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21/06/2016 | FRANCE | N°15/03161

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 21 juin 2016, 15/03161


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 83E



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 21 JUIN 2016



R.G. N° 15/03161



AFFAIRE :



[U] [I]



C/



OFFICE NATIONAL D'ETUDES ET DE RECHERCHES AEROSPATIALES (ONERA)





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 13/00913

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Copies exécutoires délivrées à :



[U] [I]



Me Claire LAVERGNE



Copies certifiées conformes délivrées à :



OFFICE NATIONAL D'ETUDES ET DE RECHERCHES AEROSPATIALES (ONERA)



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 83E

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 21 JUIN 2016

R.G. N° 15/03161

AFFAIRE :

[U] [I]

C/

OFFICE NATIONAL D'ETUDES ET DE RECHERCHES AEROSPATIALES (ONERA)

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Juin 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 13/00913

Copies exécutoires délivrées à :

[U] [I]

Me Claire LAVERGNE

Copies certifiées conformes délivrées à :

OFFICE NATIONAL D'ETUDES ET DE RECHERCHES AEROSPATIALES (ONERA)

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [U] [I]

[Adresse 1]

Bâtiment A

[Localité 1]

Comparant en personne

APPELANT

****************

OFFICE NATIONAL D'ETUDES ET DE RECHERCHES AEROSPATIALES (ONERA)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 2]

Comparante en la personne de Mme Nathalie MINTHE, juriste de droit social, en vertu d'un pouvoir de M. Bruno SAINJON, président, en date du 11 avril 2016

Assistée de Me Claire LAVERGNE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 12 Avril 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

EXPOSE DU LITIGE

L'ONERA est un établissement public à caractère industriel et commercial, scientifique et technique, dont la mission est de développer et d' orienter les recherches dans le domaine aérospatial.

Le 27 mars 1995 M. [I], ingénieur diplômé de l'ENSAM et d'un BTS de l'Institut [Établissement 1], était embauché par l'ONERA selon un contrat à durée indéterminée, en qualité d'ingénieur en propriété intellectuelle au sein de la direction des affaires économiques et financières (AEF), position 3A indice 135.

Du 1er juillet 1996 au 31 décembre 1997 il occupait les fonctions d'ingénieur brevets à la direction des affaires juridiques (DAJ), puis il était cadre administratif au sein de la direction des affaires internationales (DAI) de

janvier 1998 au 31 janvier 2011.

A compter du 1er février 2011 et jusqu'au 30 septembre 2013, il était cadre au service juridique au sein de la direction AEF, et se trouve maintenu depuis le 1er octobre 2013 dans ce même service mais sans attributions juridiques.

Le 7 novembre 2012 la directrice des ressources humaines de l'ONERA convoquait par lettre recommandée M. [I] à un entretien préalable en vue d'une éventuelle sanction disciplinaire, voire d'un licenciement, pour ne pas avoir respecté l'accord de confidentialité du 12 décembre 2011 encadrant les relations entre la société LE SWATCH groupe recherche et développement et l'ONERA ; cette lettre ayant été présentée le 13 novembre mais non réceptionnée par M. [I], l'ONERA lui remettait une nouvelle convocation, en main propre, le 15 novembre, pour un entretien le 22 novembre pendant lequel M. [I] était assisté par une déléguée syndicale Mme [S].

A l'issue de cet entretien, l'ONERA l'informait de sa faculté de saisir la commission consultative paritaire, commission interne compétente en matière disciplinaire, ce que M. [I] refusait de faire.

Entre-temps, le 13 novembre M. [I] se présentait comme candidat CFE CGC suppléant aux élections du comité d'entreprise, où il était élu le 13 décembre 2012.

La découverte de nouveaux faits similaires concernant les relations de M. [I] avec la société SKY WIND POWER conduisait l'ONERA à convoquer à nouveau l'intéressé par lettre du 14 décembre 2012 pour un nouvel entretien préalable le 11 janvier 2013, pendant lequel M. [I] était encore assisté par la même déléguée syndicale.

Par lettre du 8 février 2013, l'ONERA prononçait la mise à pied de M. [I] pour 10 jours, sanction disciplinaire qui lui était annoncée oralement le 11 février par la déléguée syndicale.

Du 11 au 15 février 2013 M. [I] se trouvait en arrêt- maladie, puis effectuait sa mise à pied du 14 au 27 février, reprenant son travail le 28 février.

Une réunion était organisée le 5 mars 2013 entre la direction des ressources humaines et la déléguée syndicale, laquelle demandait que M. [I] ne soit plus sous la subordination de M. [T].

Après un nouvel arrêt de travail, du 20 mars au 20 mai 2013, et une visite de reprise le 23 mai 2013, M. [I] était déclaré inapte temporairement ; le 2 juillet 2013 le médecin du travail le déclarait à nouveau apte.

