COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 48C
16e chambre
ARRÊT N°
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
DU 01 SEPTEMBRE 2016
R.G. N° 14/00147
AFFAIRE :
[W] [L]
C/
SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 16 Décembre 2013 par le Tribunal d'Instance de PONTOISE
N° Chambre : /
N° Section : surtt
N° RG : 11-12-1784
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Emmanuelle BOQUET, avocat au barreau de VAL D'OISE
l'ASSOCIATION BUISSON & ASSOCIES, avocat au barreau de VAL D'OISE
Me Isabelle HUGONIE, avocat au barreau de PARIS
toutes les parties
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE PREMIER SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [W] [L]
de nationalité Française
[Adresse 1]
Représentant : Me Emmanuelle BOQUET, Plaidant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 155
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2014/009041 du 18/06/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de VERSAILLES)
APPELANT - REPRESENTE
****************
SA CRÉDIT FONCIER DE FRANCE
N° SIRET : 542 02 9 8 488
[Adresse 2]
Représentant : Me Sabine DARCEL, Plaidant, de l'ASSOCIATION BUISSON & ASSOCIES, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire: 6 -
SAS FONCIA VEXIN
[Adresse 3]
Représentant : Me Isabelle HUGONIE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS (B 410)
INTIMES - REPRESENTES
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Madame [B] [S] [M]
[Adresse 5]
INTIMES - NON COMPARANTS - NON REPRESENTES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 22 Juin 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Mme Estelle JOND-NECAND, vice-président placé auprès de Mme le premier président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Estelle JOND-NECAND, vice-président placé auprès de Mme le premier président de la cour d'appel de Versailles, délégué à la cour par ordonnance du 24 août 2015, faisant fonction de président,
Madame Marie-Christine MASSUET, conseiller,
Madame Ghislaine SIXDENIER, conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Catherine CHARPENTIER,
FAITS ET PROCEDURE,
Le 6 novembre 2009, Monsieur [W] [L] et Madame [B] [S] [M] se sont associés à hauteur de 50% chacun de la SCI [L] & [M], dont Monsieur [W] [L] est le gérant.
Par acte notarié du 27 janvier 2010, la SCI [L] & [M] a acquis un immeuble sis [Adresse 6]) financé par un prêt consenti par le CREDIT FONCIER DE FRANCE d'un montant de 159.000 €, remboursable en 300 mensualités de 1.016,62 € au taux d'intérêt de 4,65%.
Le 5 octobre 2011, Monsieur [W] [L] a saisi la commission de surendettement des particuliers du Val-d'Oise afin de bénéficier de la procédure de traitement des situations de surendettement.
Le 8 novembre 2011, la commission de surendettement a déclaré la demande de Monsieur [L] recevable et le 25 septembre 2012 elle a imposé la mise en place d'un moratoire de 24 mois pour procéder à la liquidation de la S.C.I. afin de permettre de vendre le bien immobilier dont le débiteur est propriétaire avec Madame [M] et de trouver un emploi, le tout pour apurer ses dettes.
Le 18 octobre 2012, Monsieur [W] [L] a contesté ces mesures.
Le 16 décembre 2013, le tribunal d'instance de Pontoise statuant en matière de surendettement des particuliers a rendu un jugement, exécutoire de plein droit par provision, qui a :
déclaré la contestation formée par Monsieur [L] recevable et partiellement fondée;
ordonné la suspension de l'exigibilité des créances déclarées à l'encontre de M. Jean [L] pendant une durée de 12 mois ;
dit que pendant la période de suspension Monsieur [L] devra procéder à des démarches pour liquider la SCI et vendre le bien immobilier, la part du produit de la vente qui lui revient devant être affectée au remboursement de ses dettes et devra re chercher un emploi;
rappelé que pendant cette période, Monsieur [L] devra s'abstenir de tout acte susceptible d'aggraver sa situation financière et lui fait particulièrement interdiction de contracter un quelconque nouveau crédit ;
rappelé qu'à l'issue de cette période, la situation de Monsieur [L] sera revue par la commission de surendettement des particuliers du Val-d'Oise ;
ordonné la suspension, en tant que de besoin, de toutes les procédures d'exécution en cours au premier jugement, relatives aux créances visées par les mesures adoptées par la présente décision et interdit à tout créancier de procéder à une quelconque voie d'exécution relativement aux créances visées dans la procédure de surendettement ;
laissé les dépens à la charge du Trésor Public ;
Le 3 janvier 2014, Monsieur [L] a fait appel de ce jugement.
