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13/09/2016 | FRANCE | N°15/03829

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 13 septembre 2016, 15/03829


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 13 SEPTEMBRE 2016



R.G. N° 15/03829



AFFAIRE :



[Y] [W]

C/

SARL TAN







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juin 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Commerce

N° RG : 13/01657





Copies exécutoires délivrées à :



Me Jean-Bernard BOUCHARD



SELARL ACANTHE



Copies certifiées conformes délivrées à :



[Y] [W]



SARL TAN sous sauvegarde par décision du tribunal de commerce de VERSAILLES en date du 21 janvier 2016



Me [N] [X] - Administrateur judiciaire ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 13 SEPTEMBRE 2016

R.G. N° 15/03829

AFFAIRE :

[Y] [W]

C/

SARL TAN

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Juin 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Commerce

N° RG : 13/01657

Copies exécutoires délivrées à :

Me Jean-Bernard BOUCHARD

SELARL ACANTHE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[Y] [W]

SARL TAN sous sauvegarde par décision du tribunal de commerce de VERSAILLES en date du 21 janvier 2016

Me [N] [X] - Administrateur judiciaire de la SARL TAN

SELARL SMJ - Mandataire judiciaire de la SARL TAN

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TREIZE SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [Y] [W]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Jean-Bernard BOUCHARD, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

SARL TAN sous sauvegarde par décision du tribunal de commerce de VERSAILLES en date du 21 janvier 2016

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe NOIZE de la SELARL ACANTHE, avocat au barreau de PARIS

Me [X] [N] (SELARL AJ) - Administrateur judiciaire de la SARL TAN

[Adresse 3]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représenté par Me Christophe NOIZE de la SELARL ACANTHE, avocat au barreau de PARIS

SELARL SMJ - Mandataire judiciaire de la SARL TAN

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Christophe NOIZE de la SELARL ACANTHE, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 07 Juin 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

FAITS ET PROCÉDURE

Statuant sur l'appel formé par Mme [Y] [W] à l'encontre du jugement en date du 12 juin 2015 par lequel le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt, en sa formation de départage, a ordonné à la société TAN, sous astreinte, de remettre à Mme [W] les éléments nécessaires au calcul de sa rémunération variable depuis son embauche et a débouté Mme [W] du surplus de ses demandes, en condamnant la société à verser à Mme [W] la somme de 1200 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions remises et soutenues, à l'audience du 7 juin 2016, par Mme [W] qui maintient ses demandes de première instance et sollicite, en conséquence, que la cour prononce la résiliation judiciaire de son contrat de travail et condamne ainsi la société TAN à lui verser les sommes suivantes :

- 3158,80 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents de 315, 88 euros

- 27 462,42 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1907,61 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement

- 1758,18 euros de congés payés acquis au 1er juin 2013 ;

Mme [W] requérant, en outre, les indemnités suivantes :

- 5757,50 euros de rappel de salaire, au titre des dimanches travaillés depuis 2010

- 2000,73 euros de rappel de salaire au titre du maintien de celui-ci du 29 juillet 2013 au 18 mars 2014

- 20 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral

- 10 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

- 10 000 euros de du pour non respect de la convention collective

avec remise sous astreinte par la société TAN d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi, conforme, publication de l'arrêt à intervenir dans la revue LES ECHOS, et allocation des intérêts légaux du jour de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ainsi que de la somme de 2500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle accordée au même titre par les premiers juges ;

Vu les écritures développées à la barre par la société TAN qui conclut au caractère injustifié de toutes les critiques faites par Mme [W] et sollicite la condamnation de celle-ci à lui verser la somme de 2500 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que Mme [W] a été engagée par la société TAN selon contrat à temps partiel à compter du 28 juin 2010, en qualité d'employée centre de bronzage, moyennant 78 heures de travail par mois (soit 18 heures par semaine) et une rémunération brute de 691, 08 euros par mois, complétée par une prime de ventes selon «'le système en vigueur dans l'entreprise'»; que ce contrat comportait une clause de mobilité dans les autres centres de bronzage , dénommés «'POINT SOLEIL'», des Yvelines et des Hauts de Seine ;