Le 4 juillet M. [H], son nouveau supérieur hiérarchique, recevait M. [I] pour l'informer qu'il ne ferait plus un travail juridique et lui assignait deux tâches : mise au point de fiches de domanialité, élaboration d'une démarche qualité AEF.

Le 3 mai 2013, M. [I] saisissait le conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT, lequel, par jugement du 25 juin 2015, dont M. [I] a interjeté appel, le déboutait de toutes ses demandes, tant en annulation de sa mise à pied qu'en réintégration dans ses anciennes fonctions juridiques, en rappels de salaire pour des augmentations non obtenues et en dommages et intérêts pour discrimination syndicale.

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 12 avril 2016, auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit :

M. [I] forme les mêmes demandes qu'en première instance, sollicitant l'infirmation du jugement, l'annulation de sa mise à pied et la condamnation de l'ONERA à lui payer, les sommes suivantes :

- 2360,97 € à titre de rappels de salaire au titre de sa mise à pied du 14 au 27 février 2013, outre celle de 236,09 € au titre des congés payés afférents,

- 8000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et rétorsion à l'exercice syndical.

Il demande aussi sa réintégration dans ses anciennes fonctions juridiques sous astreinte de 1000 € par jour de retard, ainsi qu'une augmentation de salaire annuelle, de 1,76 % ou subsidiairement de 0,9 %, avec effet rétroactif au 1er janvier 2013

L'ONERA, conclut au débouté de M. [I] en toutes ses demandes, sollicitant la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l'annulation de la mise à pied

M. [I] sollicite l'annulation de cette sanction, en raison de la prescription des seconds faits reprochés en décembre 2012 et de l'absence de fondement des deux faits.

Les deux griefs reprochés à M. [I] sont similaires et se sont déroulés, l'un le 3 octobre 2012 concernant la société SWATCH, l'autre entre le 14 février et le 8 octobre 2012 concernant la société SKY WIND POWER, ce dernier ayant été porté à la connaissance de l'ONERA le 13 décembre 2012.

L'ONERA lui reproche d'avoir outrepassé ses prérogatives, en se substituant aux ingénieurs en charge de la prospection des clients, violant ainsi les accords de confidentialité (Non Disclosure Agreement ou NDA), dans un but personnel, en se servant d'un accès privilégié à la base de données confidentielle contenant tous les accords NDA.

M. [I] était en 2011/2012 sous la subordination directe de M. [T], chef de service des affaires juridiques (AEF/J) son N+1, et de M. [H] directeur des affaires économiques et financières (AEF) - son N+2.

Cette direction était en lien régulier avec la direction commerciale développement Innovation Industrielle (DCV/2I), dont M. [J] était le directeur, avec sous ses ordres M. [G], chef de service du Service Protection et Gestion de la Propriété Intellectuelle.

Dans le cadre de ses missions, M. [I] avait notamment en charge la formalisation des accords de confidentialité entre l'ONERA et les entreprises privées pouvant valoriser les brevets des ingénieurs- chercheurs de l'ONERA.

Ces accords, qui sont contenus dans la«'contrathèque'», définissent précisément les personnes interlocutrices habilitées, tant du côté de l'ONERA que des entreprises clientes.

Le code de la propriété intellectuel (CPI) impose au salarié d'informer son employeur de ses idées qui peuvent donner lieu au dépôt d'un brevet à l'INPI au nom de l'employeur.

L 611-7 du CPI précise que :

* "les inventions faites par un salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur; les conditions dans lesquelles le salarié, auteur d'une telle invention, bénéficie d'une rémunération supplémentaire sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail.

* Toutes les autres inventions appartiennent au salarié; toutefois, lorsqu'une invention est faite par le salarié soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle, l'employeur a le droit, dans des conditions et délais fixés par décret en Conseil d'Etat, de se faire attribuer la propriété ou la jouissance de tout ou partie des droits attachés au brevet protégeant l'invention de son salarié.

Le salarié doit en obtenir le juste prix qui, à défaut d'accord entre les parties, est fixé par la commission de conciliation ...".

L'article R 611-10 du même code dispose que le salarié et l'employeur s'abstiennent de toute divulgation de l'invention tant qu'une divergence subsiste sur son classement ou tant qu'il n'a pas été statué dessus.

L'enveloppe SOLEAU est destinée à constituer une preuve de création, donnant date certaine à l'idée ou au projet d'un auteur, tout en minimisant les risques de divulgation, sans être un titre de propriété comme l'est un brevet.

Sur les échanges avec la société SWATCH

L'accord de confidentialité du 12 décembre 2011 encadrant les relations entre la société SWATCH groupe recherche et développement et l'ONERA, indiquait que la seule personne habilitée était M. [V] (responsable transfert technologie) - pour l'ONERA et M. [B], [R] et [P] pour la société SWATCH.

