COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 JUILLET 2016
R.G. N° 14/03757
EL/CA
AFFAIRE :
[N] [B]
C/
SA CALYON DEVENUE CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 09 Juillet 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Encadrement
N° RG : 11/02042
Copies exécutoires délivrées à :
Me Jocelyne CLERC KACZMAREK
SELARL ACTANCE
Copies certifiées conformes délivrées à :
[N] [B]
SA CALYON DEVENUE CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JUILLET DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [N] [B]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Jocelyne CLERC KACZMAREK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T11 substitué par Me Catherine HARNAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T11
APPELANT
****************
SA CALYON DEVENUE CREDIT AGRICOLE CORPORATE AND INVESTMENT BANK
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Emeric SOREL de la SELARL ACTANCE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K0168
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie BOSI, Président,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER,
Vu le jugement rendu contradictoirement le 9 juillet 2014 par le conseil de prud'hommes de Nanterre dans l'instance opposant Monsieur [N] [B] à la société CALYON, devenue CA-CIB qui a :
- débouté Monsieur [N] [B] de l'ensemble de ses demandes ,
- débouté la société CA-CIB de sa demande reconventionnelle,
- condamné Monsieur [B] aux dépens.
Vu la déclaration d'appel faite au nom de Monsieur [N] [B] en date du 29 juillet 2014 ;
Vu les conclusions écrites déposées au nom de Monsieur [N] [B] et développées oralement par son avocat aux fins de voir :
- condamner la société CALYON à payer à Monsieur [B] les sommes suivantes :
* 40.000 euros à titre de rappel de bonus au titre de l'année 2008,
* 4.000 euros à titre de congés payés y afférents,
* 52.747,48 euros à titre de dommages et intérêts au titre de ses droits à Pôle Emploi,
* 10.560 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de droit à la retraite,
* 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
outre les intérêts au taux légal depuis la saisine du Conseil de prud'hommes de Nanterre,
* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société CALYON, devenue CA-CIB en tous les dépens.
Vu les conclusions écrites déposées au nom de la société CALYON, devenue CA-CIB et développées oralement à l'audience par son avocat, qui demande :
- à titre principal, de confirmer le jugement déféré et de débouter en conséquence Monsieur [B] de l'intégralité de ses demandes,
- à titre subsidiaire, de condamner la société CA-CIB au versement d'un rappel de bonus d'un montant de 25.000 euros bruts et de débouter Monsieur [B] du reste de ses demandes,
- à titre reconventionnel, de condamner Monsieur [N] [B] au paiement d'une indemnité pour frais irrépétibles de procédure de 2.000 euros ainsi qu'aux entiers dépens.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour l'exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées et soutenues oralement à l'audience ;
SUR CE,
Considérant qu'il convient de rappeler que Monsieur [N] [B] a été embauché le 24 janvier 1984 dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée par la société CREDIT LYONNAIS, rachetée ensuite par la société CREDIT AGRICOLE, est devenu salarié de la société CALYON qui est elle-même devenue CA-CIB ; que son dernier poste occupé était celui de directeur de zone géographique ; que son salaire était constitué d'une partie fixe, à laquelle s'est par la suite ajoutée une partie variable ; qu'il a bénéficié des dispositions d'un PSE auquel il a adhéré le 31 décembre 2008 avec un départ le 11 octobre 2009 ; qu'il a contesté la décision de son employeur lui ayant versé la somme de 20.000 euros qu'il estime insuffisante au titre de son salaire variable 2008 et a saisi le Conseil de prud'hommes de Nanterre du litige ;
Sur le rappel de bonus
Considérant que Monsieur [N] [B] fonde sa demande de rappel de bonus au titre de l'année 2008 non sur l'existence d'une discrimination illicite en vertu des dispositions de l'article L. 1132-1 du code du travail mais sur la violation du principe d'égalité de traitement ;
Considérant que l'employeur ne peut opposer son pouvoir discrétionnaire pour se soustraire à son obligation de justifier, de façon objective et pertinente, une différence de rémunération variable entre des salariés qui se trouvent dans une même situation ;
Considérant, s'agissant du régime de la preuve que, sur ce dernier fondement, à l'instar de la règle applicable en matière de discrimination fixée par l'article L.1134-1 du code du travail, il appartient au salarié de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité, et qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute inégalité ;
Considérant qu'en l'espèce, il est constant que si le contrat de travail de Monsieur [B] ne mentionne pas de bonus, celui-ci était néanmoins éligible à un bonus, au titre de l'année 2008 comme au cours des années précédentes ;
Qu'entre l'année de référence 2001 et l'année 2007, son bonus a connu une progression continue, à l'unique exception toutefois de l'année 2004, faisant apparaître une très légère diminution ;
Que dans le contexte du marché bancaire en 2008, un plan de sauvegarde de l'emploi a été mis en place auquel Monsieur [B] a adhéré le 31 décembre 2008 ;
Que l'appelant fait observer que son bonus versé au titre de 2008 a été diminué de 55% par rapport à l'année précédente et soutient que seuls les salariés ayant accepté ce plan ont vu leur bonus diminué dans des proportions quasiment aussi importantes ;
