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22/03/2016 | FRANCE | N°14/02991

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 22 mars 2016, 14/02991


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 22 MARS 2016



R.G. N° 14/02991



AFFAIRE :



[E] [Y]



C/



SA TF1







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Activités diverses

N° RG : 13/00507





Copies exécutoires délivrÃ

©es à :



Me Sophie MISIRACA



AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI





Copies certifiées conformes délivrées à :



[E] [Y]



SA TF1



le :



Copie Pôle Emploi



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE VINGT DEUX MARS DEUX MIL...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 22 MARS 2016

R.G. N° 14/02991

AFFAIRE :

[E] [Y]

C/

SA TF1

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 Juin 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Activités diverses

N° RG : 13/00507

Copies exécutoires délivrées à :

Me Sophie MISIRACA

AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI

Copies certifiées conformes délivrées à :

[E] [Y]

SA TF1

le :

Copie Pôle Emploi

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT DEUX MARS DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [E] [Y]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Comparant

Assisté de Me Sophie MISIRACA, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SA TF1

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Isabelle DAUZET de l'AARPI DE PARDIEU BROCAS MAFFEI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2016, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

EXPOSE DU LITIGE

Mr [Y] a été engagé par la société TF1, employant environ 1500 salariés, en qualité de technicien-opérateur prise de son dans le service vidéo mobile à compter du 22 janvier 2007 et jusqu'au 21 décembre 2012, dans le cadre de multiples contrats à durée déterminée (CDD) d'usage successifs.

Il saisissait le conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT le 18 mars 2013, aux fins de voir requalifier les CDD d'usage en CDI à temps plein.

Par jugement du 10 juin 2014, dont Mr [Y] a interjeté appel, le conseil a requalifié la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée du 22 janvier 2007 au 21 décembre 2012 à temps plein, et a condamné la société TF1 à lui payer, sur la base d'un salaire de référence de 3007,81 € brut/mois les sommes suivantes :

- 3007,81 € à titre d'indemnité de requalification,

- 2 756,54 € d'indemnité d'ancienneté,

- 16 931,87 € de prime de 13ème mois,

- 10 818,76 € à titre de rappel de salaire,

- 6015,62 € à titre d'indemnité de préavis, outre celle de 601,56 € au titre des congés payés afférents,

- 18 046,86 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 14 472,30 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 950 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 19 janvier 2016, auxquelles la cour de réfère en application de l'article 455 du code de procédure civile, les parties ont conclu comme suit :

Mr [Y] sollicite la confirmation du jugement, quant à la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à temps plein, mais son infirmation quant aux sommes allouées, estimant que le salaire de référence est plutôt celui de 3 388,80 €, déclinant ses demandes comme suit :

- 85 211,11 € à titre de rappel de salaires pendant les périodes intercalaires, du fait de la requalification des CDD d'usage en CDI à temps plein, et 8 521,11 € au titre des congés payés afférents,

- 10 000 € à titre d'indemnité de requalification,

- 3 973,20 € à titre de rappel de prime d'ancienneté, outre 397,32 € au titre des congés payés afférents,

- 13 618,22 € titre de rappel de prime de 13ème mois,

- 6 777,60 € à titre d'indemnité de préavis, et 677,76 € au titre des congés payés afférents,

- 20 332,80 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 40 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- la somme de 2500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En outre, il demande que soit ordonnée la remise d'une attestation Pôle Emploi conforme.

La société TF1 conclut à l'infirmation du jugement, sollicitant le débouté de Mr [Y] en toutes ses demandes et sa condamnation à lui rembourser la somme de 20 300 € perçue au titre de l'exécution provisoire du jugement, et à lui payer la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

L'article L.1242-2 du code du travail dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3).

Aux termes de l'article D.1242-1 du code du travail, les secteurs d'activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée sont (...) 6° les spectacles, l'action culturelle, l'audiovisuel, la production cinématographique, l'édition phonographique (...).

En application des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1242-12 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, qui ne peut avoir pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas déterminés par la loi, et doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

La possibilité de conclure des contrats à durée déterminés d'usage est certes prévue et encadrée par l'accord national interprofessionnel de branche de la télédiffusion en date du 12 octobre 1998 et l'accord d'entreprise du 16 mai 2007 relatif au recours au contrat à durée déterminée d'usage au sein de la société TF1, mais il appartient au juge de contrôler tant le formalisme des contrats que le motif par nature temporaire des contrats, qui doit être apprécié concrètement.

