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03/03/2016 | FRANCE | N°14/02096

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 03 mars 2016, 14/02096


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

OF

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 MARS 2016



R.G. N° 14/02096



AFFAIRE :



SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES

C/

[ON] [XV]

...





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Janvier 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de RAMBOUILLET

Section : Industrie

N° RG : 11/00303



Copies exécutoires délivrées à :


<

br>Me Chantal BONNARD



Me Abd el waheb BERKOUCHE



Copies certifiées conformes délivrées à :



SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES



[ON] [XV],



[XX] [XV],



[WU] [XV],



[BZ] [EF],



[MH] [WQ],



[MH] [UI],



[HP] [SA],

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

OF

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 MARS 2016

R.G. N° 14/02096

AFFAIRE :

SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES

C/

[ON] [XV]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Janvier 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de RAMBOUILLET

Section : Industrie

N° RG : 11/00303

Copies exécutoires délivrées à :

Me Chantal BONNARD

Me Abd el waheb BERKOUCHE

Copies certifiées conformes délivrées à :

SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES

[ON] [XV],

[XX] [XV],

[WU] [XV],

[BZ] [EF],

[MH] [WQ],

[MH] [UI],

[HP] [SA],

[MH] [PS],

[IS] [TF],

[OR] [QX],

[HR] [NK],

[UG] [LC],

[P] [VN],

[ED] [WS],

[JX] [M],

[OP] [AS],

[SE] [GM],

[YU] [EE],

[XT] [BJ],

[ED] [BY],

[FL] [GO],

[BZ] [EG],

[IU] [LE],

[IS] [LE],

[FF] [LE],

[MF] [IW],

[IS] [TD],

[PU] [TD],

[XR] [TD],

[YY] [TD],

[GK] [TD],

[MJ] [NM],

[BV] [V],

[UM] [SC],

[BV] [UK],

[SE] [ZA],

[TH] [FH],

[BZ] [AG],

[GK] [DD],

[BX] [VL],

[BX] [YW],

[VP] [HT],

[BG] [HT],

[OP] [KB],

[HN] [QZ],

[IS] [LA],

[QV] [ZC], [MF] [CY],

[WU] [IY],

[AX] [RY],

[CX] [VJ],

[CA] [PQ],

[LG] [NO],

[BZ] [NI],

[GQ] [PW],

[ED] [JV],

[FJ] [D],

[ZZ] [AP],

[WO] [DF]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS MARS DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES

[Adresse 33]

[Adresse 33]

[Localité 19]

représentée par Me Chantal BONNARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0214

APPELANTE

****************

Madame [ON] [XV]

'[Adresse 34]'

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [XX] [XV]

[Adresse 22]

[Localité 8]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [WU] [XV]

[Adresse 22]

[Localité 8]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [BZ] [EF]

[Adresse 41]

[Localité 8]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [MH] [WQ]

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [MH] [UI]

[Adresse 2]

[Localité 20]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [HP] [SA]

[Adresse 36]

[Localité 7]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [MH] [PS]

[Adresse 5]

[Localité 11]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [IS] [TF]

[Adresse 22]

[Localité 8]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [OR] [QX]

[Adresse 6]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [HR] [NK]

[Adresse 13]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [UG] [LC]

[Adresse 45]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [P] [VN]

[Adresse 1]

[Localité 18]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [ED] [WS]

[Adresse 18]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [JX] [M]

[Adresse 24]

[Localité 4]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [OP] [AS]

[Adresse 13]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [SE] [GM]

'[Adresse 37]'

[Localité 8]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [YU] [EE]

[Adresse 47]

[Adresse 47]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [XT] [BJ]

[Adresse 21]

[Localité 1]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [ED] [BY]

[Adresse 30]

[Localité 12]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [FL] [GO]

[Adresse 16]

[Localité 17]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [BZ] [EG]

[Adresse 20]

[Localité 16]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [IU] [LE]

'[Adresse 35]'

[Localité 8]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [IS] [LE]

[Adresse 48]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [FF] [LE]

[Adresse 48]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [MF] [IW]

[Adresse 15]

[Localité 11]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [IS] [TD]

[Adresse 11]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [PU] [TD]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [XR] [TD]

[Adresse 5]

[Localité 7]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [YY] [TD]

[Adresse 25]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [GK] [TD]

[Adresse 25]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [MJ] [NM]

