COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78A
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 MAI 2016
R.G. N° 15/07370
AFFAIRE :
SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE Société ERIC PILLON ENCHERES PVE,
C/
[L] [K]
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Septembre 2015 par le Juge de l'exécution de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 14/00208
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SCP RIBEYRE-NUZUM & NUZUM, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Jean-pierre TOFANI, avocat au barreau de VERSAILLES,
SELARL MAYET & PERRAULT, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX MAI DEUX MILLE SEIZE, après prorogation,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE Société ERIC PILLON ENCHERES PVE, SARL au capital social de 10.000 € inscrite au RCS de VERSAILLES sous le n°442870192, et prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège.
N° SIRET : 442 870 192
[Adresse 1]
Représentant : Me Nicole RIBEYRE-NUZUM de la SCP RIBEYRE-NUZUM & NUZUM, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 187 - N° du dossier 2150012
Représentant : Me Jean-pierre BLATTER de la SCP BLATTER SEYNAEVE ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0441 -
APPELANTE
****************
Monsieur [L] [K]
né le [Date naissance 1] 1939 à [Localité 1] (Algérie)
de nationalité Algérienne
[Adresse 2]
Représentant : Me Jean-pierre TOFANI, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 529
Société civile SCI DU CHATEAU
N° SIRET : 414 913 855
[Adresse 1]
Représentant : Me François PERRAULT de la SELARL MAYET & PERRAULT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 393 - N° du dossier 13FP1421
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 13 Janvier 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine MASSUET, conseiller chargé du rapport et Madame Ghislaine SIXDENIER, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Christine MASSUET, conseiller, faisant fonction de président,
Madame Ghislaine SIXDENIER, conseiller,
Madame Estelle JOND-NECAND, vice-président placé auprès de Madame le premier président de la cour d'appel de Versailles, délégué à la cour par ordonnance du 24 août 2015,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
FAITS ET PROCEDURE,
Agissant en vertu de la copie exécutoire d'un acte notarié en date du 26 avril 2013, reçu par Maître [B], contenant reconnaissance de dette par la SCI DU CHATEAU en faveur de M. [L] [K] pour un montant de 2.500.000€, M. [L] [K] a fait délivrer le 3 septembre 2014 à la SCI DU CHATEAU un commandement de payer valant saisie des droits et biens immobiliers sis [Adresse 1], cadastrés section [Cadastre 1] et section [Cadastre 2] lui appartenant, afin d'obtenir paiement de la somme de 2.467.446 € arrêtée au 31 mars 2013.
Ledit commandement a été publié le 12 septembre 2014 au Service de la Publicité Foncière de Versailles 1 volume 2014 S n° 32 ;
Par acte d'huissier du 10 novembre 2014, M. [L] [K] a fait assigner la SCI DU CHATEAU à comparaître à l'audience d'orientation du juge de l'exécution de Versailles du 21 janvier 2015, qui a rendu le jugement entrepris, afin de poursuivre la vente forcée du bien.
Le 17 novembre 2014, M. [L] [K] a fait déposer au greffe de ce tribunal:
- le cahier des conditions de la vente,
- une copie de 1' assignation délivrée au débiteur,
- un état hypothécaire certifié à la date de la publication du commandement de payer valant
saisie ;
Le 13 février 2015, la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE a signifié des conclusions d'intervention volontaire.
