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07/07/2016 | FRANCE | N°15/00109

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 07 juillet 2016, 15/00109


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 07 JUILLET 2016



R.G. N° 15/00109



AFFAIRE :



SA FINANCIÈRE TURENNE LAFAYETTE ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE PAUL PREDAULT



C/



[V] [L]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY



N° RG : F 13/00812
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Copies exécutoires délivrées à :



la AARPI DIXHUIT BOETIE

la AARPI DAGAN DOUCET AVOCATS





Copies certifiées conformes délivrées à :



SA FINANCIÈRE TURENNE LAFAYETTE ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE PAUL PREDAULT



[V] [L]







le :

RÉPUBLI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 JUILLET 2016

R.G. N° 15/00109

AFFAIRE :

SA FINANCIÈRE TURENNE LAFAYETTE ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE PAUL PREDAULT

C/

[V] [L]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 décembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MONTMORENCY

N° RG : F 13/00812

Copies exécutoires délivrées à :

la AARPI DIXHUIT BOETIE

la AARPI DAGAN DOUCET AVOCATS

Copies certifiées conformes délivrées à :

SA FINANCIÈRE TURENNE LAFAYETTE ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE PAUL PREDAULT

[V] [L]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT JUILLET DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA FINANCIÈRE TURENNE LAFAYETTE ANCIENNEMENT DÉNOMMÉE PAUL PREDAULT

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Bénédicte FLORY de l'AARPI DIXHUIT BOETIE, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : A0756) - N° du dossier 20040347

APPELANTE

****************

Madame [V] [L]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Comparante en personne, assistée de Me Véronique DAGAN de l'AARPI DAGAN DOUCET AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : C1255)

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire GIRARD, Présidente,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN,

EXPOSE DU LITIGE :

Par contrat à durée indéterminée du 5 septembre 1960, Mme [V] [L] épouse du fils du fondateur de la société de la société Paul Prédault a été engagée par ladite société en qualité d'aide comptable. Elle y a ensuite occupé différents postes avant d'en devenir, à compter du 1er janvier 1987, le directeur financier. Elle a exercé également un mandat social de directrice générale de la société jusqu'au 22 octobre 2004.

Par deux protocoles en date des 30 juillet et 22 octobre 2004, M [L] a cédé ses parts et celles de son épouse à la société Agripole.

Lors de la réunion du conseil d'administration de la société Paul Prédault qui s'est tenue le 22 octobre 2004, Mme [L] a présenté sa démission de ses mandats sociaux sous réserve du paiement du prix de cession des actions, le conseil d'administration a accepté cette démission avec effet immédiat et a indiqué qu'elle conservait le bénéfice de son contrat de travail pour une rémunération annuelle ramenée à 100 000 euros.

Dans le dernier état des relations contractuelles, elle bénéficiait d'une rémunération mensuelle brute de 12 264,12 € sur laquelle les parties s'accordent.

Par courrier recommandé du 18 novembre 2004, lui notifiant sa mise à pied conservatoire, Mme [L] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 novembre 2004 puis s'est vu licencier pour faute lourde par courrier adressé sous la même forme le 6 décembre 2004.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency le 18 janvier 2005 à l'encontre de la société Paul Prédault puis à l'encontre de la société Financière Turenne Lafayette anciennement dénommée Paul Prédault aux fins d'obtenir essentiellement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts pour procédure brutale et vexatoire, des indemnités de rupture et des rappels de salaire.

Par jugement du 17 décembre 2014, le conseil de prud'hommes de Montmorency, section encadrement, a :

- dit le licenciement de Mme [L] fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute lourde ou grave,

- condamné la société Financière Turenne Lafayette à verser à Mme [L] les sommes de :

- 7 283,21 euros au titre de paiement de la mise à pied conservatoire,

- 728,32 euros au titre des congés payés afférents,

- 606,94 euros au titre de rappel de 13ème mois sur mise à pied,

- 36 792,36 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 3 679,24 euros au titre des congés payés y afférents,

- 3 066,03 euros au titre du prorata sur le 13ème mois,

- 8 161 euros au titre des congés payés,

- 183 149 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 100 euros au titre de l'indemnité pour procédure irrégulière,

- 1 100 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire est de 9 946,18 euros brut,

- dit que les sommes dues en exécution du présent jugement porteront intérêts au taux légal à compter de la date de première convocation de la société devant le conseil de prud'hommes pour les créances salariales et à compter de la date de mise à disposition du jugement pour les créances indemnitaires,

- dit que la société devra remettre à Mme [L] un bulletin de paie rectificatif, une attestation destinée à Pôle emploi et un certificat de travail conformes au jugement,

- débouté Mme [L] du surplus de ses demandes,

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

La société Financière Turenne Lafayette a régulièrement relevé appel du jugement le 8 janvier 2015.

