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28/06/2016 | FRANCE | N°15/02219

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 28 juin 2016, 15/02219


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 28 JUIN 2016



R.G. N° 15/02219



AFFAIRE :



[K] [M]



C/



[F] [P]







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Avril 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

Section : Commerce

N° RG : F 12/02026





Copies exécutoires délivrées à

:



Me Lucette DINGLOR



Me Véronique BESSON





Copies certifiées conformes délivrées à :



[K] [M]



[F] [P]



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a re...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 28 JUIN 2016

R.G. N° 15/02219

AFFAIRE :

[K] [M]

C/

[F] [P]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Avril 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne-Billancourt

Section : Commerce

N° RG : F 12/02026

Copies exécutoires délivrées à :

Me Lucette DINGLOR

Me Véronique BESSON

Copies certifiées conformes délivrées à :

[K] [M]

[F] [P]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant fixé au 21 juin 2016 puis prorogé au 28 juin 2016, les parties en ayant été avisées,

dans l'affaire entre :

Monsieur [K] [M]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparant

Assisté de Me Philippe AUVRAY, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Lucette DINGLOR, avocat au barreau de NANTERRE

APPELANT

****************

Monsieur [F] [P]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Gwenaëlle LE GOFF, avocat au barreau de PARIS, substituant Me Véronique BESSON, avocat au même barreau

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie FETIZON, conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

FAITS ET PROCÉDURE

Le 15 janvier 1999, M. [M] a été engagé par M. [P] exploitant de l'enseigne 'La retoucherie de Boulogne' en contrat à durée indéterminée à temps partiel de 84,50 heures en qualité de couturier moyennant un salaire de 794,30 euros.

M. [P] exploitait aussi un restaurant mitoyen de la retoucherie.

Un conflit entre les parties est apparu en 2013 au sujet du nombre d'heures travaillées et de l'hygiène du local.

Une main courante a été déposée par M. [M] le 24 octobre 2012 auprès du commissariat de police de [Localité 1] au sujet de menaces et d'insultes qui auraient été proférées contre lui par son employeur.

Puis, M. [M] a saisi le conseil de prudhommes de Boulogne-Billancourt le 13 décembre 2012 aux fin notamment de paiement d'heures supplémentairement, de rappel de salaire et de travail dissimulé.

Entretemps, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts exclusifs de son employeur par une lettre datée du 17 juillet 2013.

Le CPH de Boulogne-Billancourt a rendu un jugement le 15 avril 2015 qui a notamment :

- qualifié la rupture du contrat de travail comme abusive

- fixé le salaire de M. [M] à 1425,69 euros

- condamné M. [F] [P] à verser à M. [M] les sommes de :

* 3500 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive

* 2851,38 euros à titre de l'indemnité de préavis et les congés payés afférents

* 2916,66 euros au titre de l'indemnité de licenciement

* 895 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [K] [M] a interjeté appel de cette décision.

Il demande :

- la confirmation en ce qui concerne la qualification de la rupture du contrat de travail comme abusive mais sollicite différentes sommes :

* 37 883,40 euros à titre de rappel de salaires de 2008 à 2012

* 20 985,25 euros au titre des heures supplémentaires effectuées et non payées de 2008 à 2012

* 2383 euros au titre de rappel de salaires de janvier à mars 2013

* 70 000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice subi du fait de la privation de ses droits à la retraite

* 15 000 euros au titre de la réparation du préjudice moral subi

- de dire que la prise d'acte de la rupture a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- de condamner ainsi M. [P] à lui verser les sommes à ce titre de :

* 2860,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés pays afférents

* 4862 euros au titre de l'indemnité de licenciement

* 17 163 euros au titre du licenciement dénué de cause réelle et sérieuse

* 8581,50 euros au titre du travail dissimulé

* 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [P] conclut à la confirmation du jugement attaqué sauf en ce qu'il a qualifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de licenciement abusif et au débouté de toutes ses demandes de M. [M].