Suite à trois demandes de renvois de Monsieur [L] reçues respectivement à la cour par lettres recommandées avec accusé de réception des 1er septembre 2014, 7 avril 2015 et 12 janvier 2016 auxquelles les créanciers ne se sont pas opposées, l'affaire a finalement été appelée à l'audience du 22 juin 2016.
Monsieur [W] [L] comparaît représenté à l'audience du 22 juin 2016 et demande à la cour de :
infirmer partiellement le jugement entrepris ;
supprimer la condition du jugement qui a dit que pendant la période de suspension, Monsieur [L] devra procéder à des démarches pour liquider la SCI et vendre le bien immobilier, la part de vente qui lui revient devant être affectée au remboursement des dettes ;
confirmer le principe de la suspension de l'exigibilité des créances mais la porter à 24 mois;
constater la capacité de versement de 450€ par mois au CREDIT FONCIER DE FRANCE;
confirmer pour le surplus ;
statuer sur les dépens.
A l'appui de sa demande, Monsieur [W] [L] souligne qu'il est de bonne foi. Il fait valoir que seule la SCI statuant en assemblée générale peut décider de la vente du bien immobilier et non lui-même, puisqu'il n'est qu'associé gérant. En outre, il ajoute qu'il n'occupe que partiellement le bien immobilier litigieux ; que deux chambres sont laissés à la disposition de la SCI pour location ; que d'ailleurs sa soeur occupe une des deux chambres et règle un loyer de 400 € mensuel. Monsieur [W] [L] expose qu'il verse 450 € par mois au CREDIT FONCIER DE FRANCE, et souligne qu'il n'est pas le seul débiteur du CREDIT FONCIER précisant que madame [M] doit participer à la moitié du passif. Il rappelle qu'il est sans emploi et qu'il perçoit les allocations Pôle emploi. Il fait valoir que l'obliger à vendre son habitation principale aurait des conséquences manifestement excessives au regard de sa situation et que la vente de l'immeuble ne permettrait pas de désintéresser l'ensemble de ses créanciers et en conclut que, dans ce contexte, ordonner la vente du bien immobilier est inopportun.
Pour un exposé exhaustif des moyens et des prétentions de Monsieur [W] [L], il convient de se reporter aux conclusions régularisées à l'audience, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
La société le CREDIT FONCIER DE FRANCE comparaît représentée et demande à la cour de :
A titre principal :
infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a accordé un délai de suspension de l'exigibilité des créances de 12 mois à Monsieur [L], ce afin de lui permettre de procéder à la mise en vente du bien immobilier sis au [Adresse 6]) ;
ordonner sans délai la vente par Monsieur [L] du bien immobilier situé [Adresse 6]) ;
A titre subsidiaire :
accorder un délai de suspension de l'exigibilité des créances de 12 mois à Monsieur [L], ce afin de lui permettre de procéder à la mise en vente du bien immobilier sis au [Adresse 6]) , sous réserve impérative de production de justificatifs de mise en vente à prix de marché dans un délai de 15 jours à compter de la décision à intervenir ;
En tout état de cause :
condamner Monsieur [L] à lui verser la somme de 2.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner Monsieur [L] aux entiers dépens d'appel.