'[Adresse 38]

[Localité 10]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [BV] [V]

[Adresse 42]

[Localité 15]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [UM] [SC]

[Adresse 23]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [BV] [UK]

[Adresse 26]

[Localité 14]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [SE] [ZA]

[Adresse 46]

[Adresse 46]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [TH] [FH]

[Adresse 31]

[Localité 8]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [BZ] [AG]

[Adresse 29]

[Localité 3]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [GK] [DD]

[Adresse 27]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [BX] [VL]

[Adresse 40]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [BX] [YW]

[Adresse 44]

[Localité 13]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [VP] [HT]

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [BG] [HT]

[Adresse 28]

[Localité 3]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [OP] [KB]

[Adresse 7]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [HN] [QZ]

[Adresse 14]

[Localité 8]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [IS] [LA]

[Adresse 9]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [QV] [ZC]

[Adresse 39]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [MF] [CY]

[Adresse 10]

[Localité 9]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [WU] [IY]

[Adresse 17]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [AX] [RY]

'[Adresse 22]'

[Adresse 22]

[Localité 8]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [CX] [VJ]

[Adresse 19]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [CA] [PQ]

[Adresse 11]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [LG] [NO]

[Adresse 23]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [BZ] [NI]

[Adresse 43]

[Localité 11]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [GQ] [PW]

[Adresse 12]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [ED] [JV]

[Adresse 13]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [FJ] [D]

'[Adresse 32]'

[Localité 12]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [ZZ] [AP]

[Adresse 11]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [WO] [DF]

[Adresse 8]

[Localité 6]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 03 Décembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marion GONORD

Le présent dossier concerne, à l'origine, l'établissement de la société Valeo Systèmes Thermiques SAS (ci-après, la 'société' ou 'Valeo') sis à [Localité 23] et de très nombreux salariés y ayant travaillé, dont 59 sont aujourd'hui concernés par l'appel formé devant la cour de céans.

Cet établissement, construit en 1947, a d'abord été exploité par la société d'application des matières plastiques (SAMP), laquelle a été rachetée par le groupe Ferodo en 1964.

En 1969, la SAMP est devenue un département de la société Sofica, filiale de Ferodo spécialisée dans le radiateur sans soudure.

A partir de 1988, l'établissement s'est spécialisé dans la fabrication d'équipements pour le chauffage et la climatisation des véhicules de tourisme, utilisant pour ce faire des pièces contenant de l'amiante (la société se défendant d'avoir jamais procédé au 'travail de l'amiante' en tant que manipulation de matière brute).

La société soutient que, dès 1985, l'amiante « en tant que simple composant, a été progressivement et rapidement supprimée des pièces produites sur le site (') soit bien avant l'interdiction de l'usage de l'amiante à compter du 1er janvier 1997 » (en gras dans l'original des conclusions).

En 1995, un rapprochement entre Valeo et la société Siemens a eu pour effet le transfert de certains salariés de la première vers la seconde.

Le 03 juillet 2000, l'établissement [Adresse 22] a été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'aimante (ACATA) pour la période de 1960 à 1992.

De nombreux salariés de Valeo sur ce site ont demandé à bénéficier de l'ACATA et ont donc quitté l'entreprise.

De nombreuses années plus tard, plusieurs salariés ont saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet (ci-après, le CPH) d'une demande de réparation de leurs préjudices économique, d'anxiété et de troubles dans les conditions d'existence.

Par jugement de départage en date du 28 janvier 2014, le CPH a dit que les demandeurs étaient recevables à agir, a constaté qu'ils se désistaient de leurs demandes d'indemnisation de préjudice économique et de bouleversement dans leurs conditions d'existence, a retenu un préjudice d'anxiété et leur a alloué à chacun la somme de 10 000 euros en réparation de ce préjudice, en outre la somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société a régulièrement relevé appel de ce jugement, s'agissant du préjudice d'anxiété.

Tous les salariés ont formé un appel incident sur ce point.

