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23/06/2016 | FRANCE | N°14/04749

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 23 juin 2016, 14/04749


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



17e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 23 JUIN 2016



R.G. N° 14/04749



AFFAIRE :



[Q] [B]



C/



SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 13/01846





Copies exÃ

©cutoires délivrées à :



la SELARL FEUILLEBOIS HENROT ASSOCIES

la SCP FRANCIS LEFEBVRE





Copies certifiées conformes délivrées à :



[Q] [B]



SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VIN...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 JUIN 2016

R.G. N° 14/04749

AFFAIRE :

[Q] [B]

C/

SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 13/01846

Copies exécutoires délivrées à :

la SELARL FEUILLEBOIS HENROT ASSOCIES

la SCP FRANCIS LEFEBVRE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[Q] [B]

SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS JUIN DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [Q] [B]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Comparant en personne, assisté de Me Florence FEUILLEBOIS de la SELARL FEUILLEBOIS HENROT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : E0463)

APPELANT

****************

SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-Laure TREDAN de la SCP FRANCIS LEFEBVRE, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, (vestiaire : PN701)

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 mai 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Martine FOREST-HORNECKER, Président,

Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller,

Madame Juliette LANÇON, Vice-président placé,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN,

Par jugement du 17 octobre 2014, le conseil de prud'hommes de Nanterre (section Encadrement) a :

- dit qu'une proposition de reclassement écrite et détaillée avait été émise par la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE et que Monsieur [Q] [B] l'avait refusée,

- dit que le licenciement économique de Monsieur [B] présentait une cause réelle et sérieuse,

- débouté Monsieur [B] de l'intégralité de ses demandes,

- dit n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile,

- débouté la défenderesse de sa demande reconventionnelle,

- condamné la partie succombante aux dépens.

Par déclaration d'appel adressée au greffe le 30 octobre 2014 et par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, Monsieur [Q] [B] demande à la cour, infirmant le jugement, de :

- juger son licenciement abusif,

- condamner la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE à lui payer les sommes suivantes :

. 275 238 euros, soit 18 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail,

. 42 000 euros au titre du LTIP 2012 et 24 500 euros au titre du LTIP 2013, à titre de rappel de bonus sur le fondement des articles 6-2 et 6-3 du contrat de travail et 1134 du code civil,

. 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner le report du point de départ des intérêts à la date de la mise en demeure soit au 7 juin 2013 sur le fondement de l'article 1153-1 du code civil,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du code civil,

- ordonner l'affichage de la décision à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard, l'affichage devant être assuré pendant un mois,

- condamner la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE demande à la cour de :

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- débouter Monsieur [B] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Monsieur [B] aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA COUR,

qui se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties à leurs écritures et à la décision déférée,

Considérant que Monsieur [Q] [B] a été engagé par la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE, en qualité de ' Retail Operations Director ', directeur des opérations Distribution Europe, par contrat de travail à durée indéterminée du 9 février 2011, à effet au 1er mars 2011, qui prévoyait le versement à l'issue de la période d'essai une rémunération annuelle brute d'un montant de 140 000 euros, d'un bonus annuel et l'attribution d'actions dans le cadre d'un ' Long Terme Incentive Plan ' ;

Qu'au mois de septembre 2012, la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE a engagé une procédure d'information/consultation relative à un projet de réorganisation et de licenciement collectif pour motif économique ;

Qu'un plan de sauvegarde de l'emploi a été mis en oeuvre ;

Que Monsieur [B] a été licencié pour motif économique par lettre du 8 février 2013 ainsi libellée :

' (...)

Les motifs de cette mesure résident dans la nécessité, pour AVIVA, de sauvegarder sa compétitivité et dans la suppression corrélative du poste de Directeur de Support Commercial

que vous occupez.

En effet, AVIVA doit faire face, depuis 2009, à une dégradation significative de sa solvabilité

qui est aujourd'hui devenue inférieure à la solvabilité moyenne de ses principaux concurrents.