A l'appui de ses demandes, le CREDIT FONCIER DE FRANCE fait valoir que Monsieur [L] est de mauvaise fo i; indiquant que l'ensemble immobilier a été acquis aux fins de location ; que la SCI n'honore plus ses engagements depuis le 6 août 2010 (soit sept mois après l'octroi du prêt) ; que monsieur [L] occupe le logement à titre gratuit et qu'il fait preuve de manoeuvres dilatoires pour retarder les décisions des juridictions. Le CREDIT FONCIER DE FRANCE souligne que monsieur [L] a déjà bénéficié de délais considérables pour procéder à la mise en vente de l'immeuble et qu'il n'a pourtant entrepris aucune diligence en ce sen s; qu'il n'a effectué aucune démarche pour mettre le logement en location et qu'il ne produit aucun contrat de location pour justifier que l'appartement est effectivement en location. Le CREDIT FONCIER DE FRANCE souligne que seule la mise en vente de l'appartement sera à même d'apurer le passif accumulé et souligne que les 450 € que monsieur [L] propose de verser ne correspondent pas au montant des mensualités dues (1.016,62 €).
Pour un exposé exhaustif des moyens et des prétentions du CREDIT FONCIER DE FRANCE, il convient de se reporter aux conclusions régularisées à l'audience, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
La SAS FONCIA VEXIN comparaît représentée à l'audience et sollicite l'infirmation du jugement entrepris en raison de la mauvaise foi du débiteur qui n'a procédé à aucune diligences pour mettre le bien immobilier litigieux en vente.
Bien que régulièrement convoquées, Madame [M] ne comparaît pas et ne se fait pas représenter à l'audience.
Le SIP CERGY PONTOISE SUD n'est ni présente ni représenté à l'audience mais adresse un courrier à la cour, en date du 18 novembre 2015, informant de ce que sa créance à l'encontre de Monsieur [L] a été soldée.
SUR CE, LA COUR :
Sur la recevabilité de l'appel :
Considérant que selon l'article R.331-9-3 du Code de la consommation, l'appel doit être interjeté dans les 15 jours suivant la notification ou la signification du jugement ;
Que l'appel fait dans les formes et délais légaux est recevable ;
Sur le fond :
Considérant que l'article L.330-1 du code de la consommation dispose que la situation de surendettement des personnes physiques est caractérisée par l'impossibilité manifeste pour le débiteur de bonne foi de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ;
Que l'alinéa 4 de l'article L.332-2 du code de la consommation habilite le juge saisi d'une contestation des mesures recommandées par la Commission à s'assurer que le débiteur de bonne foi se trouve dans l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir.
Qu'il résulte de l'article L.330-1 précité que la bonne foi du débiteur est présumée ; qu'il incombe au créancier qui la conteste de rapporter la preuve de sa mauvaise foi par les éléments qu'il verse aux débats ; que la mauvaise foi doit être en rapport direct avec la situation de surendettement et doit avoir pour effet de l'aggraver ;
Que la mauvaise foi du débiteur est caractérisée par un comportement qui révèle sa connaissance de sa situation de surendettement et la volonté délibérée de l'aggraver.
Qu'en l'espèce, contrairement à ce qu'affirme le CREDIT FONCIER DE FRANCE, il résulte de l'offre de prêt en date du 6 novembre 2009 que le prêt a été accordé pour le financement d'un logement sis [Adresse 6] qui constitue une 'résidence principale'; que, dès lors, l'intimé ne démontre pas que monsieur [L] occupe le bien alors qu'il avait été acquis pour être mis en location et ne peut lui reprocher de ne pas mettre en location ce bien ;
Que le CREDIT FONCIER DE FRANCE ne caractérise pas en quoi monsieur [L] a fait preuve de manoeuvres dilatoires pour retarder les décisions des juridictions; étant rappelé que l'appelant a exercé son droit au double degré de juridiction et que les demandes de renvois formulées devant la cour d'appel de Versailles n'ont jamais fait l'objet d'opposition de la part de l'intimé ;
