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22/07/2016 | FRANCE | N°15/04788

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 22 juillet 2016, 15/04788


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 81D



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 JUILLET 2016



R.G. N° 15/04788



AFFAIRE :



[T] [L]

Fédération SYNDICALE CFTC-CMTE

C/

SAS LILLY FRANCE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Septembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° RG : 15/00380



Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le

:

à :

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS



Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT DEUX JUILLET DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 81D

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 JUILLET 2016

R.G. N° 15/04788

AFFAIRE :

[T] [L]

Fédération SYNDICALE CFTC-CMTE

C/

SAS LILLY FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 24 Septembre 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° RG : 15/00380

Expéditions exécutoires

Expéditions

délivrées le :

à :

Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS

Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX JUILLET DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [T] [L]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 2]

Représentée par Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20150368 - et Me Christophe NOUZHA, avocat au barreau de STRASBOURG

Fédération SYNDICALE CFTC-CMTE

[Adresse 3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Katell FERCHAUX-LALLEMENT de la SELARL LM AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20150368 - et Me Christophe NOUZHA, avocat au barreau de STRASBOURG

APPELANTES

****************

SAS LILLY FRANCE

[Adresse 5]

[Adresse 6]

[Adresse 7]

Représentée par Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, avocat au barreau de VERSAILLES - N° du dossier 20150859 - et Me Hélène DAHER, membre du cabinet ORICK RAMBAUD MARTEL, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Mai 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine BÉZIO, président, et Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

FAITS ET PROCEDURE

Lors des dernières élections au comité d'établissement de NEUILLY SUR SEINE de la société LILLY FRANCE en octobre 2014, l'organisation syndicale CFTC n'a obtenu que 2,78 % des suffrages exprimés.

Par courrier du 30 octobre 2014, le syndicat CFTC informait la société LILLY FRANCE de la désignation de Mme [L] en qualité de représentant syndical de la CFTC au CHSCT de l'établissement de NEUILLY SUR SEINE.

Par courrier du 26 novembre 2014, le directeur des ressources humaines de la société LILLY FRANCE demandait à la fédération CFTC CMTE de retirer cette désignation, en raison de l'absence de représentativité de son syndicat aux dernières élections au sein de l'établissement.

Par acte d'huissier en date du 22 décembre 2014, la société LILLY FRANCE assignait à jour fixe devant le tribunal de grande instance de Nanterre Mme [L] et la FEDERATION SYNDICALE CFTC CMTE, aux fins d'annulation de la désignation de Mme [L].

Par jugement en date du 24 septembre 2015, dont Mme [L] et la FEDERATION SYNDICALE CFTC CMTE ont régulièrement interjeté appel, le tribunal de grande instance de Nanterre, annulait la désignation de Mme [L] en qualité de représentant syndical CFTC au CHSCT de l'établissement de NEUILLY SUR SEINE de la société LILLY FRANCE, en raison de l'absence de représentativité de la CFTC à la suite des dernières élections au comité d'établissement.

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions signifiées le 7 décembre 2015, par lesquelles les appelants sollicitent l'infirmation du jugement et prient la cour de dire que la désignation de Mme [L] est valable, comme étant faite en vertu des dispositions de l'article 23 de l'accord interprofessionnel du 17 mars 1975, applicable au sein de la société LILLY FRANCE, requérant aussi le rejet de toutes les prétentions de la société et la condamnation de celle-ci à leur payer chacun la somme de 2000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

Vu les dernières écritures de la société TNS SOFRES signifiées le 1er février 2016, tendant à la confirmation du jugement déféré, l'intimée faisant valoir que l'accord du 17 mars 1975 invoqué par les appelants n'est applicable que sous condition de la représentativité de la CFTC à hauteur d'au moins 10% au sein de l'établissement, condition non remplie par la CFTC, et à la condamnation «'in solidum'» des appelants à lui payer la somme de 800 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens avec distraction au profit de Maître Bertrand ROL, AARPI- JFR AVOCATS, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile

