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30/06/2016 | FRANCE | N°15/02938

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 30 juin 2016, 15/02938


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H



5e Chambre







EW



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 30 JUIN 2016



R.G. N° 15/02938



AFFAIRE :



[I] [M]

C/

SARL SECURITAS

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 13-02087





Copies exécutoires délivrées à :



SELAR

L MAUGER MESBAHI ASSOCIES



Me Valéry ABDOU



CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE



Copies certifiées conformes délivrées à :



[I] [M]



SARL SECURITAS,



EXPERTISE X3







le :

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE T...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88H

5e Chambre

EW

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 JUIN 2016

R.G. N° 15/02938

AFFAIRE :

[I] [M]

C/

SARL SECURITAS

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 12 Mai 2015 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de NANTERRE

N° RG : 13-02087

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL MAUGER MESBAHI ASSOCIES

Me Valéry ABDOU

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[I] [M]

SARL SECURITAS,

EXPERTISE X3

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE TRENTE JUIN DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [I] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Me Emmanuel MAUGER de la SELARL MAUGER MESBAHI ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0706 substituée par Me Laura GROSSET BRAUER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0706

APPELANT

****************

SARL SECURITAS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Valéry ABDOU, avocat au barreau de LYON substitué par Me Marie Anne CHABROL, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 365

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE

Contentieux Général et Technique

[Adresse 3]

représentée par M. [A] [S] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir spécial en date du 02 mai 2016

INTIMÉES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Jérémy GRAVIER,

FAITS ET PROCÉDURE,

M. [I] [M] qui travaillait pour la société Securitas SARL en qualité d'agent de sécurité qualifié, a été victime d'un accident, le dimanche 25 mars 2012.

Son employeur a établi le 26 mars 2012 une déclaration d'accident du travail dont il résulte que, d'après le salarié, il aurait eu un malaise et serait tombé en faisant sa ronde sur son lieu de travail, [Adresse 4], à 17h20.

Un voisin, M. [D], a attesté avoir vu, depuis son balcon où il se trouvait, M. [M] s'effondrer et l'avoir secouru.

La société Securitas SARL a exprimé des réserves, par lettre du 26 mars 2012, en invoquant un premier malaise survenu le matin même à 10h40 dont la victime n'aurait pas averti sa hiérarchie et le fait que son travail ne lui demandait que très peu d'efforts physiques, s'agissant uniquement d'effectuer des rondes 'à certains moments'.

Le certificat médical initial établi le 25 mars 2012, est rédigé comme suit :'Suite à un surmenage, malaise vagal et plaintes diverses multiples dermabrasion, dl au niveau :cervicale, lombosacre, coude genou droit, hanche et cheville gauche abrasion coude, genou épaule, plaie inguinale Dte'.

Une fiche d'observation a été établie par le médecin de l'Institut hospitalier Franco-britannique de Levallois, le 25 mars 2012, dans laquelle était mentionné le fait qu'il s'agit d'un 'patient hyper stress qui présente des hta et des crises d'angoisses. Vient pour malaise et perte de connaissance sans chute, ni traumatisme. Il est très stressé (dans le cadre d'un tt lourd antidépresseur)'.

La cour doit préciser dès à présent, ce qui n'est pas contesté, qu'à la suite d'un premier arrêt de travail, du 11 mai 2010 au 23 février 2012, l'intéressé avait, au moment des faits, repris le travail temps plein, malgré la préconisation d'un mi-temps thérapeutique du médecin du travail du 14 février 2012.

Le 24 août 2012, il a été informé de ce qu'il présentait un état d'invalidité réduisant des 2/3 sa capacité à travailler et justifiant son classement en catégorie 2 et le versement, à partir du 1er octobre 2012, d'une pension d'invalidité.

Par lettre du 29 janvier 2013, M. [M] a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement.

Après instruction, le caractère professionnel de cet accident n'a pas été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie par décision du 26 novembre 2012.