L'article 7 précise que seules ces personnes peuvent échanger des 'informations confidentielles pouvant intervenir au titre de l'application ou la coordination du présent accord.

C'est M. [I] lui-même qui a été chargé de la formalisation de cet accord, qu'il connaissait donc parfaitement.

Or, par un courriel du 3 octobre 2012 (pièce 19 de l'ONERA), il écrit un courriel à M. [B] de la société SWATCH, lui exposant une proposition de fabrication de boitiers en titane, précisant : «'... Je pense que vous vous rappelez de ce concept antivol que je vous avais déjà évoqué dans les conversations que nous avons eues en décembre dernier. Si le groupe SWATCH désire déposer un brevet dans ce sens, j'en suis l'inventeur. Je suis à votre disposition pour en parler. Le présent courriel forme bien entendu une information confidentielle dans le sens de l'accord de confidentialité du 12 décembre 2011 ».

M. [I] soutient qu'au regard de ses compétences en horlogerie, il a contacté la société SWATCH aux fins de valoriser le primo - brevet de l'ONERA sur les micro-billes en titane et qu'il n'a rien révélé d'important à la société SWATCH ; or, il ne rentre pas dans ses attributions de négocier avec les clients, ce qui est le rôle des ingénieurs d'affaires, ni d'être le point de contact avec ce client, n'étant pas la personne référente (qui est M. [V]) dans les relations avec cette société; en outre, M. [I] a pris cette "initiative commerciale " - terme qu'il emploie dans ses conclusions en page 17 - sans en parler préalablement à ses supérieurs hiérarchiques ou à M. [V].

En fin du courriel de M. [I] du 3 octobre 2012, le nom de M. [H] directeur des affaires économiques et financières-est indiqué sous celui de M. [I], et ce courriel est mis en copie à M. [V] et M. [H], ce qui peut laisser supposer que ces deux derniers sont déjà informés de la proposition faite par M. [I].

Pourtant, d'une part M. [I] n'est pas la personne habilitée contractuellement à échanger avec la société SWATCH, et d'autre part M. [I] n'en avait pas préalablement informé M. [V] et M. [H].

C'est ainsi que ce dernier a été surpris de ce courriel lu en premier par M. [J] qui l'en a informé le soir- même du 3 octobre 2012 à 23h34.

M. [G], responsable du service de la propriété intellectuelle à l'ONERA, envoie le lendemain le courriel suivant à M. [J] : «'[U] est hors des clous ... le salarié auteur de l'invention en fait immédiatement la déclaration à son employeur ... le salarié et l'employeur s'abstiennent de toute divulgation de l'invention'» tant qu'ils n'ont pas négocié le classement de cette invention. Il précise que l'idée de M. [I] est bien liée à un précédent brevet propriété de l'ONERA.

Pour éviter toute difficulté avec la société SWATCH, M. [J] a été contraint d'envoyer un courriel à M. [B] de la société SWATCH, dès le 4 octobre 2012, précisant que le courriel du 3 octobre de M. [I] avait été envoyé sans concertation avec sa hiérarchie et avec M. [V], seul habilité à échanger avec la société SWATCH dans le cadre de l'accord de confidentialité dit NDA.

Si M. [I] soutient que M. [V] était au courant depuis 10 mois de ses échanges privilégiés avec la société SWATCH, comme il l'a fait valoir lors de l'entretien préalable du 22 novembre 2012 (compte-rendu en pièce 82), il n'en rapporte pas la preuve.

En outre, le risque de déperdition des droits de l'ONERA sur les idées inventives de M. [I] était réel, les termes du courriel litigieux de ce dernier disant clairement qu'il est à la disposition de la société SWATCH pour l'aider à déposer un brevet au sujet de ce concept antivol pour les montres fabriquées par la société.

Enfin, M. [I] n'avait pas déposé, avant son courriel du 3 octobre, d'enveloppe SOLEAU sur cette idée inventive, qu'il évoque dans son courriel, premier stade de la protection avant le dépôt d'un brevet, comme M. [I] le rappelle bien lui-même.

Le grief, consistant à avoir outrepassé ses prérogatives, sans l'accord préalable de sa hiérarchie, et de ne pas avoir respecté le NDA conclu avec la société SWATCH, faisant en outre peser un risque de "fuite" d'un potentiel d'idées inventives susceptibles de conduire au dépôt d'un brevet, est donc parfaitement établi.

Sur les échanges avec la société SKY WIND POWER

Selon l'accord de confidentialité entre l'ONERA et la société SKY WIND POWER en date du 10 février 2012, les seules personnes habilitées était M. [B] et [U] (responsable transfert technologique) pour l'ONERA et M. [Q], [K] et [Y] pour la société SKY WIND POWER.

