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15/09/2016 | FRANCE | N°15/03737

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 15 septembre 2016, 15/03737


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



OF

Code nac : 88A

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 15 SEPTEMBRE 2016



R.G. N° 15/03737



AFFAIRE :



Association LA SANTE C'EST LE BONHEUR

C/

Syndicat DES TRANSPORTS D'ILE DE FRANCE

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 mai 2015 par le TASS du Val d'OISE

N° RG : 14/657 P>




Copies exécutoires délivrées à :



AARPI VATIER & ASSOCIES



Syndicat DES TRANSPORTS D'ILE DE FRANCE



UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES



Co...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

OF

Code nac : 88A

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 15 SEPTEMBRE 2016

R.G. N° 15/03737

AFFAIRE :

Association LA SANTE C'EST LE BONHEUR

C/

Syndicat DES TRANSPORTS D'ILE DE FRANCE

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 20 mai 2015 par le TASS du Val d'OISE

N° RG : 14/657 P

Copies exécutoires délivrées à :

AARPI VATIER & ASSOCIES

Syndicat DES TRANSPORTS D'ILE DE FRANCE

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES

Copies certifiées conformes délivrées à :

Association LA SANTE C'EST LE BONHEUR

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE QUINZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Association LA SANTE C'EST LE BONHEUR

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Delphine RICARD de l'AARPI VATIER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0082 substituée par Me Sophie GABARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1840

APPELANTE

****************

Syndicat DES TRANSPORTS D'ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 1]

représentée par Mme [H] [F] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial du 31 mai 2016

INTIMEE

****************

UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par M. [N] [G] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 23 Juin 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER

Décision initialement rendue le 08 septembre 2016 par mise à disposition au greffe, prorogée au 15 septembre 2016

FAITS ET PROCEDURE,

L'association La Santé c'est le Bonheur (ci-après, ASCB), qui gère notamment une crèche, a sollicité du syndicat des transports d'Ile de France (STIF), à la suite d'un courrier que lui avait adressé ce dernier, le bénéfice de l'exonération de la taxe transport.

Le 1er avril 2014, après avoir effectué une vérification sur place, le STIF a notifié à l'ASCB une décision de refus du bénéfice de cette exonération (décision n°2014-0137 du 19 mars 2014).

Le 28 mai 2014, l'ASCB a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale du Val d'Oise (TASS) qui, par jugement rendu le 20 mai 2015 a notamment :

. déclaré recevable le recours de l'association ;

. dit que l'association n'avait pas une activité à caractère social au sens de l'article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales ;

. confirmé le bien-fondé de la décision du STIF ;

. débouté l'association de sa demande et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Devant la cour, l'ASCB fait tout d'abord valoir que le TASS « s'est contenté de recopier littéralement, au mot près, les arguments du STIF sans faire l'effort d'apporter une quelconque motivation à sa décision », qu'il existe dès lors u n « doute sérieux » quant à l'impartialité du premier juge et que le jugement doit être en conséquence infirmé.

Au fond, l'association soutient notamment qu'elle a été créée en 1929, que le 'caractère social' requis par la loi n'est pas précisément défini par celle-ci, ce que confirment les travaux parlementaires et les débats actuels sur le sujet.

L'association considère qu'elle a bénéficié de l'exonération en cause de 1975 à 2014 puisque le STIF n'a jamais pris de décision remettant en cause le remboursement du versement transport dont elle allègue avoir bénéficier avant l'entrée en vigueur de la loi du 05 juillet 1975, alors que cette loi prévoit, selon l'appelante, que « les associations qui bénéficiaient de ce remboursement se sont vues exonérées lors de l'entrée en vigueur de cette loi ». L'ASCB souligne en outre que la position du STIF a évolué quant au versement transport par les fondations et associations reconnues d'utilité publique.

Le code général des collectivités territoriales (CGCT) ne prévoit pas que soit établie une liste des fondations ou associations exonérées du versement transport.

Il ne peut donc être exigée que l'association figure sur une telle liste ni qu'une décision expresse d'exonération ait été prise antérieurement pour pouvoir en bénéficier aujourd'hui. D'autant moins que l'instauration du versement transport, en 1971, ne concernait pas le Val d'Oise, tandis que le siège de l'ASCB est à Enghien.

De plus, en septembre 1975, l'Union du recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales (Urssaf) avait réclamé le paiement du versement transport à l'association mais celle-ci avait répondu, en joignant une lettre du STIF (ci-après, la Lettre), que ce dernier l'avait exonérée de cette taxe.