Qu'il est toutefois exact que monsieur [L] ne produit aux débats aucune pièce justifiant de démarches actives en vue de la vente du bien immobilier litigieux; que s'il est exact, eu égard aux règles du droit des sociétés, que la vente de l'appartement ne peut avoir lieu qu'avec l'accord de madame [M], il n'en demeure pas moins qu'il ne communique aucune pièce démontrant qu'il a sollicité cette dernière en ce sens; qu'il produit uniquement un courrier en date du 18 février 2014, adressé à Madame [M], aux termes duquel son conseil propose à cette dernière de faire entrer un nouvel associé au capital de la SCI [L] & [M] afin que la part des charges soit allégée; que, par ailleurs, il est indiqué dans ce courrier que 'le marché immobilier étant en grande difficultés et compte tenu de l'état du bien qui nécessite quelques travaux que les finances de Monsieur [L] ne lui permettent de couvrir, il serait extrêmement préjudiciable aux titulaires de la SCI, de vendre en l'état'; qu'en outre, Monsieur [L] a communiqué un acte introductif d'instance délivré par madame [M] devant le tribunal de grande instance de Pontoise aux termes duquel elle déclare être dans l'incapacité d'assumer le remboursement du crédit et vouloir procéder à la vente du bien ;
Que, néanmoins, il est prématuré de conclure de ces éléments que monsieur [L] est de mauvaise foi au sens de l'article L.330-1 précité, étant rappelé que l'objet même du recours de ce dernier devant la présente juridiction est de contester le plan de redressement élaboré par la commission de surendettement qui lie le report de 18 mois des dettes à la liquidation de la S.C.I et à la vente de l'appartement ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de rejeter les contestations du CREDIT FONCIER DE FRANCE et de la SAS FONCIA VEXIN et de considérer que monsieur [L] est de bonne foi au sens de l'article L.330-1 précité ;
Considérant qu'en cas d'échec de sa mission de conciliation, la commission de surendettement peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, imposer tout ou partie des mesures déclinées à l'article L.331-7 du code de la consommation ou recommander celles visées aux articles L.331-7-1 et L.331-7-2 du même Code;
Que le juge du tribunal d'instance puis la cour d'appel connaît des recours à l'encontre de ces mesures ;
Qu'en l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que monsieur [L] est sans activité professionnelle et que sa capacité de remboursement actuelle est négative ;
Que monsieur [L] étant associé à 50% d'une SCI qui est propriétaire d'un appartement, sa situation n'est pas irrémédiablement compromise ;
Qu'au regard de l'importance des dettes de l'appelant et étant rappelé que la dette est principalement constituée du prêt immobilier ayant financé l'achat de l'appartement objet des débats, il y a lieu de dire que seule la vente de cet appartement est une mesure appropriée pour désintéresser en totalité, ou à tout le moins, en partie, les créanciers; que toute autre proposition faite pas monsieur [L] n'est pas sérieuse; qu'il appartiendra à ce dernier de faire, le cas échéant, des démarches en vue de son relogement, y compris auprès des organismes sociaux ;
Qu'il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que le juge d'instance a ordonné la suspension de l'exigibilité des dettes de monsieur [L] à charge pour lui de faire les démarches nécessaires en vue de la recherche active d'un emploi, de la liquidation de la S.C.I et de la vente de l'appartement ;
Qu'en outre, au regard des importants délais de fait dont monsieur [L] a déjà bénéficié, c'est à bon droit que le juge d'instance a réduit la durée du moratoire de 18 mois (proposition de la commission de surendettement) à 12 mois ;
Qu'en conséquence, il y a lieu de rejeter la contestation de monsieur [L] et de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Considérant que l'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice du CREDIT FONCIER DE FRANCE ;
Considérant, en cette matière où la saisine du tribunal et la notification des décisions se font sans l'intervention d'un huissier et où le ministère d'avocat n'est pas obligatoire, qu'il n'y a pas de dépens.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement et en dernier ressort par arrêt réputé contradictoire:
DECLARE RECEVABLE l'appel interjeté par monsieur [L] ;
CONFIRME le jugement rendu le 16 décembre 2013 par le tribunal d'instance de Pontoise ;
Y ajoutant :
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONSTATE l'absence de dépens ;
DIT que cet arrêt sera notifié à la commission de surendettement des particuliers du Val-D'Oise par lettre simple et à Monsieur [L] et aux créanciers par lettre recommandée avec accusé de réception ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame JOND-NECAND, vice-président placé faisant fonction de président,et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le vice-président,