Devant la cour, la société Valéo s'est expressément désisté de son appel en ce qui concerne les salariés suivants : Mme [XX] [XV] ; M. [WU] [XV] ; Mme [MH] [WQ] ; M. [HP] [SA] ; Mme [MH] [PS] ; Mme [OR] [QX] ; M. [HR] [NK] ; Mme [UG] [LC] ; M. [P] [VN] ; Mme [ED] [WS] ; Mme [JX] [M] ; M. [OP] [AS] ; Mme [ED] [BY] ; Mme [FF] [LE] ; M. [IS] [TD] ; M. [PU] [TD] ; Mme [XR] [TD] ; Mme [MJ] [NM] ; Mme [BV] [V] (la défense de la société a oralement modifié ses conclusions écrites en ce qui concerne cette dernière) ; M. [UM] [SC] ; Mme [GK] [DD] ; Mme [BX] [VL] ; Mme [BX] [YW] ; Mme [VP] [HT] ; Mme [OP] [KB] ; M. [IS] [LA] ; M. [QV] [ZC] ; Mme [MF] [CY] ; Mme [AX] [RY] ; Mme [CX] [VJ] ; M. [BZ] [NI] ; M. [GQ] [PW] ; Mme [ED] [JV] ; Mme [FJ] [D] ; Mme [ZZ] [AP] ; M. [WO] [DF].

Chacun de ces salariés a expressément accepté le désistement d'instance et d'action de la société les concernant.

La cour dira que le jugement entrepris produira son plein et entier effet à l'égard de chacun d'eux.

La société Valeo soutient, à titre principal, l'irrecevabilité de l'action de Mme [IW], au motif de l'absence de preuve d'un lien contractuel l'unissant à cette salariée d'une société sous-traitante.

A titre subsidiaire, la société demande à la cour de constater que les conditions de la responsabilité contractuelle de la société Valeo ne sont pas réunies, que les demandes formulées par Mme [IW] au titre des préjudices d'anxiété sont irrecevables et mal fondées.

La société soulève par ailleurs, à titre principal, la prescription de l'action engagée par M. [GM], Mme [UK] et Mme [PQ].

A titre subsidiaire, la société Valéo, demande à la cour de constater que ces trois salariés, ne remplissant pas les conditions permettant de bénéficier de l'ACATA, ne peuvent prétendre à réparation d'un préjudice d'anxiété.

La société soulève également, à titre principal, la prescription à l'égard de 14 salariés qui peuvent, eux, prétendre à bénéficier de l'ACATA : Mme [ON] [XV], M. [TF], M. [EE], M. [EG], Mme [IU] [LE], M. [IS] [LE], Mme [GK] [TD], M. [YY] [TD], Mme [FH], M. [AG], M. [HT], Mme [QZ], M. [IY] et Mme [NO] (la société s'est désistée à l'audience à l'égard d'une quinzième salariée, Mme [JV], ainsi qu'il a été mentionné plus haut).

Plus subsidiairement, la société considère que ces salariés ne démontrent pas un manquement de l'employeur à ses obligations de sécurité, enfin, que le montant des demandes relatives à la réparation du préjudice d'anxiété n'est pas justifié, de le réduire, de déduire des sommes allouées à ce titre celles versées par l'employeur lors des départs en pré-retraite.

En tout état de cause, il convient de débouter les salariés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entiers dépens.

Vu les conclusions déposées en date du 03 décembre 2015, tant pour la société Valéo que pour les salariés, ainsi que les pièces y afférentes respectivement, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 03 décembre 2015.

MOTIFS,

A titre préliminaire, la cour doit observer que la présentation, à la fois touffue et fouillée de la défense des salariés, rend parfois malaisé de différencier ce qui relève de l'argument de ce qui relève de la demande proprement dite.

La société, pour sa part, a soumis des conclusions écrites articulées entre les salariés à l'égard desquels elle soulève l'irrecevabilité de la demande (Mme [IW] seulement, désormais), ceux dont l'action est prescrite ou qui ne peuvent bénéficier de l'ACATA (M. [GM], Mme [UK], Mme [PQ]) et les autres, mais sa présentation orale a été quelque peu différente.

Dès lors que chacune des parties s'est expressément référée à ses écritures, à l'occasion de ses explications devant la cour, et dès lors que les salariés concernés ont accepté le désistement de la société à leur égard, il est possible de présenter la discussion de la manière suivante.

Sur la prescription

M. [GM], Mme [UK] et Mme [PQ] ont travaillé pour la société il y a de très nombreuses années et ont, respectivement, quitté l'entreprise le 31 décembre 1966, le 11 novembre 1963 et le 17 juin 1961.

A l'époque, la prescription applicable pour le type d'action qu'ils ont engagé ici était la prescription trentenaire.