En tout état de cause, l'activité de l'association présente un caractère social qui doit conduire à l'exonération du versement transport. Le TASS n'avait retenu, à tort, que trois critères pour prendre sa décision, alors qu'il convenait de prendre en compte d'autres indices, comme la concurrence et le public accueilli. En l'espèce, la crèche dispose, grâce à ses bénévoles, d'un « taux d'encadrement des enfants lui permettant de détecter leurs handicaps et de prendre en charge les procédures de reconnaissance de ce handicap auprès de la PMI et du centre médico-psychologique ».

Elle « se distingue de structures privées (soumises à la concurrence) par son implantation locale historique dans le Val d'Oise et par son partenariat exclusif avec certaines communes (') avec lesquelles un partenariat a été conclu ».

L'association pratique ainsi des tarifs modestes, observation faite que la gratuité « n'est pas une condition sine qua non de la reconnaissance du caractère social d'une activité ».

Par ailleurs, le fait que ses activités soient financées en partie par des fonds publics ou des subventions ne leur enlevait pas leur caractère essentiellement social. En l'espèce, les ressources de l'association proviennent à 85% de « financements spécifiques aux mesures de tutelles et aux prestations sociales et aux mesures de protection des incapables majeurs » : 77% (en fait, 79%) du financement de la crèche est ici assuré par des fonds publics (dont 23% proviennent de la caisse d'allocations familiales et 55% des communes). Les usagers participent ainsi à « près de 21% du financement de la crèche.

De plus, l'association permet d'offrir un accueil « non seulement aux familles en difficulté financière mais aussi aux familles dont l'enfant souffre d'un handicap ou d'une maladie chronique » (1 à deux enfants pour 65 places). Une convention d'objectifs a d'ailleurs été signée avec la CAF.

Enfin, c'est à tort que le STIF, et le premier juge, retenaient que le rôle du bénévole était de « mettre en 'uvre l'activité ». Les bénévoles « doivent principalement apparaître dans la gestion administrative de l'association » mais ne sauraient se substituer aux professionnels intervenant. L'ASCB dispose de 23 bénévoles impliqués dans des responsabilités à caractère essentiellement administratif, participant ainsi directement à l'activité de l'association.

L'ASCB conclut ainsi à l'infirmation du jugement entrepris, à l'annulation de la décision du STIF en date du 169 mars 2014, à ce que la cour déclare que l'association est en droit de continuer à bénéficier de l'exonération du versement transport et que, d'une manière générale, l'activité de celle-ci présente un caractère social ; à la condamnation du STIF à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.

Le syndicat des transports d'Ile de France, conclut, pour sa part, que la décision entreprise est bien motivée et mérite confirmation.

Le STIF soutient en particulier, rappelant qu'après la loi du 12 juillet 1971 et avant celle de 1975 il n'était pas prévu une exonération de taxe mais le remboursement du versement, que l'ASCB ne peut justifier ni d'une décision préalable d'exonération ni du bénéfice antérieur du remboursement du versement transport, d'autant qu'à l'époque, le Val d'Oise n'était pas compris dans la « zone de compétence du (syndicat des transports parisiens) ».

Le STIF souligne en outre que l'association ne peut se prévaloir d'une absence de redressement de l'Urssaf ou de relance de l'association « pour en déduire qu'elle était exonérée ».

S'agissant du caractère social, le STIF considère que cette notion a été définie « à partir d'un faisceau d'indices » et que « le caractère social de l'activité d'une association est apprécié en fonction de ses modalités d'exercice et non de sa nature intrinsèque » (souligné comme dans l'original des conclusions). Pour le STIF, les critères dégagés par la jurisprudence, qui ne confond pas l'objet 'social' d'une association avec le 'critère social' exigé ici, sont :

. le financement de l'association : une activité financée principalement par des fonds publics « ne revêt pas un caractère social » ; « le financement par les communes et le Département n'est pas un marqueur du caractère social de l'activité de l'association » ;

. la gratuité des prestations ou la modicité des tarifs : selon le STIF, « c'est grâce aux subventions (donc grâce aux pouvoirs publics) que la participation financière des familles est modique » ;

. le concours des bénévoles : il s'agit pour le STIF d'un « élément majeur » et si, en l'espèce, 23 administrateurs sont des bénévoles, ni eux ni les parents « ne participent (') concrètement à l'activité des salariés qui sont des professionnels. Les administrateurs s'occupent uniquement du fonctionnement administratif de l'association ».

Le STIF souligne, enfin, que les « crèches municipales, parentales, familiales s'acquittent du versement transport et qu'il est important de respecter le principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant les charges publiques ».

