement à son domicile, qu'elle s'y est rendue avec un huissier de justice pour récupérer les documents et qu'elle n'a pas mené de campagne de communication sur le départ de Madame [J] et ses raisons ;

Considérant que la société KPMG a engagé la procédure de licenciement le 31 mars avec une mise à pied à titre conservatoire ; que l'entretien préalable a eu lieu le 10 avril et que le licenciement est intervenu le 17 avril 2009 ; que cette chronologie ne démontre aucune précipitation ;

Que l'article 16 du règlement intérieur prévit que 'le souci de la bonne marche de la société n'est pas compatible notamment avec : (...) La conservation des dossiers et de la documentation au domicile privé' ;

Qu'il est versé aux débats de nombreux échanges de courriers à compter du 3 avril 2009 entre la société KPMG et Madame [J] sur la remise des documents que cette dernière conservait à son domicile ;

Que, le 27 avril 2009, la société KPMG a obtenu une ordonnance du président du tribunal de grande instance de Pontoise pour se rendre au domicile de Madame [J] pour récupérer les documents ;

Que, par courrier du 29 avril 2009, elle a informé son employeur qu'elle se rendrait dans les locaux de l'entreprise pour rendre les documents de travail et pour récupérer ses documents de fin de contrat ; que, par courrier du 4 mai, elle a indiqué envoyer les documents par transporteur, puis par mail du 7 mai, a dit qu'elle se rendrait dans les locaux le 11 mai, sans le faire ;

Que le 12 mai 2009, la société KPMG s'est donc rendu au domicile de Madame [J] pour récupérer les documents de l'entreprise qu'elle n'avait toujours pas rendus ;

Que le procédé utilisé n'est donc ni vexatoire ni brutal ;

Que le dénigrement dont Madame [J] a fait l'objet a déjà été indemnisé au titre de la perte de son emploi ;

Qu'en conséquence, la demande de Madame [J] dommages intérêts pour licenciement brutal et vexatoire sera rejetée ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Considérant qu'à l'audience, la société KPMG ne soutient plus sa demande de prescription relative aux demandes de Madame [J] au titre des congés payés, de la rémunération variable, du salaire, des heures supplémentaires et du forfait jour ;

Considérant, sur le paiement de la rémunération variable pour la période du 1er octobre 2008 au 31 mars 2009, que l'avenant de collaboration du 22 février 2007 prévoyait en son article 2.1 que 'la rémunération annuelle globale cible (rémunération cible) est composée d'une rémunération fixe, et d'un bonus, calculés sur la base de proportions respectives de 78% et 22%. Le montant de la rémunération cible est déterminé sur la base des responsabilités confiées et des résultats obtenus les années précédentes' ;

Qu'il est précisé dans l'article 2.3 que le bonus attribuable en cas de performances conformes aux objectifs pour chacun des composants décrits ci-dessous correspond à 22% de la rémunération annuelle cible ; que pour l'exercice 2006/2007, en cas de performances conformes aux objectifs, le bonus atteindra 26 400 euros bruts de référence année pleine ; que le bonus se compose de 4 parts égales : la performance quantitative individuelle du salarié, la performance quantitative d'équipe, la performance qualitative individuelle et son comportement ou ses aptitudes commerciales ; que les critères relatifs à la part quantitative du bonus font l'objet de précisions complémentaires mentionnées dans la feuille d'objectifs annuels ;

Que l'article 6 disposait qu'en 'cas de départ quelqu'en soit la date, le règlement définitif du bonus de Madame [J] interviendra dans les trois mois suivant son départ de la société. Quand ce délai impose un règlement avant la clôture de l'exercice social en cours, il est effectué sur la base des seuls éléments connus à la date de ce règlement et est libératoire de tout ajustement à la hausse ou à la baisse' ;

Que, contrairement à ce que soutient la société KPMG, l'article 6 précité prévoit expressément l'hypothèse d'un départ de Madame [J] en cours d'exercice social ; que le montant du bonus à attribuer est à calculer en fonction des seuls éléments connus ;

