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10/05/2016 | FRANCE | N°15/03221

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 10 mai 2016, 15/03221


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 10 MAI 2016



R.G. N° 15/03221



AFFAIRE :



SAS CARREFOUR HYPERMARCHÉS



C/



[Q] [T]







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

Section : Commerce

N° RG : F12/00597





Copies exécut

oires délivrées à :



Me Laurent THIERY



Me Marie-Sophie DELAVENNE-TISSIER





Copies certifiées conformes délivrées à :



SAS CARREFOUR HYPERMARCHÉS



[Q] [T]



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX MAI DEUX MILLE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 MAI 2016

R.G. N° 15/03221

AFFAIRE :

SAS CARREFOUR HYPERMARCHÉS

C/

[Q] [T]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 02 Juillet 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de SAINT GERMAIN EN LAYE

Section : Commerce

N° RG : F12/00597

Copies exécutoires délivrées à :

Me Laurent THIERY

Me Marie-Sophie DELAVENNE-TISSIER

Copies certifiées conformes délivrées à :

SAS CARREFOUR HYPERMARCHÉS

[Q] [T]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX MAI DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS CARREFOUR HYPERMARCHÉS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentée par Me Laurent THIERY, avocat au barreau de PARIS

APPELANTE

****************

Monsieur [Q] [T]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Comparant

Assisté de Me Marie-Sophie DELAVENNE-TISSIER, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIME

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BEZIO, président, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

FAITS ET PROCÉDURE

Statuant sur l'appel diligenté par la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS à l'encontre d'un jugement rendu le 2 juillet 2015 du conseil de prud'hommes de Saint Germain en Laye qui a dit le licenciement de Monsieur [Q] [T] sans cause réelle et sérieuse et l'a condamnée à verser à celui-ci les sommes de :

* 92.442 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5.135,68 euros au titre du préavis,

* 513,57 euros à titre de congés payés afférents,

* 8.615,47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 1.777,70 euros au titre de la mise à pied,

* 177,77 euros à titre de congés payés afférents,

* 203,89 euros à titre de complément de prime annuelle

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- lui a ordonné le remboursement aux organismes concernés de 2 mois d'indemnités conformément à l'article 1235-4 du code du travail,

- l'a condamnée à payer les intérêts de droit sur les salaires et éléments de salaire à compter du 22/12/2021, date de réception par le défendeur de la convocation à l'audience du bureau de conciliation et du prononcé pour le surplus et aux dépens comprenant les frais d'exécution du présent jugement et le timbre fiscal ;

Vu les conclusions de la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS en date du 25 janvier 2016, déposées et reprises oralement à l'audience, aux termes desquelles celle-ci prie la Cour de :

- dire et juger que Monsieur [T] a décoqué des jeux NINTENDO offerts à la vente en rayon et qu'il les a transportés dans les locaux administratifs, dans le but d'éviter le déclenchement des alarmes sonores,

- dire et juger quelle que soit la finalité de ces agissements, qu'un tel comportement interdit le maintien du contrat de travail d'un conseiller sécurité chargé de la prévention et de la sécurité des personnes et des biens et de lutter contre la démarque,

- dire et juger que le comportement adopté le 24 septembre 2012 de Monsieur [T] interdisait le maintien du contrat de travail, même pendant la durée limitée du préavis, caractérisant ainsi la faute grave,

- ce faisant, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, décharger la société appelante de toutes dispositions et condamnations prononcées à son encontre, débouter l'intimé de toutes ses demandes et le condamner aux dépens ;

Vu les conclusions de Monsieur [T], intimé, déposées le 25 janvier 2016 et soutenues oralement à la barre, qui prie la Cour de confirmer entièrement le jugement entrepris, de condamner la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure dilatoire outre la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

SUR CE LA COUR

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que [Q] [T] a été engagé selon contrat à durée indéterminée en date du 1er septembre 1998 en qualité de surveillant par la société CARREFOUR ; qu'en dernier lieu, il occupait les fonctions de conseiller sécurité ; que le 24 septembre 2012, par lettre remise en mains propres, il a été mis à pied, puis convoqué le 25 septembre 2012 à un entretien préalable à un licenciement qui s'est déroulé le 5 octobre 2012 ; qu'il a été licencié par lettre recommandée du 11 octobre pour faute grave ;

Que les termes de la lettre de licenciement sont les suivants :

'Le 24 septembre2012, vers 21h00, vous avez été vu dans le rayon des jeux video pendant votre temps de travail.

