La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/06/2016 | FRANCE | N°14/04477

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 16 juin 2016, 14/04477


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 50G



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 16 JUIN 2016



R.G. N° 14/04477



AFFAIRE :



SA BOUYGUES IMMOBILIER





C/



SCI ORBI 95









Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mai 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 13/00482



Expéditions exécutoires

Expédition

s

Copies

délivrées le :

à :

Me François AJE,

Me Christophe DEBRAY,

REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



LE SEIZE JUIN DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :



SA BOUYGUES IMMOBILI...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 50G

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 JUIN 2016

R.G. N° 14/04477

AFFAIRE :

SA BOUYGUES IMMOBILIER

C/

SCI ORBI 95

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Mai 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 2

N° RG : 13/00482

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me François AJE,

Me Christophe DEBRAY,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE SEIZE JUIN DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SA BOUYGUES IMMOBILIER

RCS 562 091 546

[Adresse 1]

[Adresse 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me François AJE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 413

Représentant : Me Alain FRECHE de L'AARPI FRECHE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

SCI ORBI 95

RCS 401 603 162

[Adresse 2]

[Adresse 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Christophe DEBRAY, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 14294

Représentant: Me Marcel AZENCOT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 Avril 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller et Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier en pré-affectation, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte authentique reçu le 14 novembre 2008 la SCI Orbi 95 a consenti à la société Bouygues Immobilier une promesse unilatérale de vente portant sur un ensemble immobilier sis [Adresse 5]), se composant d'un terrain sur lequel sont édifiés divers bâtiments destinés à être démolis en vue de la construction d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), pour un prix de 1. 500.000 euros hors taxes, comprenant plusieurs conditions suspensives.

Les bâtiments se trouvaient occupés par un locataire, la société ABC transport, qui devait quitter les lieux le 30 juin 2009.

Aux termes de la promesse unilatérale de vente, en page 6, les parties ont convenu qu'après le départ du locataire, elles "procéderont amiablement entre elles à un état des lieux afin d'évaluer le coût éventuel de déménagement des objets, gravats, épaves ou autres, laissés en place par le locataire" et en page 7 qu'à compter du 30 juin 2009, "il sera procédé aux frais du promettant et par les soins du bénéficiaire au murage des bâtiments et à la sécurisation des accès au bien. Pour le cas où la présente promesse de vente ne se réaliserait pas, quelle qu'en soit la raison, le bénéficiaire s'engage à remettre le bien en son état initial, à ses frais".

Le 26 février 2009, un avenant à la promesse a été conclu, la date de réalisation de la promesse de vente étant prorogée du 30 décembre 2009 au 31 mars 2010. A l'expiration de ce délai, la vente n'a pas été conclue. Le bien a été occupé par des squatters.

Par acte d'huissier de justice du 7 décembre 2012, la SCI Orbi 95 a fait assigner la société Bouygues Immobilier devant le tribunal de grande instance de Nanterre, aux fins de la voir condamnée à lui verser les sommes de 440.626,25 euros à titre d'indemnité de remise en état du bien et 6.000 euros par mois à titre d'indemnité pour perte de jouissance.

Par jugement du 22 mai 2014, la juridiction a :

condamné la société Bouygues Immobilier à payer à la SCI Orbi 95 la somme de 150.645 euros au titre des frais de remise en état, avec intérêts au taux légal à compter du 18 avril 2011, la somme de 6.000 euros par mois du 18 avril 2011 au 31 décembre 2012 au titre de la perte de jouissance, avec intérêts au taux légal sur chaque échéance d'indemnité,

ordonné la capitalisation des intérêts à compter du 7 décembre 2012,

condamné la SCI Orbi 95 à payer à la société Bouygues Immobilier la somme de 4.200 euros hors taxes au titre des travaux réalisés par la société TDBM pour sécuriser le site, avec intérêts au taux légal à compter du 25 novembre 2013,

condamné la société Bouygues Immobilier à payer à la SCI Orbi 95 une indemnité de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

ordonné l'exécution provisoire,

condamné la société Bouygues Immobilier aux dépens.