Que des objectifs détaillés ont été fixés à Madame [J] pour les exercices 2005/2006 et 2006/2007, contrairement à l'exercice 2008/2009 ; que la société KPMG ne produit au dossier aucun élément relatif à l'exercice 2008/2009 ;

Qu'en conséquence, Madame [J] a droit au paiement de son bonus, au prorata de son temps de présence au titre de cette exercice ;

Que la société KPMG sera donc condamnée à payer à Madame [J] la somme de 13 200 euros à titre de paiement de la rémunération variable pour la période du 1er octobre 2008 au 31 mars 2009 ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;

Qu'en revanche, l'avenant a expressément prévu que la rémunération annuelle globale dite cible est 'forfaitaire et inclut une majoration de 10% au titre de l'indemnité de congés payés' ; que la demande au titre des congés payés y afférents au rappel de rémunération variable de Madame [J] sera donc rejetée ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Considérant, sur le paiement de ses congés payés acquis et non pris pour la période du 1er juin 2006 au 31 mars 2009, que l'article 7 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaire aux comptes du 9 décembre 1974 prévoit que 'conformément aux dispositions de l'article L. 3141-3 du code du travail, la durée du congé est, pour 12 mois de travail effectif, de 30 jours ouvrables à raison de deux jours et demi ouvrables par mois de travail effectif' ; qu'il doit être rajouté un jour pour l'ancienneté ;

Que le calcul s'effectue en jours ouvrables et non en jours ouvrés, comme le soutient la société KPMG ;

Que ce même article prévoit que 'le solde des congés ne peut être reporté au-delà du 30 avril de l'année suivante, sauf accord entre l'employeur et le salarié', de sorte que les demandes de Madame [J] de rappel de congés payés non pris avant le 1er juin 2007 seront rejetées ;

Que les bulletins de paye versés aux débats mentionnent le nombre de jours de congés pris mais pas le nombre annuel de congés payés acquis ;

Qu'il n'est pas contesté que Madame [J] a pris 21 jours de congés pour la période du 1er juin 2007 au 31 mai 2008, de sorte qu'il lui restait 10 jours à prendre ; que pour la période du 1er juin 2008 au 31 mars 2009, elle avait droit à 26 jours et elle en a pris 22, de sorte qu'il lui restait 4 jours à prendre ; qu'elle n'a donc pas pris au total 14 jours ;

Que l'article 5 de l'avenant de 2007 précité prévoyait que 'les congés seront acquittés, pendant la prise de congés, par le maintien de la rémunération mensuelle, que les objectifs définis annuellement tiennent compte de la période d'inactivité correspondant aux congés payés et aux jours de repos ARTT et que ceux-ci sont donc pour ce qui concerne la partie variable de la rémunération comme pour la partie fixe, réputées incluses dans la rémunération telle qu'elle est définie ci-dessus' ;

Que le salaire pour calculer l'indemnité compensatrice de congés payés est donc le salaire de base, soit 7 946 euros ;

Que, compte tenu du jours de congés pris, elle a donc été remplie de ses droits ; que sa demande à ce titre sera rejetée ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Considérant, sur le règlement du solde de son compte épargne temps, que l'article L. 3154-3 prévoit que 'le défaut de dispositions conventionnelles prévoyant les conditions de transfert des droits d'un employeur à un autre, le salarié peut :

1° Percevoir, en cas de rupture du contrat de travail, une indemnité correspondant à la conversion monétaire de l'ensemble des droits qu'il a acquis (...)' ;

Que l'article 8.2 de la convention collective prévoit qu'il 'est créé un compte épargne-temps au profit de l'ensemble des collaborateurs des cabinets ; il a pour objet de permettre à ceux d'entre ces collaborateurs qui le souhaitent d'accumuler des droits à congé rémunéré. (...)