Que les parties ont conclu un avenant à ce contrat en date du 31 juillet 2011 stipulant à l'avenir un temps complet pour la salariée, moyennant versement de la somme brute fixe mensuelle de 1365, 03 euros et précisant que Mme [W] serait informée de la modification de la répartition des heures de travail au moins 7 jours avant ;

Que Mme [W] qui avait d'abord exercé ses fonctions au POINT SOLEIL [Localité 4], a été mutée, à cette occasion, au centre de bronzage [Localité 5] ; que la convention collective applicable à l'origine, celle de la parfumerie de détail et de l'esthétique, a été remplacée à compter du 12 juin 2012 par celle de l'esthétique-cosmétique, entrée en vigueur à cette date ;

Que par lettre recommandée du 21 juin 2013, la société TAN a informé Mme [W] que le fonds de commerce [Localité 5] dans lequel elle travaillait était vendu depuis la veille, qu' elle avait «'convenu avec le cessionnaire de ne pas transférer son contrat et de travail'», afin de la «'conserver dans ses effectifs'», et que conformément à la clause de mobilité elle était affectée, en conséquence, au sein du centre POINT SOLEIL[Localité 6] à compter du 1er juillet suivant, la semaine du 24 au 29 juin à venir devant se dérouler au centre [Localité 4] ou «'en remplacement, sur d'autres centres'» ;

Qu'il n'est pas contesté par la société TAN que cette nouvelle avait été annoncée à la salariée par la responsable du centre, seulement ce même 21 juin 2013 ; que dans une lettre du 24 juin , Mme [W] faisait part à la société TAN du traumatisme produit sur elle par la nouvelle, contestait l'usage abusif ainsi fait de la clause de mobilité de son contrat et dénonçait les nombreuses violations des dispositions de la convention collective, par son employeur, en matière de travail dominical et de durée du travail; qu'elle adressait à la société TAN un arrêt maladie, valable à compter du 22 juin 2013 -indiquant «'anxiété dépression en relation avec activités professionnelles'»- qui a fait l'objet de prolongations successives jusqu'au 19 mars 2014, date à laquelle Mme [W] a été placée en congé de maternité puis, en congé parental, renouvelé jusqu'au 8 juillet 2016 ;

Que le 12 août 2013, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, en invoquant les multiples manquements imputables, selon elle, à la société TAN ;

Que par le jugement de départage entrepris, le conseil de prud'hommes a constaté que les seuls manquements établis sont ceux relatifs à la durée du travail, au temps de pause et au défaut de communication des éléments relatifs au calcul de la part variable et que ces divers manquements n'étaient pas suffisamment graves pour entraîner la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

Que le conseil a donc débouté Mme [W] de ses prétentions, à l'exception de celle tendant à obtenir tous éléments nécessaires au calcul de sa rémunération variable ;

*

Considérant qu'au soutien de ses demandes, Mme [W] invoque les manquements suivants :

- rappel de salaire au titre du travail dominical

- dépassement de la durée de travail quotidienne

- non respect du temps de pause

- rappel de salaires, non maintenus en période de maladie ;

Qu'elle fait valoir, en outre, que la société TAN a commis des actes de harcèlement moral à son égard résultant de l'envoi tardif de ses plannings et de la vente brutale du fonds [Localité 5] et sa mutation subséquente, à l'origine de son arrêt de travail ;

Et qu'ainsi, la société TAN, non seulement, s'avère bien être à l'origine de la rupture du contrat de travail mais lui est également redevable de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat et de la convention collective ;

°

Sur l'inobservation des dispositions légales et conventionnelles en matière de temps et de durée du travail

Considérant que s'agissant tout d'abord du rappel de salaire dû pour le dimanche, la société TAN objecte justement que le code du travail ne prévoit pas de compensation en cette matière et que Mme [W] ne peut être fondée à exciper, de ce chef, que des dispositions de la convention de l'esthétique et du cosmétique, entrée en vigueur le 12 juin 2012 seulement, laquelle stipule en effet qu'une majoration salariale de 50 % est due au salarié, alors que la précédente convention ne comportait aucune disposition particulière ;

Or considérant que la société TAN fait valoir qu' à compter du mois de juin 2012, elle a versé, à Mme [W], précisément, une «'majoration de week end'» qui n'existait pas antérieurement et qui correspond, au regard des heures effectuées, au règlement et au montant de la somme conventionnellement due au titre des heures effectuées le dimanche ;

