COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50G
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 MARS 2016
R.G. N° 14/02294
AFFAIRE :
SAS SODEC
C/
SEMABA
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 13 Mars 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 12/09156
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS
Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SAS SODEC
RCS 419 435 201
[Adresse 1]
[Localité 1]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Fabrice HONGRE-BOYELDIEU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 620 - N° du dossier 001635
Représentant : Me COURRECH, Plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE
APPELANTE
****************
SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE AGIR POUR BAGNEUX (SEMABA)
RCS 330 673 724
[Adresse 2]
[Localité 2]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Bertrand ROL de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20140392
Représentant : Me MOREL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS substituant Me AMBAL, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 05 Février 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOISSELET, Président chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier en pré-affectation, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET
La société d'économie mixte Agir pour Bagneux (SEMABA) a, dans le cadre de l'aménagement d'une entrée de la ville, signé le 4 juillet 2005, en concertation avec la ville de Bagneux, un protocole d'accord avec la société SODEC aux termes duquel cette dernière s'engageait à assister la SEMABA dans la conception du projet urbain. La SODEC offrait par ailleurs d'acquérir des lots de volume destinés à des surfaces commerciales et des emplacements de stationnement, et il était prévu qu'une promesse de vente serait signée dès que les emprises foncières seraient maîtrisées.
A la suite de l'annulation d'une première délibération du conseil municipal approuvant la création de la ZAC devant porter le projet, l'approbation définitive de la création de cette ZAC n'a été effective qu'en septembre 2011.
La SODEC a adressé à SEMABA un projet qui a fait l'objet de demandes de modifications de la ville de [Localité 3], qui sont restées sans suite. SEMABA, par lettre recommandée du 17 janvier 2011, a demandé à la SODEC de communiquer un projet modifié avant le 14 mars 2011.
Le désaccord persistant, la SODEC a pris l'initiative, par acte du 9 août 2012, d'assigner la SEMABA devant le tribunal de grande instance de Nanterre afin de lui voir interdire de signer une promesse de vente au profit d'une société concurrente, la CODIC, et de la voir condamner à signer avec elle une promesse de vente portant sur divers volumes commerciaux.
Par jugement du 13 mars 2014, le tribunal de grande instance de Nanterre a débouté la SODEC de sa demande et l'a condamnée à payer à la SEMABA la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. L'exécution provisoire a été ordonnée.
La société SODEC en a relevé appel le 25 mars 2014, et prie la cour, par dernières écritures du 10 octobre 2014, de :
- constater que le protocole d'accord du 4 juillet 2005 est toujours en vigueur,
- juger que la SEMABA est toujours tenue de lui proposer des promesses de vente portant sur les surfaces commerciales des polygones 1, 2, 3, et 4 conformément aux états descriptifs de division et découpage qu'elle a fait réaliser,
- la condamner à les régulariser sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir,
- juger que la SEMABA a violé le pacte de préférence en signant une promesse de vente avec la CODIC,
- annuler cette promesse de vente,
- juger que, si la SEMABA s'engage dans la cession des surfaces de bureaux, elle devra au préalable purger le pacte de préférence,
- condamner la SEMABA à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 20 janvier 2016, la SEMABA demande à la cour de confirmer le jugement et condamner la SODEC à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 janvier 2016.
SUR QUOI, LA COUR :
Le tribunal a jugé pour l'essentiel que les parties n'avaient pu surmonter un désaccord sur la conception du projet, SEMABA mettant vainement en demeure SODEC de le modifier par courrier recommandé du 17 janvier 2011, et SODEC s'en abstenant, et qu'ainsi le protocole d'accord s'était trouvé résilié tacitement par le commun accord des parties.