Le compte épargne-temps est alimenté par :

- le report de congés annuels dans la limite de 10 jours ouvrables par an ;

- les repos compensateurs de remplacement prévus à l'article 8.2.3.2 ;

- 1/3 des jours de repos définis à l'article 8.2.1.1, ce seuil étant porté à la moitié pour les salariés âgés d'au moins 50 ans.

Il peut aussi être éventuellement alimenté par tout ou partie des primes individuelles nées d'un accord d'intéressement conclu en application des articles L. 3311-1 et suivants du code du travail' ;

Que la société KPMG a réglé la somme de 7 391,63 euros au titre du 'solde CET' ;

Que Madame [J] sollicite la somme de 9 738 euros, en indiquant que la société KPMG a calculé son solde sur une base de salaire erronée ;

Qu'il n'est versé aucun document relatif à ce compte épargne temps et sur les droits acquis de Madame [J] ; que sa demande à ce titre sera rejetée ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Considérant, sur la discrimination à la promotion professionnelle, qu'aux termes de l'article L.122-45 devenu L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap ;

Que l'article L. 122-45 al 4 devenu L.1134-1 du même code dispose qu'en cas de litige relatif à l'application du texte précédent, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe à la partie défenderesse, au vu des ces éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, le juge formant sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Considérant que Madame [J] soutient que les sites de Cergy, dont elle était la responsable, et de Creil, dont Monsieur [B] était le responsable, ont fusionné, sous la responsabilité de ce dernier alors qu'elle avait de meilleurs résultats que lui et une plus grande ancienneté, de sorte qu'elle a été discriminée en tant que femme ;

Que Madame [J] verse aux débats le profil Linkedin de Monsieur [B], qui était en 2013 directeur associé, expert comptable et commissaire aux comptes au sein de la société KPMG depuis janvier 1992 et qui a été auparavant assistant chez PwC de juillet 1990 à 1991, et un tableau des performances du bureau de Cergy pour les exercices 2006/2007 et 2006/2007 où les objectifs ont été dépassés ;

Qu'il n'est versé aux débats aucun élément sur le parcours professionnel de Madame [J], qui a été embauchée en 1987 ;

Que Madame [J] ne présente donc pas d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte ; que sa demande à ce titre sera rejetée ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Considérant, sur le forfait jour et les heures supplémentaires, sur l'irrecevabilité de la demande soulevée par la société KPMG, que cette dernière soulève le principe selon lequel 'nul ne peut se contredire au détriment d'autrui' puisque Madame [J] ne soulevait pas la nullité du forfait jours en première instance revendiquant simplement un dépassement de ce forfait et qu'en conséquence, elle ne peut prétendre aujourd'hui que son forfait jours est irrégulier et solliciter à ce titre des heures supplémentaires alors même qu'elle en admettait la validité en première instance ;

Que Madame [J] en première instance a demandé le paiement d'heures supplémentaires considérant que son forfait jours était dépassé ; qu'en appel, elle soulève l'irrégularité de la convention de forfait jour pour réclamer des heures supplémentaires et subsidiairement, elle demande le paiement des jours de dépassement de son forfait ;

Que Madame [J] ne se contredit pas au détriment d'autrui puisqu'il s'agit de la même demande, à savoir le paiement d'heures supplémentaires ;

Que les demandes de Madame [J] d'irrégularité du forfait jours sont donc recevables ;

Considérant, sur la validité du forfait jours, que l'article L. 3121-39 du code du travail dispose que 'la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions' ;

Que toute convention de forfait en jours prévue par accord collectif, dont les stipulations doivent assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que les repos journaliers et hebdomadaires, doit être de surcroît conforme à la convention collective applicable si elle est plus favorable ;

Qu'il résulte des articles 151 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, L.3121-39 du code du travail, interprété à la lumière de l'article 17, paragraphes 1 et 4 de la directive 1993-104 CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, paragraphe 1, et 19 de la directive 2003-88 CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ;

