COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 58E
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 MARS 2016
R.G. N° 14/02185
AFFAIRE :
SARL PHYT'AIR
C/
GIE LA REUNION AERIENNE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Janvier 2014 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE
N° Chambre : 06
N° RG : 12/09549
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Emmanuel ESLAMI NODOUCHAN
Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
SARL PHYT'AIR
N° SIRET : 315 472 910
[Adresse 2]
[Adresse 3]
[Localité 1]
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentant : Me Emmanuel ESLAMI NODOUCHAN, Postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0459
Représentant: Me GASSERT de la SELARL GS Avocats, Plaidant, avocat au barreau de REIMS
APPELANTE
****************
GIE LA REUNION AERIENNE
N° SIRET : 703 002 352
[Adresse 1]
[Localité 2]
pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1453216
Représentant: Me POTIER du Cabinet CLYDE & CO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
INTIME
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Février 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique BOISSELET, Président,
Madame Françoise BAZET, Conseiller,
Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,
Greffier en pré-affectation, lors des débats : Madame Maguelone PELLETERET
FAITS ET PROCEDURE
Par arrêt de la cour d'appel de Reims du 7 décembre 2010, rendu sur renvoi après cassation partielle d'un précédent arrêt de la cour d'appel d'Amiens du 21 février 2008, la société Phyt'Air et son assureur, le GIE La Réunion Aérienne, ont été condamnés in solidum à payer à [T] [P], victime d'un accident d'hélicoptère exploité par la société Phyt'Air survenu le 26 août 1991, la somme totale de 1.586.819,31euros en réparation de ses divers préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux.
Par acte d'huissier de justice du 1er août 2012, la société Phyt'Air a fait assigner le GIE La Réunion Aérienne en paiement, en principal, d'une somme de 55.544,40 euros correspondant au montant d'une indemnité transactionnelle que celle-ci aurait perçue de la part d'un tiers impliqué dans la survenance du sinistre et qu'elle n'aurait pas rétrocédée à son assurée alors que le plafond de garantie stipulé au contrat d'assurance n'était pas atteint.
Par le jugement entrepris, le tribunal a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- condamné La Réunion Aérienne à payer à la société Phyt'Air la somme de 13.062,71 euros,
- condamné la société Phyt'Air à payer à La Réunion Aérienne la somme de 6.928,93 euros,
- ordonné la compensation des sommes à due concurrence des condamnations prononcées,
- débouté la société Phyt'Air et La Réunion Aérienne de leurs demandes plus amples ou contraires,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé à la charge de chaque partie les dépens qu'elle a exposés.
La société Phyt'Air a interjeté appel de ce jugement le 20 mars 2014.
Dans ses conclusions signifiées le 26 août 2014 , elle demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné La Réunion Aérienne à lui verser 6.133,78 euros,
- juger que l'article 6 du contrat d'assurance prévoit la répartition des frais supportés par l'assureur et l'assuré selon une clef fixée à 96 % / 4 % au regard des faits de l'espèce,
- juger que les frais à prendre en compte sont à la fois ceux exposés par l'assureur et ceux exposés par l'assuré,
- juger que sur la base des justificatifs produits le montant total des frais qu'elle a supportés s'élève à 168.527,53 euros, dont 161.786,43 euros (96 %) qui doivent être mis à la charge de la La Réunion Aérienne,
- juger que sur la base des justificatifs produits le montant total des frais supportés par La Réunion Aérienne s'élève à 24.516,75 euros, dont 980,67 euros (4 %) qui doivent être mis à la charge de la société Phyt'Air,
- juger que le GIE La Réunion Aérienne a fait un aveu judiciaire devant le tribunal et ne peut contester aujourd'hui devoir la somme de 13.062,71 euros mise à sa charge par les premiers juges,
En conséquence :
- ordonner la compensation entre les sommes dues par le GIE La Réunion Aérienne et la société Phyt'Air,
- condamner le GIE La Réunion Aérienne à lui payer la somme de 160.805,76 euros,
- condamner le même à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner le même aux entiers dépens.
Dans ses conclusions signifiées le 27 mars 2015, le GIE La Réunion Aérienne demande à la cour de :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'elle a payé la somme de 1.531.418,93 euros au titre des blessures de M. [P], soit 6.928,93 euros de plus que le plafond de garantie,
- condamner la société Phyt'Air à lui payer la somme de 6.928,93 euros au titre des sommes payées au-delà du plafond de garantie,
- infirmer le jugement en ce qu'il a dit que La Réunion Aérienne doit rembourser à la société Phyt'Air une partie de ses frais de procès et ce faisant :
- rejeter les demandes de la société Phyt'Air au titre de ses frais de procès,
A titre subsidiaire,
- rejeter les demandes faites en application de l'article 700 du code de procédure civile et des intérêts payés par M. [P] à hauteur de 15.273,17 euros,
En tout état de cause,
- condamner la société Phyt'Air à lui payer la somme de 5.000 euros en remboursement de ses frais irrépétibles,
- la condamner aux entiers dépens, avec recouvrement direct.
Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 14 janvier 2016.
SUR QUOI, LA COUR
Il est constant que, par arrêt du 7 décembre 2010, la cour d'appel de Reims a condamné in solidum la société Phyt'Air et le GIE La Réunion Aérienne à payer à [T] [P], victime d'un très grave accident d'hélicoptère survenu le 26 août 1991, la somme de 1.586.819,31 euros en réparation de ses divers préjudices.
Pensant que son assureur avait gardé par devers elle une indemnité transactionnelle que lui avait versée la société Textron Lycoming, constructeur du moteur, la société Phyt'Air l'a assigné devant le tribunal de grande instance de Nanterre en vue d'en obtenir la rétrocession.
