La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/05/2016 | FRANCE | N°15/03895

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 10 mai 2016, 15/03895


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 MAI 2016



R.G. N° 15/03895



AFFAIRE :



[J] [P]



C/



SA COMPAGNIE INDUSTRIELLE ET FINANCIERE D'INGENIERIE INGENICO







Sur le contredit formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 28 Avril 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 12/01330

<

br>


Copies exécutoires délivrées à :



SELARL LAFORGUE QUEFFEULOU AVOCATS ASSOCIES



SELARL MONTECRISTO





Copies certifiées conformes délivrées à :



[J] [P]



SA COMPAGNIE INDUSTRIELLE ET FINANCIERE D'INGENIERIE INGENICO



l...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MAI 2016

R.G. N° 15/03895

AFFAIRE :

[J] [P]

C/

SA COMPAGNIE INDUSTRIELLE ET FINANCIERE D'INGENIERIE INGENICO

Sur le contredit formé à l'encontre d'un Jugement rendu le 28 Avril 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE

Section : Encadrement

N° RG : 12/01330

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL LAFORGUE QUEFFEULOU AVOCATS ASSOCIES

SELARL MONTECRISTO

Copies certifiées conformes délivrées à :

[J] [P]

SA COMPAGNIE INDUSTRIELLE ET FINANCIERE D'INGENIERIE INGENICO

le :

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DIX MAI DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [J] [P]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me François LAFORGUE de la SELARL LAFORGUE QUEFFEULOU AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

DEMANDEUR AU CONTREDIT

****************

SA COMPAGNIE INDUSTRIELLE ET FINANCIERE D'INGENIERIE INGENICO

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Fanny DE COMBAUD de la SELARL MONTECRISTO, avocat au barreau de PARIS

DEFENDERESSE AU CONTREDIT

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue en audience publique le 01 Mars 2016 devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE,

EXPOSE DU LITIGE

Entre le 1er septembre 2003 et le 31 octobre 2007 M. [P] a été employé en contrat à durée indéterminée par la société INGENICO INTERNATIONAL PACIFIC en qualité de directeur général régional (JAPON COREE).

La relation contractuelle s'est terminée par la démission de M. [P] par lettre du 30 avril 2007.

Par lettre du 21 octobre 2005, la société INGENICO (société mère française dont le siège social se situe à [Localité 1]) a attribué à M. [P] 5000 stock- options, puis 10 000 actions gratuites (ou « free shares ») par lettre du 8 juin 2006.

Le 23 novembre 2009, selon un bulletin de demande de levée d'option envoyé à la banque PARIBAS, M. [P] demandait la levée de l'option concernant 5000 stock-options au cours du marché.

Par lettre du 3 décembre 2009, la société INGENICO indiquait à M. [P] que ses stock-options avaient été annulées suite à sa démission, et que son option aurait dû être levée avant le 15 novembre 2007, invoquant les termes du plan de stock-options.

C'est dans ce contexte que fin 2010 M. [P] saisissait le tribunal de commerce de NANTERRE aux fins de contester tant sa démission que l'annulation de ses stock-options, mettant en cause la société INGENICO.

Par jugement du 4 avril 2012 le tribunal de commerce se déclarait incompétent au profit du conseil de prud'hommes de NANTERRE.

Ce dernier, saisi par M. [P] seulement en ce qui concerne les stock- options, s'est déclaré incompétent au profit d'une juridiction étrangère par jugement du 28 avril 2015, dont M. [P] a formé contredit, relevant que le contrat de travail avait été conclu au JAPON et le travail exercé dans ce même pays, alors que le salarié était et se trouve encore domicilié au JAPON.

Selon des conclusions oralement soutenues à l'audience du 1er mars 2016, auxquelles la cour se réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile :

M. [P] demande à la cour de se déclarer compétente et d'évoquer, sollicitant la condamnation de la société INGENICO à lui payer :

- la somme de 30 300 €, représentant la différence entre le prix d'achat et le prix de vente des 5000 actions au 23 novembre 2009, date de sa levée d'option, avec intérêts au taux légal à compter de cette date,

- outre la somme de 1 034 944 €, soit le cours de l'action à la date des conclusions (103 €) multiplié par le nombre d'actions gratuites attribuées (10 048), ainsi que celle de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société INGENICO sollicite la confirmation du jugement, estimant en outre la demande irrecevable (car seule sa filiale japonaise est l'employeur) ; à titre subsidiaire elle invoque la caducité des options et des actions gratuites en raison de la démission de M. [P].