Considérant précisément que les dispositions de l'article 8. 1. 2. 5 de la convention collective nationale des cabinets d'experts-comptables et de commissaires aux comptes du 9 décembre 1974, qui :

- en premier lieu, se bornent à prévoir que la charge de travail confiée ne peut obliger le cadre à excéder une limite de durée quotidienne de travail effectif fixée à dix heures et une limite de durée hebdomadaire de travail effectif fixée à quarante-huit heures et que le dépassement doit être exceptionnel et justifié par le cadre,

- en deuxième lieu, laissent à l'employeur le soin de prendre les mesures pour assurer le respect des repos quotidiens et hebdomadaires,

- et, en troisième lieu, précisent que le cadre disposant d'une grande liberté dans la conduite ou l'organisation des missions correspondant à sa fonction et dans la détermination du moment de son travail, le cadre et l'employeur examinent ensemble, afin d'y remédier, les situations dans lesquelles ces dispositions prises par l'employeur pour assurer le respect des repos journaliers et hebdomadaires n'ont pu être respectées,

ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, ni à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié ;

Que la convention collective dont s'agit ne répond ni aux exigences de respect des principes constitutionnels, ni à celles de respect des normes européennes ;

Que l'accord d'entreprise du 22 décembre 1999 (ARTT) conclu au sein de la société KPMG, a prévu la possibilité de signer une convention annuelle de forfait en jours pour les cadres autonomes ; que cet accord indique que 'toute personne autonome (...) détermine elle-même l'amplitude de son temps de travail, notamment dans le cadre de la négociation de ses objectifs en début d'exercice social. Le suivi de son activité est effectué, suivant les cas, sur la base des objectifs quantitatifs et qualitatifs négociés et/ou du volume d'activité défini conjointement avec sa hiérarchie. Un contrôle hiérarchique effectif de son temps de travail est contradictoire avec sa qualité de professionnel autonome, conformément à son contrat de travail' ainsi que 'les directeurs d'entité garantiront qu'aucun personnel autonome ne soit amené en prévision ou a posteriori à effectuer des horaires excédent les dispositions afférentes aux minima journaliers et hebdomadaires de repos stipulées à l'article L. 220-1 du code du travail' ;

Que l'avenant au contrat de travail de Madame [J] conclu le 22 février 2007 prévoyait en son article 3 une convention de forfait en jours de 218 jours par an, avec la précision 'les missions qui lui sont confiées ne sont pas encadrées par un horaire collectif mais négociées dans le cadre de ses objectifs annuels' ;

Que s'il a été mis en place au sein de la société KPMG des 'état de contrôle des temps de frais' récapitulant les temps d'activité, il n'est pas versé aux débats d'entretien d'évaluation ; que les seuls documents produits au dossier par la salarié ne mentionnent que les objectifs à atteindre mais ne portent pas sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, ni sur l'articulation entre activité professionnelle et vie personnelle et familiale ;

Qu'aucun suivi régulier de l'organisation du travail et de la charge de la salariée par le supérieur hiérarchique n'existait au sein de la société KPMG ; que le système mis en place par cette dernière ne répond pas aux exigences de conformité précédemment retenues ;

Qu'il doit en être conclu que Madame [J] n'était pas régulièrement soumise à une convention de forfait-jours ; que pour obtenir le paiement d'heures supplémentaires il lui revient de les établir selon le mode de preuve légal ;

Considérant, sur les heures supplémentaires, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, mais qu'il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Considérant que Madame [J] verse aux débats les 'états de contrôle de temps et de frais' journalier établi de 2005 à 2008, remplis sur le logiciel GESCLI, qui est un outil permettant de déterminer le temps passé pour chaque client, afin notamment de pouvoir établir une facturation, ainsi qu'un tableau récapitulatif des heures travaillées par semaine ;

Que Madame [J] étaye sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments ;