Mr [Y] soutient avoir occupé pendant quasiment 7 ans un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société intimée, sa fonction consistant à assurer la couverture de l'actualité et de transmettre, au moyen de car satellites et de régies mobiles, des images en direct pour les journaux télévisés de la chaîne TF1 et de la chaîne d'informations continues LCI, filiale du groupe ; il précise n'avoir eu que la société TF1 comme employeur, et avoir été contraint de s'adresser à Pôle Emploi pour les périodes entre les contrats, il impute la rupture de la relation contractuelle à la société qui, à compter de janvier 2013, a cessé de lui confier du travail, préférant engager à sa place un de ses collègues en CDI, Mr [C], qui l'avait remplacé pendant son arrêt-maladie (suite à un accident de trajet) entre août 2010 et avril 2011.

La société TF1 l'a informé courant 2012 qu'elle ne pouvait poursuivre sa collaboration avec lui sous CDD, ayant atteint le nombre d'années au terme desquelles l'entreprise se sépare de ses salariés précaires, et lui précisant qu'il pourrait être engagé à nouveau à la vidéo mobile après 2 ans et moyennant d'effectuer une formation à la caméra (demande de financement auprès de l'AFDAS, la formation à l'école [Établissement 1] coûtant 8400 €) ; Mr [Y] indique avoir entamé des démarches pour cette formation et en avoir informé son supérieur hiérarchique et le DRH de TF1 par lettre du 3 janvier 2013, sollicitant la régularisation de son emploi en CDI.

La société TF1 fait valoir que Mr [Y] était employé selon des CDD d'usage, comme le prévoient l'accord national de branche de la télédiffusion et l'accord d'entreprise, pour les besoins variables fonction de l'actualité souvent imprévisible et pour lesquels il était difficile de planifier à l'avance une intervention; elle précise que le dernier contrat remonte au 19 novembre 2012 pour une journée et qu'il convient de tenir compte d'un emploi irrégulier (entre 4 jours et 63 jours travaillés en moyenne par an, soit 3,22 jours par mois en moyenne, entre 2007 et 2012) ne caractérisant pas un temps plein, précisant que les contrats respectent le formalisme des contrats des CDD notamment le motif (usage, remplacement ou accroissement temporaire d'activité), et que Mr [Y] a alterné des périodes de travail et des périodes d'inactivité, ce qui ôte à son emploi un caractère permanent.

Quant aux circonstances de la rupture des relations contractuelles, elle indique que Mr [Y] aurait refusé de s'inscrire dans le cadre de l'évolution de son métier, qui requiert depuis fin 2010 la maîtrise combinée du maniement de la caméra et de la prise de son pour intégrer l'équipe vidéo mobile, qui est réduite de 3 (chef de car, cadre technique maniant la caméra et opérateur prise de son) à 2 personnes (chef de car, cadre technique pour la caméra et le son), sauf événements exceptionnels représentant 30 %.

Elle précise avoir proposé régulièrement à Mr [Y] depuis mars 2010 d'appuyer sa demande de financement de formation auprès de l'AFDAS, formation durant 2 mois, ce qui aurait accru son employabilité.

Or, il est constant que Mr [Y] a travaillé pour la société TF1, selon deux différents types de contrats de CDD, soit trois CDD « classiques » et 77 CDD d'usage :

- Un contrat du 19 janvier 2007 pour un travail à temps complet (salaire de 2150 €/mois)en qualité de technicien supérieur de reportage (agent de maîtrise), du 22 janvier au 30 juin 2007, en raison d'un accroissement temporaire d'activité dans le service vidéo mobile et lié aux élections ;

- Neuf contrats « salarié intermittent » pour un travail d'opérateur de prise de son dans le service vidéo mobile, 8 h par jour, 7 jours en continue du 21 au 27 décembre 2007, 4 jours du 11 au 14 février 2008, 2 jours les 9 et 10 mars 2008, 11 jours entre le 9 et 27 mai 2008, pour le journal télévisé journalier ;