Vu l'appel interjeté le 23 octobre 2015 par la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE du jugement rendu le 30 septembre 2015 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Versailles, statuant en matière immobilière, qui a :
- déclaré l'intervention volontaire de la société ERIC PILLON ENCHERES PVE recevable,
- rejeté l'ensemble des demandes de la société ERIC PILLON ENCHERES PVE,
- dit que la vente constatée par jugement du tribunal de grande instance de Versailles en date du 18 janvier 2011 et par arrêt de la cour d'appel de Versailles du 14 février 2013 est inopposable à [L] [K] par application de l'article L 321-5 du code des procédures immobilières et au futur acquéreur,
- ordonné la vente forcée des droits et biens immobiliers sis [Adresse 1] et plus amplement désignés au cahier des conditions de la vente par adjudication judiciaire, avec mise à prix à 2.500.000€,
- désigné Me [W], huissier de justice, ou tout autre huissier territorialement compétent, qui pourra se faire assister si besoin est de deux témoins, d'un serrurier et de la force publique, à l'effet de se transporter dans l'immeuble objet de la saisie pour permettre à tous amateurs intéressés de procéder à la visite de l'immeuble,
- dit que le droit de visite, à défaut d'accord, s'exercera deux fois deux heures,
- dit que l'huissier se fera assister lors d'une visite, d'un expert chargé d'établir les diagnostics nécessaires: amiante, énergétique, termites et plomb, et l'attestation loi Carrez,
- renvoyé l'affaire à l'audience d'adjudication du mercredi 27 janvier 2016 à 9heures pour qu'il soit procédé à la vente du bien,
- dit que la créance de M. [L] [K] est de 2.467.446 €, se décomposant comme suit au 31 mars 2013 :
- montant actualisé de la reconnaissance de dette au 31/03/2013 : 2.467.446€,
- intérêts de retard à compter du 01/04/2013 au taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit pour les prêts aux entreprises d'une durée supérieure à deux ans jusqu'à parfait paiement : mémoire
- frais de procédure, et notamment le coût des présentes : mémoire
- total sauf mémoire : 2.467.446€,
- dit n'y avoir lieu à article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que le présent jugement est susceptible d'appel dans les quinze jours de sa signification,
- dit que les dépens seront compris dans les frais de vente soumis à taxe ;
Vu la requête afin d'être autorisée à assigner à jour fixe déposée le 30 octobre 2015 par la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE et l'ordonnance du 2 novembre 2015 les autorisant à assigner les intimés à jour fixe avant le 2 décembre 2015 pour l'audience du 13 janvier 2016 à 14heures ;
Vu l'assignation délivrée le 17 novembre 2015 par laquelle la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE demande à la cour de :
A titre principal,
- infirmer le jugement entrepris,
- déclarer la créance de M. [L] [K] nulle comme étant fictive et frauduleuse, et prononcer la nullité des actes suivants :
- la reconnaissance de dette du 1er octobre 1999,
- l'acte du 26 avril 2013 réitérant cette reconnaissance de dette et autorisant l'inscription d'une hypothèque conventionnelle au profit de M. [K],
- l'inscription hypothécaire qui s'en est suivie,
- le commandement de payer valant saisie délivré le 3 septembre 2014 et publié le 12 septembre 2014,
- tous les actes afférents à la procédure de saisie immobilière,
- ordonner la mainlevée de l'inscription hypothécaire et du commandement de payer valant saisie publiés par M. [L] [K],
A titre subsidiaire,
- dire que les actes suivants lui sont inopposables sur le fondement de l'article 1167 du code civil::
- la reconnaissance de dette du 1er octobre 1999,
- l'acte du 26 avril 2013 réitérant cette reconnaissance de dette et autorisant l'inscription d'une hypothèque conventionnelle au profit de M. [L] [K],
- l'inscription hypothécaire qui s'est ensuivie,
- le commandement de payer valant saisie délivré le 3 septembre 2014 et publié le 12 septembre 2014,
- tous les actes afférents à la procédure de saisie immobilière,
- dire et juger le commandement nul et de nul effet faute d'un immeuble disponible,
A titre plus subsidiaire, même à supposer que M. [L] [K] ait pu être créancier de la SCI DU CHATEAU,
- dire que la procédure de saisie immobilière n'est pas justifiée dès lors que la créance de M. [L] [K] n'est pas exigible, justifiée et qu'il peut recouvrer en partie sa créance sur les sommes consignées entre les mains de la Caisse des dépôts,
- prononcer la nullité du commandement et en ordonner la mainlevée ainsi que de l'inscription hypothécaire,
En tout état de cause,
- juger que la vente forcée des biens sis [Adresse 1] ne peut plus être poursuivie par M. [L] [K],
- condamner in solidum M. [L] [K] et la SCI DU CHATEAU aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu les conclusions signifiées le 14 décembre 2015 par lesquelles M. [L] [K], intimé, demande à la cour de :
- déclarer irrecevable la requête en autorisation d'assigner à jour fixe présentée le 30 octobre 2015 par la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE,