Que la société KPMG soutient que les documents transmis ne contiennent aucune information sur les horaires ou amplitudes réalisés, sur les heures de prise de poste/de départ, que les tableaux qu'elle verse aux débats comportent des inexactitudes et que certaines heures comptées ne sont pas liées à ses tâches relevant du domaine personnel, notamment des heures mentionnées 'rotary' ;

Que si les états de contrôle des temps de frais ne mentionnent effectivement pas d'heure de prise de poste et d'heure de départ, ils indiquent le nombre d'heures passées sur les différentes missions ; que par exemple sur la seule journée du 1er décembre 2016, Madame [J] a travaillé 8 heures sur une mission de 'formation interne' et a donc effectué au moins une heure supplémentaire ;

Que ces feuilles de temps ont été validées par la société KPMG et ont permis de facturer les clients ;

Que les heures intitulées 'frais et justif honoraires' doivent être comptabilisées, Madame [J] étant directrice de l'agence de Cergy et devant vérifier le travail de ses collaborateurs ; que de même sa présence au Rotary était souhaitée par la société KPMG qui a payé son adhésion ;

Que, par contre, le calcul des heures supplémentaires doit s'effectuer sur la base du taux horaire, sans la prime d'ancienneté, soit 45,75 euros ;

Que certaines feuilles ne sont néanmoins pas conformes aux fiches de paye, notamment sur certains jours d'absence ;

Qu'en conséquence, la société KPMG sera condamnée à payer à Madame [J] les sommes de 115 623, 12 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires pour la période de 2005 à 2008 et 11 562,31 euros au titre des congés payés y afférents ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;

Qu'il convient également de condamner la société KPMG au paiement de la somme de 63 407, 47 euros au titre des repos compensateurs afférents, laquelle ne donne pas lieu à congés payés s'agissant d'une somme octroyée à titre de dommages intérêts ;

Considérant, sur la demande au titre de travail dissimulé, que la dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L.8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué ; qu'une telle intention, qui ne peut se déduire de la seule absence d' heures supplémentaires sur les bulletins de paye qui mentionnaient le fait que Madame [J] était au forfait jours, n'est pas établie en l'espèce ; que la demande de Madame [J] à ce titre sera rejetée ; que le jugement entrepris sera confirmé de ce chef ;

Considérant, sur la clause de non respect de la clientèle, que l'avenant au contrat de travail de Madame [J] du 22 février 2007 prévoyait que 'les fonctions de Madame [J] lui font un devoir de ne pas détourner ou tenter de détourner la clientèle de KPMG SA pendant ou au-delà de la rupture des relations contractuelles.

A quelque époque et pour quelle cause que ce soit, Madame [J] s'interdit tout acte de concurrence déloyale à l'encontre de KPMGA SA.

Ainsi, il s'interdit notamment : (...)

3 d'exercer toute sollicitation directe ou indirecte sur un client de la société avec lequel il aura été en contact au cours de son contrat de travail, visant à reprendre ce client à son profit ou au profit d'un tiers,

4 plus généralement d'user de tout procédé déloyal ou d'informations privilégiées détenues au titre de ce contrat de travail pour approcher la clientèle de KPMG SA,

5 par 'client' il convient d'entendre toute personne, physique ou morale, ayant ou ayant eu recours aux services de la société, laquelle a établi, de ce fait, une facture d'honoraires au cours des trois années précédant la date du départ. La qualité de 'client' est étendue aux filiales, sous-filiales et sociétés-mères de personnes morales directement clientes.