Le STIF conclut à ainsi à ce que la cour dise que l'ASC n'a pas une activité à caractère social au sens de la loi, confirme le jugement entrepris et condamne l'association à payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'Union du recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales partage les observations du STIF et fait notamment valoir, quant à elle, que la pièce 1 produite par l'association est une preuve qu'elle s'est constituée à elle-même et n'a donc pas de valeur ; que s'agissant des critères à évaluer, le bénévolat doit s'interpréter non pas tant par le nombre de bénévoles que par leur participation au c'ur de métier ; que l'absence de bénéfice réalisé par l'association n'est en rien déterminant puisque, par définition, elle se doit d'être non lucrative.

Vu les conclusions déposées en date du 23 juin 2016, tant pour l'ASCB que pour le STIF, ainsi que les pièces y afférentes respectivement, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 23 juin 2016,

MOTIFS,

Sur la motivation du jugement

L'ASCB ne conclut pas à la nullité du jugement en raison du défaut de motivation et de la partialité qu'il invoque mais conclut à l'infirmation de ces chefs.

Le STIF estime quant à lui que la décision entreprise est bien motivée que la demande d'annulation du jugement à ce titre doit être rejetée.

Il appartient donc à la cour de statuer sur ce point.

La cour relève que la question n'est en réalité pas de vérifier si le jugement est motivé mais plus exactement que la motivation ferait défaut en ce qu'elle ne serait que la reproduction, au mot près, des conclusions du STIF en première instance.

La cour ne peut qu'observer qu'aucune disposition du code de procédure civile n'interdit au juge de reprendre, en tout ou en partie, les conclusions de l'une des parties, pour autant qu'il puisse être vérifié qu'il se les est appropriées et que les motifs retenus répondent aux conclusions soutenues devant lui et soutiennent le dispositif entrepris.

Par ailleurs, s'il peut être considéré comme maladroit, voire inapproprié, de reproduire au mot près l'essentiel des conclusions d'une partie, il résulte de la présentation des positions respectives devant le premier juge que celui-ci a exactement circonscrit les éléments du débat et qu'il ne peut être déduit de la lecture de la décision qu'elle serait partiale.

La cour dira n'y avoir lieu de constater un manque ou une insuffisance de motivation ni la partialité du premier juge.

Au fond

Aux termes de l'article L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable : « Dans la région d'Ile-de-France, les personnes physiques ou morales, publiques ou privées, à l'exception des fondations et associations reconnues d'utilité publique, à but non lucratif, dont l'activité est de caractère social, sont assujetties à un versement de transport lorsqu'elles emploient plus de neuf salariés ».

Il convient de préciser d'emblée qu'il est constant que l'ASCB est une association basée en Ile de France, à but non lucratif, reconnue d'utilité publique et qu'elle emploie plus de neuf salariés.

Encore convient-il d'examiner, dans un premier temps, si l'ASCB peut légitimement revendiquer une pratique antérieure du STIF ayant consisté à l'exonérer, directement ou indirectement, du versement transport.

Sur l'existence d'une pratique antérieure

A cet égard, l'ASCB se fonde sur sa pièce 1, laquelle est en réalité constituée de quatre documents différents :

. un courrier à en tête de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et des allocations familiales de Paris (URSSAF), en date du 30 septembre 1975, selon lequel, l'ASCB doit la somme de 351 euros au titre de la cotisation au versement transport pour le mois d'août 1975 ;

. la copie du courrier de réponse de l'ASCB à l'URSSAF, en date du 27 octobre 1975, selon lequel, « (r)enseignements pris auprès du Syndicat des Transports Parisiens, celui-ci vient de nous faire connaître que nous pouvons prétendre à l'exonération de ce versement étant donné notre classement dans la catégorie des Associations et Fondations reconnues d'utilité publique à but non lucratif, (lettre ci-jointe) » (souligné par la cour ; le syndicat des transports parisiens d'alors correspond au STIF aujourd'hui), et ce courrier fait état d'une pièce jointe, laquelle n'est pas soumise à la cour ;

. une note dactylographiée, datée 21 novembre 1975, non signée, selon laquelle l'URSSAF, suite au courrier du 27 octobre 1975, déduira sur prochain bordereau « les sommes versées en trop pour cette taxe » ;

. la copie d'un courrier de l'association à l'URSSAF, en date du 10 décembre 1975, informant celle-ci de la déduction, sur le bordereau récapitulatif de novembre, de la somme totale de 676 francs au titre des mois d'août et septembre 1975.

La cour souligne que les systèmes organisés par les lois de 1971 et 1975 sont différents : dans le premier cas, si l'organisme peut en bénéficier, il est remboursé du versement effectué ; dans le second cas, il est exonéré de cotisation.