Elle demande la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes dirigées contre la société INGENICO

La société INGENICO invoque l'absence de qualité à agir de M. [P], puisque seule sa filiale, la société INGENICO INTERNATIONAL PACIFIC, était son employeur.

Or, ce moyen ne serait valable que si M. [P] basait ses demandes uniquement sur la rupture de la relation contractuelle avec son employeur, ce qui n'est pas le cas puisque M. [P] réclame directement la valeur des stock- options et actions gratuites que ladite société INGENICO lui a octroyées.

Dès lors, les demandes de M. [P] sont recevables en ce qu'elles sont valablement dirigées contre la société INGENICO.

Sur la compétence du conseil de prud'hommes

Comme l'expose à raison M. [P], en application de l'article 96 du code de procédure civile, la désignation du conseil de prud'hommes de NANTERRE comme juridiction compétente selon le jugement du tribunal de commerce en date du 4 avril 2012, s'impose au conseil.

Il appartenait aussi à la société INGENICO de soulever cette question de la juridiction du travail compétente (française ou japonaise) soit devant le tribunal de commerce, soit en formant contredit du jugement dudit tribunal, ce qu'elle n'a pas fait, se contentant de soulever ce moyen bien tardivement devant lecConseil de prud'hommes 4 jours avant l'audience de plaidoiries.

Le conseil ne pouvait en conséquence décliner sa compétence.

Une bonne justice commandant de donner une solution définitive au litige, en cours depuis cinq ans, il convient d'évoquer, chaque partie ayant d'ores et déjà conclu au fond.

Sur le droit applicable et les demandes

Comme l'indique M. [P], le droit français est applicable, comme le prévoit le plan sur les stock-options (pièce 4) en date du 14 décembre 2004 en son article XI, mais aussi le plan d'attributions d'actions gratuites (pièce 8) en date du 14 décembre 2005 en son article II.

La société INGENICO soutient que M. [P] n'était plus bénéficiaire des stock-options et des actions gratuites, en invoquant :

- tant l'article 5 du plan sur les stock-options, lequel prévoit qu'en cas de démission avant le 19 octobre 2008 ou de licenciement pour faute grave, les options deviendront caduques le jour du départ effectif du bénéficiaire,

- que l'article V.2 du plan d'attribution d'actions gratuites, lequel stipule que les bénéficiaires doivent être dirigeants de la société INGENICO ou d'une filiale à l'expiration de la date d'acquisition, soit au 5 mai 2008, ce qui n'était plus le cas de M. [P] parti fin octobre 2007.

M. [P] prétend que la cause de son départ de la société INGENICO INTERNATIONAL PACIFIC résulte non pas d'une véritable démission mais de la décision de la société INGENICO de fermer sa filiale et de supprimer son emploi, et qu'il avait été stipulé en contrepartie de cette démission que son départ ne porterait pas préjudice aux accords en cours entre lui et la société INGENICO concernant les stock-option et les actions gratuites.

M. [P] fait donc valoir qu'il avait fait du maintien de ses avantages une condition de sa démission.

Il ressort effectivement des échanges de courriels entre M. [P] et les dirigeants de la société INGENICO entre les 5 et 12 avril 2007, que la décision de fermeture de la filiale japonaise qui employait M. [P] a été imposée par la société INGENICO, laquelle avait mandaté ce dernier pour procéder aux licenciements des salariés avant de fermer la société INGENICO INTERNATIONAL PACIFIC, le poste de M. [P] étant de fait supprimé aux termes du processus de fermeture fin octobre 2007, date de son départ effectif tel que prévu dans sa lettre de démission en date du 30 avril 2007.

Dans cette lettre M. [P] indique : « je soumets par la présente ma démission ... j'effectuerai une période de préavis de 6 mois. Ma date finale d'emploi avec INGENICO sera le 31 octobre 2007 ; pendant cette période mes conditions actuelles d'emploi et tous les accords en vigueur avec INGENICO ne seront pas modifiés ; je sollicite une confirmation écrite comme acceptation de ma démission et de ses conditions » ; cette lettre est contresignée par son supérieur hiérarchique M. [X].

Dans le plan de fermeture de la société INGENICO INTERNATIONAL PACIFIC une ligne concerne le coût du départ de M. [P] : « cost of termination S.[P] to be determined by [Localité 2] ».

