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12/05/2016 | FRANCE | N°14/05330

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 12 mai 2016, 14/05330


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



19e chambre



ARRÊT N°



CONTRADICTOIRE



DU 12 MAI 2016



R.G. N° 14/05330



AFFAIRE :



[I] [E] épouse [X]



C/



SASU STHREE SAS





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE



N° RG : 13/00162





Copies exécutoires délivrées à

:



la AARPI NYS CORNUT-GENTILLE

Me Sandra PAUTAIRE





Copies certifiées conformes délivrées à :



[I] [E] épouse [X]



SASU STHREE SAS







le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DOUZE MAI DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

19e chambre

ARRÊT N°

CONTRADICTOIRE

DU 12 MAI 2016

R.G. N° 14/05330

AFFAIRE :

[I] [E] épouse [X]

C/

SASU STHREE SAS

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

N° RG : 13/00162

Copies exécutoires délivrées à :

la AARPI NYS CORNUT-GENTILLE

Me Sandra PAUTAIRE

Copies certifiées conformes délivrées à :

[I] [E] épouse [X]

SASU STHREE SAS

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DOUZE MAI DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [I] [E] épouse [X]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Comparante en personne, assistée de Me Marc-Antoine NYS de l'AARPI NYS CORNUT-GENTILLE, avocat au barreau de PARIS, (vestiaire : D2144)

APPELANTE

****************

SASU STHREE SAS

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Sandra PAUTAIRE, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mars 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claire GIRARD, Présidente chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Claire GIRARD, Présidente,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Arnaud DERRIEN,

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [I] [E] épouse [X], a été embauchée selon contrat de travail à durée indéterminée du 15 février 2010 par la société Sthree en qualité de consultante recrutement junior statut ETAM, position 2.2, coefficient 310. Sa rémunération moyenne mensuelle brute pour les douze derniers mois était de 4025,26 € selon la salariée et de 3995,46 € selon l'employeur.

La convention collective applicable est celle des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs conseils, sociétés de conseils dite SYNTEC.

La société Sthree employait habituellement au moins onze salariés.

Par lettre du 2 janvier 2013, Mme [I] [E] épouse [X] a pris acte de la rupture de son contrat de travail et a, le 17 janvier 2013, saisi le conseil de prud'hommes de Nanterre aux fins de requalification de la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le conseil de prud'hommes de Nanterre (section activités diverses), par jugement du 6 novembre 2014 auquel il y a lieu de se reporter pour l'exposé des faits, prétentions et moyens antérieurs des parties, l'a déboutée de ses demandes, confirmant l'ordonnance du bureau de conciliation du 28 mars 2013, fixant la liquidation d'astreinte à 150 € et ordonnant la remise d'une attestation Pôle emploi conforme avec mention du mois de décembre 2011. Les dépens ont été mis à la charge de la société Sthree, déboutée par ailleurs de ses demandes reconventionnelles.

Mme [I] [E] épouse [X] a régulièrement interjeté appel de cette décision le 11 décembre 2014.

Aux termes de ses conclusions du 29 septembre 2015, soutenues oralement à l'audience du 29 septembre 2015, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, Mme [I] [E] épouse [X] a demandé à la cour de :

- infirmer la décision,

- requalifier la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Sthree à lui payer les sommes de :

* 9196,32 € à titre de rappel de salaire,

* 8052,50 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 805,25 € au titre des congés payés y afférents,

* 2013,28 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 24 157,50 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 24 157,50 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,

* 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions du 29 septembre 2015, soutenues oralement à l'audience du 29 septembre 2015, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la société Sthree a demandé à la cour de :

- confirmer la décision,

- condamner Mme [I] [E] épouse [X] à lui payer les sommes de :

* 7990,92 € au titre du préavis non effectué,

* 10 000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive,

* 3000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

À la suite de l'audience du 29 septembre 2015 à laquelle l'affaire a été débattue, la cour de céans, par arrêt rendu le 19 novembre 2015, a adopté le dispositif suivant :

« Vu l'article L. 1152-3 du contrat de travail,

Rouvre les débats,

Invite les parties à conclure sur la nullité du licenciement encourue,

- madame [E] avant le 17 décembre 2015,

- la société Sthree avant le 08 février 2016,

Renvoie la procédure à l'audience du 15 mars 2016, la présente décision valant convocation,

Réserve les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. »