L'ONERA reproche à M. [I] de s'être servi d'informations confidentielles et des contacts avec les personnes habilitées pour suivre le NDA avec ladite société, pour tirer matière à une idée inventive, en déposant à titre personnel trois enveloppes SOLEAU (permettant de donner une date certaine à une invention) à l'INPI les 14 février, 10 septembre et 8 octobre 2012.

Or, M. [I] explique dans son courriel du 14 février 2012 adressé à un de ses collègues M. [G] (chef du service de protection et gestion de la propriété intellectuelle) , que suite à ses échanges avec M. [U] et les consultants de la société SKY WIND POWER, il lui apparaît opportun de déposer à toutes fins utiles une enveloppe SOLEAU sur le dispositif de pilotage des éoliennes volantes mais aussi du dispositif anti-foudroiement, afin que cela suscite des idées des chercheurs l'ONERA pour cette dernière soit bien placée pour obtenir des financements du Conseil Général.

Les termes de ce courriel n'apparaissent pas en eux-mêmes préjudiciables pour l'ONERA, et n'avaient d'ailleurs, à l'époque, suscité aucune réaction de quiconque, contrairement au courriel du 3 octobre 2012 relatif aux échanges de M. [I] avec la société SWATCH.

En effet, contrairement à ce que soutient l'ONERA, M. [I] a mis son courriel du 14 février 2012 en copie à son supérieur hiérarchique M. [T], mais aussi à M.[U] (personne référente habilitée dans le NDA) et M. [H] (son N+2), lequels étaient donc parfaitement au courant.

M. [I] a donc envoyé le 14 février une enveloppe SOLEAU à l'INPI, concernant "les dispositifs et procédés améliorant la sécurité d'un parc d'éoliennes volantes", ce dont M. [G] et M. [H] ont été informés, car ils ont été mis en copie de la réponse par courriel de l'INPI le 23 février 2012, qui les informe et qui informe M. [I] de la date d'enregistrement de cette enveloppe au 16 février.

De même, M. [G] et M. [T] ont été informés par l'INPI par courriel du 20 septembre 2012 du dépôt par M. [I] d'une seconde enveloppe SOLEAU enregistrée le 11 septembre 2012, et concernant une "éolienne volante intégrant un convergent et un divergent".

Enfin, M. [G] et M. [T] ont été informés par l'INPI par courriel du 30 octobre 2012 du dépôt par M. [I] d'une troisième enveloppe SOLEAU enregistrée le 9 octobre 2012, et concernant les "dispositifs et procédés améliorant la protection d'une éolienne volante contre la foudre".

Le fait de déposer des enveloppes SOLEAU à l'INPI est le premier stade de la protection des idées inventives, de sorte que ce dépôt des 3 enveloppes SOLEAU n'est pas en soi une faute de M. [I], mais plutôt une bonne initiative de sa part, d'autant que l'ONERA ne contredit pas les propos de ce dernier, précisant qu'il n'existait aucun brevet déposé par l'ONERA relatif aux éoliennes volantes et que ces trois idées inventives étaient nouvelles, ce qui ne pouvait que contribuer à valoriser et protéger le savoir-faire de l'ONERA.

Toutefois, dans la mesure où M. [I] a eu ces idées inventives, hors de ses fonctions et grâce aux données (les échanges avec la société SKY WIND POWER, l'analyse de sa documentation) et contacts clients procurés par ses fonctions, il existait un risque qu'à l'instar de ce qui s'était passé avec la société SWATCH, M. [I] prive l'ONERA de droits potentiels de brevets, tels que prévus par l'article L 611-7 du CPI dans ce cas de figure.

Sans que l'on puisse reprocher à M. [I] un "pillage intellectuel" des documents de l'ONERA, au vu de la chronologie des relations avec la société SKY WIND POWER (envoi à l'ONERA par la société de la liste de ses brevets par courriel du 15 février 2012, réunion de transfert de technologie entre l'ONERA et la société le 21 février 2012) et de la date de dépôt par M. [I] de la première enveloppe SOLEAU le 14 février 2012, il existait un risque qu'il prenne la même initiative dangereuse que dans l'affaire de la société SWATCH.

L'ONERA met en avant les affirmations de M. [H] dans son attestation, selon lesquelles le fait de déposer 3 enveloppes SOLEAU dans le domaine des éoliennes volantes, activité de la société SKY WIND POWER, contreviendrait au NDA conclu entre cette société et l'ONERA, ce qui pouvait mettre en jeu la responsabilité de cette dernière.

En effet ce NDA, conclu les 10 février et 18 avril 2012, stipule que les parties ne doivent ni divulguer ni utiliser les informations confidentielles qu'elles échangent aux termes de ce NDA.

Or, M. [I] dit n'avoir eu ses trois idées inventives qu'après consultation des plaquettes commerciales, donc non confidentielles et publiques, de la société SKY WIND POWER.