Aux termes de leurs conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 11 mai 2016, les sociétés Financière Turenne Lafayette, appelante et Paul Prédault, intervenante volontaire, demandent à la cour de :

- dire nul et de nul effet le jugement déféré et mettre hors de cause la société Financière Turenne Lafayette,

-infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré,

- dire le licenciement pour faute lourde de Mme [L] bien-fondé et en conséquence la débouter de toutes ses demandes,

- condamner Mme [L] au paiement d'une somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les faits quasi-délictuels qu'elle a commis dans l'exercice de ses fonctions,

A titre subsidiaire,

- dire que le licenciement de Mme [L] repose sur une faute grave et en conséquence la débouter de toutes ses demandes,

En tout état de cause,

- ordonner la restitution des sommes qu'elle a pu percevoir au titre de l'exécution provisoire de droit,

- condamner Mme [L] à verser à la société Paul Prédault la somme de 7 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 11 mai 2016, Mme [L] prie la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de ses demandes de dommages-intérêts,

- dire le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Financière Turenne Lafayette anciennement dénommée Paul Prédault à lui payer les sommes de :

* 7 283,21 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 728,32 euros au titre des congés payés y afférents,

* 606,94 euros au titre du 13ème mois y afférent,

* 36 792,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 3 679,24 euros au titre des congés payés y afférents,

* 3 066,03 euros au titre du prorata du 13ème mois y afférent,

* 8 161 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés acquis,

* 183 149 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 175 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure brutale et vexatoire,

* 175 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Subsidiairement,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- jugé le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Financière Turenne Lafayette anciennement dénommée Paul Prédault à lui payer les sommes suivantes :

* 7 283,21 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 728,32 euros au titre des congés payés y afférents,

* 606,94 euros au titre du 13ème mois y afférent,

* 36 792,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 3 679,24 euros au titre des congés payés y afférents,

* 3 066,03 euros au titre du prorata du 13ème mois y afférent,

* 8 161 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés acquis,

* 183 149 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 175 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure brutale et vexatoire,

* 175 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Trés subsidiairement, déclarer la société Paul Prédault recevable en son intervention volontaire et la condamner à lui payer les sommes suivantes :

* 7 283,21 euros à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 728,32 euros au titre des congés payés y afférents,

* 606,94 euros au titre du 13ème mois y afférent,

* 36 792,36 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 3 679,24 euros au titre des congés payés y afférents,

* 3 066,03 euros au titre du prorata du 13ème mois y afférent,

* 8 161 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés acquis,

* 183 149 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 175 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure brutale et vexatoire,

* 175 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

En toutes hypothèses :

- Lui donner acte de ce que les sociétés ne maintiennent pas leur demande de remboursement de la somme de 20 000 euros à titre de remboursement de trop perçu de salaires,

- Déclarer irrecevable, mal fondée et rejeter la demande reconventionnelle en paiement de la somme de 120 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- Ordonner la remise d'une attestation Pôle emploi, d'un certificat de travail et d'un bulletin de paie rectifiés sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,

- Condamner in solidum la société Financière Turenne Lafayette et la société Paul Prédault à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Assortir l'ensemble des condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du code civil.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 11 mai 2016,

Vu la lettre de licenciement,

SUR CE :

Sur la demande de mise hors de cause de la société Financière Turenne Lafayette :

Il n'est pas contesté que le contrat de travail de Mme [L] a été conclu avec la société Paul Prédaut. La cession des parts sociales de M et Mme [L] à la société Agripole est un fait sans incidence sur la continuité de la personnalité morale de la société Paul Prédault qui demeure inscrite au registre du commerce ainsi que l'établit l'extrait k bis de cette société mis à jour au 11 avril 2016 et dont le président est la société Financière Turenne Lafayette.