Vous avez utilisé un décoqueur afin de retirer la coque d'antivol de trois jeux vidéo que vous avez dissimulé ensuite dans votre dos. Vous êtes montés dans les bureaux pour les cacher.

Il s'agissait de trois jeux de NINTENDO DS pour une valeur totale de 120 euros.

Lors de l'entretien vous avez confirmé avoir remonté dans le bureau du service technique ces jeux, avoir retiré la protection et vouloir les payer.

Nous vous rappelons que lors de votre interpellation, vous avez avoué en présence des forces de l'ordre ainsi que de deux agents de sécurité avoir pris ces trois jeux vidéo.

Votre licenciement sera donc effectif dès ce jour, sans préavis ni indemnité de rupture'.

Qu'à la suite de ce licenciement, Monsieur [T] a fait l'objet de poursuites du chef de vol commis le 24septembre 2012 à [Localité 3] devant le tribunal correctionnel de VERSAILLES qui par jugement en date du 16 septembre 2013, l'a relaxé au bénéfice du doute ; que ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'Appel de VERSAILLES en date du 18 juin 2014 ;

Considérant qu'aux termes de ses conclusions et observations, auxquelles la cour se réfère expressément, la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS soutient principalement que le juge prud'homal peut, même en présence d'une décision de relaxe, apprécier les faits objet du licenciement et qu'en l'espèce l'ensemble des éléments du dossier, tant ceux résultant de la procédure pénale et notamment des déclaration de l'intimé lors de son interpellation, que des attestations produites, démontrent la matérialité des faits reprochés dans la lettre de licenciement et le manquement de celui-ci à ses obligations résultant de la nature de ses fonctions et du règlement intérieur de l'entreprise ; que la lettre de licenciement ne vise nullement des faits de vol mais la prise en rayon d'objets pendant ses heures de travail, le fait de les avoir 'décoquer', de les avoir cacher dans un bureau et d'avoir eu l'intention de les prendre ; que ces faits, d'une exceptionnelle gravité, justifiait le licenciement du salarié dans les conditions ci-dessus énoncées ;

Considérant qu'en réponse, l'intimé invoque l'autorité de la chose jugée au pénal qui s'impose au juge prud'homal dès lors que les faits fondant l'action pénale et l'action civile sont identiques, ce qui est le cas, en l'espèce puisque si le terme de vol n'est pas expressément utilisé dans la lettre de licenciement, c'est bien à cette unique notion qu'il y est fait référence ; que tous les actes qui lui sont reprochés entrent parfaitement dans ses fonctions et que la seule attestation produite émane d'une personne qui n'a nullement été témoin visuel des faits ;

Qu'il soutient, par ailleurs que les griefs tirés d'un manquement aux dispositions impératives du règlement intérieur ne sont pas évoqués dans la lettre de licenciement et ne peuvent servir de fondement à celui-ci ; qu'au surplus les circonstances de l'espèce démontrent à l'évidence qu'il n'y a eu aucun manquement de sa part à ce règlement ;

*

Considérant que l'autorité au civil de la chose jugée au pénal ne s'attache qu'à ce qui a été nécessairement et certainement jugé ;

Qu'aux termes de son arrêt du 18 juin 2014, la cour d'appel de VERSAILLES énonce que :

'le mode opératoire du vol reproché au prévenu, tel qu'il ressort de la procédure et tel que le soutiennent l'accusation et la partie civile, consistait dans un premier temps à 'décoquer les jeux, à les entreposer ensuite dans le local entretien, puis à les sortir du magasin à la fin du service.

Les principales charges contre le prévenu sont :

- les déclarations du responsable sécurité, Monsieur [K] qui rapporte que le prévenu a reconnu devant lui avoir voulu commettre ce vol,

- les propres déclarations évolutives de Monsieur [T] qui a fini par reconnaître lors de son audition par les services de police avoir eu l'intention de voler les jeux,

- les déclarations de la femme du prévenu qui a démenti la version de celui-ci, selon laquelle elle lui aurait demandé d'acheter les jeux vidéo pour ces nièces, nièces dont elle n'a d'ailleurs pas confirmé l'existence.