La société Bouygues Immobilier a interjeté appel de cette décision et, aux termes de conclusions du 16 mars 2016, demande à la cour de :

A titre principal : infirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la SCI Orbi 95 à lui verser la somme de 4.200 euros H.T au titre du coût des travaux de murage des bâtiments et de sécurisation des accès et, statuant à nouveau, débouter la SCI Orbi 95 de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

à titre subsidiaire : infirmer le jugement en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts au taux légal afférents à l'indemnité de 150.645 euros allouée à la SCI Orbi 95 au titre de la remise en état de ses locaux à la date de la mise en demeure du 18 avril 2011 sur le fondement de l'article 1153 du code civil, l'infirmer également en ce qu'il a arrêté au 31 décembre 2012 la période d'indemnisation du préjudice de jouissance invoqué par la SCI Orbi 95 et, statuant à nouveau, fixer le point de départ des intérêts au taux légal afférents à l'indemnité qui serait, par impossible, allouée à la SCI Orbi 95 au prononcé de l'arrêt à venir et arrêter au 2 mai 2011, date d'immatriculation de la société Flash Auto, locataire de la SCI Orbi 95 au registre du commerce et des sociétés de Pontoise, la période d'indemnisation du préjudice de jouissance allégué,

en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI Orbi 95 à lui rembourser la somme de 4.200 euros HT et condamner la SCI Orbi 95 à lui verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel avec recouvrement direct.

Elle fait valoir qu'elle n'a commis aucun manquement, rappelant qu'elle devait procéder au murage des bâtiments et à la sécurisation des accès au bien après le départ du tiers locataire, que le devis relatif à ces travaux a été accepté par la SCI Orbi 95, que le tiers locataire a restitué les lieux loués le 6 juillet 2009, que les travaux de murage des bâtiments et de sécurisation des accès ont débuté le 15 juillet 2009 pour se terminer le 22 juillet 2009, et ont été validés par la SCI Orbi 95. Elle observe que la promesse unilatérale de vente du 14 novembre 2008 est devenue caduque le 31 mars 2010, que la SCI Orbi 95 ne lui a pas demandé d'exécuter l'obligation de remise en état, à savoir démurer les ouvertures et supprimer les mesures assurant la sécurisation des accès au bien, que l'intimée ne produit aucun élément probant justifiant que les travaux de murage des bâtiments et de sécurisation des accès n'auraient pas été conformes aux termes de la promesse unilatérale de vente et qu'elle a donc respecté ses obligations.

Elle soutient que la SCI Orbi 95 n'a pas établi avec elle l'état des lieux qui devait être, en exécution de la promesse unilatérale de vente, réalisé entre elles après le départ du tiers locataire, que la SCI Orbi 95 ne produit aucun élément justifiant de l'état des lieux au 31 mars 2010, date de caducité de la promesse unilatérale de vente, qu'elle ne produit que l'état des lieux de sortie dressé le 6 juillet 2009 avec le tiers locataire, hors sa présence, que les seuls éléments versés aux débats pour établir l'état des lieux dont la SCI Orbi 95 est propriétaire sont postérieurs à l'expiration de la promesse unilatérale de vente le 31 mars 2010, que l'état des lieux du 6 juillet 2009 ne lui est pas opposable, que la SCI Orbi 95 ne produit aucun document justifiant que les dégradations alléguées seraient survenues pendant la période de validité de la promesse unilatérale de vente et qu'en conséquence elle n'établit aucun lien entre l'obligation contractuelle mise à la charge de la société Bouygues Immobilier et les intrusions et dégradations alléguées.

Enfin, elle observe que les biens immobiliers objet de la promesse unilatérale de vente du 14 novembre 2008 étaient destinés à être démolis, que la SCI Orbi 95 produit un chiffrage portant sur la remise en état à neuf de ses biens immobiliers et ne justifie pas de la perte de jouissance alléguée, que de nouveaux locataires occupent les lieux depuis 2011 et qu'en conséquence, les dégradations alléguées n'ont occasionné aucun préjudice à la SCI Orbi 95.

Par conclusions du 24 février 2016, la société Orbi 95 prie la cour de :

déclarer la SA Bouygues Immobilier irrecevable en son appel et en tout cas mal fondée en l'ensemble de ses demandes,

confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a dit que la société Bouygues Immobilier avait manqué à son obligation contractuelle d'assurer le murage et la sécurisation des accès au bien sous promesse, que cette carence lui avait causé un préjudice grave du fait de la dévastation du bien objet de la promesse durant l'été 2009 et que la société Bouygues Immobilier lui devait le coût de la remise en état du bien en l'état d'usage, obligation qu'elle n'a pas remplie,

réformer le jugement dont appel, et condamner la société Bouygues Immobilier à lui payer la somme de 440.626,25 euros à titre d'indemnité de remise en état du bien sans application du coefficient de vétusté, outre les intérêts au taux légal sur cette somme à compter de la mise en demeure du 10 avril 2011 et capitalisation des intérêts à compter de la première mise en demeure,

le confirmer pour le surplus, et condamner la société Bouygues Immobilier à lui payer la somme de 6.000 euros par mois à compter de la mise en demeure du 10 avril 2011 et jusqu'à l'arrêt à intervenir à titre d'indemnité pour perte de jouissance, outre les intérêts au taux légal sur chaque échéance d'indemnité et capitalisation des intérêts,

confirmer enfin le jugement attaqué en ce qu'il a condamné la société Orbi 95 à rembourser à la société Bouygues Immobilier la somme de 4.200 euros correspondant au devis « renégocié de la société TDBM »,

débouter la société Bouygues Immobilier de toutes demandes, fins et conclusions contraires,

condamner la société Bouygues Immobilier au paiement d'une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, avec recouvrement direct.