- Un contrat du 23 mai 2008 pour un travail à temps complet (salaire de 2270 €/mois)en qualité de technicien supérieur de reportage (agent de maîtrise), du 2 juin au 2 juillet 2008, en raison d'un accroissement temporaire d'activité dans le service vidéo mobile et lié aux championnats d'Europe de football ;

- Un contrat du 17 septembre 2008 pour un travail à temps complet (salaire de 2270 €/mois)en qualité de technicien supérieur de reportage (agent de maîtrise), du 6 octobre 2008 au 27 mai 2009, en raison du remplacement de Mr [M], période pendant laquelle il a un autre emploi dans l'association « Avenir et Joie », ce qui est acté par la société TF1 dans l'avenant du même jour pour éviter un dépassement du temps légal maximum de travail ;

* Mr [Y] soulève à raison l'absence de mention de la qualification de la personne remplacée, qui est une cause de requalification du CDD en CDI en application de l'article L.1242-12 du code du travail, la cour relevant toutefois que la qualification de Mr [M] est, au vu des planning produits, proche de celle de Mr [Y] qui est opérateur satellite dans le même service de vidéo mobile :

- 12 contrats « salarié intermittent » sur le même modèle que précédemment, entre le 3 octobre et le 28 décembre 2009, soit 10 jours en octobre, 18 jours en novembre et 25 jours en décembre ;

- 12 contrats « salarié intermittent » sur le même modèle que précédemment, sur 7 mois en 2010 ;

- 18 contrats « salarié intermittent » sur le même modèle que précédemment, sur 5 mois en 2011 ;

- 26 contrats « salarié intermittent » sur le même modèle que précédemment, sur 10 mois en 2012.

Son travail a toujours été le même dans le même service ; la fréquence du recours par la société TF1 à Mr [Y] n'était pas toujours mensuelle mais importante car comprise entre 5 et 10 mois par an selon les années, soit en moyenne 7,5 mois par an entre 2007 et 2012, ce qui procurait au salarié une moyenne de 1500 €/mois lissée sur l'année entre 2008 et 2012, les allocations de POLE EMPLOI complétant ses revenus.

La société TF1, sur laquelle repose la charge de la preuve de la nature temporaire de l'emploi, soutient que l'emploi de Mr [Y] n'était pas régulier et qu'elle ne faisait appel à lui qu'en raison d'un accroissement temporaire d'activité ou de besoins imprévisibles, ou du fait de Mr [Y] qui ne voulait pas travailler plus.

Or, elle n'en rapporte pas la preuve, ne produisant aucun élément chiffré sur l'augmentation d'activité du service vidéo mobile et des services ayant besoin d'opérateurs de prise de son, se contentant de verser aux débats un tableau noircissant les périodes des années concernées comportant prétendument une augmentation temporaire d'activité, sans justifier non plus du nombre et de l'emploi du temps des salariés opérateurs de prise de son employés sur les périodes 2007/2012, soit en CDD soit en CDI.

Cette absence de justificatifs empêchent la cour de vérifier ce qui est avancé par le délégué syndical CGT (attestation en date du 10 juin 2013, pièce 20), à savoir que la société TF1, depuis 2006, après une plainte pénale de 2003 pour recours abusif aux CDD (ayant abouti à une condamnation de la société TF1 par le tribunal correctionnel de Nanterre en date du 12 novembre 2012), a modifié sa politique, d'une part en régularisant en CDI les plus anciens salariés en CDD, ce qui est louable, mais d'autre part en maintenant le recours à l'intermittence, par la limitation volontaire du recours à des salariés en CDD à hauteur de 80 jours/an, en répartissant le travail sur de nombreux salariés précaires, et ce pour éviter des requalifications de multiples CDD en CDI.

En outre, Mr [Y] fait observer, sans être contredit, qu'il ne faisait pas partie de l'équipe de secours, spécialement programmée par le planificateur pour assurer la couverture d'événements imprévus de l'actualité, de sorte que la société TF1 ne peut invoquer que l'aléa de cette actualité justifiait le recours à Mr [Y] en CDD.

Le recours à Mr [Y] était d'autant plus facile qu'il travaillait, sauf une partie minime de l'année 2008, exclusivement pour la société TF1, n'ayant pas d'autre employeur, et percevant comme complément de revenus pour les périodes non travaillées des allocations d'aide au retour à l'emploi, comme cela ressort des avis de POLE EMPLOI et de ses avis d'imposition des années 2008 à 2012.