La SODEC expose que le protocole doit être considéré comme un contrat à durée indéterminée, qui peut être résilié soit de manière unilatérale, en raison de la prohibition des engagements perpétuels, soit d'un commun accord, par application de l'article 1134 al 2 du code civil. Or le courrier du 17 janvier 2011 ne peut être considéré comme une mise en demeure, et la résiliation de plein droit du contrat ne peut intervenir faute de clause résolutoire. Par ailleurs rien ne démontre la volonté des deux parties de résilier le contrat, en particulier la sienne, alors surtout que les relations entre les parties se sont poursuivies jusqu'en mai 2012. Enfin elle conteste avoir refusé d'étudier les modifications souhaitées par ses partenaires.
La SEMABA fait valoir que le protocole ne peut être assimilé à une promesse de vente, puisque ni son objet ni le prix ne sont déterminés, et que la poursuite des relations entre les parties dépendait de la réalisation de l'étude de faisabilité demandée à SODEC à la satisfaction de SEMABA, laquelle n'a jamais été achevée. En effet, la SODEC s'est exclusivement intéressée à la commercialisation des lots dont elle devait être attributaire, et à la gestion de ses propres intérêts, sans aucune démarche dans l'intérêt de l'opération en son ensemble. Elle précise avoir rappelé ses obligations à la SODEC en exécution du protocole par courrier du 6 décembre 2010. A ensuite été réuni, le 16 décembre 2010 et pour la première fois, le comité de pilotage prévu par le protocole, auquel cependant la SODEC n'a envoyé aucun représentant ayant reçu pouvoir de prendre des décisions en son nom, en sorte que le compte-rendu établi mentionne seulement que la réunion a porté sur le positionnement de chaque partie sur le projet présenté par SODEC, et qu'il a été rappelé qu'il devait faire l'objet de modifications afin d'intégrer les attentes de la ville de [Localité 3] et répondre à la réalité du moment, la ville considérant que des points bloquants n'étaient toujours pas modifiés, portant en particulier sur les jardins populaires, le polygone 1, et la répartition entre logements, commerces et bureaux. L'évolution du projet de rénovation urbaine vers une prépondérance de l'immobilier professionnel entraînait par ailleurs nécessairement la caducité du droit de préférence inscrit au protocole, puisque SODEC n'était intéressée que par l'immobilier commercial. Elle observe enfin qu'il n'est pas sérieux de solliciter l'annulation d'une promesse de vente au profit d'un tiers sans mettre en cause ce dernier.
***
Les dispositions principales du protocole sont les suivantes :
Dans le cadre d'un projet de réalisation d'un pôle tertiaire et commercial à l'entrée Nord de la ville de [Localité 3], la SEMABA, société d'économie mixte constituée à l'initiative de la ville de [Localité 3], s'est assuré le concours de la SODEC, professionnel de l'immobilier, intéressée par la réalisation de ce projet. SODEC s'est engagée à réaliser, dans un premier temps, des études techniques afin de déterminer la faisabilité du projet, et ce à ses frais. SEMABA de son côté s'engageait à consentir des promesses de vente portant essentiellement sur les locaux commerciaux et les emplacements de stationnement, pour des superficies déterminées et à un prix au m² également précisé, après achèvement de l'étude de faisabilité. Aucun terme n'était fixé, le protocole indiquant seulement que cette promesse serait régularisée dès que la commune aurait maîtrisé les emprises foncières. Etait également prévu un droit de préférence au profit de SODEC en ce qui concerne les locaux d'activités et les bureaux situés au-dessus des espaces commerciaux.
Il résulte du courrier recommandé du 17 janvier 2011 de SEMABA que des difficultés se sont élevées entre les parties sur les modifications à apporter au projet proposé par SODEC, et que SEMABA a également fait grief à SODEC de ne pas lui avoir adressé tous les éléments de l'étude de faisabilité qu'elle s'était engagée à établir. Elle lui a donc donné jusqu'au 14 mars 2011 pour apporter ces modifications, et jusqu'au 18 février 2011 pour lui faire part de son accord sur ce point. SODEC a répondu le 14 février 2011 que le projet élaboré et relaté dans sa note de synthèse du 30 juillet 2009 était un projet global et cohérent et ne permettait pas une tronçonnement ou des modifications au gré des souhaits des uns et des autres, tout en se déclarant disposée à étudier les adaptations souhaitées, sous réserve qu'elles ne fragilisent pas le programme commercial et n'en compromettent pas les premières phases de démarrage. Les relations entre les parties et le concours de SODEC au projet se sont néanmoins poursuivis jusqu'en mai 2012, soit bien après la signature le 31 août 2011 par SEMABA d'une promesse de vente au profit de la société CODIC portant sur le polygone 3 (non produite).