Cette dernière société, recherchée dans la présente procédure à titre personnel, alors qu'elle n'est que le représentant légal de l'employeur sera donc mise hors de cause.

Il ne sera pas fait droit à la demande de nullité du jugement qui a été présentée sur ce fondement. Aucun motif de nullité n'étant encouru.

Sur le bien fondé du licenciement :

La lettre de licenciement fixant les limites du litige est rédigée dans les termes suivants :

« Madame,

Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est tenu dans cette affaire le 29 novembre dernier.

Les explications que vous nous avez fournies concernant les fautes lourdes relevées à votre encontre ne nous ont pas satisfait.

Aussi nous vous notifions votre licenciement pour les fautes lourdes ci-après énumérées:

- vol de documents:

Nous avons du constater que le 19 novembre 2004, un certain nombre de documents appartenant à la société ont été appréhendés frauduleusement à votre initiative.

À la suite de la plainte déposée, la liste de ces pièces a été dressée et a démontré qu'il s'agissait de documents importants tant pour la gestion future de la société que pour le contrôle en cours des actes qui ont été antérieurement accomplis par vos soins.

L'intention malveillante de dissimulation est évidente compte tenu de l'audit en cours.

- abus de biens sociaux :

Il a été constaté que des salariés travaillant sur vos propriétés personnelles étaient rémunérés par la Société.

Afin de tenter vainement de dissimuler cette situation, vous avez résilié les contrats de ceux-ci en trangressant la limitation de pouvoir qui avait été décidé le 22 octobre 2004 au cours d'un conseil d'administration dont vous étiez signataire.

Vous ne pouvez ignorer que l'aval de Monsieur [B] [T] était nécessaire pour tout règlement et à cet effet, vous n'avez pas manqué de lui soumettre les autres règlements.

De ce fait, vous avez réglé le solde de tout compte de ces salariés qui ne devaient en aucune manière être pris en charge par la Société.

- abus de pouvoir :

A compter du 22 octobre 2004, vous aviez l'obligation de ne plus prendre aucune décision ni d'effectuer aucun règlement seule mais avec l'accord exprès du nouveau Directeur Général.

Or, nous avons dû constater que sans que cette liste soit nécessairement exhaustive, compte tenu des contrôles en cours, les règlements suivants ont été effectués à votre seule initiative.

De toute façon, vous ne pouvez ignorer que vous n'aviez plus la signature, suite aux modifications liées à la reprise et de fait vous n'aviez pas de délégation de signature.

1) Signature de billets à ordre engageant la société pour des montants élevés (1 077 996 € à SYSTEME U par exemple),

2) Règlement à Monsieur [L] d'une indemnité de congés payés qui ne lui est pas due en sa qualité de mandataire social,

3) Paiement intégral de votre salaire en méconnaissance de la réduction de celui-ci confirmé en date du 22 octobre 2004, information qui vous avait été précédemment communiquée par courrier le 30 juillet 2004, à l'occasion de la signature du protocole,

4) Paiement des loyers de la SCI M CERDAN de laquelle vous êtes associée, jusqu'au 31 décembre 2004, c'est-à-dire par anticipation, écriture passée le 22/10/2004 alors que vous ne pouviez pas ignorer que la signature de cession était fixée ce même jour.

5) Accord préférentiel de paiement des factures de la Société BAYARD dont votre fille est gérante (délai supérieur à 1000 jours et surfacturation de la location d'une chambre froide),

6) Nonobstant vos affirmations concernant l'absence de litige en cours, vous avez seule décidé un appel de règlement de remise sur 2001 et à cet effet, il a été porté à notre connaissance des remises non réglées pour ce même client pour un montant très élevé et non provisionné (dossier AUCHAN).

La résiliation de votre contrat de travail prendra effet lors de la première présentation de cette lettre, les fautes lourdes alléguées ayant pour conséquence le non paiement des indemnités de rupture ainsi que celle de congés payés.

Vous êtes invitée à restituer l'intégralité des matériels et documents en votre possession appartenant à la société et que vous déteniez dans le cadre de l'exercice de vos fonctions y compris le véhicule que vous utilisez.

Vos documents sociaux à savoir:

- certificat de travail

- attestation ASSEDIC

- solde de tout compte

- ainsi que le cas échéant le chèque de règlement des sommes pouvant rester dues

vous seront adressés à votre domicile par exception à la règle posée par le Code du Travail.