Considérant que Mme [W] ne saurait donc reprocher à la société TAN de ne pas lui avoir réglé son dû ;

Considérant qu'il n'en demeure pas moins que la société TAN ne disposait d'aucune autorisation préfectorale l'autorisant à ouvrir son commerce le dimanche -ainsi qu'elle en convient, ayant prétendument cru , dans un premier temps, qu'elle n'en avait pas besoin, puis, ayant formé une demande d'autorisation dont elle ne conteste pas qu'elle n'a été suivie d'aucun effet; que cette violation des dispositions légales n'a pas d'incidence présentement sur le rappel de salaire requis par l'appelante mais sera évoquée dans la discussion ci-après relative à la bonne foi de la société TAN, contestée par Mme [W] ;

Considérant que cette dernière expose, ensuite, que la société TAN lui a souvent fait effectuer des journées de travail dépassant la durée maximale de 10 heures fixée par l'article L 3121-34 du code du travail, sans , de surcroît, que soit respectée la pause obligatoire prévue par l'article L 3121-33, d'une durée de 20 minutes, toutes les 6 heures ;

Considérant que l'appelante fonde ses prétentions sur les plannings hebdomadaires,adressés, environ toutes les deux semaines, par l'employeur lui-même, aux salariés ;

Que la société TAN conteste les indications tirées de ces plannings par Mme [W], en faisant valoir des contestations sans fondement ; que, conformément aux indications de l'apppelante, il apparaît -ainsi que l'a, d'ailleurs, retenu le conseil de prud'hommes- qu'il n'était pas rare pour celle-ci de devoir effectuer plus de 10 heures de travail (12 h 30) dans une journée, et ce, sans aucune pause ;

Qu'en effet, la cour fait siens les motifs pertinents des premiers juges, non contestés devant elle, qui ont retenu que le centre de bronzage était ouvert en continu et que la société TAN ne démontre pas que Mme [W], seule hôtesse d'accueil lorsqu'elle travaillait la journée entière, était remplacée pour pouvoir prendre sa pause ; qu'elle observe, de plus, que la société TAN prétend justifier les temps de pause, en produisant un tableau (sa pièce 7), différent des plannings versés par la salariée, dépourvus de tout caractère officiel voire authentique et, en tout état de cause, ne portant mention d'aucune pause ;

Considérant que ces manquements de la société TAN qui, tous deux, tendent à alourdir la charge de travail de la salariée sont donc caractérisés ;

Considérant qu'en revanche, la cour ne suit pas Mme [W] dans son reproche visant le complément des indemnités journalières , versé par le régime de prévoyance ;

Que si Mme [W] allègue, en effet, un certain retard dans la perception des sommes correspondantes, aucun élément n'établit que la cause de ce retard soit imputable à la société TAN ; qu'en outre, Mme [W] soutient qu'elle devrait encore recevoir une somme de 2001 euros à ce titre, mais ne prouve pas davantage que la société TAN serait débitrice de cette somme alors qu'elle ne démontre pas, ni n'allègue que son employeur l'aurait, lui-même, perçue de l'organisme de prévoyance ;

°

Sur le harcèlement moral, l'exécution déloyale du contrat de travail et la résiliation du contrat de travail

Considérant que Mme [W] conclut qu'elle a été victime d'un harcèlement moral de la part de son employeur, celui-ci procédant des modalités imposées en matière de durée de travail, qui viennent d'être analysées, comme des conditions relatives à l'organisation de son emploi du temps, à l'absence de visite médicale et à sa mutation pour le centre[Localité 7] ;

Considérant, il est vrai, que l'avenant précité au contrat de travail de Mme [W] stipule que qu'en cas de modification, l'emploi du temps de la salariée doit être porté à sa connaissance 7 jours avant ;

Que les pièces produites démontrent, cependant, que cette stipulation était rarement observée -cette inobservation accroissant la pression et la tension résultant, déjà, en eux-mêmes, des rythmes de travail de l'appelante ;

Considérant qu'un tel contexte colore aussi le reproche fait à la société TAN par Mme [W], en matière de visite médicale, l'employeur n'ayant fait passer aucune visite à l'intéressée, qu'il s'agisse de son embauche ou, par la suite, de la visite biennale ;