L'action de M. [GM] aurait ainsi été prescrite le 31 décembre 1991, celle de Mme [UK] le11 novembre 1993 et celle de Mme [PQ], le 17 juin 1991.

Ces trois salariés ont saisi le conseil de prud'hommes le 13 octobre 2011.

Leur action serait, ainsi, depuis longtemps prescrite si l'on se réfère à la date à laquelle elles ont quitté l'entreprise.

La société soulève par ailleurs la prescription de l'action de Mme [ON] [XV], M. [TF], M. [EE], M. [EG], Mme [IU] [LE], M. [IS] [LE], Mme [GK] [TD], M. [YY] [TD], Mme [FH], M. [AG], M. [HT], Mme [QZ], M. [IY] et Mme [NO].

La situation ce ces salariés est la suivante :

. Mme [ON] [XV] : elle a quitté la société le 31 juillet 1964 ; son action serait prescrite au 31 juillet 1994 ;

. M. [TF] : il a quitté la société le 30 juin 1965 ; son action serait prescrite au 30 juin 1995 ;

. M. [EE] : il a quitté la société le 05 décembre 1968 ; son action serait prescrite au 05 décembre 1998 ;

. M. [EG] : il a quitté la société le 30 juin 1964 ; son action serait prescrite le 30 juin 1994 ;

. Mme [IU] [LE] : elle a quitté la société le 04 octobre 1963 ; son action serait prescrite le 04 octobre 1993 ;

. M. [IS] [LE] : il a quitté l'entreprise en 1964 ; son action serait prescrite en 1994 ;

. Mme [GK] [TD] : elle a quitté l'entreprise le 31 décembre 1970 ; son action serait prescrite le 31 décembre 2000 ;

. M. [YY] [TD] : il a quitté l'entreprise le 31 mai 1969 ; son action serait prescrite au 31 mai 1999 ;

. Mme [FH] : elle a quitté l'entreprise le 28 août1962 ; son action serait prescrite au 28 août 1992 ;

. M. [AG] : il a quitté l'entreprise le 31 décembre 1976 ; son action serait prescrite le 31 décembre 2006 ;

. M. [HT] : il a quitté la société le 29 juin 1963 ; son action serait prescrite au 29 juin 1993 ;

. Mme [QZ] : elle a quitté l'entreprise le 1er mars 1972 ; son action serait prescrite le 1er mars 2002 ;

. M. [IY] : il a quitté l'entreprise le 18 novembre 1968 ; son action serait prescrite le 18 novembre 1998 ;

. Mme [NO] : elle a quitté l'entreprise le 31 décembre 1969 ; son action serait prescrite le 31 décembre 1999.

Toutefois, il importe de le vérifier, en soulignant que la prescription ne court que du moment où la personne qui revendique un droit (en l'espèce, allègue un préjudice) a connu ou aurait pu connaître les circonstances de faits lui permettant d'engager l'action correspondant à cette revendication.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, tel qu'il résulte de la loi du 17 juin 2008 :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

La loi du 17 juin 2008 a prévu des mesures transitoires, en son article 26 :

« I. ' Les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
II. ' Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
III. ' Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation (') ».

Dans le cas d'espèce, l'application de la loi a eu pour effet de réduire la durée de la prescription.

Il convient dès lors de définir le jour où M. [GM], Mme [UK] et Mme [PQ] ont connu ou auraient dû connaître les faits permettant d'exercer l'action en cause, à savoir la réclamation d'un préjudice d'anxiété.

Le CPH a fixé cette date en janvier 1997, en considérant que c'était la date à laquelle « la fibre a été définitivement interdite » et que si l'employeur avait pu connaître les risques liés à l'amiante avant cette date, tel n'était pas le cas des salariés, qui n'avaient « pu prendre réellement la mesure du danger auquel ils avaient été exposés en travaillant sur des matériaux contenant de l'amiante que de façon progressive ».

Les éléments soumis à l'attention de la cour conduisent à faire notamment les observations suivantes.

La société justifie que, le 07 décembre 1976, un tract a été diffusé par une organisation syndicale à l'ensemble des usines du groupe, et notamment celle [Localité 22], qui fait référence à un « magnifique mouvement de solidarité » ayant suivi « la mise à pied infligée par la Direction, à l'encontre de (M. P. Délégué du Personnel) ».