La nature de son emploi, rattaché au service vidéo mobile fonctionnant 24h sur 24h tous les jours de l'année, est absolument nécessaire pour les journaux télévisés journaliers diffusés sur les chaînes TF1 et LCI par la société TF1, ce qui explique qu'il soit régulièrement fait appel chaque jour à des opérateurs de prise de son comme Mr [Y] employé sous CDD.

Au vu de ces éléments établissant que l'emploi régulier de Mr [Y] correspondait à un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société TF1, il y a lieu de requalifier cette relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 22 janvier 2007, en accord avec la décision du conseil qui sera confirmée.

Sur le temps de travail

Selon l'article L.3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la qualification du salarié, les éléments de rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié, outre les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail prévue par le contrat.

L'absence d'une de ces mentions entraîne la requalification en contrat de travail à temps complet, et il incombe à l'employeur qui le conteste de rapporter la preuve qu'il s'agit d'un travail à temps partiel.

En l'espèce la société TF1 admet que lorsqu'il travaillait en CDD « classique » Mr [Y] travaillait à temps plein, et que lors des périodes de contrats « salarié intermittent » ou CDD d'usage il travaillait à temps plein sur les journées concernées (au moins 8h par jour) mais estime que sur l'ensemble de la période contractuelle il s'agissait d'un contrat de travail à temps partiel.

Or, les contrats de CDD d'usage de Mr [Y] comportent toutes les mentions sus-énoncées pour les contrats de travail à temps partiel, sauf celle relative aux modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée lui sont communiqués par écrit, ce que Mr [Y] soulève.

Il appartient donc à la société TF1 de rapporter la preuve que le salarié était prévenu par avance par écrit, tant de ses jours de travail que de ses horaires de travail, dans les périodes de CDD d'usage.

Or, l'organisation prévue par l'accord d'entreprise du 29 juin 2006 pour prévenir par avance les salariés des horaires de travail ne concerne pas les salariés relevant du régime reportage, vidéo mobile ou toute autre régime spécifique défini en annexe, comme cela est indiqué en page 7.

Faute de préciser et prouver quelle organisation était prévue pour prévenir par avance de leurs jours et horaires de travail les salariés du service vidéo mobile, comme Mr [Y], la société ne rapporte pas la preuve qu'il était convenu des ces modalités par avance contractuellement, comme l'impose l'article L.3123-14 du code du travail.

De son côté Mr [Y] indique que les planning étaient connus souvent au dernier moment, de sorte qu'il lui était impossible de connaître son rythme de travail à l'avance ; il ressort des 3 seuls plannings qu'il produit que deux de ces plannings sont imprimés respectivement 2 et 4 jours avant le premier jour du cycle de travail, le 3ème étant imprimé le premier jour de travail.

Cette tardiveté de la connaissance de son planning de travail est confirmé par la date de signature des contrats CDD d'usage, signés tous le premier jour de travail de la période concernée.

Mr [Y] ne pouvait donc prévoir avec certitude et par avance ses jours et temps de travail suivant les mois, ce qui ne lui permettait pas de trouver aisément un autre travail pour compléter son temps partiel sur certains mois.

Dès lors, Mr [Y] étant à la disposition permanente de son unique employeur, la société TF1, il convient de faire droit à sa demande de requalification à temps plein, sur la base d'un salaire de 3007,81 € brut (qui correspond au salaire moyen de sa catégorie dans l'entreprise), non comprise la prime d'ancienneté, comme l'a jugé le conseil.

La demande de rappel de salaire sur les périodes interstitielles non travaillées entre les contrats doit prendre en compte ce salaire à temps plein reconstitué.

Aux termes de l'article L1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

La somme de 3007,81 € sera allouée à Mr [Y] au titre de l'indemnité de requalification, étant précisé qu'il est largement indemnisé de sa période de précarité de 6 ans et l'absence de bénéfice des avantages des salariés en CDI, comme la couverture sociale complémentaire et les formations, par les sommes ci-après allouées au titre des rappels de salaire; sur ce point la décision du conseil sera aussi confirmée.