- déclarer irrecevable l'appel formé par déclaration d'appel régularisée le 23 octobre 2015,
- subsidiairement, infirmer le jugement entrepris et déclarer irrecevable, à défaut mal fondée, l'intervention volontaire de la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE,
- très subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- débouté sur le fond la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE de l'ensemble de ses demandes,
- dit que la vente constatée par jugement du tribunal de grande instance de Versailles du 19 janvier 2011 et par arrêt de la cour d'appel de Versailles est inopposable à [L] [K] par application de l'article L 321-5 du code des procédures immobilières et au futur acquéreur,
- ordonné la vente forcée des biens saisis,
- déterminé les modalités de visite des biens,
- dit que sa créance est de 2.467.446€, outre intérêts de retard à compter du 01/04/2013 et frais de procédure,
- En tout état de cause, condamner la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE à lui verser la somme de 20.000€ à titre de dommages et intérêts, une somme de 5.000€ pour ses frais irrépétibles de première instance et une somme de 5.000€ pour ses frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE aux dépens ;
Vu les conclusions signifiées le 11 décembre 2015 par lesquelles la SCI DU CHATEAU, intimée, demande à la cour de :
- la recevoir en ses demandes,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- constater l'absence de publication au service de la publicité foncière compétent du titre de propriété opposé par la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE et la déclarer irrecevable en sa contestation,
- constater l'absence de réalisation des formalités de purge du bien visé à la procédure de saisie immobilière et déclarer la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE mal fondée,
- statuer ce que de droit sur l'existence de la créance opposée par Monsieur [L] [K] contre la partie saisie,
- condamner la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE à lui payer la somme de 10.000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
SUR CE, LA COUR :
La Cour se reporte, pour l'exposé des faits constants de la cause et des moyens des parties, aux écritures échangées par celles-ci conformément à l'article 455 du code de procédure civile, et à la motivation du jugement entrepris.
Sur l'irrecevabilité de l'appel :
M. [L] [K], intimé, soutient que la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE devait à peine d'irrecevabilité de son recours, présenter sa requête aux fins d'être autorisée à assigner à jour fixe en matière de saisie immobilière, par voie électronique. Il n'est possible de remettre au greffe un acte de procédure sur support papier qu'en cas d'impossibilité de remise par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, cause non invoquée en l'espèce. Or l'assignation qui lui a été délivrée par la société ERIC PILLON ENCHERES PVE comporte en copie une requête à jour fixe établie et déposée sous forme papier au greffe le 30 octobre 2015.
L'article R 322-19 alinéa 1er du code de procédure civile d'exécution dispose que 'l'appel contre le jugement d'orientation est formé, instruit et jugé selon la procédure à jour fixe sans que l'appelant ait à se prévaloir dans sa requête d'un péril.'
L'article 919 alinéa 3 du code de procédure civile énonce que 'la déclaration
d'appel vise l'ordonnance du premier président. Les exemplaires destinés aux intimés sont restitués à l'appelant. La requête peut aussi être présentée au premier président au plus tard dans les huit jours de la déclaration d'appel.'
L'article 930-1 alinéa 1er du code de procédure civile affirme qu' 'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.'
Cet article est issu de l'article 5 du décret du 9 décembre 2009, qui n'a été déclaré applicable dans un premier temps qu'aux déclarations d'appel , constitutions d'avoués et déclarations d'appel et conclusions du Ministère Public afférentes aux appels formés à compter du 1er janvier 2011, le texte ne s'appliquant aux autres actes comme les conclusions des parties ou aux autres actes mentionnés à l'article 930-1 (avis, avertissements, ou convocations adressés aux avocats des parties) qu'à compter de la date fixée par l'arrêté du 30 mars 2011, prévu au dernier alinéa de cet article comme devant définir les modalités des échanges par voie électronique, soit au 1er septembre 2011 et au plus tard au 1er janvier 2013, date à laquelle la communication électronique était généralisée et devenait obligatoire.
Toutefois force est de constater que les diverses procédures impliquant une remise, et notamment les différentes formes de requête, au nombre desquelles figure la requête au président aux fins d'être autorisé à faire appel à jour fixe, ne sont pas visées à l'arrêté du 30 mars 2011 consolidé au 1er janvier 2013. Leur transmission par voie électronique n'a pas été prévue expressément par la loi, ce qui a pu être interprété comme une exclusion.