Avec une solvabilité à fin 2011 de 130%, AVIVA présente une solvabilité inférieure à celle de

ses pairs. En particulier, à cette date, la solvabilité de Prudential était de 275%, celle d'AXA de

188% et celle d'Allianz de 179%.

L'évolution de la solvabilité depuis 2008 montre que le positionnement d'AVIVA par rapport à ses pairs en terme de solvabilité s'est dégradé au cours des dernières années.

En outre, cet indicateur apparaît, pour notre Groupe, particulièrement volatile par rapport à celui de ses concurrents.

Or, le positionnement de cet indicateur, qui témoigne de la solidité financière d'un assureur, contribue à la dégradation de la compétitivité de notre Groupe en entravant notamment sa capacité à saisir des opportunités de croissance externe, très consommatrices de capital, en limitant sa capacité à lancer de nouveaux produits ou encore en diminuant considérablement sa latitude d'action sur les prix.

En outre, une telle situation affaiblit l'attractivité d'AVIVA pour les grands partenaires et les clients avertis. Enfin, cette difficulté ne sera qu'accentuée par le renforcement de l'encadrement règlementaire (Solvabilité II) qui aura pour effet d'augmenter le capital requis des assureurs sur les principaux marchés D'AVIVA.

Afin d'améliorer la solvabilité et donc de restaurer la compétitivité d'AVIVA, un programme de

cessions a été engagé, dans la continuité des cessions réalisées depuis 2010.

L'impact de ces cessions est une diminution conséquente du nombre de pays servis par la structure régionale Europe.

En conséquence, l'existence d'un certain nombre de fonctions à l'échelon européen n'apparaît plus adaptée à l'organisation du Groupe.

C'est dans ce contexte que des projets de restructuration des entités de la région Europe et donc

d'AVIVA EUROPE SERVICES France (AESF) ont été élaborées et que la décision a été prise, à l'issue de la procédure d'information-consultation précitée, de supprimer le poste de Directeur

de Support Commercial que vous occupez.

Par lettre en date du 23 janvier 2013, nous vous avons proposé, à titre de reclassement, le poste de Responsable d'Opérations Marketing Direct au sein de la société GIE d'AVIVA France.

Par lettre en date du 5 février 2013, vous nous avez fait part de votre refus.

Aucune autre solution de reclassement n'ayant pu être identifiée, nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique. (...) ' ;

Considérant, sur la rupture, qu'aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer le ou les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement ;

Que s'agissant d'un licenciement pour motif économique, il doit en conséquence énoncer la cause économique du licenciement et ses conséquences sur l'emploi du salarié concerné ;

Que dès lors que la lettre de licenciement mentionne expressément la suppression du poste de Directeur Support Commercial occupé par Monsieur [B], quand bien même le contrat de travail désigne le poste de Monsieur [B] comme étant un poste de directeur des opérations Distribution Europe, celle-ci est suffisamment motivée ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou à défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient ;

Que lorsque l'employeur s'est engagé dans le plan de sauvegarde à présenter aux salariés avant la notification du licenciement un certain nombre d'offres valables d'emploi, le non-respect de cet engagement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ;

Que le plan de sauvegarde de l'emploi stipulait que la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE s'engageait à ce que le cabinet désigné pour assurer le reclassement propose une solution identifiée ou trois offres valables d'emploi pour chaque collaborateur adhérant au dispositif d'aide au reclassement, pouvant prendre la forme d'un contrat de travail à durée indéterminée, à durée déterminée ou de travail temporaire de pré embauche d'au moins six mois ;

Qu'il précisait que dans tous les cas, une offre était considérée comme valable à condition que la rémunération ne soit pas inférieure à 75 % du salaire mensuel brut hors variable ;