La commission de recours amiable de la caisse a confirmé cette décision le 3 juillet 2013.

M. [M] a formé un recours contre la décision de refus de prise en charge de la Caisse primaire d'assurance maladie de son accident au titre de la législation professionnelle et aux fins de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la société Securitas SARL.

Par jugement du 12 mai 2015, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts de Seine a dit que l'accident du 25 mars 2012 devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle mais seulement jusqu'au 26 mars 2012 au matin, après la sortie de l'intéressé de l'hôpital [Établissement 1] et que les arrêts et soins postérieurs ne devaient pas être pris en charge au titre de la législation professionnelle. En conséquence, le tribunal a constaté que la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur était sans objet.

M. [M] a relevé appel de cette décision.

Par ses conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, il demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu que l'accident dont il avait été victime devait être pris en charge au titre de la législation sur les accidents du travail, et statuant à nouveau, de :

. dire que l'accident du travail doit être pris en charge sans limitation de durée, y compris quant aux arrêts et soins postérieurs au 26 mars 2012 ;

. reconnaître l'existence de la faute inexcusable de la société Securitas SARL et dire et juger qu'elle est la cause directe et déterminante de l'accident du travail dont il a été victime le 25 mars 2012 ;

. en conséquence, ordonner la majoration au maximum de la rente d'accident du travail qui lui a été attribuée ;

. ordonner le versement par la Caisse primaire d'assurance maladie de Seine et Marne (sic) d'une provision de 5 000 euros à valoir sur le montant de son indemnisation globale ;

. pour le surplus et avant dire droit, ordonner une expertise médicale judiciaire ;

. condamner la société Securitas SARL à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ses conclusions écrites et soutenues oralement à l'audience, la société Securitas SARL demande à la cour :

. à titre principal, d'infirmer le jugement entrepris et en conséquence, de dire que l'accident de M. [M] ne doit pas être pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels tant dans les rapports juridiques CPAM/Assuré que dans les rapports juridiques CPAM/employeur ;

. à titre subsidiaire, sur la faute inexcusable, de dire et juger que l'action de M. [M] est mal fondée et par conséquent de débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes, y compris de celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

. à titre très subsidiaire, de priver la Caisse primaire d'assurance maladie de toute action récursoire à son encontre, s'agissant du remboursement des sommes mises à sa charge ;

. à titre infiniment subsidiaire, de débouter l'appelant de sa demande de provision et d'exclure du champs de l'expertise les doléances portant sur le taux de déficit fonctionnel permanent, les répercussions dans l'exercice des activités professionnelles et celles postérieures au 26 mars 2012.

Par ses observations écrites et soutenues oralement à l'audience, la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau,

- sur la prise en charge de l'accident du travail,

. à titre principal, de rejeter le recours de M. [M],

. à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise afin de déterminer si l'activité professionnelle de M. [M] a été à l'origine du malaise dont il a été victime le 25 mars 2012 ;

. à titre infiniment subsidiaire, de dire et juger que les arrêts et soins postérieurs au 26 mars 2012 ne sauraient donner lieu à prise en charge au titre de la législation professionnelle ;

- sur la faute inexcusable,

. à titre principal de déclarer irrecevable l'action de M. [M] ;

. à titre subsidiaire, de dire et juger que la caisse bénéficie de plein droit d'une action récursoire contre l'employeur.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, ainsi qu'aux pièces déposées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION,

Sur le caractère professionnel de l'accident et des arrêts de travail consécutifs

M. [M] fait valoir que l'accident du 25 mars 2012 s'est bien déroulé sur son lieu de travail, au sein de la résidence Mermoz de [Localité 1], alors qu'il était en poste depuis 7 heures du matin et qu'il effectuait sa ronde, et qu'il a été la conséquence directe de l'exécution de sa prestation de travail, en contradiction avec les préconisations émises par le médecin du travail. En outre, il considère qu'aucun élément ne permet de considérer que cet accident avait une origine étrangère au travail. Il critique le fait que le tribunal a restreint la prise en charge des conséquences de cet accident à une période déterminée, le certificat médical initial ayant bien été établi par un médecin de l'hôpital [Établissement 1] et non par un médecin de l'hôpital [Établissement 2] dont le tampon figure par erreur sur ledit certificat, et les arrêts de travail et soins postérieurs au 26 mars 2012 apparaissant en lien direct avec l'accident dont il a été victime.