SUR CE LA COUR

Considérant que l'accord cadre national interprofessionnel du 17 mars 1975, complété par son avenant du 16 octobre 1984 sur l'amélioration des conditions de travail, a institué, en son article 23, « afin de permettre aux organisations syndicales de participer plus étroitement aux actions de prévention », la faculté pour chaque organisation syndicale de désigner un représentant syndical au CHSCT dans les établissements de plus de 300 salariés, lequel n'a qu'une voix consultative et siège aux côtés des représentants du personnel élus ;

Considérant que les appelants soutiennent, que cet accord ne fixe pas de condition de représentativité pour la désignation d'un représentant syndical au CHSCT, et qu'aucune disposition légale ne prohibe la désignation par un syndicat non représentatif d'un représentant syndical au CHSCT;

Qu'ils se réfèrent à deux décisions de juges du fond produites aux débats :

- Le jugement du tribunal de grande instance de STRASBOURG en date du 7 février 2014, qui a reconnu cette faculté de désignation à la CFDT pour l'établissement de FEGERSHEIM de la société LILLY FRANCE, sur la base des dispositions conventionnelles dudit accord cadre lesquelles n'ont pas été affectées par la loi du 20 août 2008 qui ne comporte aucune disposition de ce chef et a laissé subsister l'article L.4611-7 du code du travail, lequel dit : « les dispositions du présent titre (relatif au CHSCT) ne font pas obstacle aux dispositions plus favorables concernant le fonctionnement, la composition ou les pouvoirs du CHSCT qui résultent d'accords collectifs ou d'usages » ;

- L'arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES en date du 15 septembre 2015, qui a statué dans le même sens pour la désignation d'un représentant syndical CGT au CHSCT de la société TNS SOFRES ;

Qu'ils soulignent aussi que l'article L.2122-1 du code du travail, issu de la loi du 20 août 2008, prévoit certes que chaque organisation syndicale doit établir sa représentativité par la voie des élections, par l'obtention d'au moins 10% des suffrages exprimés au premier tour des élections du comité d'entreprise ;

Qu'ils estiment cependant que ce critère de représentativité est seul applicable à la désignation des délégués ou/et représentants syndicaux siégeant au comité d'entreprise et dans les instances participant à la négociation collective, critère qui n'est pas applicable au CHSCT ;

Que le raisonnement par analogie avec l'article L. 2324-2 du code du travail issu de la loi du 5 mars 2014, que le tribunal a fait, n'est donc pas pertinent, la condition de représentativité n'étant édictée par cet article que pour la désignation des représentants syndicaux au comité d'entreprise et non, pour ceux du CHSCT ;

Considérant que la société intimée soutient que, seules, les organisations représentatives dans l'entreprise peuvent désigner des délégués syndicaux ou des représentants syndicaux au CHSCT, comme l'a jugé la Cour de Cassation (soc 29 octobre 2008, 26 octobre 2011) ;

Qu'elle estime que depuis les lois du 20 août 2008 et du 5 mars 2014, le législateur, par la modification de l'article L. 2324-2 du code du travail, a clairement affirmé sa volonté de consacrer la représentativité comme un préalable à la désignation d'un délégué syndical ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ce principe pouvant, par analogie, être transposé à la situation du CHSCT, comme l'a jugé le tribunal ;

*

Considérant que la cour retiendra les arguments avancés par les appelants ;

Qu'en effet, les appelants ne contestent pas leur absence de représentativité au sein de la société LILLY FRANCE, laquelle n'est pas une condition posée par l'accord national interprofessionnel du 17 mars 1975 ;

Que si l'article L. 4613 du code du travail prévoit que le CHSCT est composé de l'employeur et d'une délégation du personnel désignée par un collège des membres élus au comité d'entreprise et des délégués du personnel, l'article L.4611-7 du code du travail (4ème partie titre 1er du livre 6 relatif au CHSCT), qui a été maintenu après les lois du 20 août 2008 et du 5 mars 2014, énonce que des dispositions plus favorables peuvent être prévues par des accords collectifs ou des usages concernant le fonctionnement, la composition ou les pouvoirs des CHSCT, ce qui permet donc la désignation d'un représentant syndical dans le cadre de l'accord du 17 mars 1975, lequel n'exige pas l'existence d'une représentativité de l'organisation syndicale désignant ce représentant syndical ;