Pour un exposé plus ample des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 31 mars 2016.

SUR CE,

Le tribunal a jugé qu'un état des lieux avait bien été dressé au départ du locataire, entre celui-ci et son bailleur, la société Orbi 95, que cet élément non directement opposable au bénéficiaire de la promesse constituait cependant un élément probant quant à l'état du bien à cette date, que la société Bouygues Immobilier était mal fondée à se prévaloir de sa carence à participer à l'état des lieux, alors qu'elle s'était engagée à y procéder, l'état des lieux prévu dans la promesse n'ayant pas le même objet que celui dressé au départ du locataire. Il a considéré qu'il résultait notamment des mails échangés entre les parties que celles-ci avaient continué à négocier après l'expiration de la promesse, et a rappelé que la société Bouygues Immobilier avait elle-même proposé d'indemniser la SCI Orbi 95 de son préjudice de jouissance à hauteur de 90.000 euros pour une période de 15 mois, soit 6.000 euros par mois.

Il a considéré qu'il résultait du constat d'huissier, des photographies, du rapport d'architecte et des attestations des voisins que les travaux de sécurisation du site réalisés par la société Bouygues Immobilier n'avaient pas empêché la pénétration de personnes dans les locaux, toutes les baies n'ayant pas été murées et les fenêtres métalliques en bandes n'ayant pas été occultées. Il a également observé que la société Bouygues avait été informée des problèmes de sécurité sur le site.

Il a rappelé que si la société Bouygues devait réparer le préjudice subi par la promettante du fait de ses manquements contractuels, elle n'avait cependant pas à supporter le coût d'une remise à neuf d'un bien qui était vétuste lors de la conclusion de la promesse, et il a donc ramené le coût de la remise en état à la somme de 150.645 euros, au lieu de 440.626 euros.

***

La disposition du jugement qui a condamné la SCI Orbi 95 à régler à la société Bouygues Immobilier la somme de 4.200 euros au titre du devis de la société TDBM sera confirmée, ainsi que le sollicitent tant l'appelante que l'intimée.

Contrairement à ce qui était prévu dans la promesse de vente, la SCI Orbi 95 n'a jamais établi avec la société Bouygues l'état des lieux qu'elles devaient réaliser ensemble après le départ du locataire. A cet égard, à supposer qu'il soit utile à la résolution du litige, l'état des lieux de sortie de ce locataire dressé entre ce dernier et son bailleur, Orbi 95, ne saurait utilement être opposé à la société Bouygues pour prouver que les locaux étaient en bon état le 6 juillet 2009. En tout état de cause, il faut observer que l'état des lieux que promettant et acquéreur devaient réaliser en application de la promesse de vente, n'était manifestement pas destiné à constater l'état précis des locaux puisqu'il avait pour seule finalité 'd'évaluer le coût éventuel de déménagement des objets, gravats, épaves ou autres, laissés en place par le locataire', et non pas d'établir un constat de l'état de dégradation des locaux, lesquels devaient, en cas de réalisation de la vente, être démolis.

S'agissant des travaux devant être réalisés par la société Bouygues pour procéder 'au murage des bâtiments et à la sécurisation des accès au bien', comme prévu dans la promesse, il résulte du devis établi par la société TDBM le 23 juin 2009 qu'étaient prévues les prestations suivantes : murage au parpaing de 15 de toutes les ouvertures hors porte en ferraille, fourniture et pose de palissade de 2 mètres de hauteur sur ouverture et pose d'une chaîne et cadenas sur portail pour un montant de 4.500 euros HT.

Il n'est pas contesté par la SCI Orbi 95 qu'elle a demandé à la société Bouygues de renégocier à la baisse ce devis (finalement ramené par la société TDBM le 3 juillet 2009 à la somme de 4.200 euros, avec ajout de la création d'une tranchée derrière le portail pour empêcher l'accès) et que les travaux ont été fixés au 15 juillet 2009, le locataire devant récupérer des véhicules en stationnement dans l'enceinte du terrain.