Il n'est pas inutile dans ce cas de se référer aux protocoles de procédure sur la communication électronique signées dans le cadre des ressorts des cours d'appel. La convention signée le 31 août 2015 entre la cour d'appel de Versailles d'une part et les barreaux du ressort de la cour d'appel de Versailles ainsi que le barreau de Paris, applicable à la présente instance engagée par déclaration du 23 octobre 2015, cite en son article 4.2. 'La communication électronique en matière civile', une liste en dix points des services'ComCI CA/e-barreau' par types d'actes et pièces, qui ne vise ni les requêtes émanant des parties, ni les ordonnances rendues sur ces requêtes par les juridictions civiles.
La société ERIC PILLON ENCHERES PVE fait justement observer que la cour d'appel elle-même ne lui a pas notifié par voie électronique l'ordonnance rendue le 2 novembre 2015 l'autorisant à assigner à jour fixe.
Les ordonnances rendues sur requête en vue d'assigner à jour fixe présentent la particularité d'être exécutoires sur minute ce qui impose au greffe, tant que le système de la signature électronique n'aura pas été mis en place au plan local ou au plan national, de notifier l'ordonnance autorisant à assigner par simple dépôt de la minute en case de l'avocat requérant, la réciprocité des échanges recherchée par la convention du 30 août 2015 sur la communication électronique passée entre la cour d'appel et les avocats des quatre barreaux de la cour ainsi que celui de Paris n'étant ainsi pas assurée.
Il y a lieu d'en conclure que la généralisation totale de la communication électronique devant les cours d'appel n'est pas encore parfaite, même si elle est en devenir. En l'état, la présentation d'une requête aux fins d'assigner à jour fixe, notamment en matière de saisie immobilière comme en l'espèce, sur support papier par remise au greffe demeure possible, au moins tant que la réciprocité des échanges électroniques n'est pas assurée en ce qui concerne ce type d'acte.
La demande tendant à la constatation de l'irrecevabilité de l'appel est en conséquence rejetée.
Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE :
Il est évident que la société ERIC PILLON ENCHERES PVE a un intérêt légitime à intervenir dans la saisie immobilière litigieuse dès lors qu'elle est le réel propriétaire du bien objet de la saisie en vertu de l'arrêt rendu par la troisième chambre civile de la cour de cassation le 11 avril 2014, ainsi qu'à faire valoir ses droits à l'encontre de la SCI DU CHATEAU son vendeur, au profit de laquelle elle a consigné les fonds représentant le prix de vente auprès de la caisse des dépôts et consignations, après compensation avec le remboursement des loyers également ordonné par les décisions judiciaires définitives susvisées.
Sur la fictivité de la créance et la nullité des actes de la procédure de saisie immobilière consécutive :
Le premier juge a seulement relevé que les pièces datant de 2004, courrier du 9 juin 2004 de Me [B] à Me [X] et signification à Me [X] le 15 juin 2004 de la reconnaissance de dette du 1er octobre 1999 entre la SCI DU CHATEAU et [L] [K], font la preuve de l'existence d'une reconnaissance de dette antérieurement à la promesse de vente signée le 16 juin 2004 avec la société ERIC PILLON ENCHERES PVE, alors locataire commerciale, et s'est fondé sur cette antériorité de la reconnaissance de dette pour repousser les arguments de la société intervenante tendant à voir reconnaître la fictivité de la créance.
La reconnaissance de dette du 1er octobre 1999 n'a jamais été enregistrée à la suite de sa signature, elle n'a donc pas date certaine.
Lors d'une première promesse de vente avec un premier candidat en 2002, à aucun moment la créance dite ancienne de M. [L] [K] n'a été évoquée. De même, lors de la signature par la société ERIC PILLON ENCHERES PVE de la promesse de vente du 16 juin 2004. Ces circonstances sont de nature à jeter un doute, sinon sur la réalité de cette reconnaissance de dette, au moins sur l'objectif poursuivi par M. [K] lorsqu'il s'est ménagé la signature par la SCI DU CHATEAU de cette reconnaissance de dette et lorsque les notaires ont été avisés de cette signature.