La société Securitas SARL réplique qu'aucun élément ne vient corroborer une imputabilité professionnelle de l'accident, la seule survenance d'un malaise étant insuffisante pour justifier d'un accident du travail, alors que le service des urgences a confirmé que l'intéressé avait été pris en charge pour un malaise sans perte de connaissance et sans chute ni traumatisme. Elle relève que le certificat médical supporte le tampon de l'hôpital [Établissement 2], tout à fait étranger car se situant à plus de 800 km, ce sur quoi le tribunal s'est d'ailleurs interrogé. En outre, elle précise que l'avis d'arrêt de travail du 25 mars 2012 délivré par les urgences de l'hôpital [Établissement 3] ne constate pas de blessures susceptibles d'avoir été entraînées par un malaise suivi d'une chute sur le côté, mais évoque un syndrome dépressif sans faire de lien avec le travail. Elle invoque un état antérieur reconnu par l'assuré qui a indiqué à la caisse que son malaise était dû à un mauvais dosage de son médicament, ce qui explique que le médecin-conseil a lui-même exclu l'existence d'un lien de causalité entre le malaise et les conditions de travail de l'intéressé.

La Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine estime que si la matérialité des faits est établie, les conditions de travail de M. [M] n'ont joué aucun rôle dans la survenance de l'accident dont a été victime M. [M] ainsi que l'a constaté le service des urgences de l'Institut Franco-Britannique de [Localité 2] le 25 mars 2012 en évoquant un traitement lourd antidépresseur, alors qu'en outre, M. [M] a précisé le 26 avril 2012 qu'il ne se sentait pas bien depuis son réveil et qu'il a déclaré à M. [N], appartenant à la société Securitas SARL, que son malaise était dû au mauvais dosage de son médicament.

Selon les dispositions des articles L. 411-1 et R.441-2 du code de la sécurité sociale est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail.

Il en résulte une présomption d'imputabilité qui ne peut être combattue par la Caisse ou par l'employeur que par la preuve d'une cause totalement étrangère au travail et notamment par l'existence d'une pathologie préexistante évoluant pour son propre compte.

En l'espèce, la réalité du malaise dont a été victime M. [M] le 25 mars 2012 vers 17h15 n'est pas contestable. En effet, elle est rapportée de façon précise et circonstanciée par M. [D], qui n'avait aucun lien avec les parties et qui demeurait dans la résidence où l'assuré était affecté ce jour-là. Il indique avoir vu M. [M] s'effondrer et, voyant qu'il ne se bougeait plus et ne répondait pas à ses appels, il est descendu le secourir. Il l'a alors accompagné jusqu'à son bureau et a attendu qu'il appelle sa hiérarchie.

La présomption d'imputabilité de l'accident au travail est par conséquent applicable, dès lors qu'il est établi que le malaise dont a été victime M. [M],le 25 mars 2012,s'est bien produit au temps et au lieu du travail.

Pour tenter de renverser cette présomption, la Caisse produit le dossier de l'enquête qu'elle a réalisée avant de prendre sa décision.