La cour relève, ainsi que l'a conclu la société Ferodo, que M. P. avait refusé de balayer un atelier en s'appuyant sur le décret du 10 juillet 1913, lequel prévoyait que le balayage des ateliers devait s'effectuer en dehors des heures de travail.

Le tract précise, entre parenthèses : « Nous sommes payés pour connaître le danger des poussières d'amiante ».

Certes, à cette date, tous les salariés mentionnés plus haut, à l'exception de M. [AG], qui est parti le 31 décembre 1976, avaient quitté l'entreprise depuis longtemps.

Mais, le décret du 17 août 1977, relatif aux mesures d'hygiène applicables dans les établissements ou le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, est fréquemment utilisé par les sociétés ayant travaillé l'amiante (la cour note que ce n'est pas ce qui est en cause ici) ou utilisé des matériaux contenant de l'amiante (ce qui fut le cas dans l'usine [Localité 22]) pour affirmer qu'avant cette date, les dangers de l'amiante n'étaient pas clairement identifiés et connus.

Il est constant que cette réglementation a été adoptée après qu'une large consultation avait été organisée par les pouvoirs publics auprès des syndicats de salariés comme des entreprises utilisant de l'amiante ou des matériaux amiantés.

L'article 9 du décret stipule que l'employeur « est tenu de remettre des consignes écrites à toute personne affectée aux travaux (l'exposant à l'inhalation de poussières d'amiante) de manière à l'informer : des risques auxquels peut l'exposer son travail ; des précautions à prendre pour éviter ces risques ».

La défense des salariés soutient, à cet égard, que l'employeur, contrairement aux obligations qui lui étaient faites par ce décret n'a effectué aucune mesure d'empoussièrement dans l'usine.

Mais, quand bien même cela serait vrai, outre que cela ne serait pas pertinent pour des salariés ayant quitté l'entreprise depuis longtemps, il demeure que le décret du 17 août 1977 ne laissait place à aucun doute en ce qui concerne les dangers de l'amiante.

La cour considère ainsi qu'il ne peut être valablement soutenu par une personne travaillant ou ayant travaillé, comme en l'espèce, dans une telle entreprise, qu'elle ignorait les dangers de l'amiante après cette date.

De plus, l'argument de la défense de ces trois salariés, selon lequel, le préjudice d'anxiété n'ayant été reconnu par la Cour de cassation que le 11 mai 2010, leur action n'est pas prescrite, doit être écarté.

En effet, ce n'est pas cette décision qui crée la situation en raison de laquelle la personne concernée estime subir un préjudice.

Pour que ce préjudice puisse exister, il faut que la situation susceptible de l'engendrer ait elle-même existé.

En l'espèce, il est constant que plus de trente ans se sont écoulés entre le dernier moment à partir duquel la situation ayant pu engendrer le préjudice a existé et le moment où les 17 salariés en cause ont voulu faire reconnaître ce préjudice et en être indemnisés.

Il résulte de ce qui précède que ni M. [GM], ni Mme [UK] ni Mme [PQ] ni aucun des 14 autres salariés ici concernés ne peuvent raisonnablement alléguer qu'à compter du décret du 17 août 1977, au plus tard, elles ignoraient les dangers potentiels résultant de la poussière d'amiante.

L'argument de la date de l'arrêté permettant aux salariés de bénéficier de l'ACATA n'est donc pas davantage pertinent, que ces salariés aient, ou non, pu y prétendre.

L'action qu'ils auraient pu engager en réparation du préjudice résultant des risques que fait peser sur eux l'exposition à l'amiante ou à ses poussières était donc prescrite le 17 août 2007.

L'application de la loi du 17 juin 2008 ne peut avoir pour effet de prolonger la durée totale de la prescription prévue par la loi antérieure.

Les 17 salariés en cause ont saisi le CPH en 2011.

Leur action est prescrite.

Sur la situation de Mme [MF] [IW]

Il résulte des explications des parties qu'il est constant que Mme [IW] n'était pas salariée de la société Valéo mais d'une entreprise extérieure, la société Compass Group France, assurant la restauration dans les locaux [Localité 21].

Mme [IW] précise que le réfectoire se trouvait dans l'enceinte même de l'usine, que les salariés de Valéo venaient y déjeuner dans leurs cottes de travail, que ces vêtements, comme les salariés, portaient de la poussière, dont de la poussière d'amiante.