Vu les conclusions régulièrement signifiées entre les parties,

Vu l'audience du 8 avril 2016,

Vu l'article 455 du code de procédure civile,

SUR CE

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 17 juillet 2013, M. [M] a pris acte de la rupture de son contrat de travail le liant avec M. [P] aux motifs suivants :

- contrat, fiches de paie et salaires à temps partiel alors qu'il a toujours été en réalité à temps complet

- défaut de déclaration du temps complet effectué et défaut de cotisation pour la retraite qui ne sera que de 158,20 euros par mois

- non déclaration et non paiement des heures supplémentaires

- insalubrité des locaux dans lesquels il travaille, humides, sales et sans toilettes pendant de nombreuses années puis des toilettes non conformes aux normes d'hygiène et de sécurité

- harcèlement moral intensifié depuis qu'il a saisi le conseil de prud'hommes pour obtenir le paiement des heures supplémentaires

- injures et menaces quotidiennes, de «'se faire casser la gueule'» et intimidations de toute part

a) Sur le harcèlement moral

M. [M] soutient avoir été victime de harcèlement moral de la part de M. [P] et aussi d'injures et menaces. Il reproche en outre à son employeur d'avoir embauché un salarié en 2012 qui n'avait d'autre fonction que de le surveiller.

M. [P] soutient que l'embauche ponctuelle d'un tiers avait pour but de vérifier les entrées comptables dans la boutique et qu'il n'a jamais ni menacé ni insulté son salarié.

L'article L 1152.1 du code du travail dispose que «'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel'».

Lorsque survient un litige relatif à l'application des dispositions précitées, le salarié, conformément aux dispositions de l'article L 1154-1 du même code, établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par les éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il résulte de l'article 1152-1 précité que le harcèlement moral est constitué, indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements répétés ayant pour effet de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Les qualités professionnelles de M. [M] ne sont pas remises en question.

Le dépôt de main courante allégué du 24 octobre 2012 n'a débouché sur aucune poursuite de la part du Procureur de la République et ne donne aucun détail sur les propos qui lui auraient été tenus. Aucun élément ne vient caractériser et justifier les insultes et plaintes dont se prévaut M. [M].

Il est constant que M. [B] [Q] a été embauché par M. [P] depuis le 2 avril 2013 et ce, de façon ponctuelle, afin que ce dernier vérifie l'encaissement des retouches au sein de la boutique. M. [M] produit des photos qui ne sont pas probantes en l'absence de date et de l'indication des personnes figurant sur les photos.

Cependant, le conseil de l'employeur reconnaît avoir embauché M. [Q] aux fins de contrôler le travail de M. [M] et d'encaisser les sommes dues, en raison d'un doute sur la réalité des encaissements opérés.

Il est certain que cette façon de procéder au sein d'une petite boutique où la promiscuité a été imposée, a été vécue comme dénigrant et portant atteinte à la dignité de M. [M] et à juste titre alors que le conflit larvé n'a pas pu se régler correctement entre les deux contractants ; en outre, l'embauche de ce vigile, qui a démontré la suspicion de la part de l'employeur, s'est prolongée dans le temps. Ce dernier explique qu'il a prévenu son salarié par lettre recommandée le 10 novembre 2012 du fait qu'il était étonné de la faiblesse du chiffre d'affaires de 2010 et 2011, « toutes les recettes de la retoucherie n'étant pas inscrites en comptabilité'».

Ce seul fait constitue le fait de harcèlement moral.

De ce fait, ce seul motif justifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail.

Par ailleurs, l'insalubrité des locaux est avérée ; ainsi, si l'absence de toilettes n'est pas prouvée pendant la période visée par le salarié, l'existence de toilettes en mauvais état et très sales y compris la peinture du local et l'électricité déficiente est avéré sans que les photos produites ne soient contestées par l'employeur lequel ne justifie pas, de son côté, avoir fait les travaux de salubrité minimum au sein de la boutique et d'avoir entretenu le local, outil de travail de M. [M].

Au regard de ces éléments, la prise d'acte de la rupture est bien fondée et ce, aux torts exclusifs de l'employeur et entraine les effets d'un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

Au vu des pièces versées, la cour estime disposer d'éléments suffisants pour fixer l'indemnité à ce titre, outre l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de licenciement exactement fixées par les premiers juges à la somme de 9000 euros, le salarié ne justifie pas d'un préjudice lui permettant d'obtenir une indemnisation supérieure aux 6 mois de salaires.

Une somme de 2000 euros est allouée en outre au salarié au titre du préjudice subi par M. [M] au titre du préjudice distinct subi du fait du harcèlement moral avéré.

b) Sur les heures supplémentaires

M. [M] prétend avoir travaillé 42h30 par semaine et réclame à ce titre la somme de 20 985,25 euros.

M. [P] rejette cette demande comme infondée et non justifiée pat les attestations produites, faisant remarquer que le salarié ne s'est pas plaint pendant plus de 13 ans depuis son embauche et qu'il ne travaillait pas à temps plein car il se réservait du temps pour ses propres clients.