Mais, la cour relève que la caisse n'a tiré aucune conséquence, dans le cadre de cette enquête, de la forme du certificat médical initial qui ne manque pas d'interroger : il s'agit d'un duplicata, l'original n'étant pas produit, qui mentionne notamment l'existence une plaie inguinale droite qui ne peut être la conséquence d'une chute. De plus, les mentions manuscrites du document sont tracées deux fois et ont été apposés la mention et un tampon du centre hospitalier de [Localité 3] Saint Raphael, lequel n'a aucun rapport avec l'Institut hosptialier Franco-Britannique de Levallois où l'assuré a été transporté après son malaise. Ces anomalies auraient dû conduire la Caisse à interroger le Docteur [U], supposé en être le rédacteur, ce qu'elle n'a pas fait. En outre, la fiche d'observation renseignée le 25 mars 2012 par ce médecin précise qu'il y a eu un malaise et une perte de connaissance, mais 'sans chute, ni traumatisme', ce qui est contraire aux déclarations que l'intéressé a faites le lendemain à un autre médecin du même établissement hospitalier. De même, M. [M] affirme à l'enquêteur qu'il n'a pas de traitement médicamenteux alors qu'est mentionné un traitement lourd antidépresseur dans la fiche d'observation du docteur [U] susvisée.

Force est de constater, par ailleurs, que les conclusions de l'enquêteur sont contradictoires puisque ce dernier relève dans une phrase qu'il ressort des éléments de l'enquête que l'accident s'est déroulé au temps et au lieu du travail et, dans la phrase suivante, qu'il n'apparaît pas qu'il y a eu un fait accidentel dans la journée du 25 mars 2012.

Ensuite, l'explication de son malaise qui serait la conséquence d'un mauvais dosage de son traitement donnée à un tiers par l'assuré lui-même n'est étayée par aucun élément médical fourni par l'une ou l'autre des parties, alors que la cour constate que, dans le cadre de l'enquête effectuée par la Caisse, cette explication n'a pas été fournie ni par lui, ni par quiconque. Elle ne peut donc être retenue.

Il n'est donc pas établi que le malaise dont a été victime M. [M] le 25 mars 2012 a une cause totalement étrangère au travail.

C'est donc à juste titre que le tribunal a décidé que l'accident lui-même survenu le 25 mars 2012 devait être pris en charge par la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine au titre de la législation professionnelle.

Quant aux arrêts de travail prescrits postérieurement à l'accident, la continuité de ces arrêts de travail et des soins ne permet pas d'écarter la présomption de leur imputabilité à l'accident du travail. Ni l'employeur ni la Caisse primaire d'assurance maladie ne rapportent, là encore, la preuve que ces arrêts de travail et soins étaient prescrits pour une cause totalement étrangère au malaise survenu au travail de M. [M], aucun élément médical n'étant produit quant à la pathologie dont pouvait souffrir l'intéressé avant qu'il ne reprenne le travail pour démontrer qu'il existe un litige d'ordre médical à cet égard pouvant justifier qu'une expertise soit ordonnée, ainsi que la Caisse le sollicite.

Dans ces conditions, le caractère professionnel de l'accident retenu par le tribunal sera confirmé par la cour qui estime qu'en outre, les arrêts de travail consécutifs prescrits jusqu'à la date de consolidation doivent aussi être pris en charge au titre de l'accident du travail, contrairement à ce qu'ont retenu, à tort, les premiers juges.

Sur la faute inexcusable

M. [M] plaide que la faute inexcusable de son employeur réside dans le fait que la société Securitas SARL avait planifié de le faire travailler à plein temps alors même qu'il aurait dû reprendre son travail à mi-temps thérapeutique, comme l'avait prescrit le médecin du travail. Il souligne le fait qu'il avait écrit à son employeur pour l'alerter à cet égard et que malgré tout, la société a enfreint les préconisations du médecin du travail et ne pouvait donc qu'avoir conscience du danger auquel elle l'exposait.

La société Securitas SARL réplique qu'un mi-temps thérapeutique était incompatible avec l'organisation de la prestation de surveillance et que M. [M] aurait dû se faire prescrire un nouvel arrêt de travail par son médecin traitant s'il ne pouvait tenir son poste, l'absence de sollicitation du médecin traitant, résultant de la seule initiative du salarié, ne pouvant caractériser les éléments constitutifs de la faute.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat. Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable au sens de l'article L452-1 du Code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié (la conscience étant appréciée par rapport à un employeur normalement diligent) et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants-droit d'en apporter la preuve.