La société Valéo ne démontre en aucune manière que l'exposition aux poussières d'amiante ainsi décrite par Mme [IW] n'a pas pu se produire ou ne s'est pas produite.

Il demeure que, dans les circonstances invoquées par Mme [IW], l'obligation de sécurité pèse sur l'employeur de cette salariée et non sur l'entreprise au sein de laquelle elle effectuait ses tâches, et que, à supposer que Mme [IW] puisse réclamer l'indemnisation de son préjudice d'anxiété, il lui appartenait de diriger son action à l'encontre de son employeur, la société Compass Group France, à charge, pour cette dernière de se retourner contre la société Valéo.

La cour dira l'action de Mme [IW] irrecevable à l'encontre de la société Valéo.

Sur la situation des autres salariés

Il reste à examiner la situation de : M. [BZ] [EF], Mme [MH] [UI], M. [XT] [BJ], M. [FL] [GO], et M. [SE] [ZA].

Selon la défense des salariés, dès lors qu'ils ont été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante, le préjudice subi par eux, qui résulte de cette contamination, est certain et direct.

Le dommage subi par les salariés « se chiffre à la part de salaire non prise en charge par la CRAM soit 35% du salaire brut moyen versé durant ses douze derniers mois au sein de l'entreprise et par la crainte du salarié de développer une pathologie liée à l'amiante pouvant conduire au décès » (souligné comme dans l'original des conclusions).

Les salariés concernés sollicitent l'indemnisation de leur préjudice d'anxiété à hauteur de la somme de 30 000 euros, chacun.

La société réplique notamment qu'il n'existe pas de présomption de méconnaissance par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, l'utilisation de l'amiante ne constituant pas un manquement à l'obligation de sécurité de résultat, les pièces produites et les considérations générales ne démontrant pas de manquement - d'autant que les attestations croisées sont dépourvues de valeur probante, et la société ayant pris les mesures collectives et individuelles nécessaires, étant souligné qu'à l'exception d'un cas concernant un chercheur travaillant dans un bâtiment isolé, la faute inexcusable de la société n'avait jamais été reconnue.

S'agissant de l'évaluation du préjudice d'anxiété alléguée, outre que la demande initiale était de 10 000 euros, les demandeurs ne rapportaient pas la preuve d'une anxiété.

La cour estime utile d'indiquer que, si la durée d'exposition est susceptible d'avoir une influence sur l'importance de l'anxiété éprouvée par le salarié exposé, encore convient-il de relativiser sensiblement cette observation, dès lors qu'il est acquis, au vu des différentes études menées, notamment par l'Inserm en juin 1996 dans le rapport sur les 'Effets sur la santé des principaux types d'exposition à l'amiante', qu'une seule exposition non protégée, ou insuffisamment protégée, à la poussière d'amiante suffit à faire peser un risque de pathologie liée à l'amiante. En outre, il est établi que les personnes développant une telle pathologie sont plus susceptibles d'être atteintes à partir de l'âge de 60 ans et de décéder prématurément (avec une dizaine d'années de différence en moyenne).

Il ne peut donc être sérieusement contesté qu'une exposition avérée à l'amiante est de nature à engendrer une anxiété telle que le principe de son indemnisation doit être retenu.

Encore faut-il vérifier que celui qui allègue ce préjudice a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante dans des conditions qui peuvent lui faire légitimement éprouver l'anxiété en cause.

C'est à celui qui allègue un préjudice d'en démontrer l'existence.

La cour considère qu'il n'y a pas lieu d'exclure a priori des attestations au seul motif qu'elles sont croisées.

Il ne peut en revanche être contesté que, quelle que soit la bonne foi éventuelle de l'attestant, de telles attestations ont une valeur probante moindre que ne pourrait en avoir une attestation non croisée rédigée en connaissance de cause par un témoin direct des faits décrits.