M. [H] admet ne pas avoir prêté attention aux courriels qu'il a reçus en copie au sujet de l'enregistrement des 3 enveloppes SOLEAU, car leur présentation anonyme (absence du nom de l'inventeur) apparaissait décorellée des fonctions de M. [I], ce qui est effectivement le cas.

En définitive, comme dans l'affaire de la société SWATCH, où M. [I] a en outre ouvertement négocié pour aider au dépôt d'un brevet par la société cliente, il peut seulement être reproché à M. [I] de prendre des risques inconsidérés dans ses échanges avec la société SKY WIND POWER, sans avoir l'aval écrit de sa hiérarchie et de la personne habilitée à échanger avec ladite société (à savoir M. [B] et [U] ), alors que M. [I] savait que cette société était prompte à engager des procès en matière de propriété intellectuelle.

En effet, le fait d'agir en dehors de ses fonctions sans l'accord exprès de sa hiérarchie et desdites personnes habilitées par le DNA, constitue une maladresse pouvant conduire à priver l'ONERA de ses droits potentiels à brevet au vu des conditions posées par l'article L 611-7 du CPI en cas d'invention du salarié en dehors de ses fonctions mais à l'occasion de ses fonctions.

Le grief est ici bien moins grave que dans l'affaire de la société SWATCH, et aurait justifié, s'il avait été isolé, un simple recadrage.

M. [I] a donc bien utilisé dans le deux cas des informations confidentielles, obtenues grâce à sa fonction de formalisation des accords NDA, pour son usage personnel seulement dans l'affaire de la société SWATCH, et sans respecter ces accords, vu son absence d'habilitation à contacter les clients dans le cadre de ces accords, et ce en connaissance de cause; en effet, il avait participé à la formalisation de ces accords et avait une formation en matière de brevets et de propriété industrielle.

Dans les deux affaires SWATCH et SKY WIND POWER, M. [I] a agi en dehors de ses fonctions et sans l'aval express préalable de sa hiérarchie et des personnes habilitées dans le cadre des accords NDA, ce qui démontre surtout un manque de communication au sein de son service AEF/J, mais aussi entre son service et le service des brevets (DCV/2I), dans un contexte où M. [I] se sentait dévalorisé (comme cela sera examiné ci-après).

La gravité de ces faits justifiait sa mise à pied, mais compte-tenu tant du contexte relationnel entre les deux services, que de l'absence d'intention de nuire et de conscience par M. [I] de la gravité de ces faits - ce qu'a bien exprimé M. [H] dans son attestation- mais aussi au regard de l'absence de préjudice autre que moral de l'ONERA, la durée de cette mise à pied sera limitée à 5 jours.

*

Aucune irrégularité de la procédure quant aux délais, ni prescription des faits, éléments soulevés par M. [I], ne sont à relever.

En effet, concernant le délai entre la date de la prise de connaissance par l'employeur des faits reprochés au salarié- soit le 4 octobre 2012 et le 13 décembre 2012 - et la date de l'enclenchement de la procédure disciplinaire (envoi des convocations à entretien préalable les 15 novembre puis 14 décembre 2012), le délai de prescription de 2 mois n'est pas expiré.

Un délai de moins d'un mois sépare la date du premier entretien préalable (intervenu le 22 novembre 2012) et l'envoi (le 14 décembre 2012) de la convocation au second entretien préalable, ces deux entretiens et un nouveau délai étant justifiés, selon la jurisprudence (Cass soc 20 nov 2009), par la survenance de faits nouveaux après le premier entretien, faits qui s'avèrent établis; le délai d'un mois, entre ce second entretien (intervenu le 11 janvier 2013) et la date de la sanction (le 8 février 2013), a été respecté.

En conséquence, la cour confirmera la décision du conseil qui a rejeté la demande d'annulation de la sanction disciplinaire, mais l'infirmera quant à la durée de la mise à pied, qui sera limitée à 5 jours, et à la demande de rappel de salaire afférente à laquelle il sera fait partiellement droit.

L'ONERA devra donc verser à M. [I] la somme de 1180,49 €, outre celle de 118,04 € au titre des congés payés, avec intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation, soit le 15 mai 2013.

Sur sa demande de réintégration dans ses fonctions juridiques et d'augmentation de salaire

Sur la demande de réintégration dans ses fonctions juridiques

Tout changement de fonction d'un salarié constitue une modification de son contrat de travail qui requiert son accord express.

Entre mi 2012 et mi 2013 les missions de M. [I] était au nombre de 4, au vu de l'évaluation du 10 juillet 2013 :

- alimentation de la contrathèque, objectif atteint,

- amélioration de son mode opératoire et de ses rubriques à affiner, objectif partiellement atteint,

- contrôle et formalisation des NDA, qui a posé problème (cf mise à pied),

- analyse du patrimoine immobilier de l'ONERA, avec recensement des actes de propriété, actualisation des fiches immobilières et scan des dossiers, objectif partiellement atteint mi 2013.