Par ailleurs, aucun document n'est produit qui explique la cause de la reconnaissance de dette, les indications floues de M. [K] et de la SCI dans l'acte de réitération notariée du 26 avril 2013 : 'diverses sommes exigibles lors des cessions sus-énoncées, ainsi que divers paiements effectués lors de l 'existence de la SCI DU CHATEAU (remboursement de crédit, taxe foncière etc...)', n'étant pas suffisantes : compte tenu du montant de la créance, un décompte précis et détaillé, accompagné de justificatifs, aurait dû être établi en vue de l'audience d'orientation. M. [L] [K] n'est pas en mesure de justifier de documents comptables permettant de vérifier l'existence de sa créance, tandis qu'étonnamment la société saisie n'émet aucune interrogation ou contestation du montant de la créance alléguée. Ni M. [K] ni la SCI DU CHATEAU n'ont d'ailleurs donné suite aux sommations interpellatives à eux délivrées par la société EPE PVE aux fins de production des justificatifs de la créance alléguée.
Or si l'on rapproche la cause vague évoquée dans l'acte authentique de reconnaissance de dette du 26 avril 2013, des termes du procès-verbal de l'assemblée générale du 8 octobre 2012 de la SCI DU CHATEAU - selon lesquels la créance de M. [L] [K] envers la SCI résulterait des 'sommes dues au titre de rachat des parts sociales de la SCI DU CHATEAU', on s'aperçoit que sont évoqués par les intimés comme éléments de la créance de M. [K], d'une part ceux résultant des prix de cession des parts de la SCI, d'autre part ceux provenant des dépenses effectuées pour le compte de la SCI.
Il importe à cet égard de souligner :
-que la SCI DU CHATEAU ne pouvait accorder de son plein gré une sûreté en garantie des dettes personnelles de ses associés [X] et [J] [K] à la suite des cessions respectives de parts de société civile à eux consenties, sans aucune contrepartie : l'immeuble soumis à sûreté constituant son seul actif, la SCI DU CHATEAU, ne tirait aucun avantage de son engagement et au contraire par celui-ci mettait en jeu son existence même ;
-que l'affirmation selon laquelle la reconnaissance de dette du 1er octobre 1999 aurait été signée pour garantir le remboursement de dépenses d'un montant de 8.500.000 F dans l'intérêt de la société, est peu crédible alors que M. [L] [K] n'a été associé et gérant de la SCI que pendant une période d'un peu plus d'une année, entre avril 1998 et juillet 1999, et qu'il n'est aucunement allégué qu'un tel volume de dépenses aurait pu avoir un caractère exceptionnel.
Il y a donc lieu de relever que la créance de M. [K], non détaillée ni causée par lui, n'est pas liquide. Elle n'est pas davantage exigible dès lors que la reconnaissance de dette du 1er octobre 1999 prévoit qu'elle 'sera exigible lors de la vente par la SCI DUCHATEAU du bien immobilier' litigieux. En effet, M. [K] ne peut à la fois invoquer l'existence de la vente pour justifier l'exigibilité de sa créance, et invoquer l'inopposabilité d'une telle vente pour pouvoir saisir immobilièrement la SCI DU CHATEAU.
En conséquence, la créance de M. [L] [K], ne peut être vérifiée et ne présente pas le caractère liquide et exigible permettant de fonder une saisie. Dans ces conditions, sa réitération par acte authentique quatorze ans après sa signature dans un contexte particulier d'attente de publication d'un arrêt valant vente parfaite, entre deux personnes morale et physique constituées de membres de la même famille, au surplus avec le plein accord du saisi, accrédite la réalisation d'un montage frauduleux, qui sera examiné ci-après.
Sur l'inopposabilité à la société ERIC PILLON ENCHERES PVE des actes de reconnaissance de dette, d'inscription hypothécaire et de la saisie immobilière pour fraude et les demandes de nullité et mainlevée du commandement valant saisie immobilière :
Il apparaît que la demande de saisie immobilière a été plaidée à l'audience d'orientation du 21 janvier 2015, sans que la société ÉRIC PILLON ENCHERES PVE ait été avisée de la procédure, et surtout que la SCI DU CHATEAU, débitrice saisie, a laissé se dérouler l'audience sans informer le juge de l'exécution que la vente était intervenue au profit de la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE.
La SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE n'ayant pas publié son titre, elle ne peut avoir la qualité de tiers détenteur, de sorte qu'elle n'était pas tenue de procéder aux formalités de purge des inscriptions. En outre, M. [L] [K] ne saurait sans se contredire attribuer à la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE la qualité de tiers détenteur sauf à reconnaître la nullité de la procédure par lui engagée, à défaut de délivrance à l'appelante d'un commandement de payer ou de délaisser l'immeuble conformément à l'article R 321-5 du code des procédures civiles d'exécution.