Recevez, Madame, nos salutations distinguées. »

La faute lourde est la faute commise par le salarié dans l'intention de nuire à la société. La charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

La lettre de licenciement invoque trois séries de griefs à l'encontre de Mme [L] :

- le vol de documents,

- l'abus de biens sociaux,

- l'abus de pouvoir.

S'agissant de l'abus de biens sociaux, la cour relève que quatre personnes salariées par la société Paul Prédo (MM et Mmes [N], [Z], [A]) exerçaient en réalité leur activité en tout ou partie au profit personnel de Mme [L] à son domicile ou dans la propriété de Salbris, appartenant à la SCI Marcel Cerdan dont les époux [L] sont associés.

Cette activité a perduré entre le 1er avril 1995, date de l'embauche des époux [N] et le mois d'octobre 2004 date à laquelle Mme [L] a procédé au licenciement des salariés.

La matérialité des faits est établie dès lors que par arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 6 mars 2010, Mme [L] a été déclarée coupable de recel d'abus de biens sociaux commis par son mari au préjudice de la société pour avoir notamment bénéficié de personnel de maison attachée en totalité ou pour partie à son service à savoir Mmes [N] et [A].

Mme [L] ne peut valablement soutenir que les faits sont prescrits pour avoir été portés à la connaissance de la société Prédault plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement dès lors qu'ils se sont poursuivis jusqu'au licenciement des salariés et que dans son rapport d'examen de la situation comptable et financière du groupe Paul Prédault au 31 octobre 2004, établi en décembre 2004, le cabinet Mazars précise avoir commencé son étude en novembre 2004 et indique n'avoir pas obtenu communication des bulletins de salaire et des dossiers personnels de quatre personnes employées jusqu'au 19 novembre 2004 et licenciées à cette date.

S'agissant du grief d'abus de pouvoir, la société reproche à Mme [L] d'avoir pris des engagements financiers et effectué des règlements au nom de la société après le 22 octobre 2004 alors qu'elle n'en avait plus le pouvoir.

Mme [L] s'en défend en faisant valoir qu'elle était à l'époque seule détentrice de la signature puisque le nouveau directeur général qui devait lui succéder ne détenait pas encore cette signature.

La cour observe que lors de sa séance du 22 octobre 2004 à laquelle assistait Mme [L] du fait de sa qualité de directrice générale déléguée, elle a présenté sa démission d'administrateur et de directrice générale déléguée qui a été acceptée avec effet immédiat. M. [B] [T] a été désigné comme directeur général délégué jusqu'au paiement du prix de cession des actions des époux [L]. Il était bien spécifié que Mme [L] « conservera le bénéfice de son contrat de travail pour une rémunération mensuelle brute de 100 000 €. »

Par ailleurs, elle bénéficiait toujours d'une délégation de signature et était la seule à pourvoir signer au nom de la société dont elle était la directrice financière, le nouveau directeur général n'ayant pas obtenu la signature avant le 8 novembre 2004 ainsi que l'établit le courrier adressé par M. [T] à la banque à cette date.

Il résulte de ce qui précède que l'abus de pouvoir n'est pas démontré, d'autant que les paiements allégués, contrairement à ce que soutient la société n'étaient pas illégitimes dès lors qu'ils étaient relatifs à des dettes de la société (systéme U, loyers SCI Bayard, ) ou intervenaient en exécution d'accords en vigueur et au surplus non souscrits par Mme [L] que la nouvelle actionnaire de la société ne pouvait ignorer. Enfin aucun élément du dossier ne prouve que le paiement indû à M [L] provenait d'un acte commis délibérément par Mme [L] dans l'intention de nuire à la société.

S'agissant du vol de documents, la cour relève que Mme [L] n'a pas été mise en examen de ce chef ainsi que cela ressort de l'ordonnance de renvoi et de non lieu partiel rendue par le juge d'instruction le 24 octobre 2011, que l'ensemble des documents appartenant à la société ont été restitués à cette dernière et que la majorité des documents placés sous scellés concernait Mme [L] ou d'autres sociétés et non la société Paul Prédault.