M. [I] conteste cette évaluation et reproche à l'ONERA d'avoir, à compter du 18 juillet 2013, modifié ses fonctions, en lui imposant une poste de qualiticien limité dans le temps et en lui enlevant ses fonctions juridiques, pour lesquelles il avait une appétence particulière et s'estimait compétent.

L'ONERA précise que le changement dans les missions de M. [I] est en lien non seulement avec son changement de supérieur hiérarchique, qu'il avait lui-même demandé, mais aussi en accord avec sa formation et ses compétences d'ingénieur.

Se fondant sur son entretien d'évaluation, dans lequel il était indiqué qu'il rencontrait des difficultés dans les tâches juridiques qui lui étaient confiées, au regard de sa formation limitée en droit, l'ONERA estime que ce changement de missions était opportun.

Par ailleurs, l'ONERA se référait à M. [H], lequel indiquait, dans un courriel du 3 juillet 2013, que "la confidentialité exigée par les travaux juridiques est incompatible avec le comportement de M. [I]", faisant allusion aux faits ayant entraîné sa mise à pied.

Des changements dans les missions de M. [I] sont effectivement intervenus et ont été discutés préalablement entre lui et son nouveau supérieur hiérarchique, M. [H] , lors d'un entretien le 10 juillet 2013; sa nouvelle activité consiste en 2013/2014 à recenser et formaliser l'ensemble des procédures à caractère comptable et financier du service AEF dans une démarche qualité et contrôle, mais aussi à terminer l'analyse juridique du patrimoine immobilier de l'ONERA qui faisait partie de ses objectifs de l'année 2012.

C'est ainsi que lui ont été enlevées les missions de formalisation des accords NDA et de gestion de la contrathèque, ce qui est la conséquence des faits reprochés dans le cadre de sa mise à pied ; or, cette modification importante dans ses missions ne s'avère que partiellement légitime de la part de l'employeur, M. [I] n'ayant été pris en défaut que dans la gestion de deux NDA.

En effet, M. [I] a effectué un travail important de formalisation et de classement des accords et NDA dans la contrathèque, traitant 34 % des contrats des centres de LILLE et PARIS, comme il en justifie dans ses pièces.

Lors de son entretien d'évaluation du 30 avril 2014, il a été constaté que M. [I] s'était bien acquitté entre mi 2013/mi 2014 de son unique mission juridique consistant dans l'analyse juridique du patrimoine immobilier de l'ONERA, mais que cette mission est terminée, de sorte que désormais la seule mission de M. [I] consiste depuis mai 2014 à recenser et formaliser l'ensemble des procédures à caractère comptable et financier du service AEF dans une démarche qualité et contrôle.

Or, cette mission n'est pas en lien avec la formation et l'expérience de M. [I], et ce dernier n'a pas été en mesure de réaliser efficacement ce nouveau travail, qui sort de son champ de compétences, faute de formation et d'accès informatique aux domaines comptables, comme il le déplore à raison.

Ce procédé de retrait progressif des missions juridiques de M. [I] s'apparente à une "mise au placard", même si le changement de ses missions s'est effectué dans de bonne conditions sur le plan relationnel avec son nouveau supérieur hiérarchique direct M. [H].

C'est ainsi qu'au vu du dernier entretien d'évaluation de M. [I] en mars 2015, l'ONERA a clairement mis M. [I] dans une situation d'attente (des recours judiciaires), sans un travail adapté à son profil, et a sanctionné deux fois M. [I] pour les mêmes faits, en lui enlevant progressivement toutes ses missions juridiques, de juillet 2013 à ce jour, après l'avoir mis à pied, sans qu'aucun avenant à son contrat de travail n'ait été signé.

Cependant, en raison du recrutement en juin 2014 d'un juriste dans le service AEF/J, il n'est pas possible de faire droit, en l'état, à la demande de réintégration de M. [I] dans ses fonctions anciennes de nature juridique et technique.

Il convient en effet de faire une étude préalable des besoins actuels du service AEF/J, en fonction des salariés cadres qui y travaillent actuellement, sachant qu'en décembre 2014 les délégués du personnel indiquaient à la direction que ce service était un "goulot d'étranglement", avec des délais de traitements trop longs pour le traitement des FAEC, ce qui justifiait plus de personnel.

Afin de prendre en compte les compétences, la formation, l'expérience et les souhaits éventuels de mobilité de M. [I] dans un autre service, l'ONERA devra lui proposer un poste avec des missions se rapprochant le plus de celles qu'il occupait avant juillet 2013, soit au sein de son service actuel AEF/J, soit dans un autre service, et ce, dans le délai de 3 mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 1000 € par mois de retard, la Cour s'en réservant la liquidation le cas échéant.