Le premier juge avait déjà admis que la réitération notariée de la reconnaissance de dette entre [L] [K] et la SCI DU CHATEAU, avec affectation hypothécaire de l'immeuble consentie par la SCI DU CHATEAU le même jour et la prise d'hypothèque conventionnelle subséquente, deux mois seulement après le prononcé de l'arrêt de la cour d'appel déclarant la vente parfaite, pouvait apparaître discutable.
Aujourd'hui les intimés se prévalent de la possibilité pour M. [L] [K] d'inscrire une hypothèque sur le bien qu'ils estiment appartenir encore à la SCI DU CHATEAU, à défaut de publication par la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE de la vente déclarée parfaite en justice, et donc d'opposabilité de cette vente au créancier, et reprochent à la SARL appelante son retard et sa négligence dans la publication de son droit de propriété.
Il importe en préliminaire de rappeler avec la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE qu'après avoir conclu une promesse de vente à terme avec sa locataire commerciale la société ERIC PILLON ENCHERES PVE le 15 juin 2004, la SCI DU CHATEAU est revenue sur son engagement par procès-verbal d'assemblée générale de mars 2007, puis a assigné aux fins de faire juger nulle la promesse de vente .
Le jugement du 19 janvier 2011 du Tribunal de grande instance de VERSAILLES déclarant la vente parfaite n'était pas assorti de l'exécution provisoire ; à la suite de l'arrêt confirmatif du 14 février 2013, et à l'expiration du délai de trois mois de sa signification donné par l'arrêt aux parties pour précéder à la réitération de la vente devant notaire, Me [T] a fait délivrer à la SCI DU CHATEAU une sommation d'avoir à se présenter à l'étude notariale afin de signer l'acte de vente, qui a été suivie, à défaut pour la SCI d'avoir déféré à cette convocation, de l'établissement par le notaire d'un procès-verbal de difficultés le 26 juin 2013. C'est à cette date que la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE verra porter à sa connaissance l'inscription deux mois auparavant, le 26 avril 2013, par M. [L] [K], d'une hypothèque conventionnelle sur le bien.
Il ne peut être fait grief ensuite à la SARL ERIC PILLON ENCHERES, alors que celle-ci avait épuisé toutes tentatives de réitération de la vente par acte authentique, d'avoir attendu le prononcé de l'arrêt de la cour de cassation saisie par M. [J] [K] pour publier l'arrêt valant vente. Le commandement de payer valant saisie immobilière a été délivré dès le 3septembre 2014, soit quatre mois seulement après l'intervention de l'arrêt de cassation mettant fin au litige entre les parties. D'autre part, la société appelante démontre avoir, conformément auw termes du dispositif de l'arrêt du 14 février 2013, consigné le prix convenu pour la vente avec la SCI DU CHATEAU, en principal et frais, par deux versements à la Caisse des dépôts et consignations des 24 juillet et 12 septembre 2013. Il ne saurait être fait grief à la SARL ERIC PILLON ENCHERES d'avoir compensé le prix de vente convenu de 1.219.592 € avec le montant de la somme à elle dûe par la SCI DU CHATEAU en remboursement des loyers réglés depuis la levée d'option, soit la somme de 229.517 €, en application des décisions judiciaires définitives intervenues.
En présence d'un arrêt valant vente non encore définitif, la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE a fait preuve au contraire d'une prudence normale en ne publiant pas immédiatement son titre.
Si à défaut de publication , la vente immobilière déclarée judiciairement parfaite a pu être déclarée inopposable à M. [L] [K] en tant que tiers créancier de la SCI DU CHATEAU, précédent propriétaire du bien, il n'en reste pas moins que cette vente a opéré en vertu de l'autorité de la chose jugée inter partes et la SCI DU CHATEAU ne pouvait être admise à laisser faire la saisie comme si elle était encore propriétaire, préférant ainsi ouvertement se laisser saisir pour un montant supérieur au prix de la vente du bien, au mépris de son propre intérêt immédiat.