Le 21 juillet 2009, le fils du dirigeant de la SCI a écrit un mail à Mme [L] de la société Bouygues ainsi rédigé : 'je suis passé voir sur site dimanche et j'ai pu constater que les fenêtres du bâtiment avaient été murées. Par contre la clôture du terrain tient à peine ....il est donc impératif d'empêcher un quelconque accès en consolidant l'enceinte'.

Le 25 juillet 2009, le responsable de la SCI Orbi 95 a indiqué que son fils lui avait 'rendu compte' du chantier et ne s'est plaint que du caractère 'dérisoire' de la fermeture devant les 2 portails d'accès, insuffisant selon lui pour décourager les gens du voyage.

Il résulte de ces mails des 21 et 25 juillet 2009 que la SCI Orbi ne s'est pas plainte de la qualité du reste des travaux destinés à sécuriser le site, alors que les carences aujourd'hui dénoncées étaient parfaitement visibles.

Il est aisé plusieurs années après ce mail de prétendre comme le fait la société Orbi 95 qu'en réalité le fils de son dirigeant n'aurait pas pu voir les vitres non murées et cet argumentaire n'est pas recevable au regard du contexte ci-dessus rappelé.

Le 31 juillet 2009 M. [Y], de la société Bouygues, a indiqué par mail à la société Orbi 95 qu'il s'était rendu sur place le même jour et avait constaté que les travaux réalisés étaient conformes à ceux prévus dans le devis et qu'elle ne devait pas hésiter à lui faire part de ses éventuelles remarques.

La société Orbi 95 n'a émis aucune critique sur la nature des travaux de sécurisation réalisés s'agissant du risque d'intrusion dans les locaux. Elle ne saurait utilement se prévaloir du fait qu'elle n'avait pas de clé d'accès au site, dès lors que pourtant toujours propriétaire de celui-ci, elle n'a cependant pas jugé utile d'y conserver un accès.

M. [M], architecte, mandaté par la SCI Orbi 95, s'est rendu sur les lieux et a indiqué dans un courrier du 7 novembre 2011, que le murage des baies et fenêtres des parties construites en maçonnerie a bien été réalisé par la mise en oeuvre de parpaings hourdis posés en tableaux mais que l'occultation des baies des parties en bardage métallique n'a pas été réalisée car la nature des matériaux de parois et leur épaisseur (6 cm) en l'absence de tableaux dans ces fenêtres en bande ne permettaient pas de dresser des parpaings hourdis.

Il apparaît donc que les bandeaux vitrés situés en hauteur ne pouvaient à l'évidence être murés par des parpaings, ce que la SCI Orbi 95 ne pouvait ignorer, et que les travaux réalisés pour procéder 'au murage des bâtiments et à la sécurisation des accès au bien', comme prévu dans la promesse, pour une somme de 4.200 euros HT réalisés avec l'aval et sous le contrôle de la promettante, ne pouvaient permettre d'assurer avec certitude qu'aucune intrusion n'aurait lieu, l'obligation pesant sur la société Bouygues à cet égard étant une obligation de moyens et non de résultat, les mesures prévues ne pouvant suffire à prévenir avec certitude la moindre entrée sur le site ou dans les locaux.

Les éléments du dossier permettent ainsi de considérer que la société Bouygues s'est acquittée de l'obligation par elle souscrite, sous le contrôle de la société Orbi 95, restée gardienne du bien, laquelle n'a formé aucune critique quant à la qualité et l'efficacité des travaux et a attendu plus d'une année après l'expiration de la promesse de vente pour assigner la société Bouygues en référé expertise, mesure qui lui a été refusée par le magistrat, décision confirmée par la cour d'appel.

Ainsi que le souligne à raison la société Bouygues, la promesse n'a pas eu pour effet de lui confier la mission d'assurer la sécurité du site, son obligation se limitant à faire réaliser, aux frais de la société Orbi 95, certains travaux précisément décrits, seulement destinés à dissuader d'intrusions éventuelles.

En effet, la clause était ainsi rédigée : 'il sera procédé aux frais du promettant et par les soins du bénéficiaire au murage des bâtiments et à la sécurisation des accès au bien. Pour le cas où la présente promesse de vente ne se réaliserait pas, quelle qu'en soit la raison, le bénéficiaire s'engage à remettre le bien en son état initial, à ses frais".

A la suite de ces deux dispositions, il était indiqué : 'pour le cas où, malgré ces mesures de sécurisation (souligné par la cour), le bien ne serait pas libre de toute location ou occupation, à la date prévue pour la signature de l'acte de vente constatant la réalisation des présentes, et que le bénéficiaire souhaite malgré tout maintenir son engagement d'acquérir, les parties se rapprocheront afin de trouver ensemble un accord financier et juridique sur la libération des biens.