Il est cependant constant que M. [M] habite dans le [Localité 2] et travaille à [Localité 1]. Pour justifier un emploi à temps plein, M. [M] produit une pétition fournie ainsi que des attestations. Cependant, l'objet de la pétition : «' insalubrité des locaux, conditions déplorables à plus de 10 heures par jour, pas de sanitaires ni de luminosité'» ne permet d'établir la réalité des horaires invoqués par M. [M]. En outre, les attestations produites émanent, pour la plupart, de personnes vivant loin de [Localité 1] qui n'ont pu vérifier les 10 heures journalières prétendues effectuées par M. [M]. Par ailleurs, l'employeur ne produit pas de son côté, les horaires d'ouverture et de fermeture de la boutique afin de connaître la réalité et l'amplitude des horaires faits.

La cour estime ne pas avoir les éléments suffisants pour affirmer sans aucun doute que M. [M] a travaillé plus que les horaires indiqués dans son contrat de travail à temps partiel. En effet, plusieurs personnes attestent de l'ouverture de la boutique le samedi et 'tard le soir' sans autre précision ; un avenant au contrat de travail a été proposé au salarié après que ce dernier ait saisi le conseil de prudhommes daté du 1er avril 2013 faisant passer son contrat à temps plein avec des horaires de mardi de 10h à 12h et de 13h à 18h et du mercredi au samedi de 9h30 à 12h et de 13h à 18h30 sans que la cour ne connaisse par aucune des parties les horaires précis d'ouverture et de fermeture de la boutique. Les seuls documents produits n'étayent pas dans ces conditions la demande qui sera dès lors rejetée.

c) Sur le rappel de salaires

M. [M] sollicite la somme de 37 883,40 euros pour la période de 2008 à 2012 au titre de rappel de salaires. L'employeur réfute ce chef de demande, soutenant que les attestations produites ne sont pas probantes, les attestants ne pouvant être présents du matin au soir devant la boutique.

Il est constant que M. [M] ne justifie pas de son refus de signer l'avenant en 2013 lui permettant de bénéficier d'un contrat de travail à temps plein.

Par ailleurs, l'employeur ne fournit pas les horaires d'ouverture ni de fermeture de la boutique.

Cependant, les éléments produits permettent d'affirmer que le salarié a travaillé à temps plein dans la boutique puisque l'employeur produit un avenant proposé en ce sens et alors même qu'il se plaint de la baisse du chiffre d'affaires pour les années 2010 et 2011. Cette contradiction assortie des attestations fournies amène la cour a donné droit à la demande portant sur le rappel de salaires sollicité pour les années considérées.

La cour estime disposer d'éléments suffisants pour chiffrer le rappel de salaires à la somme demandée représentant 35 heures hebdomadaires de travail soit 37 883,40 euros dans la limite de la prescription quinquennale de 2008 à 2012 inclus outre la somme de 2383 euros au titre du rappel de salaires pour la période comprise entre le mois de janvier à mars 2013 inclus.

Sur le travail dissimulé

Vu l'article L8221-1° et suivants du code du travail,

Il ressort des éléments du dossier que le salarié a effectué un temps plein mais sans avoir été payé à hauteur de cette durée légale de travail. L'employeur s'étant soustrait à cette déclaration légale en ayant dissimulé cette activité d'activité à temps plein en toute connaissance de cause, il est fait droit à ce chef de demande à hauteur de la somme sollicitée par le salarié.

Sur le préjudice subi de la privation des droits à la retraite

Certes, M. [M] prétend qu'il ne bénéficiera pas d'une retraite à taux plein en raison du libellé de son contrat de travail. Cependant, le préjudice subi n'est pas avéré, aucun élément n'étant produit à cette fin ; une simple affirmation de préjudice n'est pas suffisante pour le qualifier et en justifier tant le principe que le montant. Ce chef de demande est rejeté.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

La somme de 1500 euros est allouée à M. [M].

Sur les dépens

La partie qui succombe doit supporter les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition et en dernier ressort,

Confirme le jugement en ce que le conseil de prudhommes a alloué à M. [M] une somme à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive ;

Statuant de nouveau ;

Condamne M. [P] à verser à M. [M] la somme de 2000 euros au titre du harcèlement moral subi ainsi que la somme de 37 883,40 euros au titre de rappel de salaires de 2008 à 2012 inclus et 2 383 euros au titre des rappels de salaires de janvier à mars 2013 ainsi que la somme de 9000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, 8581,50 euros au titre du travail dissimulé et 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette les autres demandes ;

Laisse les entiers dépens éventuels à la charge de M. [P].

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/02219
Date de la décision : 28/06/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/02219 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-28;15.02219 ?
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