Sur sa demande d'augmentation de salaire

M. [I], qui avait bénéficié d'augmentations individuelles en 2011 et 2012 au titre des années 2010 et 2011, réclame une augmentation de salaire, rétroactivement à compter du 1er janvier 2013 pour l'année 2012, égale à la moyenne des augmentations qu'il a reçues depuis qu'il est affecté à la direction AEF/J soit 1,76 %, et à titre subsidiaire 0,9 %, plancher ONERA.

L'ONERA justifie l'absence d'augmentation individuelle de salaire par l'absence d'atteinte de ses objectifs par M. [I] en 2012, comme l'indique M. [H] à la directrice des ressources humaines (DRH) dans une note détaillée en date du 10 septembre 2013, où il conclut qu'aucun des objectifs de ses missions n'a été atteint.

Or, M. [H] ne mentionne pas l'étude urgente qui a été confiée à M. [I] de juillet à décembre 2012 et menée à bonnes fins, et qui a été très utile , comme le souligne la note de l'ONERA du 11 décembre 2012.

Contrairement aux affirmations de M. [H] dans sa note de septembre 2013, il ressort du compte-rendu d'évaluation de l'année 2013 (pièce 37 de l'ONERA) que M. [I] a réalisé un objectif (alimentation de la contrathèque) et une partie de ses trois autres objectifs.

Par ailleurs, il ressort du procès-verbal de désaccord issu des négociations salariales pour 2013 en date du 19 juillet 2013, que de manière unilatérale, faute d'accord des syndicats, la direction de l'ONERA a décidé de ne pas appliquer d'augmentation collective à l'ensemble de ses salariés, mais a préféré fixer des augmentations individuelles, en principe comprises entre 0,9 et 3,5 % selon les catégories (ancienneté/âge, fonction), avec une évolution globale de la masse salariale de 2 % au titre de ces augmentations individuelles, l'augmentation inférieure à 0,9 % devant être justifiée auprès de la DRH.

Il ressort de ce procès-verbal qu'il n'est pas expressément dit par la direction qu'un salarié peut ne pas avoir du tout d'augmentation individuelle.

En conséquence, la direction de l'ONERA ne pouvait refuser toute augmentation à M. [I], et devra donc, bien que ce dernier n'ait pas saisi la commission paritaire- ce qui peut s'expliquer par le présent litige- lui faire bénéficier, rétroactivement à compter du 1er janvier 2013 d'une augmentation de 0,9 %.

Sur le harcèlement moral et la discrimination syndicale

Sur le harcèlement moral

Selon l'article L 1152-1 et 2 du code du travail, aucun salarié ne soit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L 1154-1 du code du travail, il appartient au salarié de rapporter la preuve des faits qui permettent de présumer le harcèlement, et l'employeur doit rapporter ensuite la preuve que ces faits ne constituent pas du harcèlement.

M. [I] dénonce le comportement de son supérieur hiérarchique en 2011/2012, M. [T], puis son isolement dans un bureau loin de ses collègues et sa "placardisation" depuis juillet 2013, époque du retrait d'une partie de ses fonctions.

Il soutient que c'est l'annonce orale inopportune de sa sanction de mise à pied par un salarié, et non par la DRH, qui a provoqué son malaise cardiaque conduisant à son arrêt-maladie.

L'ONERA soutient que les problèmes de santé de M. [I] sont sans rapport avec ses conditions de travail, le médecin évoquant les problèmes familiaux de ce dernier.

Il précise avoir pris en compte les problèmes signalés au niveau de ses relations avec M. [T], en changeant M. [I] de supérieur hiérarchique en juillet 2013.

L'ONERA indique enfin que c'est la déléguée syndicale qui aurait annoncé oralement sa mise à pied à M. [I].

Au vu des pièces produites par M. [I] et de la chronologie des faits dont il se plaint, il apparaît que sont constitutifs d'un harcèlement moral, les éléments conjugués, suivants :

- La prise en compte tardive des difficultés relationnelles avec son supérieur hiérarchique :

Par courriel du 12 avril 2011 M. [I] a fait part à l'assistante sociale du comportement de M. [T] lors de son entretien d'évaluation, qui a eu pour conséquence de mettre M. [I] "au bord des larmes (sic); la directrice des ressources humaines n'a eu connaissance de ces problèmes qu' à la suite d' un entretien avec M. [I] en octobre 2011, au cours duquel ce dernier se plaignait que M. [T] ne lui adressait pas la parole et ne lui confiait pas de travail juridique intéressant.

L'ONERA a donc tardé à prendre les mesures qu'inspirait le malaise de M. [I] dans ses relations avec son supérieur hiérarchique, n'effectuant un changement de supérieur hiérarchique qu'en juillet 2013, après la sanction disciplinaire et après une démarche de la déléguée syndicale en juin 2013.