Il convient d'observer que M. [L] [K], propriétaire lors de la constitution de la SCI DU CHATEAU en 1997 de la moitié des parts de celle-ci, (et son gérant en 1998 ), a fait ensuite cession successivement à ses deux fils de ses parts sociales, de façon à ce qu'à compter de 1999 ces parts soient réparties entre MM. [X] et [J] [K] par moitié, à raison de 50 parts chacun. M. [L] [K], fondateur et père des deux seuls associés de la SCI DU CHATEAU, ne pouvait ignorer les affaires de la SCI, et notamment l'existence de la promesse de vente à la locataire commerciale de l'immeuble, et les années de procédure consécutives au refus de vente et à l'assignation de la SCI . Par ailleurs, par sa participation à l'inscription d'hypothèque conventionnelle de M. [L] [K], la SCI DU CHATEAU manifestait son accord exprès à cette sûreté, le 26 avril 2013. Enfin alors qu'au cours de l'année 2013 la SARL appelante avait consigné le prix de la vente, force est de constater qu'à aucun moment M. [L] [K] n'a choisi de faire opposition sur le prix consigné comme la faculté en était ouverte à tout créancier du vendeur. Il ressort ainsi de l'ensemble des éléments de la cause que les intérêts de M. [L] [K] et de la SCI DU CHATEAU sont en réalité convergents, les intimés manoeuvrant ensemble pour tenter de s'opposer à l'exécution de décisions définitives ayant déclaré la vente parfaite.
Il s'ensuit que M. [L] [K] et la SCI DU CHATEAU, dont les associés sont les deux fils de M. [L] [K], ont créé un montage frauduleux destiné à mettre en échec les droits de la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE. La fraude corrompant tout, il est fait droit à l'action paulienne de la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE, les actes de reconnaissance de dette, d'inscription hypothécaire et l'ensemble des actes de la saisie immobilière introduite par le commandement de payer du 4 septembre 2014 devant lui être déclarés inopposables.
Sur la demande de dommages-intérêts de M. [L] [K] :
Coauteur d'un montage frauduleux destiné à souscrire le patrimoine de sa famille à l'exécution de décisions judiciaires définitives, M. [L] [K] ne pourra que voir rejeter sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Au vu des circonstances particulières de la cause et de l'allongement indu des procédures opposant les parties par les agissements des intimés, il apparaît équitable d'allouer à la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE la somme de 10.000 € qu'elle sollicite au titre des frais irrépétibles de procédure que la mauvaise foi des intimés l'a conduite à exposer tant en première instance qu'en appel pour la préservation de ses droits.
Sur les dépens :
Succombant en leur appel incident et en toutes leurs demandes, M. [L] [K] et la SCI DU CHATEAU supporteront les dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare recevable l'appel interjeté par la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE par remise manuelle au greffe de la requête aux fins d'assigner à jour fixe ;
INFIRME le jugement rendu le 30 septembre 2015 par le juge de l'exécution du Tribunal de grande instance de VERSAILLES statuant en matière de saisies immobilières en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré recevable l'intervention de la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE ;
Statuant à nouveau,
Dit que la créance de M. [L] [K] n'est ni liquide ni exigible ;
Faisant droit à l'action paulienne de la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE,
Déclare inopposables à la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE les actes suivants :
+ la reconnaissance de dette du 1 er octobre 1888,
+l'acte du 26 avril 2013réitérant cettee reconnaissance et autorisant l'inscription d'une hypothèque judiciaire provisoire au profit de M. [L] [K],
+l'inscription hypothécaire qui a suivi,
+le commandement de payer valant saisie immobilière délivré le 3 septembre 2014 et publié le 12 septembre 2014 au service de la publicité foncière de Versailles 1, volume 2014 S n°32 ;
+l'assignation à l'audience d'orientation du 10 novembre 2014 et tous les actes afférents à la procédure de saisie immobilière ;
Prononce en conséquence la nullité du commandement et sa caducité à défaut d'immeuble disponible, la mainlevée de l'inscription hypothécaire et du commandement de payer valant saisie publiés par M. [K] ;
Déboute M. [L] [K] et la SCI DU CHATEAU de l'intégralité de leurs demandes ;
Condamne in solidum M. [L] [K] et la SCI DU CHATEAU à payer à la SARL ERIC PILLON ENCHERES PVE une somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de procédure exposés tant en première instance qu'en appel ;
Condamne in solidum M. [L] [K] et la SCI DU CHATEAU aux entiers dépens, ceux d'appel pouvant être directement recouvrés conformément aux dispositions d e l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame MASSUET, conseiller faisant fonction de président,et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le conseiller,