***

Aux termes de ses conclusions additionnelles du 22 décembre 2015, soutenues oralement à l'audience du 15 mars 2016, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, Mme [I] [E] épouse [X] demande à la cour de :

- dire et juger que sa prise d'acte de rupture est aux torts exclusifs de l'employeur,

- dire et juger qu'il y a lieu de requalifier la prise d'acte de rupture en un licenciement nul,

- condamner la société Sthree à lui payer les sommes suivantes :

* 48'315 € à titre d'indemnité de rupture pour licenciement nul,

* 24'157,50 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 20'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de harcèlement moralsubis,

* 8052,50 € à titre d'indemnité de préavis,

* 805,25 au titre des congés payés sur préavis,

* 9196,32 € à titre de rappel de salaire du 15 février 2010 au 15 juin 2013,

* 2013,28 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Sthree aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions additionnelles en défense du 15 mars 2016, soutenues oralement à l'audience du 15 mars 2016, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens, la société Sthree demande à la cour de :

- rectifier l'arrêt en ce qu'il a été statué extra petita,

- juger que la prise d'acte de Mme [I] [E] épouse [X] doit produire les effets d'une démission,

- confirmer le jugement,

subsidiairement,

- juger que la prise d'acte de Mme [I] [E] épouse [X] doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

en tout état de cause,

- à titre principal, constater qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur les demandes formées par Mme [I] [E] épouse [X] à titre de dommages-intérêts pour harcèlement moral, rappels de salaires et indemnité pour travail dissimulé et subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il l'en a déboutée,

- condamner Mme [I] [E] épouse [X] à lui payer la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [I] [E] épouse [X] aux entiers dépens.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 15 mars 2016,

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rectification sollicitée

En premier lieu, l'intimée, lors de l'audience du 15 mars 2016, se fondant sur les articles 4, 5, 442, 444, 463 et 464 du code de procédure civile, a demandé à la cour de rectifier l'arrêt de la cour d'appel de céans rendu le 19 novembre 2015, en ce que les juges se seraient prononcés extra petita puisque la demande de la salariée ne portait que sur une requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'appelante n'a présenté aucune observation à la cour sur ce point.

Aux termes de l'article 464 du code de procédure civile invoqué par l'intimée aux fins d'obtenir la rectification de l'arrêt du 19 novembre 2015 : 'les dispositions de l'article précédent sont applicables si le juge s'est prononcé sur des choses non demandées ou s'il a été accordé plus qu'il n'a été demandé'.

Cependant, dans la présente espèce, ces dispositions n'ont pas vocation à recevoir application dans la mesure où la cour d'appel, dans son arrêt du 19 novembre 2015, n'a fait, aux termes de son dispositif, que :

- rouvrir les débats aux fins d'inviter les parties à conclure sur la nullité du licenciement,

- réserver les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens,

de telle sorte qu'il en résulte que, le juge ne s'étant pas prononcé au fond, la demande de rectification sur le fondement de l'article 464 du code de procédure civile est sans objet dans la présente espèce.

Sur la rupture de la relation de travail

En l'état de la procédure ainsi rappelé et des débats, repris intégralement au vu des changements survenus dans la composition de la juridiction, il sera procédé à l'examen de la prise d'acte de la rupture par la salariée.

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets :

- si les griefs sont fondés : d'un licenciement aux torts de l'employeur, pouvant être soit un licenciement sans cause réelle et sérieuse, soit un licenciement nul si les manquements reprochés à l'employeur sont de nature à entraîner la nullité du licenciement,

- dans le cas contraire, d'une démission.

La charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié, étant précisé que la lettre de prise d'acte de rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige.

Aux termes de sa lettre du 2 janvier 2013, Mme [I] [E] épouse [X] a pris acte de la rupture de son contrat de travail, reprochant à son employeur un harcèlement moral ainsi que l'absence de rémunération des heures supplémentaires.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1, interprété à la lumière de la directive n° 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ce texte, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [I] [E] épouse [X], aux termes de sa lettre de prise d'acte du 2 janvier 2013, reproche à son employeur, la société Sthree, d'avoir manqué à son obligation de sécurité de résultat concernant sa santé morale et psychologique du fait :

- de l'incident du 13 juin 2012 au cours duquel son manager, M. [C] [L], lui aurait hurlé dessus et demandé de 'la fermer' à plusieurs reprises, la retenant plus de 40 minutes en entretien en lui reprochant son manque de respect envers l'une de ses collègues et en adoptant une attitude menaçante, tapant violemment du poing sur la table et bloquant la porte de la salle de réunion pour l'empêcher d'en sortir,