En l'espèce, les pièces produites par l'ASCB militent en faveur d'un remboursement, à partir de 1975. Encore faut-il ici rappeler que l'URSSAF est un organisme de recouvrement, que s'il lui est loisible de d'adresser une mise en demeure en cas de non-paiement d'une cotisation (ici, du versement transport), encore ne dispose-t-il d'aucune autorité pour déterminer si un organisme doit, ou non, payer la cotisation en cause : seul le STIF dispose de la compétence pour ce faire.

Ainsi, c'est à l'association, qui l'invoque, de démontrer qu'elle a bénéficié d'une décision d'exonération du versement transport. La seule référence, dans un courrier, à une lettre du STIF en ce sens est insuffisante. La circonstance que, pendant de nombreuses années, aucune réclamation n'a été adressée à l'ASCB, si elle est déplorable en termes de gestion, ne permet pas de déterminer qu'une décision d'exonération a été prise.

Enfin, il doit être admis que les difficultés financières rencontrées par les collectivités publiques ou parapubliques ont pu entraîner une approche différente des organismes taxateurs comme d'ailleurs des collectivités locales, chacun s'efforçant de maximiser les ressources tout en limitant les dépenses. Mais la modification d'une 'politique' ne peut être considérée comme privative d'un droit dès lors que, comme indiqué plus haut, le droit en cause ne peut résulter que d'une décision, expresse, du STIF en l'occurrence.

La cour considère que c'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que l'ASCB devait être soumise au versement transport, sauf à ce que puisse être retenu le caractère social de son activité.

Sur le caractère social de l'activité de l'association la Santé c'est le Bonheur

La question posée est donc celle du caractère social de l'activité de l'association, élément légal que la loi n'a pas elle-même défini. La cour convient, avec l'ASCB et le STIF, que dans le silence de la loi, il faut donc recourir à la technique du faisceau d'indices, avec cette précision que les débats parlementaires ne sont pas, en l'espèce, déterminants : si, devant le Sénat, il a été expressément mentionné par l'auteur de l'amendement qui sera finalement adopté, qu'en employant l'expression « personnes morales à but non lucratif ayant une activité de caractère social », il pensait « essentiellement aux crèches, aux ateliers pour enfants handicapés, aux foyers maternels », il demeure que tant la possibilité qui serait laissée au Gouvernement (opposé à l'amendement) de dresser la liste des personnes morales concernées que l'utilisation de l'expression « 'uvres reconnues d'utilité publique » ont été écartées, observation faite que l'auteur de l'amendement s'était en outre opposé à inclure les hôpitaux communaux parmi les bénéficiaires.

Avant d'examiner les indices, encore faut-il souligner, à titre préalable, que le terme 'social' présente incontestablement une certaine ambiguïté en ce sens que, s'agissant d'une crèche, accueillant des enfants dont certains peuvent être considérés comme relevant d'un milieu défavorisé tandis que d'autres, même en petit nombre, sont handicapés, et alors que le coût pour les parents est faible,le premier mouvement est de considérer le caractère social comme acquis.

Mais si l'activité de l'association présente incontestablement une utilité sociale, il n'en résulte pas automatiquement que son activité, et non pas seulement son objet, présente le caractère social exigé par la loi.

Pour apprécier ce dernier, il convient ainsi de se placer dans la perspective du mode d'action de l'organisme concerné.

Le public concerné ne présente, en réalité, pas de particularité déterminante : les conventions passées avec différentes entités communales ou syndicales mixtes, produites par l'association, montrent qu'un lien est fait entre le montant de la subvention allouée et le nombre de place de crèches offertes par l'ASCB à l'entité concernée.

Plus généralement, il résulte des écritures mêmes de l'association, que l'essentiel (près de 80%) des ressources de l'association provient de financements publics. La circonstance qu'environ 23 % de ces financements publics proviennent de la CAF n'est pas déterminant : comme le STIF le fait justement valoir, le financement par la CAF, à travers la prestation de service unique, impose automatiquement le respect d'un certain nombre de règles édictées par le code de la santé public, en termes de projet éducatif ou de projet social, notamment et ce sont, d'ailleurs, ces règles qui imposent de prévoir des dispositions particulières pour l'accueil d'enfants à la charge de personnes engagées dans un parcours d'insertion sociale et professionnelle, et incitent à envisager l'accueil d'enfants présentant un handicap ou atteints d'une maladie chronique.

Le tableau dressé par l'association du financement d'une heure de présence par enfant, en 2013, fait ainsi apparaître que, sur une somme totale de 10,34 euros, la participation des familles s'élève à 2,16 euros ; celle du conseil général à 0,03 euros ; celle de la CAF à 2,45 euros ; celle des villes à 5,70 euros.