M. [M] produit la fiche d'aptitude établie par le médecin du travail, le 14 février 2012, en vue de sa reprise à la suite de son arrêt de travail. Cette fiche mentionne : 'Apte à la reprise de travail, à mi-temps thérapeutique jusqu'à fin mai 2012" ainsi que ses plannings de février et mars 2012 qui démontrent qu'il travaillait à plein temps, douze heures d'affilée, alors qu'il n'est pas contesté qu'auparavant, il travaillait de nuit. Cette situation a d'ailleurs été évoquée lors d'une réunion du CHSCT du 6 avril 2012.

La société Securitas SARL qui se contente de se justifier en indiquant que le travail à temps partiel n'est pas possible dans l'activité de la sécurité, sans même expliquer le motif de cette impossibilité, ne pouvait qu'avoir conscience qu'en contrevenant délibérément aux préconisations du médecin du travail, en dépit de la lettre du 22 février 2012 par laquelle M. [M] l'avait alertée par écrit à cet égard, elle mettait en danger la santé et la sécurité de son salarié.

Il résulte enfin de l'enquête menée par la Caisse que M. [M] avait obtenu la prescription de son médecin traitant et l'accord du médecin conseil de la caisse pour le mi-temps thérapeutique préconisé par le médecin du travail.

La faute inexcusable de la société Securitas SARL dans la survenue de l'accident du travail dont a été victime M. [M] le 25 mars 2012 doit donc être reconnue et le jugement entrepris infirmé, sur ce point.

Sur l'indemnisation de l'assuré

M. [M] sollicite la majoration de la rente à son montant maximal, en application des dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale. Il convient de faire droit à cette demande dès lors qu'une rente a été attribuée à l'assuré au titre de l'incapacité permanente susceptible de résulter de cet accident du travail.

Il demande qu'une expertise médicale soit ordonnée pour évaluer ses autres préjudices liés à l'accident du travail et il réclame une provision de 5 000 euros à valoir sur son indemnisation globale qui sera fixée ultérieurement.

Il convient de faire droit à sa demande d'expertise pour évaluer ses éventuels préjudices liés directement et exclusivement à l'accident du travail, mais en l'état, en l'absence de justificatif même partiel de ces préjudices, la cour rejettera la demande de provision formée par l'appelant.

Sur l'action récursoire de la caisse

La société Securitas SARL discute subsidiairement de l'action récursoire de la caisse, invoquant l'inopposabilité à son égard de la prise en charge de l'accident du travail par la Caisse primaire d'assurance maladie dès lors que la décision de refus lui est acquise en raison de l'indépendance des rapports entre ceux de la caisse et de l'assuré et ceux de la caisse et de l'employeur.

Le recours de l'assuré contre la décision de refus de prise en charge ne remet pas en cause le caractère définitif de la décision à l'égard de l'employeur, ainsi que la société Securitas SARL le fait valoir. La prise en charge de l'accident et de ses conséquences lui est donc inopposable, sans que cela ne dispense la société Securitas SARL de devoir assumer les éventuelles conséquences indemnitaires de sa faute inexcusable.

Sur les autres demandes

La cour décide de surseoir à statuer, dans l'attente de l'examen des demandes liées à son indemnisation, sur la demande formée par M. [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, et par décision contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu le caractère professionnel de l'accident dont a été victime M. [M] le 25 mars 2012 ;

L'infirme sur le surplus ;

Et statuant à nouveau,

Dit que les arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail du 25 mars 2012 doivent être pris en charge par la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine au titre de la législation professionnelle ;

Constate que la décision de refus de prise en charge de l'accident du travail au titre de la législation professionnelle reste acquise à la société Securitas SARL et dit, par conséquent, que la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine ne peut exercer d'action récursoire à son encontre quant aux conséquences financières de la prise en charge de l'accident du travail ;