Ces éléments démontrent qu'il y a eu négociation entre M. [P] et la direction de la société INGENICO au sujet des conditions financières de son départ ; la mention expresse selon laquelle « tous les accords en vigueur avec INGENICO ne seront pas modifiés » ne peut que faire référence aux stock-option et actions gratuites, en l'absence d'autres accords.

C'est d'ailleurs dans cette logique que par lettre du 24 juillet 2007, à une date où M. [P] avait déjà donné sa démission, la société INGENICO indique à ce dernier qu'il est bénéficiaire de 10 048 actions gratuites, du fait d'une distribution de dividende.

Enfin, il est prévu dans l'article X du plan des stock-options que le directoire de la société INGENICO peut modifier les règles du plan pour les bénéficiaires qui n'ont pas encore exercé leur option, ce qui va dans le sens d'une possibilité pour la direction de la société INGENICO de déroger à ce plan, en fonction des situations individuelles.

Par ailleurs, en l'absence de reproches faits à M. [P] dans le cadre de son travail, il apparaît évident à la cour que son départ, quelqu'en soit la dénomination donnée par les parties, devait donner lieu à une indemnisation ; or, il n'est pas allégué que M. [P] ait perçu des indemnités au moment de son départ, ce qui accrédite le fait qu'il ait cherché à obtenir le maintien de ses stock- option et actions gratuites.

C'est donc en toute confiance que M. [P] n'a pas exercé ses droits de levée d'option dans le délai de 15 jours prévu par le plan relatif aux stock-options, et qu'il a attendu novembre 2009 pour tenter d'exercer ses droits, date à laquelle il pouvait les exercer selon les règles du plan.

En effet, à cette date il était encore dans la période pour les exercer, puisque selon l'article IV du plan, la période de validité de l'exercice de l'option est fixée à 8 ans maximum à compter de la décision d'octroi (« date of grant » qui est le 19 octobre 2005 selon la lettre du 21 octobre 2005 adressée à M. [P] par la société INGENICO), soit avant le 19 octobre 2013.

En outre, la levée de l'option ne pouvait être effectuée avant le 19 octobre 2008.

M. [P] a donc bien respecté ces conditions en exerçant son option entre le 19 octobre 2008 et le 19 octobre 2013.

Comme l'invoque valablement l'appelant, la société INGENICO n'a pas exécuté de bonne foi l'accord ayant abouti à sa démission, sa décision de démissionner étant faite sous la condition du maintien de ses droits relatifs à ses stock-options et ses actions gratuites.

En outre, si la société INGENICO entendait faire renoncer M. [P] à ces droits, qui pour le salarié constituaient un avantage financier déterminant, il lui appartenait de l'en informer par écrit de manière claire et transparente, ce qu'elle n'a pas fait ; se faisant, elle a donc aussi manqué à son devoir d'information.

En conséquence, la cour, infirmant le conseil, accueillant le contredit et exerçant son pouvoir d'évocation, fera droit aux demandes de M. [P], en condamnant la société INGENICO à lui payer des dommages et intérêts pour les préjudices financiers certains, résultant d'une part du refus de la société d'accepter la levée des stock-options en novembre 2009, et d'autre part du refus de la société de valider l'attribution des 10 048 actions gratuites.

Ces dommages et intérêts représentent les sommes suivantes :

- 30 300 € au titre de la perte des 5000 stock-options, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 28 septembre 2010 devant le tribunal de commerce,

- 1 034 944 € au titre des 10 048 actions gratuites, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, étant précisé que le cours des actions retenu est celui de 103 € en mai 2015 (date des conclusions de l'appelant), que cette valeur n'est pas démentie par la société INGENICO et qui a peu varié au jour du présent arrêt.

La somme de 3000 € sera allouée à M. [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les frais de contredit seront laissés à la charge de la société INGENICO.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

ACCUEILLE le contredit formé par M. [P] ;

DIT que le conseil de prud'hommes était compétent pour statuer sur les demandes de M. [P] ;

EVOQUE ;

CONDAMNE la société INGENICO à payer à M. [P] à titre de dommages et intérêts les sommes suivantes :

- 30 300 € au titre de la perte des 5000 stock-options, avec intérêts au taux légal à compter du 28 septembre 2010,

- 1 034 944 € au titre des 10 048 actions gratuites, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

- 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

MET les frais de contredit et les dépens à la charge de la société INGENICO.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03895
Date de la décision : 10/05/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/03895 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-10;15.03895 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award