Dans le cas présent, la situation est la suivante :

. M. [BZ] [EF] produit une attestation dont la cour ne peut identifier le signataire ; il était agent de production ; il a travaillé dans l'usine de septembre 1988 au 28 avril 1990 ; il a quitté l'entreprise à l'âge de 23 ans ;

. Mme [MH] [UI] produit une attestation de Mme [BV] [DE] qui n'est pas concernée par les trois procédures dont la cour a été saisie à l'audience du 03 décembre 2015 dans les litiges de même type opposant la société Valéo à d'anciens salariés ; elle était agent professionnel ; elle a travaillé dans l'usine du 1er août 1983 au 14 octobre 1988 ; elle a quitté l'entreprise à l'âge de 35 ans ;

. M. [XT] [BJ] produit une attestation de M. [FL] [GO], co-intimé ; il était agent de maîtrise ; il a travaillé dans l'usine du 07 avril 1986 au 31 décembre 1992 ; il a quitté l'entreprise à l'âge de 26 ans ;

. M. [FL] [GO] produit une attestation de M. [XT] [BJ], co-intimé ; il était régleur et technicien sur presses à injecter ; il a travaillé dans l'usine du 12 janvier 1987 au 31 décembre 1992 ; il l'a quittée à l'âge de 26 ans ;

. M. [SE] [ZA] produit une attestation de Mme [OR] [JZ], qui n'est pas davantage concernée par les trois procédures dont la cour a été saisie à l'audience du 03 décembre 2015 dans les litiges de même type opposant la société Valéo à d'anciens salariés ; il a travaillé comme agent spécialisé puis comme agent professionnel ; il totalise 22 ans d'ancienneté ; il a quitté l'entreprise à l'âge de 58 ans.

Les seules attestations véritablement croisées sont celles produites par MM. [BJ] et [GO].

D'une manière générale, les attestations produites évoquent la présence d'amiante dans les matériaux utilisés, la présence importante de poussières, notamment de poussière d'amiante, l'insuffisance des mécanismes d'aspiration, plus généralement, l'indifférence manifestée par l'employeur (mais, on le lit au travers des attestations, par les salariés eux-mêmes, également) à l'égard de la présence d'amiante, à l'époque.

La cour relève que la société explique plus précisément que le site [Localité 22] comportait en fait trois usines distinctes.

La première a notamment abrité, à partir de 1967, une activité de thermodurcissage entraînant l'utilisation de granules d'amiante.

La deuxième abritait une activité de moulage de plastique par injection dans laquelle n'intervenait pas d'amiante.

La troisième a été bâtie en 1974 pour l'assemblage de « sous-ensemble équipant les automobiles ' notamment des ceintures de sécurité ' ainsi que des climatisations. Il n'y avait pas de produits amiantés dans ces activités » (souligné dans l'original des conclusions).

La cour observe que les plans soumis par la société, qui ne sont pas contestés par la défense des salariés, permettent de constater que les trois unités en cause étaient effectivement séparées.

La cour note cependant que le bâtiment de l'usine 1 abritait aussi bien des services administratifs que ces services techniques et que, par ailleurs, les « postes travaillant les matières chargées d'amiante » selon la terminologie utilisée en annotation du plan fourni à la cour, étaient disséminés dans l'ensemble du bâtiment abritant l'usine 1.

La cour relève également que, dès les décrets de 1976 et 1977 publiés, la société Valéo, en tout cas pour ce qui concerne l'établissement [Localité 22], a pris des mesures pour lutter contre l'empoussièrement, lesquelles se sont révélées efficaces si l'on en juge par les mesures effectuées dans le courant de l'année 1978 qui, toutes, fournissent une indication de présence de fibres d'amiante inférieure à la norme autorisée à l'époque. Sur ce point, le cour ne retrouve pas les niveaux d'empoussièrement relevés (à juste titre, si l'on s'en réfère à leur niveau élevé) par le premier juge.

Mais il convient de rappeler que, pour les salariés en cause, la société n'a pas contesté leur exposition à l'amiante, ce qui leur a permis de bénéficier de l'ACATA ou d'y prétendre, l'établissement [Localité 22] ayant été classé sur la liste des établissements concernés par arrêté du 1er août 2001.

En outre, la société ne peut raisonnablement soutenir que les dangers de l'amiante n'étaient pas connus avant 1977.

Sans qu'il soit nécessaire de refaire ici l'historique de l'amiante, dont la nocivité a été précisément déterminée par un inspecteur du travail, dès le début du siècle dernier (1906), et en Normandie tout spécialement, il suffira de rappeler ici les nombreuses études publiées tant à l'étranger qu'en France, le document intitulé 'Réglementation des conditions du travail de l'industrie de l'amiante', établi par la caisse régionale d'assurance maladie de Normandie en mars-avril 1965 (qui comportait déjà des prescriptions relatives aux locaux, à l'empoussièrement, aux vêtements, etc').