Qu'il ressort des courriers d'attribution annuels de bonus produits par le salarié que le bonus qui lui était versé était déterminé en tenant compte à la fois des résultats du groupe CALYON, de son département et de sa performance personnelle ;
Que l'appelant produit un document qui, s'il n'émane pas de l'entreprise, fait état de données précises relatives aux bonus au titre de l'année 2008 mentionnant tant les identités de salariés que les fonctions exercées par ceux-ci, portant notamment mention à la fois de données chiffrées relatives à ces bonus, avec des montants supérieurs à ceux versés l'année précédente en ce qui concerne les deux collaborateurs de l'équipe commerciale de l'appelant et des montants diminués mais dans de bien moindres proportions que l'appelant s'agissant en particulier de son adjointe directe, outre d'autres responsables ; que ce document apparaît en phase avec l'organigramme versé par la société CAYLON et se rapporte aux membres de la direction 'Export et Trade' et notamment à l'équipe commerciale dénommé 'Origination' dont il faisait partie et qu'il dirigeait pour la zone 'Amériques' ; qu'aucun élément ne fait apparaître que Monsieur [B] aurait démérité au cours de l'année 2008, ce dernier rappelant qu'il a au contraire bénéficié d'une promotion en août 2008 et que son employeur n'a pas fait suite à sa relance aux fins d'être évalué au titre de cette même année ; que le document produit mentionne également une diminution de bonus quasi-équivalente à la sienne d'un salarié s'étant porté comme lui candidat au plan de sauvegarde de l'emploi ;
Que ce faisant, le salarié apporte des élément suffisants susceptibles de caractériser l'inégalité de traitement entre des salariés placés dans une situation comparable telle qu'il l'allègue ;
Que la société CALYON, ne peut s'exonérer d'apporter d'éléments de réponse précis relatifs à ces situations en se bornant à citer un extrait du procès-verbal de la séance du conseil d'administration du 2 mars 2009 annonçant des moyennes de baisses, mêmes élevées, des enveloppes de rémunérations variable pour 2008 dans les services du Front-office ou des métiers de marché, et ce alors que Monsieur [B] lui a fait délivrer dès le 21 novembre 2013 sommation de communiquer les bonus versés aux membres de son équipe et directeurs des deux autres zones géographiques ; que force est de constater que l'employeur n'a pas communiqué ces éléments ;
Que dans ces conditions, il sera retenu que Monsieur [B] justifie en son principe d'une inégalité de traitement ;
Qu'en l'état des éléments produits par les parties, il sera fait partiellement droit à sa demande de rappel de bonus au titre de l'année 2008, ce à hauteur de 25.000 euros, correspondant à un montant total de 45.000 euros soit un montant équivalent à celui perçu l'année précédente, au titre de l'année 2007 ; qu'il lui sera par suite alloué la somme de 2.500 euros au titre des congés payés afférents ; que le jugement entrepris sera donc infirmé de ces chefs ;
Sur les demandes accessoires
Considérant qu'au regard du montant de ce bonus, consécutif à l' inégalité de traitement susvisée imputable à son employeur, et des paramètres de l'allocation d'aide au retour à l'emploi, Monsieur [B] a subi un manque à gagner auprès du Pôle Emploi ;
Qu'il convient en conséquence de condamner la société CALYON à lui verser à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, la somme de 43.898,55 euros ;
Considérant que l'appelant ne produit en revanche pas d'élément probant permettant de chiffrer un éventuel préjudice au titre de la perte de droits à la retraite ; qu'il sera donc débouté de sa demande formée à ce titre ;
Qu'il sera également débouté de sa demande complémentaire pour exécution déloyale du contrat de travail, en l'absence de démonstration d'une faute et d'un préjudice distincts des manquements ayant déjà conduit à l'indemnisation de la rupture d'égalité de traitement ;
Que le jugement entrepris sera donc confirmé de ces chefs ;
Sur les autres demandes
Considérant que les créances salariales ainsi que la somme allouée à titre d'indemnité de licenciement sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation ;
Considérant que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Considérant que l'équité commande de faire droit à l'indemnité pour frais irrépétibles de procédure présentée par Monsieur [B] à hauteur de 1.500 euros ;
Considérant que la société CALYON qui succombe pour l'essentiel à l'action sera déboutée en sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure et condamnée aux entiers dépens ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant contradictoirement,
Infirmant partiellement le jugement,
Condamne la société CALYON devenue CA-CIB à payer à Monsieur [N] [B] les sommes suivantes :
- 25.000 euros à titre de rappel de bonus au titre de l'année 2008, outre 2.500 euros au titre des congés payés y afférents,
- 43.898,55 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi au titre de ses droits à Pôle Emploi,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
Condamne la société CA-CIB à payer à Monsieur [N] [B] la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité pour frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel,
Dit que les créances salariales sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de la présentation à l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation,
Dit que les créances indemnitaires sont productives d'intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Déboute les parties de leurs autres demandes plus amples ou contraires,
Condamne la société CA-CIB aux dépens.
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2 ème alinéa de l'art 450 du code de procédure civile, et signé par Madame Sylvie BOSI, Président, et par Madame Claudine AUBERT, Greffier.
LE GREFFIER LE PRESIDENT