Si cet échange et ceux qui ont suivi démontrent que les relations entre elles étaient déjà très altérées, SEMABA entendant modifier son projet initial, et SODEC considérant que les modifications à apporter ne pouvaient concerner les espaces commerciaux à créer, le courrier du 17 janvier 2011 ne mentionne pas qu'il doit être interprété comme une mise en demeure, ce qu'aucune des parties n'a, à ce moment-là, considéré, puisque leur collaboration s'est poursuivie postérieurement pendant plus d'un an, soit jusqu'en mai 2012, ainsi qu'en témoignent les compte-rendus produits par SODEC. Il ne peut donc être retenu que SEMABA a résilié unilatéralement le protocole du 4 juillet 2005 par ce courrier.
Il ne peut cependant qu'être souligné que près de six ans s'étaient écoulés depuis la signature du protocole, au cours desquels la ville de [Localité 3] a légitimement pu souhaiter modifier la conception de cette opération, en privilégiant les locaux professionnels par rapport aux espaces commerciaux, en raison de l'existence d'un centre commercial tout proche situé sur la commune voisine [Localité 4]. Si ce changement d'orientation modifiait l'équilibre entre les parties, puisque les volumes commerciaux offerts à SODEC risquaient d'être réduits, force est de constater qu'aucune des parties n'a exprimé, avant la présente procédure, de volonté de rupture. Il n'est par ailleurs pas soutenu que la promesse de vente au profit de CODIC en ait rendu l'exécution impossible. Le protocole doit en conséquence être considéré comme n'ayant jamais été résilié par les parties.
En revanche, il n'est pas démontré que sa parfaite exécution est encore possible. Aucune des parties n'a estimé utile de préciser l'état actuel du projet, dont la physionomie dépend exclusivement de la volonté de la ville de [Localité 3]. Rien ne démontre que la SEMABA est bien devenue propriétaire des emprises foncières entrant dans le périmètre de l'opération, et SODEC ne produit pas les états descriptifs de division nécessaires à une désignation utile des biens qui en constitueraient l'objet. Surtout SEMABA ne peut être contrainte à souscrire un engagement contractuel qu'elle ne souhaite pas, le non respect d'une obligation de faire ne pouvant se résoudre qu'en dommages et intérêts.
La demande de SODEC tendant à ce qu'il soit fait injonction sous astreinte à SEMABA de signer une promesse de vente conforme aux dispositions du protocole a dès lors été justement écartée.
En outre, ainsi que justement observé par SEMABA, l'annulation de la promesse de vente souscrite au profit de CODIC pour violation du pacte de préférence, au demeurant non contestée, n'est pas en l'état recevable faute de mise en cause de CODIC dans le cadre de la présente procédure.
La demande tendant à ce qu'il soit jugé que SEMABA sera contrainte de purger le droit de préférence si elle s'engage dans la cession de surfaces de bureaux ne peut enfin aboutir, la cour n'ayant pas à statuer sur une simple éventualité.
Les présents motifs étant substitués à ceux retenus par le tribunal, le jugement sera confirmé en ce que les demandes de SODEC ont été rejetées.
Aucune considération d'équité ne justifie l'application en la cause de l'article 700 du code de procédure civile.
SODEC, qui succombe en son appel, en supportera les dépens, avec recouvrement direct.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne la société SODEC aux dépens d'appel, avec recouvrement direct,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,