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20/09/2016 | FRANCE | N°15/05249

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 20 septembre 2016, 15/05249


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 83E



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 20 SEPTEMBRE 2016



R.G. N° 15/05249



AFFAIRE :



[L] [Z]



C/



Société SKF FRANCE



Syndicat CGT SKF MONTIGNY





Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 17 Novembre 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de VERSAILLES

Section : Référé

N° RG : 15/00014

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Copies exécutoires délivrées à :



Me David METIN



SCP SUTRA CORRE ET ASSOCIES





Copies certifiées conformes délivrées à :



[L] [Z]



Société SKF FRANCE



Syndicat CGT SKF MONTIGNY



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83E

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 SEPTEMBRE 2016

R.G. N° 15/05249

AFFAIRE :

[L] [Z]

C/

Société SKF FRANCE

Syndicat CGT SKF MONTIGNY

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 17 Novembre 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de VERSAILLES

Section : Référé

N° RG : 15/00014

Copies exécutoires délivrées à :

Me David METIN

SCP SUTRA CORRE ET ASSOCIES

Copies certifiées conformes délivrées à :

[L] [Z]

Société SKF FRANCE

Syndicat CGT SKF MONTIGNY

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [L] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Comparant

Assisté de Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES

APPELANT

****************

Société SKF FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Sophie BAILLY de la SCP SUTRA CORRE ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Syndicat CGT SKF MONTIGNY

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me David METIN, avocat au barreau de VERSAILLES

PARTIE INTERVENANTE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 14 Juin 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

FAITS ET PROCÉDURE

Statuant sur l'appel formé par M. [L] [Z] à l'encontre de l'ordonnance de référé en date du 17 novembre 2015, par laquelle le conseil de prud'hommes de [Localité 3], en sa formation de départage, a débouté M. [Z] de sa demande, tendant à interdire à son employeur, la société SKF France, de divulguer ses correspondances en qualité de délégué du personnel et a condamné M. [Z] à payer à cette société la somme de 200 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ' le syndicat CGT SKF MONTIGNY, étant également débouté de son intervention volontaire et condamné à payer la somme de 200 euros à la société SKF France au titre de ses frais irrépétibles ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 14 juin 2016 par M. [Z] et le syndicat CGT SKF MONTIGNY qui reprennent la demande d'interdiction formée devant les premiers juges , assortie d'une astreinte et de l'allocation pour chacun d'eux d'une indemnité provisionnelle de 1000 euros, outre la somme globale de 4000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions développées la barre par la société SKF France, tendant à obtenir la confirmation de l'ordonnance déférée et la condamnation de chacun de ses contradicteurs au paiement de la somme de 1000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 1000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions que M. [Z], engagé le 21 mai 1990, en qualité de «'technicien développement'» par la société SKF France, est devenu en 2012 membre du CHSCT -dont il est le secrétaire- et délégué du personnel de cette société; qu' à l'époque, il a été élu sur la liste présentée par un autre syndicat que le syndicat CGT SKF MONTIGNY dont il est aujourd'hui adhérent ;

Que le 5 décembre 2012, M. [Z] a assisté l'un des salariés de l'entreprise, lors de l' entretien préalable à son éventuel licenciement pour des faits de harcèlement sexuel, sur la personne d'une de ses collègues ;

Que M. [Z] a rédigé un compte rendu de cet entretien et a adressé le lendemain, 6 décembre 2012, à divers membres de la direction -dont, son supérieur hiérarchique et le directeur des ressources humaines- un courriel mettant en garde la direction, à la fois, sur «' la gravité extrême des faits reprochés, s'ils étaient vérifiés'», et sur les mesures nécessaires à entreprendre à l'avenir, pour modifier certaines pratiques de comportement et de langage en vigueur dans l'entreprise, revoir la formation des élus sur les risques psycho sociaux et mettre en place des «'mesures et des décisions fortes'» -d'après les termes de certains salariés- de façon à marquer la détermination de la société à prévenir tout risque de harcèlement ;

Que le 14 décembre suivant, la société a licencié l'intéressé pour faute grave et le 4 janvier 2013, M. [Z] a adressé un nouveau courrier électronique à divers membres du personnel, dans lequel il s'étonnait du licenciement intervenu qui, selon lui, avait fait fi des témoignages, pourtant invoqués lors de l'entretien préalable du salarié , avant de conclure: «'j'espère vivement que la démarche (du salarié licencié) portera ses fruits et qu'en cas d'annulation vous n'hésiterez pas un instant à le réintégrer et ce ne serait que justice'»;

Que le 28 février 2013, la société SKF France a reproché cet envoi à M. [Z] qui, précisait-elle «'met gravement en péril la sécurité de notre salariée (à l'origine de la plainte pour harcèlement moral) en arrêt de travail'», menaçant M. [Z] de sanction, en cas de récidive ; que la société précisait, en outre, dans cette correspondance que la lettre de M. [Z] du 4 janvier 2013 contenait un compte rendu de l'entretien préalable, «'fort différent du contenu du courrier'» qu'il lui avait adressé le 6 décembre 2012 ;