S'apercevant que son analyse était erronée -ce qu'elle aurait pu constater en s'adressant directement à La Réunion Aérienne- la société Phyt'Air modifiait en cours d'instance ses prétentions, qu'elle réduisait à la somme de 49.413,50 euros, faisant valoir d'une part, que l'assureur avait intégré à tort dans son décompte des sommes versées des frais de procédure de telle sorte que le plafond de sa garantie n'était pas atteint et d'autre part, qu'en application des dispositions du contrat les frais de procédure devaient être pris en charge par l'assuré et l'assureur dans la proportion de leur part respective dans la condamnation prononcée à leur encontre, ce qui selon la société Phyt'Air aboutit à mettre à la charge de l'assureur la somme de 13.062,71 euros au titre des frais de procédure exposés par l'assuré.
Reprenant en appel cette clef de répartition (issue du rapport entre le montant total des condamnations et le plafond de garantie) la société Phyt'Air affirme qu'après avoir recensé tous les frais de procédure qu'elle avait engagés de son côté, le GIE La Réunion Aérienne lui doit la somme de 161.786,43 euros. L'appelante affirme que l'assureur a fait l'aveu judiciaire de sa dette et que si la clause qui fonde sa demande est obscure, elle doit s'interpréter en faveur de l'assuré.
Il n'est plus contesté par la société Phyt'Air que l'indemnité transactionnelle avait bien été incluse par l'assureur et à la lumière du calcul effectué par le tribunal, il apparaît que l'assureur a versé à la victime la somme totale de 1.531.418,93 euros, déduction faite de celle de 18.969,06 euros correspondant à des frais de procédure ne pouvant être inclus, de telle sorte que le plafond de sa garantie a été dépassé à concurrence de 6.928,93 euros, dont la société Phyt'Air est redevable.
Les premiers juges ont accueilli la réclamation nouvelle formée par la société Phyt'Air tendant au paiement de la somme de 13.062,71 euros, soulignant que le GIE La Réunion Aérienne ne contestait pas la devoir. Tout en déplorant l'emploi dans ses conclusions de l'indicatif présent là où l'emploi du conditionnel eut été plus approprié, le GIE La Réunion Aérienne s'oppose à ce qu'il soit considéré qu'elle a reconnu devoir la somme retenue par le tribunal et plus encore celle que lui réclame désormais son assuré, soulignant que si elle n'a pas combattu cette demande en première instance c'était d'une part, au regard du montant relativement modeste qui était alors demandé qui allait de surcroît être partiellement compensé et d'autre part, dans l'espoir de mettre enfin un terme aux procédures concernant un accident datant de 1991.
Il sera observé que le GIE La Réunion Aérienne ne verse pas aux débats ses conclusions de première instance et il sera donc tenu pour acquis que, comme l'affirme le tribunal, elle n'a pas, à l'issue de plusieurs modifications des demandes de la société Phyt'Air, contesté devoir la somme de 13.062,71 euros qui devait en tout état de cause se compenser à hauteur de 6.928,93 euros.
Il est de principe que l'aveu ne peut porter que sur un point de fait à l'exclusion d'un point de droit. Il en résulte au cas présent que si le GIE La Réunion Aérienne a reconnu devoir la somme de 13.062,71 euros, cet aveu ne porte que sur le fait qu'elle devait cette somme d'argent mais non sur le point de droit qui demeure en discussion et qui a trait à la portée des dispositions du contrat liant les parties.
Par ailleurs, aux termes de l'article 1356 du code civil, l'aveu judiciaire ne se divise pas et il ne saurait être considéré que si le GIE La Réunion Aérienne a reconnu devoir la somme de 13.062,71 au titre des frais de procédure, il reconnaît nécessairement devoir celle de 161.786,43 euros que la société Phyt'Air lui réclame aujourd'hui au titre de ces mêmes frais.
L'annexe B du contrat d'assurance liant les parties comprend un article 6 intitulé 'limite du montant de l'indemnité' et ses dispositions doivent être analysées à la lumière de cet intitulé. L'article 6 dispose : ' les frais de procès, de quittance et autres frais de règlement ne viennent pas en déduction du montant de la garantie. Toutefois, en cas de condamnation à un montant supérieur au capital garanti, ils sont supportés par l'assureur et par l'assuré dans la proportion de leur part respective dans la condamnation'.
Il est de principe que seules les sommes versées à la victime viennent en déduction du plafond de garantie, à l'exclusion des frais de défense engagés par l'assureur, principe que met en application l'article 6 précité. L'exception prévue par cet article vise le cas dans lequel le montant des condamnations excède celui de la garantie, ce qui conduit l'assuré à devoir supporter les frais du procès engagés par l'assureur dans la proportion du montant des condamnations restant à sa charge.
Ces dispositions ne concernent pas les frais de procès que supporte l'assuré lorsque celui-ci, comme la société Phyt'Air, a fait le choix d'une défense distincte de celle de son assureur et a été représenté par ses propres avocats. Dans une telle hypothèse, il incombe en effet à l'assuré de supporter les frais de sa défense.
Dés lors qu'on la rattache à l'intitulé de son article, la clause ci-dessus est dépourvue d'ambiguïté et la société Phyt'Air n'est donc pas fondée à invoquer le bénéfice de l'article 1162 du code civil.
La demande nouvelle que forme la société Phyt'Air devant la cour sera en conséquence rejetée.
Le jugement sera confirmé en toutes ses dispositions.
L'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Phyt'Air, qui succombe, sera condamnée aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, contradictoirement,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute la société Phyt'Air de sa demande en paiement de la somme de 160.805,76 euros,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Phyt'Air aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,