Sur la demande de rappels de salaires et primes

Les rappels de salaire portent sur la différence entre la moyenne des salaires qu'il aurait dû percevoir d'une part, et les salaires effectivement perçus auxquels il faut ajouter les indemnités journalières et les allocations de POLE EMPLOI d'autre part ; cette différence donne droit à un rappel de salaires, selon les calculs mentionnés dans le tableau en pièce 41 de l'appelant et ceux de l'intimée dans ses conclusions (les déclarations de revenus le corroborant), soit la somme : 10 818,76 € à titre de rappels de salaire pour les années 2008 à 2012 et janvier 2013, outre celle de 1081,87 € au titre des congés payés afférents.

Les sommes perçues par Mr [Y] de la part de POLE EMPLOI sont déduites, puisqu'il n'est pas en droit de cumuler ses salaires à temps plein et des allocations de retour à l'emploi.

Les salariés permanents, employés en CDI par la société TF1 perçoivent une prime d'ancienneté égale à 0,8 % du salaire de base par année complète, avec un prorata en cas d'année incomplète.

Mr [Y] étant désormais considéré comme un salarié en CDI, est en droit de percevoir cette prime, au prorata de sa présence, soit la somme de 2756,54 € comme l'a jugé le conseil.

La société TF1 sera également condamnée à lui payer la somme de 16931,87 € brut au titre des primes de 13ème mois pour les années 2008 à 2012, comme l'a jugé le conseil.

Sur la rupture de la relation contractuelle

Lorsqu'un contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée postérieurement à son exécution, la relation contractuelle se trouve rompue de fait et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date du premier jour suivant celui auquel l'employeur, qui s'estimait à tort lié au salarié par un contrat de travail à durée déterminée venu à échéance, a cessé de lui fournir un travail et de le rémunérer. (Cass 23 septembre 2014 n°13- 14- 896)

Comme l'indique Mr [Y], il a été remplacé par un autre collègue pendant son arrêt maladie, d'août 2010 à avril 2011, puis la société a invoqué le fait qu'il n'avait pas la formation adéquate de maniement de caméra, lui indiquant le 21 décembre 2012 qu'elle ne pouvait plus l'employer à compter de fin décembre 2012.

Aucun travail ne lui était donc proposé à partir de janvier 2013, la société TF1 précisant que le dernier jour travaillé était le 21 décembre 2012, comme l'atteste Mr [F] responsable du service vidéo mobile.

En employant régulièrement Mr [Y] pendant environ 6 ans la société TF1 devait lui fournir du travail, au regard de son emploi à caractère permanent.

En mettant fin aux relations de travail aux seuls motifs, d'une part de l'arrivée du terme d'un contrat improprement qualifié par la société de contrat de travail à durée déterminée, et d'autre part du refus de Mr [Y] d'effectuer une formation (dont la société ne proposait pas d'assurer le coût), la société a pris l'initiative de la rupture du contrat de travail sans motifs légitimes ; dès lors, cette rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ouvre droit au profit de Mr [Y] au paiement des indemnités de rupture, soit l'indemnité de préavis, l'indemnité conventionnelle de licenciement, et l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, telles que fixées de manière adaptée par le jugement entrepris, lequel sera confirmé.

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans le cas d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité, qui ne peut être inférieure aux 6 derniers mois de salaire pour un salarié ayant plus de 2 ans d'ancienneté.

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, la société TF1 devra rembourser à POLE EMPLOI RHÔNE ALPES, [Adresse 1], 6 mois d'allocations de retour à l'emploi versées à Mr [Y] à compter de son licenciement.

Sur les autres demandes

Sera ordonnée la remise par la société TF1 à Mr [Y] d'une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt.

La société sera condamnée à payer à Mr [Y] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de la somme de 950 € allouée par le conseil.

La société TF1 sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT en date du 10 juin 2014,

Et y ajoutant ;

CONDAMNE la société TF1 à payer à Mr [Y] la somme de 1081,87 € au titre des congés payés afférents aux rappels de salaire ;

CONDAMNE la société TF1 à rembourser à POLE EMPLOI RHÔNE ALPES, [Adresse 1], 6 mois d'allocations de retour à l'emploi versées à Mr [Y] ;

ORDONNE à la société TF1 de remettre à Mr [Y] une attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt ;

CONDAMNE la société TF1 à payer à Mr [Y] la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en complément de la somme de 950 € allouée par le conseil ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la société TF1 aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 14/02991
Date de la décision : 22/03/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°14/02991 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-22;14.02991 ?
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