Enfin, la circonstance que les pouvoirs publics auraient tardé à mettre en place les mesures administratives nécessaires à la protection de la santé publique est indifférente au regard des obligations qui pèsent sur l'employeur en termes de santé et de sécurité au travail de ses salariés.

Ainsi, alors que l'exposition aux poussières d'amiante ne peut être contestée en ce qui concerne les salariés susnommés, il faut considérer que, quand bien même ils n'auraient (heureusement) pas été victimes d'une pathologie de l'amiante, ils peuvent légitimement vivre dans la crainte de développer une telle pathologie dont les formes les plus sévères conduisent à une mort prématurée, ainsi qu'il résulte de l'étude de l'Inserm précitée.

La cour considère que si une seule exposition suffit à faire courir le risque, et donc à éprouver la crainte d'une contamination, il est raisonnable de considérer que la durée d'exposition doit être prise en compte pour déterminer un peu plus précisément l'étendue du préjudice d'anxiété allégué.

Compte tenu de tout ce qui précède, la cour déterminera les préjudices de la manière suivante :

. pour M. [ZA] : 10 000 euros ;

. pour Mme [MH] [UI], M. [XT] [BJ] et M. [FL] [GO] : 2 500 euros ;

. pour M. M. [BZ] [EF] : 2 000 euros.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est juste, pour ce qui concerne les salariés auxquels le préjudice d'anxiété est ainsi reconnu, de condamner la société Valéo à leur payer, à chacun, la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les autres salariés seront déboutés de leurs demandes à cet égard.

La société Valéo sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, et statuant par décision contradictoire,

Constate le désistement d'instance et d'action de la société Valéo Systèmes Thermiques SAS à l'encontre de : Mme [XX] [XV] ; M. [WU] [XV] ; Mme [MH] [WQ] ; M. [HP] [SA] ; Mme [MH] [PS] ; Mme [OR] [QX] ; M. [HR] [NK] ; Mme [UG] [LC] ; M. [P] [VN] ; Mme [ED] [WS] ; Mme [JX] [M] ; M. [OP] [AS] ; Mme [ED] [BY] ; Mme [FF] [LE] ; M. [IS] [TD] ; M. [PU] [TD] ; Mme [XR] [TD] ; Mme [MJ] [NM] ; Mme [BV] [V] (la défense de la société a oralement modifié ses conclusions écrites en ce qui concerne cette dernière) ; M. [UM] [SC] ; Mme [GK] [DD] ; Mme [BX] [VL] ; Mme [BX] [YW] ; Mme [VP] [HT] ; Mme [OP] [KB] ; M. [IS] [LA] ; M. [QV] [ZC] ; Mme [MF] [CY] ; Mme [AX] [RY] ; Mme [CX] [VJ] ; M. [BZ] [NI] ; M. [GQ] [PW] ; Mme [ED] [JV] ; Mme [FJ] [D] ; Mme [ZZ] [AP] ; M. [WO] [DF] et dit qu'à l'égard de chacun et de chacune, le jugement entrepris produira son plein et entier effet ;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus ; et statuant à nouveau,

Dit que l'action de : M. [GM], Mme [UK], Mme [PQ], ainsi que celle de : Mme [ON] [XV], M. [TF], M. [EE], M. [EG], Mme[IU] [LE], M. [IS] [LE], Mme [GK] [TD], M. [YY] [TD], Mme [FH], M. [AG], M. [HT], Mme [QZ], M. [IY] et Mme [NO] sont, chacune, atteintes par la prescription ;

Déclare irrecevable l'action de Mme [MF] [IW] à l'encontre de la société Valéo Systèmes Thermiques SAS ;

Condamne la société à payer, à titre d'indemnisation de leur préjudice d'anxiété :

. à M. [SE] [ZA], la somme de 10 000 euros ;

. à Mme [MH] [UI], M. [XT] [BJ] et M. [FL] [GO], chacun, la somme de 2 500 euros ;

. à M. [BZ] [EF], la somme de 2 000 euros ;

Condamne la société Valéo Systèmes Thermiques SAS à payer à M. [SE] [ZA], à M. [BZ] [EF], à Mme [MH] [UI], à M. [XT] [BJ] et à M. [FL] [GO], chacun, la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Condamne la société Valéo Systèmes Thermiques aux entiers dépens ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 14/02096
Date de la décision : 03/03/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°14/02096 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-03;14.02096 ?
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