- de l'absence de réaction de Mme [T], directrice des ressources humaines, à qui elle a signalé dès le lendemain l'incident et qui lui aurait proposé 3 solutions : rester dans l'équipe actuelle et attendre que la situation s'apaise, attendre une mutation dans une autre marque du groupe ou démissionner,

- de l'absence de déclaration de l'incident en accident du travail, au vu de son arrêt maladie du 20 juin 2012 et des prolongations de celui-ci,

- de l'absence de réponse à sa demande de savoir s'il avait été diligenté une enquête ou pris des mesures pour mettre fin aux agissements,

- de son travail au-delà des horaires contractuels sans rémunération (8h45-18h15 du lundi au jeudi et 8h45-17h15 le vendredi),

- de l'inaptitude temporaire à son poste, déclarée par la médecine du travail et de l'absence de mesures prises par l'employeur pour garantir la cessation des actes de harcèlement ou prévenir la survenance d'acte de violence psychologique ou physique à son encontre.

À l'appui de ses affirmations contenues dans sa lettre de prise d'acte, Mme [I] [E] épouse [X] produit :

- la réponse de l'employeur du 11 janvier 2013 à sa lettre de prise d'acte du 2 janvier 2013,

- la fiche d'aptitude établie par le médecin du travail le 29 juin 2012 mentionnant une contre-indication temporaire au poste dans l'entreprise,

- une attestation de M. [V] [V] du 11 avril 2013 qui, au cours de l'entretien litigieux avec M. [C] [L] du 13 juin 2012, a entendu celui-ci crier,

- le courrier adressé par l'inspection du travail à la société Sthree le 28 septembre 2012,

- les arrêts de travail de la salariée,

- l'examen de retentissement psychologique du docteur [S] des UMJ dans le cadre de la plainte pénale déposée contre l'employeur pour harcèlement.

Les faits ainsi établis consistent en un entretien houleux de la salariée avec son supérieur hiérarchique, M. [C] [L], le 13 juin 2012, au cours duquel le seul témoin qui atteste en la faveur de la salariée, indique avoir entendu M. [C] [L] crier. Consécutivement à cet événement, la salariée a été reçue par la DRH, puis a été en arrêt de travail.

La réalité des faits du 13 juin 2012 n'est pas contestée par l'employeur qui donne la version des faits de M. [C] [L] au travers de l'attestation de celui-ci aux termes de laquelle il ressort que la salariée a adopté un comportement irrespectueux à l'égard de l'une de ses collègues, de telle sorte qu'il a été dans l'obligation de mettre en garde Mme [I] [E] épouse [X] qui ne cessait de l'interrompre.

Mme [I] [E] épouse [X], dans ses conclusions, prétend que Mme [T] [F], la collègue au sujet de laquelle a eu lieu l'entretien litigieux, bénéficie depuis son arrivée de faveurs de la direction en matière d'attribution de portefeuille de clients, à son détriment. Cependant, au soutien de cette affirmation, Mme [I] [E] épouse [X] n'apporte aucune justification.

Aux termes de l'attestation de Mme [T] [F] versée aux débats par l'employeur, celle-ci se plaint d'avoir subi pendant deux ans un harcèlement constant de la part de Mme [I] [E] épouse [X] qui avait monté le bureau contre elle, ne lui disait jamais bonjour le matin, organisait des déjeuners et des pots entre collègues sans l'inclure, ne supportant pas qu'elle signe plus de contrats qu'elle et l'accusant dès lors d'avoir une relation intime avec le manager.

L'employeur précise par ailleurs, relativement aux faits du 13 juin 2012, qu'en dehors du témoignage de M. [V] [V] dont il justifie d'un litige prud'homal en cours avec celui-ci, aucun autre salarié ne témoigne des faits alors que l'espace est organisé en open space.

Il est constant qu'un rendez vous a eu lieu dès le lendemain des faits, le 14 juin 2012, entre la directrice des ressources humaines et Mme [I] [E] épouse [X], d'une part et M. [C] [L], d'autre part.

En outre, l'employeur justifie de l'existence d'une enquête interne consécutive aux faits dénoncés par Mme [I] [E] épouse [X], réalisée auprès des consultants composant l'équipe de M. [C] [L] entre le mois d'août et le mois d'octobre 2012, dont il est résulté des retours positifs qu'il détaille dans ses conclusions.