- Le fait d'avoir appris sa sanction disciplinaire le 11 février 2013 de manière fortuite par une collègue, ce qui a provoqué un malaise cardiaque de M. [I], ayant nécessité l'intervention des pompiers, malaise qui a été reconnu par la CPAM comme un accident du travail.

- Le fait d'avoir été convoqué en mars 2013, à sa reprise de travail, par M. [H], en présence de M. [T] dont M. [I] avait signalé le comportement méprisant à son égard.

- Le retrait progressif de toutes ses fonctions juridiques, avec "placardisation" de juillet 2013 jusqu'à ce jour, comme en atteste aussi la déléguée syndicale Mme [S].

- Le fait d'avoir été isolé depuis mi- 2014 dans un bureau situé dans un couloir loin des collègues de son service (selon une attestation de témoin).

Les difficultés de santé de M. [I] sont établies par les certificats médicaux liés à ses arrêts de travail, et la preuve est rapportée d'un lien entre la dégradation de son état de santé et ses conditions de travail depuis 2011; en effet, dès son hospitalisation du 11 février 2013, il lui est prescrit un anti- dépresseur, ce qui démontre que les seuls problèmes physiologiques n'expliquent pas le malaise de M. [I], qui n'avait pas d'antécédents ni de facteurs de risques cardio-vasculaires ; le certificat médical du 22 avril 2013 fait état d'anxiété majeure liée à un conflit professionnel et à un stress intense.

Par la suite, M. [I], à l'approche du jugement du conseil dans la présente affaire, a subi une rechute de son accident du travail le 18 juin 2015, au vu du certificat médical d'arrêt de travail ; son état de santé a nécessité une psycho-thérapie.

Au regard des énonciations qui précèdent la cour dispose des éléments pour évaluer à 6000 € le préjudice consécutif au harcèlement moral subi par M. [I].

Sur la discrimination syndicale

L'ONERA soutient que c'est par opportunisme que M. [I] c'est déclaré candidat aux élections, dès le début de la procédure disciplinaire, afin de bénéficier du statut protecteur des représentants syndicaux.

S'il est manifeste que M. [I] a eu besoin, à un moment important, d'un soutien de ses collègues syndiqués, son engagement syndical, s'accompagnant de sa candidature aux élections, n'est certainement pas né au début de la procédure disciplinaire, au regard de son élection effective ; de fait, cet engagement syndical n'était pas de circonstance et ne s'est pas démenti, puisqu'il a été élu en mars 2015 au CHSCT de l'établissement de PALAISEAU et y mène une action dynamique, faisant partie d'un groupe de travail.

La procédure disciplinaire ayant été initiée avant que M. [I] se déclare candidat, et les fonctions syndicales de M. [I] n'ayant jamais été entravées depuis son élection, il ne peut, cependant, être reproché à l'ONERA une quelconque discrimination syndicale.

Par ailleurs, le retrait des missions juridiques de M. [I] et sa "placardisation" n'apparaissent pas en lien avec ses fonctions syndicales mais avec sa mise à pied, de sorte que les faits de discrimination syndicale ne sont pas établis.

La demande en dommages et intérêts liée à la discrimination syndicale sera donc rejetée, comme l'a jugé le conseil.

Il convient, dès lors, d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, sauf celles relatives à l'annulation de la mise à pied, confirmée dans son principe, et à la discrimination syndicale.

L'ONERA sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de premier instance et d'appel seront laissés à la charge de l'ONERA.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT en date du 25 juin 2015, en qu'il a rejeté les demandes liées à l'annulation de la mise à pied et à la discrimination syndicale, mais l'infirme pour le surplus, ;

Et statuant à nouveau ;

Ramène la mise à pied de M. [I] de 10 jours à 5 jours ;

Condamne l'ONERA à payer à M. [I], au titre du rappel de salaire de 5 jours de mise à pied, la somme de 1180,49 €, outre celle de 118,04 € au titre des congés payés, avec intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2013 ;

Condamne l'ONERA à payer à M. [I] la somme de 6000 € à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Ordonne à l'ONERA d'appliquer au salaire de M. [I] une augmentation de 0,9 %, rétroactivement à compter du 1er janvier 2013 ;

Enjoint à l'ONERA de proposer à M. [I] un nouveau poste avec des missions comparables à celles qu'il occupait avant juillet 2013, soit au sein de son service actuel AEF/J, soit dans un autre service, et ce sous astreinte de 1000 € par mois de retard, commençant à courir 3 mois après la notification du présent arrêt, la cour s'en réservant la liquidation le cas échéant ;

Dit qu'en cas de difficulté sur la fixation du salaire ordonnée ci-dessus les parties pourront saisir la cour sur simple requête;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Met les dépens de première instance et d'appel à la charge de l'ONERA.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03161
Date de la décision : 21/06/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/03161 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-21;15.03161 ?
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