Dit que l'accident du 25 mars 2012 est dû à la faute inexcusable de la société Securitas SARL ;

Ordonne la majoration à son taux maximum de la rente éventuellement versée à M. [M] au titre de son incapacité permanente partielle ;

Déboute M. [M] de sa demande d'indemnité provisionnelle à valoir sur son indemnisation définitive ;

Avant dire droit sur les préjudices,

Ordonne une expertise médicale et désigne pour y procéder le docteur [K] [C], [Adresse 5] ;

Dit que l'expert aura pour mission :

. de prendre connaissance de l'entier dossier médical de M. [M] qui devra impérativement lui être remis au préalable par la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine ;

. de convoquer les parties et leur conseil en les informant de la faculté de se faire assister par le médecin de leur choix;

. d'examiner M. [M] ;

. de décrire les lésions et d'indiquer leur évolution, les traitements appliqués, l'état actuel de l'assuré, et dire les lésions constatées qui sont en relation directe et certaine avec l'accident et celles qui résultent exclusivement d'un état ou d'un accident antérieur ou postérieur ;

. de déterminer la durée de l'incapacité temporaire, en précisant si elle a été totale ou partielle ;

. de donner son avis sur le taux de déficit fonctionnel temporaire, avant consolidation, en faire la description et en quantifier l'importance ;

. de dire si la victime a perdu son autonomie professionnelle avant consolidation et, dans l'affirmative, dire pour quels actes de la vie quotidienne, et pendant quelle durée, l'aide d'une tierce personne à domicile a été ou est indispensable, ou si son état nécessite le placement dans une structure spécialisée en précisant les conditions d'intervention de son personnel (médecins, infirmiers, kinésithérapeutes) ;

. de préciser la nature et le coût des travaux d'aménagement nécessaire à la l'adaptation des lieux de vie de la victime à son nouvel état et du matériel approprié à son nouveau mode de vie et à son amélioration ;

. de donner son avis sur l'importance des souffrances physiques et morales endurées, les atteintes esthétiques ;

. de dire s'il y a un préjudice sexuel et dans l'affirmative, préciser la nature de l'atteinte et sa durée ;

. de dire s'il existe un préjudice d'agrément, en précisant la difficulté ou l'impossibilité de la victime de continuer à s'adonner aux sports et activités de loisirs ;

. de donner son avis sur l'existence d'un préjudice d'établissement ;

Autorise l'expert à s'adjoindre tout sapiteur de son choix dans une spécialité différente de la sienne inscrit sur la liste des experts en vue de la bonne réalisation de l'expertise, en application de l'article 278 du code de procédure civile ;

Dit que la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts de Seine devra consigner au greffe de la cour une provision de 800 euros à valoir sur les honoraires de l'expert avant le 1er septembre 2016 ;

Dit que l'expert établira un pré-rapport qui devra être communiqué aux parties, lesquelles disposeront alors d'un délai de 5 semaines pour faire connaître leurs observations ;

Qu'à l'expiration de ce délai, l'expert devra établir et déposer son rapport définitif au service des expertises de la cour dans un délai de telle sorte qu'il ne se soit pas écoulé plus de 5 mois depuis l'acceptation de sa mission et le notifier à chaque partie;

Dit que le contrôle de la mesure d'expertise sera assuré par Madame Watrelot ;

Dit que le 15 décembre 2016, il sera vérifié par le magistrat chargé du contrôle que le rapport d'expertise a été déposé;

Surseoit à statuer sur la demande formée par M. [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Renvoie l'affaire à l'audience du lundi 24 avril 2017 à 9 heures pour être plaidée sur les éventuelles demandes indemnitaires ;

Rappelle que la présente procédure est exempte de dépens ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 15/02938
Date de la décision : 30/06/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°15/02938 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-30;15.02938 ?
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