Que le poste de responsable d'opérations Marketing Direct proposé à Monsieur [B] le 23 janvier 2013 prévoyait une rémunération mensuelle brute annuelle d'un montant de 60 000 euros, soit moins de 50 % de sa rémunération antérieure ; que, quand bien même la diminution de sa rémunération était progressive puisque sa rémunération était maintenue à 140 000 euros pendant les trois premiers mois, puis à 100 000 euros les trois mois suivants, il ne peut qu'être constaté que cette unique offre n'était pas valable ;

Qu'il convient, infirmant le jugement, de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

Considérant, sur les dommages et intérêts pour rupture abusive, que Monsieur [B] qui, à la date du licenciement, comptait moins de deux ans d'ancienneté a droit, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail, à une indemnité correspondant au préjudice subi ;

Que compte-tenu de son âge au moment du licenciement, 48 ans, de son ancienneté de 23 mois dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, de ce qu'il établit avoir bénéficié d'une proposition d'engagement de la part de la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE le 22 décembre 2010 alors qu'il était salarié de la SAS EULER HERMES SERVICES depuis 14 ans, mais aussi de ce qu'il a retrouvé un emploi à [Localité 3] dès le 1er juin 2013 et depuis le 5 octobre 2015 occupe un emploi d'Executive Manager au sein de la société ATRADIUS pour une rémunération brute fixe d'un montant de 145 000 euros et une rémunération variable, il lui sera alloué de ce chef la somme de 70 000 euros ;

Considérant, sur le rappel de LTIP, que l'article 6-3 du contrat de travail prévoit que Monsieur [B] ' sera également éligible, sur décision du Président du Groupe AVIVA au ' Long Term Incentive Plan ' d'AVIVA plc. A titre d'information, cela pourrait lui permettre à ce jour, selon ses performances et celles du Groupe AVIAVA plc, de bénéficier d'un nombre d'actions dont l'attribution moyenne au niveau Senior Management de niveau 3, s'élève à 30% de la rémunération brute. ' ;

Que le document interne ' Plan de prime annuelle et Régime incitatif à long terme ' prévoit que les primes LTIP sont attribuées sur une base discrétionnaire, en fonction du poste et des recommandations du président directeur général et/ou du dirigeant fonctionnel régional ; qu'il précise que les membres du personnel dont les performances sont qualifiées d'insuffisantes ne sont pas admissibles pour recevoir une prime LTIP ;

Que dès lors que la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE, se bornant à alléguer l'absence de décision positive du président, ni ne se prévaut ni n'établit l'insuffisance des performances de Monsieur [B], il convient, infirmant le jugement, d'allouer à Monsieur [B] le montant de l'attribution moyenne s'élevant à 30% de sa rémunération brute, soit la somme de 42 000 euros au titre de l'année 2012 et de 24 500 euros au titre de l'année 2013 ;

Considérant, sur l'affichage, qu'en l'absence de disposition prévoyant cette mesure Monsieur [B] sera débouté de sa demande de ce chef ;

Considérant qu'il est inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [B] les frais par lui exposés non compris dans les dépens à hauteur de 3 000 euros ; que la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE sera déboutée de sa demande de ce chef ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement,

Et statuant à nouveau,

Dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE à payer à Monsieur [Q] [B] les sommes suivantes :

. 70 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

. 42 000 euros au titre du LTIP 2012 ,

. 24 500 euros au titre du LTIP 2013,

ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par l'employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation, soit le 24 juin 2013,

Dit que les intérêts échus des capitaux porteront eux- mêmes intérêts au taux légal dès lors qu'ils seront dus pour une année entière,

Confirme pour le surplus le jugement,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,

Condamne la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE à payer à Monsieur [B] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA AVIVA EUROPE SERVICES FRANCE aux entiers dépens.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Martine FOREST-HORNECKER, président et Madame Amélie LESTRADE, greffier.

Le GREFFIER Le PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 14/04749
Date de la décision : 23/06/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°14/04749 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-23;14.04749 ?
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