Les interdictions visées ci-dessus auront effet, que Madame [J] exerce personnellement ou en société ou qu'elle entre au service d'un tiers' ;

Que cette clause qui interdit au salarié au delà de la rupture des relations contractuelles, sans limitation de durée, d'exercer toute sollicitation directe ou indirecte sur un client de la société avec lequel il aura été en contact au cours de son contrat de travail, visant à reprendre ce client à son profit ou au profit d'un tiers n'est en fait qu'une clause de non concurrence ;

Que la lettre de licenciement a précisé à Madame [J] : 'Nous tenons à vous rappeler que vous êtes tenue au respect de la clientèle de KPMG S.A. tant au titre de votre contrat de travail (cf. conditions générale, article "Respect de la clientèle" de votre contrat de travail), que des dispositions conventionnelles en la matière (cf. avenant 27 ou article 6.3 de la Convention collective des cabinets d'expertise comptable et de commissariat aux comptes). Tout détournement de la clientèle de KPMG S.A, telle que définie dans votre contrat de travail pourra déclencher l'action judiciaire de KPMG SA. à votre encontre.

Par contre, veuillez considérer comme levée toute obligation de non-concurrence résultant de votre contrat de travail (notamment : restriction à l'installation comme consultant ou pour exercer l'une ou quelconque des professions visées dans les conditions générales de ce contrat, dans un périmètre géographique donné ; restriction sur l'engagement par un des clients de KPMG SA ; engagement par un confrère,...)' ;

Que la société KPMG ne peut valablement soutenir qu'elle l'a déliée de la clause de non concurrence, dès lors que le contrat de travail ne contenait pas de mention expresse relative à la possibilité pour l'employeur de renoncer au bénéfice de la clause de non concurrence ;

Que la nullité de la clause de non concurrence étant une nullité relative, seul le salarié peut s'en prévaloir ; que Madame [J], à titre principal, sollicite le paiement de l'indemnisation prévue par l'article 8.5.1 de la convention collective des cabinets d' Experts Comptables et Commissaires aux Comptes ;

Que le contrat de travail, dans ses conditions générales, énonce qu'il est régi notamment par la convention collective nationale des "Cabinets d'Expert-Comptables et de Comptables Agréés du 9 décembre 1974 et ses avenants " ;

Que, faute de dispositions contractuelles plus favorables, Madame [J] peut se prévaloir des dispositions conventionnelles qui dispose 'le contrat de travail définit les modalités de versement de l'indemnité, dont le montant ne peut être inférieur à 25 % de la rémunération mensuelle perçue en moyenne au cours des 24 derniers mois en cas de licenciement et 10 % en cas de démission. Elle est versée en principe au mois sauf disposition contractuelle contraire' ;

Que la société KPMG est donc redevable d'une indemnité mensuelle de 2 678 euros pendant 36 mois, tel que prévue par la convention collective, soit la somme non contestée de 96 408 euros ; que le jugement entrepris sera infirmé de ce chef ;

Considérant que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière, à compter de la demande qui en a été faite ;

Considérant que la société KPMG sera condamnée à payer à Madame [J] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la société KPMG sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirmant partiellement le jugement,

Et statuant à nouveau,

Dit le licenciement de Madame [J] dépourvue de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société KPMG à payer à Madame [J] les sommes de :

. 170 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 32 136 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 3 214 euros au titre des congés payés y afférents,

. 63 343 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 7 177 euros au titre du salaire de la période de mise à pied conservatoire et 717,70 euros au titre des congés payés y afférents,

. 115 623, 12 euros à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires pour la période de 2005 à 2008 et 11 562,31 euros au titre des congés payés y afférents ,

. 63 407,47 euros au titre des repos compensateurs,

. 96 408 euros à titre d'indemnité conventionnelle de la clause de non-concurrence,

Confirme pour le surplus le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Dit que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière, à compter de la demande qui en a été faite,

Ordonne d'office le remboursement, par l'employeur à l'organisme concerné, du montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamne la société KPMG à payer à Madame [J] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société KPMG aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Clotilde MAUGENDRE, conseiller, en l'absence de Martine FOREST-HORNECKER, présidente, régulièrement empêchée et Madame Claudine AUBERT, greffier.

Le GREFFIER Le PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 14/04227
Date de la décision : 22/09/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°14/04227 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-22;14.04227 ?
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