Cependant, au vu de la procédure et après de longues explications lors de l'audience entre les parties, la cour constate qu'il n'est pas établi que les marchandises avaient franchi la ligne de caisse ni les portiques, notamment celui qui contrôle la sortie des bureaux. Le prévenu n'avait pas les jeux en sa possession, puisqu'il les avait laissés dans le bureau du service entretien. Certes il les avait 'décoqués et sortis de leur rayon mais il n'apparaît pas que les jeux étaient dissimulés.

D'un strict point de vue juridique, même si [T] a reconnu lors de l'enquête avoir eu l'intention de voler ces jeux, il ne peut se voir reproché un vol qui n'avait pas encore été entièrement consommé, ni même une tentative, puisque le prévenu n'était pas en train de chercher à quitter le magasin au moment où le chef de la sécurité est intervenu. Il lui restait encore la possibilité de se désister volontairement de ce vol qui n'était pas encore matériellement consommé. D'ailleurs le prévenu a précisé, lors de son audition qu'il avait changé d'avis.'

Considérant que le rapprochement de cette décision avec la lettre de licenciement établit que les faits imputés à l'intimé par l'employeur ont déjà été entièrement pris en compte à l'occasion de la procédure pénale ;

Qu'ainsi, tant les auditions devant les services de police, que l'attestation de Monsieur [K] et les circonstances matérielles de la prise des jeux vidéo, le retrait des coques antivol et leur dépose dans un bureau administratif ont été étudiés par les juridictions pénales et n'ont nullement été considérées comme constitutives de vol ou même de tentative de vol ; que de même, la cour d'appel a écarté tout acte de dissimulation des objets ;

Considérant que certes la lettre de licenciement ne mentionne pas expressément le terme de vol mais force est de constater que la société appelante fait reproche à son salarié d'avoir pris les jeux en les dissimulant dans son dos, de les avoir 'décoqués' et cherché à les cacher ; que le responsable de la sécurité a fait appel aux services de police pour des faits de tentative de vol et a accusé, dans ses déclarations, Monsieur [T] d'avoir volé les trois objets ; que les faits incriminés sont datés du 24 septembre 2012, que l'intimé a été mis à pied le même jour puis convoqué à un entretien préalable dès le 25 septembre ;

Que les poursuites à l'encontre de Monsieur [T] l'ont été du chef de vol et que la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS s'est constitué partie civile dans le cadre de la procédure pénale concernant bien les faits du 24 septembre ;

Qu'au regard de l'ensemble de ses éléments, il ne peut sérieusement être soutenu que les faits, objets de la lettre de licenciement sont distincts de ceux visés par le tribunal correctionnel de Versailles et la cour d'appel de Versailles, statuant en matière correctionnelle et qu'ils n'ont pas été nécessairement et certainement déjà jugés ; que dans ces conditions, l'arrêt sus-visé a, au civil, l'autorité de la chose jugée et que la société appelante est mal fondée dans ses demandes de ce chef ;

Considérant que, la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS invoque au surplus le manquement de son salarié à ses obligations professionnelles et aux dispositions du règlement intérieur relatives, notamment aux fonctions de conseiller sécurité ;

Que néanmoins, il ressort des termes de la lettre de licenciement que celle-ci ne vise pas de tels manquements, qu'il n'y est nullement fait référence au règlement intérieur, ni au comportement de Monsieur [T] et qu'en conséquence, la lettre de licenciement limitant les termes du litige, ces nouveaux moyens devront être rejetés ;

Considérant que l'intimé ne démontre nullement du caractère abusif de l'appel de la société CARREFOUR HYPERMARCHÉ et sera débouté de sa demande ;

Considérant que les circonstances de l'espèce conduisent à faire application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2000 € ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

DÉBOUTE Monsieur [T] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la société CARREFOUR HYPERMARCHÉS à payer à Monsieur [T] la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

LA CONDAMNE aux dépens d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/03221
Date de la décision : 10/05/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/03221 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-05-10;15.03221 ?
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