L'employeur a, au surplus, fait réaliser en 2012 une enquête relative aux risques psychosociaux dans l'entreprise et a fait appel à l'ARACT (association régionale pour l'amélioration des conditions de travail) et à la médecine du travail. Le compte rendu de cette enquête et les résultats ont été restitués au CHSCT par le médecin du travail.

Le seul fait pour la salariée de se mettre en arrêt maladie, d'exiger que celui-ci soit pris en compte au titre de la législation sur les accidents du travail, d'écrire à l'inspection du travail et de déposer plainte devant les services de police (le 5 mars 2013, soit près d'un an après les faits invoqués), ceci, à partir d'un fait unique : l'entretien avec son supérieur hiérarchique au sujet duquel un seul témoin (en litige avec son employeur) mentionne avoir entendu ledit supérieur hiérarchique 'crier', ne permet pas d'établir l'existence d'une répétition de faits qui, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'agissements ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors, en présence d'un fait unique et non d'actes répétés, la cour considère que Mme [I] [E] épouse [X] n'établit pas des faits qui, pris dans leur ensemble, laissent présumer un harcèlement moral, alors même qu'il est établi que l'employeur a immédiatement pris en compte les faits du 13 juin 2012 et a aussitôt adopté une attitude adéquate en faisant réaliser une enquête dont les résultats n'ont pas apporté la justification de comportements de harcèlement moral dans l'entreprise, ayant en conséquence respecté son obligation de sécurité.

Sur l'absence de rémunération des heures supplémentaires

En deuxième lieu, à l'appui de sa demande de prise d'acte, Mme [I] [E] épouse [X] invoque des dépassements d'horaire au delà des horaires collectifs et prétend que l'employeur refuse systématiquement de payer les heures supplémentaires.

Cependant, elle ne verse aux débats aucune demande faite à son employeur au titre du paiement des heures supplémentaires ni ne justifie des refus systématiques de paiement qu'elle allègue.

Au surplus, les formulaires individuels auto-déclaratifs produits par l'employeur pour les mois de mai et juin 2012 démontrent l'absence de toute heure supplémentaire effectuée par la salariée qui se fonde pour cette même période sur les relevés extraits du système d'accès par badge à la tour Europlaza, ainsi que mentionnés dans le courrier de l'inspection du travail, alors qu'il ne s'agit toutefois pas d'un système d'enregistrement du temps de travail mis en place par l'employeur mais d'un système d'accès sécurisé tant aux locaux de travail des différentes entreprises situées sur les lieux qu'aux équipements sportifs.

Aussi, faute pour Mme [I] [E] épouse [X] d'apporter à la cour des éléments probants à l'appui du second grief invoqué dans sa lettre de prise d'acte, celui-ci, non fondé, ne sera pas retenu.

Dès lors, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a jugé que la prise d'acte de Mme [I] [E] épouse [X] produit les effets d'une démission, de telle sorte que Mme [I] [E] épouse [X] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes fondées sur la nullité du licenciement pour harcèlement moral :

* 48'315 € à titre d'indemnité de rupture pour licenciement nul,

* 20'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation des actes de harcèlement moralsubis,

* 8052,50 € à titre d'indemnité de préavis,

* 805,25 € au titre des congés payés sur préavis,

* 2013,28 € à titre d'indemnité de licenciement.

Sur les demandes financières supplémentaires de Mme [I] [E] épouse [X]

Mme [I] [E] épouse [X] sollicite en outre la condamnation de la société Sthree à lui payer les sommes suivantes :

* 24'157,50 € à titre d'indemnité de travail dissimulé,

* 9196,32 € à titre de rappel de salaire du 15 février 2010 au 15 juin 2013,

La société Sthree fait valoir que la cour d'appel de Versailles, dans son arrêt du 19 novembre 2015, a :

« Rouvert les débats,

Invité les parties à conclure sur la nullité du licenciement encourue,

Renvoyé la procédure à l'audience du 15 mars 2016,

Réservé les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens »

de telle sorte que la cour, selon elle, ne s'est réservée la possibilité de statuer que sur les demandes résultant de la nullité du licenciement ainsi sur celles fondées sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, à l'exception de toutes autres demandes qui, selon elle, n'ont pas été réservées aux termes de l'arrêt du 19 novembre 2015.