Que la société TAN prétend avoir tenté vainement de s'adresser à divers organismes de médecine du travail et n'avoir pu adhérer à l'un d'eux que le 31 janvier 2012 ;

Qu'elle ne produit, toutefois, aucune pièce à l'appui de ses affirmations et ne conteste pas , en tout état de cause, l'absence de visite médicale qui lui est imputée ;

Et considérant que Mme [W] se plaint également à juste titre des conditions de la mutation qui,[Localité 5] à [Localité 7], lui a été notifiée le 24 juin pour le 1er juillet 2013, au motif que le centre [Localité 5] avait été vendu le 21 juin et que la société TAN n'entendait pas se séparer d'elle -prétendant aujourd'hui seulement que l'article L 1224-1 du code de travail n'était pas applicable- ;

Qu'en effet, si le contrat de la salariée comporte une clause de mobilité sur les Hauts de Seine et les Yvelines, la société TAN se devait de respecter un délai de prévenance qui, de sept jours en l'espèce, était insuffisant, d'autant que la salariée n'avait nullement été préparée par son employeur à ce brusque changement de ses conditions de travail ;

Que le bouleversement de la vie personnelle de la salariée et la nécessaire organisation nouvelle qui s'en suivaient, exigeaient l'octroi d' un délai plus long que celui infligé à l'appelante, lequel méconnaissait les intérêts de celle-ci pour le seul profit, aveugle et discrétionnaire, de la société TAN ; qu'à supposer que l'article L 1224-1 ne fût pas applicable, cette dernière ne saurait, de bonne foi, exciper de la clause de mobilité, dès lors qu' aucune circonstance susceptible de justifier une telle brutalité et une telle rapidité, n'est alléguée ;

Considérant qu'enfin, la cour ne retiendra plus, à la charge de l'employeur, la faute tirée du manque d'éléments fournis à la salariée à propos du calcul de la part variable, dès lors que postérieurement au jugement dont appel qui ordonnait à la société TAN de communiquer ses éléments à Mme [W], la société TAN a produit ces éléments ; que si Mme [W] continue à critiquer ceux-ci, elle ne démontre pas en quoi ils seraient insuffisants ;

Que cette régularisation ne fait pas disparaître, pour autant, le fait qu'antérieurement à la décision, la société TAN n'avait pas opéré , comme elle le devait, cette communication sollicitée par la salariée le 18 septembre 2013 et que, sur ce point, différent et moins lourd de conséquences que les précédents, la société TAN était également défaillante ;

Considérant qu'en définitive, les rythmes de travail imposés à Mme [W] étaient illictement lourds et inhabituels; qu'en effet, le travail dominical dont la société TAN prétend dans ses conclusions qu'il était conforme au souhait de la salariée était surtout conforme au voeu de la société TAN qui, dans sa demande d'autorisation d'ouverture dominicale à l'administration, faisait état du risque de cessation des paiements encouru par l'entreprise, en cas de refus de sa demande ; que si la société TAN joignait à celle-ci des attestations de salariés, dont Mme [W], une telle présentation relativisait la spontanéité des attestations en cause ; qu'en obligeant Mme [W] à travailler le dimanche alors même qu'elle n' y était pas autorisée, la société TAN a fait preuve, envers Mme [W], de mauvaise foi dans l'exécution du contrat, ne visant par tous moyens que son seul intérêt ;

Considérant qu'il résulte des énonciations qui précèdent que les violations et manquements imputables à la société TAN, ont eu pour effet de créer une charge de travail anormalement lourde, sans pause, sans visite médicale, le dimanche, en faisant usage de de traitements, irrespectueux de la personne de Mme [W] ;

Que l'ensemble de ces éléments caractérise des conditions de travail dont Mme [W] soutient à bon droit qu'elles relèvent du harcèlement moral car les effets de ces conditions de travail sur son état de santé ne sont pas contestables puisque, du jour de l'annonce de sa mutation le 21 juin 2013, l'appelante a été placée en arrêt maladie pour «'anxiété dépression en relations avec activités professionnelles'» ; que cette concomitance établit le lien entre l'état de santé de la salariée et l'annonce de sa mutation ;