Il résulte sans discussion possible de cette disposition que le risque d'intrusion avait été évoqué et que la SCI Orbi en supportait les conséquences, la société Bouygues Immobilier pouvant même refuser d'acheter le bien dans l'hypothèse où il serait occupé quelle que soit l'origine de cette occupation.

Il est constant que dans un courrier daté du 31 mars 2010 la société Bouygues a informé la SCI de ce que la promesse de vente était caduque faute de réalisation des conditions suspensives, la meilleure preuve en étant qu'en réponse, par courrier du 12 avril 2010, la SCI lui a d'ailleurs réclamé le paiement de l'indemnité d'immobilisation, soit la somme de 168.000 euros, prétention à laquelle elle a, in fine, manifestement renoncé.

Or, c'est bien à la date de la caducité de cette promesse qu'il convenait de se placer pour apprécier l'autre obligation souscrite par la société Bouygues qui consistait à 'remettre le bien en son état initial, à ses frais', ce qui consistait donc à le démurer et à retirer les protections mises en place et non pas à supporter la charge de la remise en état des locaux dégradés par des squatters.

Il est exagéré de la part de la SCI Orbi 95 de prétendre qu'elle est restée en pourparlers actifs avec la société Bouygues jusqu'à la fin de l'année 2010. En effet, il n'est justifié que d'un mail de celle-ci daté du 4 juin 2010, dans lequel elle fait part de son souhait de trouver un accord permettant de bloquer le terrain pendant 15 mois à compter de 'ce jour', précisant qu'elle ne pourra pas verser de sommes mais qu'une revalorisation du prix de vente est envisageable sur la base de la perte de loyers subie par la SCI, et la société Orbi 95 n'a jamais reçu de réponse à son mail en réponse du 14 juin 2010 dans lequel elle faisait part de ses exigences financières.

En tout état de cause, même si les parties ont repris langue en juin 2010, ces échanges ne modifient pas la situation juridique qui existait à cette date et ne remet nullement en cause le fait que la promesse de vente qui les liait était caduque depuis le 31 mars 2010 et que la seule obligation de la société Bouygues consistait alors à retirer les éléments installés pour murer les lieux et sécuriser sa clôture.

Selon les propres dires de la société Orbi 95, celle-ci a attendu le mois de janvier 2011 pour 'reprendre possession' de son bien.

Une telle attente n'est pas compréhensible dès lors que la société Orbi n'a jamais cessé d'être propriétaire de l'immeuble, et ne pouvait se satisfaire de le laisser sans aucune surveillance, la société Bouygues n'en ayant ni la jouissance, ni la garde.

Force est d'ailleurs de constater que la société Orbi 95 ne rapporte pas la preuve de l'état du bâtiment à la date d'expiration de la promesse, les constats d'huissier dressés les 21 mars 2011 et 3 octobre 2012 étant bien trop tardifs pour que l'état de dégradation du bâtiment tel que constaté en mars 2011 puisse être imputé à une négligence de la société Bouygues.

La société Orbi 95 ne forme aucune demande au titre du coût des travaux de retrait des parpaings et de la palissade mis en place par la société TDBM, qui, selon la promesse, devait être supporté par la société Bouygues.

C'est donc à tort que les premiers juges ont considéré que la société Bouygues était, aux termes de la promesse de vente, tenue d'une obligation de résultat tendant à prévenir toute intrusion dans les locaux et qu'en exécution de cette obligation elle devait supporter le coût de travaux de remise en état alors que l'état des lieux n'avait fait l'objet d'aucun constat contradictoire, ni lors du départ des locataires, ni à la date d'expiration de la promesse.

Le jugement sera en conséquence infirmé à l'exception de la condamnation de la SCI Orbi 95 à payer la somme de 4.200 euros à l'appelante.

Succombant, la SCI Orbi 95 supportera les dépens de première instance et d'appel.

La SCI Orbi 95 sera condamnée à payer à la société Bouygues Immobilier la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SCI Orbi 95 à payer à la société Bouygues Immobilier la somme de 4.200 euros,

L'infirme en toutes ses autres dispositions,

Statuant à nouveau de ces chefs et y ajoutant :

Déboute la SCI Orbi 95 de toutes ses demandes,

Condamne la SCI Orbi 95 aux dépens de première instance et d'appel lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,

Condamne la SCI Orbi 95 à payer à la société Bouygues Immobilier la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 14/04477
Date de la décision : 16/06/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°14/04477 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-06-16;14.04477 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award