Dès lors, la circonstance que le conseil général du Val d'Oise ait décidé, en 2013, de supprimer les subventions du département au dispositif d'aide au fonctionnement des établissements d'accueil de la petite enfance n'est en rien déterminant, compte tenu de la part très faible de ce financement dans les ressources de l'association.

Le financement restant, très largement public, le caractère social est d'autant moins établi.

Parallèlement, le critère de la participation financière des parents ne tend pas davantage à le caractériser.

En effet, s'il est, certes, appréciable pour les parents de voir leurs contributions limitées (les chiffres présentés par l'ASCB ne sont pas contestés et la modicité des tarifs horaires, qui varient de 0,13euros à 2,91 euros de l'heure, doit être soulignée), encore faut-il relever que cela ne résulte pas d'autre chose que du financement public important dont l'association bénéficie : l'association applique les tarifs qui résultent des barèmes de la caisse nationale d'allocations familiales.

L'ASCB ne justifie en aucune manière d'une politique active en matière de tarification, ne serait-ce qu'en faveur des enfants plus spécialement défavorisés ou en difficulté.

En d'autres termes, la faible participation demandée aux parents n'est que la contrepartie du caractère public des financements publics alloués.

Le critère de la 'concurrence' avancé par l'association ne peut davantage être retenu.

L'ASCB fait en effet valoir que « s'il y a une concurrence lucrative (par exemple, si les prix de journée équivalent à ceux du secteur concurrentiel), l'activité ne peut être considérée comme sociale ». Mais la circonstance que l'association est, on a déjà dit que ce n'est pas contesté, à but non lucratif ne signifie pas en lui-même qu'il n'y a pas concurrence.

Par ailleurs, l'association procède de façon tautologique en indiquant que le « partenariat (') avec les communes du Val d'Oise, son implantation historique et son fonctionnement social et associatif la distingue donc des crèches privées de nature économique qui fonctionnent comme de véritables entreprises et sont assujetties au versement transport » (en gras dans l'original des conclusions). Les pièces fournies ne permettent en aucune manière d'établir un avantage comparatif en faveur de l'ASCB, même compte tenu de son caractère non lucratif.

Le critère de l'offre proposée ne peut ici servir utilement, dans la mesure où, si comme le président de l'association, présent à l'audience, a pu l'expliquer à la cour, l'ASCB envisage de développer un projet innovant : la création d'une micro-crèche pour l'accueil d'enfants nés de parents atteints d'un handicap mental, quatre appartements pouvant accueillir de tels parents, ce projet, aussi intéressant et utile socialement que la cour puisse l'estimer, est postérieur à la période concernée.

S'agissant, enfin, de la participation des bénévoles à l'association, la cour estime utile de préciser que rien dans ce qui suit ne saurait être interprété comme l'absence de reconnaissance de la contribution de ces bénévoles au fonctionnement de l'association et de l'utilité de cette contribution.

Cela étant précisé, il résulte des écritures mêmes de l'ASCB que les bénévoles effectuent exclusivement des tâches administratives, même si les pièces soumises à l'attention de la cour font état, par exemple, de la participation à l'accueil des parents lors d'événements annuels, à la mise en place et à l'animation d'un site internet, ou à l'organisation d'une initiation aux premiers secours. Si l'association peut faire valoir, à juste titre, qu'il est essentiel qu'une crèche ait recours « à des personnes titulaires de diplômes (') maîtrisant certaines techniques professionnelles et ayant acquis une expérience dans ce domaine », il demeure que, comme le souligne le STIF, les bénévoles « ne concourent pas réellement à l'activité de prise en charge des jeunes enfants ». L'association ne justifie pas même que les bénévoles participent directement à l'accueil des enfants, à la relation avec les parents (sous la seule réserve de ce qui a été mentionné plus haut d'un accueil très ponctuel), à l'amélioration de l'insertion sociale.

La cour ajoutera au surplus que, sans être démenti, le STIF écrit que les crèches publiques cotisent au versement de transport alors que leurs modalités de fonctionnement sont similaires à celles de l'association.

Compte tenu de tout ce qui précède, la cour confirmera le jugement entrepris.

Sur l'article 700 et les dépens

La cour rappelle que la présente procédure est exempte de dépens.

Aucune considération d'équité ou autre ne conduit à condamner une partie à payer à l'autre partie une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, par décision contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par MadameAUDIGIER-CHEVRIER, Greffier en pré-affectation, à laquelle le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03737
Date de la décision : 15/09/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°15/03737 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-15;15.03737 ?
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