Que par ailleurs, les articles L.2122-1 et L. 2324-2 du code du travail (ce dernier dans ses dispositions issues de la loi du 5 mars 2014) énoncent une condition de représentativité des organisations syndicales dans l'entreprise ou l'établissement, qui est seulement applicable au comité d'entreprise et aux instances de la négociation collective, compris dans le titre 2 du livre 1, relatif à la représentativité syndicale de la deuxième partie du code du travail, relative au « relations collectives du travail » et non, dans le livre 6 de la quatrième partie du même code, intéressant un thème différent, intitulé «'santé et sécurité au travail » au sein duquel s'insèrent les dispositions susvisées relatives au CHSCT ; 

Qu'aucune disposition de la loi du 5 mars 2014 n'a modifié l'article L.4611-7 du code du travail, lequel permet à un accord collectif ou un usage de déroger aux critères de la composition du CHSCT ;

Qu'en outre, si la représentativité d'une organisation syndicale au sein d'une entreprise est exigée pour la présentation par cette organisation de candidats aux élections des représentants du personnel au sein du comité d'entreprise, elle n'est pas requise pour tous les représentants ou délégués syndicaux, puisque, contrairement à ce que la société intimée soutient, l'article L.2142-1 du code du travail, issu de la loi du 20 août 2008, permet aux organisations non représentatives de désigner un délégué de section syndicale, lorsqu'elles ont plusieurs adhérents dans l'établissement ou l'entreprise et qu'elles sont affiliées à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ;

Qu'il n'existe donc pas, comme le prétend la société, une harmonisation complète, faisant de la représentativité d'une organisation syndicale le critère obligatoire de sa participation à toutes les instances représentatives du personnel ;

Qu'ainsi, viennent déroger au principe du critère de représentativité d'une organisation syndicale dans une entreprise ou un établissement, clairement posé pour les élections au comité d'entreprise par l'article L. 2324-2 du code du travail depuis la loi du 5 mars 2014, confirmant l'interprétation des dispositions de la loi du 20 août 2008, les dispositions relatives à la création d'une section syndicale et celles relatives au CHSCT en son article L.4611-7 ;

Qu'enfin, la volonté des partenaires sociaux ayant participé à l'accord cadre national interprofessionnel du 17 mars 1975, complété par son avenant du 16 octobre 1984 sur l'amélioration des conditions de travail, était précisément, comme il l'indique dans son article 23, de permettre aux organisations syndicales de participer plus étroitement aux actions de prévention dans un cadre national interprofessionnel ;

Considérant qu'en conséquence il y a lieu d'infirmer le jugement, en déboutant la société LILLY FRANCE de sa demande d'annulation de la désignation de Mme [L] en date du 30 octobre 2014 en qualité de représentant syndical au CHSCT de l'établissement de ladite société, tout en validant cette désignation.

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile la société versera tant à Mme [L] qu'à la fédération CFTC CMTE, la somme de 1000 €, soit au total 2000 € ;

Que la société sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Maître FERCHAUX-LALLEMENT, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

INFIRME le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

DÉBOUTE la société LILLY FRANCE de sa demande d'annulation de la désignation de Mme [L] en qualité de représentant syndical CFTC au CHSCT de l'établissement de NEUILLY SUR SEINE ;

DÉCLARE valable ladite désignation ;

CONDAMNE la société LILLY FRANCE à payer à Mme [L] et à la fédération CFTC CMTE, la somme respective de 1000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, soit au total 2000 € ;

LA CONDAMNE aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de Maître FERCHAUX-LALLEMENT, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/04788
Date de la décision : 22/07/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/04788 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-22;15.04788 ?
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