Cependant, dans la mesure où le dispositif de l'arrêt du 19 novembre 2015 n'a tranché aucune des demandes au fond, la cour conserve sa plénitude de juridiction.

Sur les heures supplémentaires

En application de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, mais il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production d'éléments suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Mme [I] [E] épouse [X], dont le grief invoqué dans la lettre de prise d'acte d'absence de rémunération des heures supplémentaires n'a pas été retenu par la cour, sollicite le paiement de la somme de 9196,32 € à titre de rappel d'heures supplémentaires du 15 février 2010 au 15 juin 2012, prétendant avoir travaillé au cours de cette période :

- de 8h45 à 19 heures le lundi, mardi et jeudi, soit 2,25 heures par jour ces 3 jours,

- de 8h45 à 18h30 le mercredi, soit 1,75 heures,

- de 8h45 à 18h le vendredi, soit 1,75 heures.

Elle demande ainsi le paiement de 5,75 heures par semaine, soit 23 heures par mois. Retenant un salaire horaire de 14,28 €, elle sollicite : 328,44 € par mois X 28 mois = 9196,32 €.

À l'appui de sa demande, elle verse aux débats :

- un exemplaire de fiche de temps remis par l'employeur,

- des courriels envoyés par elle et datés des 8 et 18 juillet 2011, 3, 4, 5, 25, 29 et 31 août 2011, 1, 7, 13, 19, 23, 26 septembre 2011, 20, 26 et 27 octobre 2011, 4, 18 novembre 2011,4 et 5 juin 2012,

- deux photocopies d'attestations, l'une partiellement et l'autre totalement illisible.

La cour observe que :

- la fiche de temps que Mme [I] [E] épouse [X] prétend être pré remplie, bien que rédigée en anglais, permet toutefois à la cour de constater qu'il s'agit d'un planning prévoyant les heures travaillées mois par mois, destiné à être complété par le salarié au vu des heures supplémentaires accomplies, en dépit de ce qu'indiquent tant la salariée que les quelques bribes lisibles de l'attestation de Madame [B].

- Mme [I] [E] épouse [X] ne justifie pas de l'accomplissement de cette procédure de déclaration au soutien des heures supplémentaires dont elle réclame le paiement (ni même de l'impossibilité dans laquelle elle aurait été de remplir la fiche) ; il sera rappelé que les formulaires individuels auto déclaratifs produits par l'employeur pour mai et juin 2012, examinés ci-dessus dans le cadre de la prise d'acte, n'ont pas révélé d'heures supplémentaires effectuées par la salariée,

- la période entière pour laquelle il est sollicité le paiement d'heures supplémentaires n'est pas couverte par les quelques éléments produits, alors même qu'il est justifié que deux des éléments allégués, datés de juin 2012, ne correspondent pas à la réalité,

- ces quelques éléments sont par ailleurs non probants puisque la plupart de ces mails ont été expédiés aux alentours de 18 heures et pour un quart d'entre eux, la cour observe que le délai est postérieur de moins de 10 minutes de la fin théorique de la journée de travail, alors même qu'il ressort des termes d'un autre mail du 7 décembre 2011 versé aux débats, adressé par la salariée à son manager, qu'elle reconnaît elle-même des retards répétés le matin.

Aussi, faute de fournir des éléments suffisamment précis sur les horaires qu'elle prétend avoir effectués pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments, Mme [I] [E] épouse [X] sera déboutée de sa demande en paiement, le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

En l'espèce, en l'absence de condamnation de l'employeur au titre des heures supplémentaires, la demande d'indemnité présentée par la salariée à ce titre sera par conséquent rejetée.

Dès lors, la décision entreprise sera confirmée de ces chefs.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la solution du litige, la décision sera également confirmée à ce titre et par application de l'article 696 du code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de Mme [I] [E] épouse [X] qui succombe en son recours.

Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt rendu par la cour d'appel de Versailles le 19 novembre 2015,

Dit que la demande de rectification dudit arrêt fondée sur l'article 464 du code de procédure civile est sans objet,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Nanterre (section activités diverses) le 6 novembre 2014 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Rejette le surplus,

Condamne Mme [I] [E] épouse [X] aux dépens d'appel.

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Claire GIRARD, Présidente et par Monsieur Arnaud DERRIEN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 14/05330
Date de la décision : 12/05/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°14/05330 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-12;14.05330 ?
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