En définitive, la cour ne retient des griefs visés dans la lettre de licenciement que le seul abus de biens sociaux. La société Paul Prédault ne démontre pas que les faits ont été commis avec intention de nuire de sorte que la faute lourde ne sera pas retenue. Par ailleurs, les salariés en question ayant été licenciés, les faits ne sont pas de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail de Mme [L] de sorte que la faute grave ne sera pas retenue. En revanche, démontrant la mise en place d'un système qui a perduré des années en méconnaissance des règles fiscales et sociales, la faute commise constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

Sur les conséquences du licenciement :

La société Paul Prédault emploie au moins onze salariés et applique la convention collective de la salaison, charcuterie en gros et conserves de viandes.

Le jugement sera confirmé dans l'évaluation qu'il a faite et dont le calcul n'est pas critiqué s'agissant :

- du rappel de salaire sur mise à pied conservatoire (7283,21 € au titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 728,32 € au titre des congés payés y afférents et 606,94 € au titre du rappel de salaire de 13ème mois sur mise à pied),

- de l'indemnité compensatrice de congés payés de 8 161 € au titre de congés payés acquis mais non réglés ainsi qu'il en résulte du bulletin de salaire du mois de novembre 2004 : 12,93 jours)

- de l'indemnité compensatrice de préavis (36 792,24 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis de 3 mois outre 3 679,24 € au titre des congés payés y afférents et 3 096,03 € au titre du rappel sur 13ème mois),

- de l'indemnité conventionnelle de licenciement, (183 149 €), sur la base d'une ancienneté remontant au 5 septembre 1960 en application de l'article 12 de la convention collective.

Toutefois les condamnations seront prononcées à l'encontre de la société Paul Prédault, seul employeur de Mme [L] et non contre la société Financière Turenne Lafayette qui a été mise hors de cause. Le jugement sera donc infirmé sur ces points.

S'agissant des dommages-intérêts pour procédure brutale et vexatoire, Mme [L], quelques semaines à peine après la cession des parts du couple à un nouvel actionnaire, s'est vu licencier pour faute lourde avec recours aux services de police et d' un huissier de justice lors de son départ de la société qu'elle avait contribué à développer avec son époux. Elle justifie ainsi du préjudice subi en raison des conditions brutales et vexatoires du licenciement lequel sera entièrement réparé par l'allocation d'une somme de 3 000 € à titre de dommages-intérêts. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle :

La demande présentée par la société à hauteur de la somme de 120 000 € à titre de dommages-intérêts pour les faits quasi délictuels commis dans l'exercice de ses fonctions sera rejetée, la cour n'ayant pas retenu la faute lourde alléguée.

Sur les autres demandes :

La société Paul Prédault devra remettre à Mme [L] les documents sociaux conformes à la décision, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une astreinte, la demande présentée à ce titre sera rejetée.

Les intérêts au taux légal seront dus à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation pour les condamnations de nature salariale et à compter de la présente décision pour les condamnations de nature indemnitaire.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée dans les conditions de l'article 1154 du code civil.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens:

La décision entreprise sera infirmée en ce qu'elle a condamné la société Financière Turenne Lafayette sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge de la société Paul Prédault qui devra en outre indemniser Mme [L] des frais exposés par elle en cause d'appel et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 €.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Met hors de cause la société Financière Turenne Lafayette,

Dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité du jugement,

Confirme le jugement en ce qu'il a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute lourde ou grave,

L'infirme sur le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne la société Paul Prédault à payer à Mme [V] [L] les sommes de :

- 7 283,21 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, outre 728,32 € au titre des congés payés y afférents et 606,94 € à titre de rappel de salaire de 13ème mois sur mise à pied,

- 36 792,24 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 3 679,24 € au titre des congés payés y afférents et 3 096,03 € à titre du rappel de salaire sur prorata de 13ème mois,

- 8 161 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés acquis,

- 183 149 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 3 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

Dit que les condamnations à caractère salarial produisent intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et les condamnations indemnitaires à compter de ce jour,

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,

Déboute Mme [L] du surplus de ses demandes,

Déboute la société Paul Prédault de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles,

Condamne la société Paul Prédault à payer à Mme [L] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Paul Prédault aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, avis en ayant été donné préalablement aux parties conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et signé par madame Claire GIRARD président et monsieur Arnaud DERRIEN greffier

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 15/00109
Date de la décision : 07/07/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°15/00109 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-07-07;15.00109 ?
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