Considérant que l'ensemble des manquements ci-dessus constituent aussi une exécution déloyale du contrat de travail, en ce qu'ils sont, comme déjà dit, l'expression par la société TAN d'un intérêt pris en faveur de son seul avantage, au mépris de celui de la salariée ;

Que pour autant, le préjudice consécutif à cette exécution déloyale n'apparaît pas, au cas d'espèce, différent de celui constitué par le harcèlement moral, de sorte qu'un seule indemnité sera allouée ;

Considérant qu'au regard de sa durée et de sa nature, le préjudice ainsi lié à la fois au harcèlement moral et à l'exécution contractuelle déloyale, sera justifiée par l'allocation de la somme de 15 000 euros ; qu'en l'absence de violation de dispositions conventionnelles particulières, il n' y a pas lieu d'allouer de dommages et intérêts de ce chef ;

Considérant qu'outre l'indemnité de 15 000 euros ci-dessus, les manquements litigieux justifient la résiliation du contrat de travail ; qu'en effet, les manquements de la société TAN sont graves et récurrents, ils ont trait aux conditions de travail quotidien de la salariée et leurs conséquences insidieuses sont de celles qui ne se révèlent que lorsqu'elles deviennent insupportables; qu'en l'espèce, c'est bien l'annonce le 21 juin 2013 de sa mutation qui, après les autres manquements endurés, a conduit Mme [W] à sa dépression ; que la poursuite du contrat de travail s'avère désormais impossible et la résiliation de son contrat doit donc être prononcée ;

°

Sur les conséquences de la résiliation contractuelle

Considérant que la résiliation du contrat produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et emporte en conséquence l'allocation des sommes de 3135,80 euros au titre de l'indemnité de préavis, -outre 313,58 euros de congés payés afférents- et de 1907,61 euros au titre de l'indemnité de licenciement, conformément aux conclusions de l'appelante ;

Qu'au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour , au regard du jeune âge de Mme [W], née en 1976, et de l'absence d 'élément sur la situation actuelle et les recherches éventuelles d'emploi de celle-ci , évalue à 12 000 euros le montant de l'indemnité litigieuse ;

Considérant qu'enfin, Mme [W] réclame le paiement d'une indemnité de congés payés correspondant à 23,96 jours acquis au 1er juin 2013, soit 1758,18 euros ; que, de son côté, la société TAN n'apporte aucune contradiction à cette demande qui sera donc accueillie comme dit ci-après au dispositif ;

Considérant que la publication dans la presse du présent arrêt n'a pas lieu d'être ordonnée ;

Considérant que les intérêts au taux légal courront compter de ce jour pour toutes les condamnations à caractère indemnitaire, les autres sommes allouées, notamment les indemnités de rupture produisant intérêts à compter de la réception par la société TAN de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ;

Considérant que la société TAN devra remettre à Mme [W] un certificat de travail et une attestation Pôle emploi, comme le réclame l'appelante ; qu'il n'y a pas lieu, toutefois, d'assortir cette mesure, d'une astreinte ;

Considérant que la société TAN sera condamnée aux dépens et verser à Mme [W] la somme requise de 2500 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition et en dernier ressort,

Infirme le jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes a débouté Mme [W] de ses demandes tendant à voir prononcer la résiliation de son contrat de travail et condamner la société TAN au paiement des indemnités subséquentes, de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat et d'un reliquat de congés payés acquis non pris ;

Prononce, à compter de ce jour, la résiliation du contrat de travail de Mme [W] ;

En conséquence, condamne la société TAN à payer à Mme [W] les sommes suivantes :

- 3135,80 euros à titre d'indemnité de préavis et 313,58 euros à titre de congés payés afférents

- 1907,61 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 1758,18 euros d'indemnité de congés payés

lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par la société TAN de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes,

- 12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 15 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail

lesdite sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

Ordonne à la société TAN de remettre à Mme [W] une attestation Pôle emploi et un certificat de travail, conformes aux dispositions du présent arrêt ;

Confirme pour le surplus le jugement entrepris ;

Y ajoutant ;

Condamne la société TAN aux dépens d'appel et au paiement, au profit de Mme [W], de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- arrêt prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller en raison de l'empêchement de Catherine BÉZIO, président, et par madame Mélissa FABRE, greffier en pré-affectation, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,P/Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03829
Date de la décision : 13/09/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/03829 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-09-13;15.03829 ?
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