Que dans sa réponse du 6 mars suivant, M. [Z] s'insurgeait en ces termes, notamment contre l'usage fait de ce courriel du 6 décembre 2013, par la société SKF France, dans le cadre de la procédure prud'homale visant le salarié licencié pour harcèlement sexuel :

«'l'utilisation de mon mail sans mon accord contre les salariés devant le conseil de prud'hommes est non seulement illégale mais complètement inacceptable pour moi car vous auriez dû prendre la peine, si ce n'est d'avoir mon autorisation, de m'en informer'» ;

Que par arrêt confirmatif de la cour d'appel d'Orléans du 19 février 2015, le salarié, licencié pour harcèlement sexuel, a été débouté de sa contestation, la cour se référant dans sa décision, notamment, au courriel précité de M. [Z] en date du 6 décembre 2012 ;

Que le 19 janvier 2015, M. [Z] a saisi, en référé, le conseil de prud'hommes afin de voir interdire à la société SKF France d'utiliser les correspondances qu'il lui adresse, liées à ses mandats d'élu du personnel ;

Que par l'ordonnance entreprise, le conseil de prud'hommes a constaté l'absence de trouble manifestement illicite imputable à la société SKF France -en l'absence de disposition légale prohibant l'usage contesté fait par celle-ci, de la correspondance de M. [Z] - et a rejeté, en conséquence, les prétentions de M. [Z] ;

*

Considérant que le litige tient, en définitive à la production en justice, qu' a faite, sans autorisation, la société SKF France, du courriel de l'appelant en date du 6 décembre 2012 ;

Considérant que, plus précisément, M. [Z] reproche à la société d'avoir utilisé cette pièce, contre le salarié concerné, pour faire échec à la contestation de son licenciement, alors que tel n'était pas l'objet de la note litigieuse ;

Considérant , il est vrai, que cette lettre de l'appelant n'était pas destinée à être produite en justice ; que la communication incriminée procède donc d'un détournement de la correspondance litigieuse et donc d'un abus de pouvoir, de la part de la société SKF France , en dépit des droits dont elle disposait sur ladite correspondance, en sa qualité de destinataire de cette dernière ;

Que la société SKF France a, de plus, doublement détourné l'objet de la missive, puisqu'elle a également fait état de cette correspondance qui visait à la mettre en garde contre la difficulté à appréhender le harcèlement -et à prendre des mesures rigoureuses permettant de mieux le prévenir- pour corroborer les faits précis à l'origine du licenciement du salarié pour harcèlement sexuel ;

Considérant que le résultat de cette communication a conduit la société SKF France à utiliser les réflexions générales et abstraites de M. [Z] sur le harcèlement afin de justifier le comportement effectif reproché au salarié licencié ;

Que cette manoeuvre imputable à la société SKF France caractérise un comportement fautif de la part de cette société, préjudiciable pour M. [Z] qui, aux yeux du salarié et d'autres, a pu, ainsi, sembler accuser l'intéressé de faillir à sa mission d'élu du personnel et d'assistant du salarié concerné ;

Considérant que l'indemnité provisionnelle de 1000 euros sollicitée par M. [Z] est dès lors justifiée ;

Considérant, cependant, que le caractère systématique et indéterminé de l'interdiction, également requise par M. [Z], quant à la «'divulgation'» de ses futures correspondances, adressées à la société en qualité de délégué du personnel, conduit à rejeter le surplus de la demande de M. [Z] ; qu'en effet, seul, l'usage éventuel de ces correspondances étant de nature à être sanctionné, la prohibition générale et non circonstanciée sollicitée est irrecevable ;

Considérant qu'enfin, les droits méconnus par la société SKF France revêtent un caractère éminemment personnel à M. [Z] ; que le syndicat intervenant n'établit pas quelle prérogative le concernant serait en cause; que l'ordonnance sera dès lors confirmée, en ce que le conseil de prud'hommes a rejeté les prétentions du syndicat CGT SKF MONTIGNY;

Considérant qu' en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la société SKF France versera à M. [Z] la somme de 3000 euros, la condamnation de ce dernier et du syndicat intervenant, prononcée au même titre en première instance, étant infirmée ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition et en dernier ressort,

Infirme l'ordonnance entreprise du chef des dispositions relatives à l'indemnité provisionnelle requise par M. [Z] et aux condamnations prononcées en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau, de ces chefs ;

Condamne la société SKF France à verser à M. [Z] une indemnité provisionnelle de 1000 euros, au titre de l'usage abusif fait par cette société, de la correspondance du 6 décembre 2012 que lui a adressée M. [Z] ;

Déboute la société SKF France de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile dirigée contre M. [Z] et contre le syndicat CGT SKF MONTIGNY ;

Confirme les autres dispositions de l'ordonnance entreprise ;

Condamne la société SKF France aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 3000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller en raison de l'empêchement de Catherine BÉZIO, président, et par madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,P/Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/05249
Date de la décision : 20/09/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/05249 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-20;15.05249 ?
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