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03/03/2016 | FRANCE | N°14/02095

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 03 mars 2016, 14/02095


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

OF

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 MARS 2016



R.G. N° 14/02095



AFFAIRE :



SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES

C/

[E] [R]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Janvier 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de RAMBOUILLET

Section : Industrie

N° RG : 11/00523





Copies exécutoires délivrées à

:



Me Chantal BONNARD



Me Abd el waheb BERKOUCHE



Copies certifiées conformes délivrées à :



SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES



[E] [R],



[P] [K],



[Z] [K],



[V] [H],



[G] [O],



[B] [L]







le :

RÉPUBLIQUE FRA...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

OF

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 MARS 2016

R.G. N° 14/02095

AFFAIRE :

SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES

C/

[E] [R]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Janvier 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de RAMBOUILLET

Section : Industrie

N° RG : 11/00523

Copies exécutoires délivrées à :

Me Chantal BONNARD

Me Abd el waheb BERKOUCHE

Copies certifiées conformes délivrées à :

SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES

[E] [R],

[P] [K],

[Z] [K],

[V] [H],

[G] [O],

[B] [L]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS MARS DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 5]

représentée par Me Chantal BONNARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0214

APPELANTE

****************

Madame [E] [R]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [P] [K]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [Z] [K]

[Adresse 6]

[Localité 4]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [V] [H]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [G] [O]

[Adresse 3]

[Localité 3]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [B] [L]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 03 Décembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marion GONORD

Le présent dossier concerne, à l'origine, l'établissement de la société Valeo Systèmes Thermiques SAS (ci-après, la 'société' ou 'Valeo') sis à [Localité 6] et de nombreux salariés y ayant travaillé.

Cet établissement a été créé en 1954 (1959 selon les salariés). Jusqu'en 1992, l'activité du site a consisté en la production de climatiseurs, systèmes de ventilations et ceintures de sécurité pour automobiles (fabrication d'équipements automobiles thermiques, notamment radiateurs, selon les salariés).

Selon la société, depuis 1992, l'activité du site se limite principalement en l'injection de plastique et l'assemblage des habitacles.

Par arrêtés des 1er août 2001 et 24 avril 2002, l'établissement de [Localité 6] a été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'aimante (ACATA) pour la période de 1965 à 1988 puis jusqu'en 1992.

De nombreux salariés de Valeo sur ce site ont demandé à bénéficier de l'ACATA et ont donc quitté l'entreprise.

De nombreuses années plus tard, plusieurs salariés ont saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet (ci-après, le CPH) d'une demande de réparation de leurs préjudices économique, d'anxiété ou de troubles dans les conditions d'existence.

Par jugement de départage en date du 28 janvier 2014, le CPH a dit que les demandeurs étaient recevables à agir, et a alloué à chacun la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice d'anxiété, en outre la somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société a régulièrement relevé appel de ce jugement, limitant son appel à la situation de : Mme [E] [R], Mme [P] [K], M. [Z] [K], Mme [V] [H], Mme [G] [O], Mme [B] [L], lesquels ont formé un appel incident.

Devant la cour, la société s'est désistée de son appel à l'égard de Mme [P] [K] et de Mme [B] [L] lesquelles ont expressément accepté ce désistement.

La société Valeo soutient, à titre principal, l'irrecevabilité de l'action de Mme [R] et de Mme [H]. A titre subsidiaire, pour ces deux anciennes salariées, et à titre principal pour les autres, la société demande à la cour de constater que les conditions de la responsabilité contractuelle de la société Valeo ne sont pas réunies, que les demandes formulées au titre des préjudices d'anxiété sont irrecevables et mal fondées.

A titre plus subsidiaire, Valeo demande à la cour de constater que le montant des demandes relatives à la réparation du préjudice d'anxiété n'est pas justifié, de le réduire, de déduire des sommes allouées à ce titre celles versées par l'employeur lors des départs en pré-retraite.

En tout état de cause, il convient de débouter les salariés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entiers dépens.

La défense des salariés fait tout d'abord valoir que les demandes de Mmes [R] et [H] ne sont pas prescrites puisque le délai de prescription ne peut courir avant la date de publication de l'arrêté ministériel de classement de l'usine de [Localité 6] sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, en l'espèce le 12 août 2002 et que, en outre, le préjudice d'anxiété n'a été reconnu par la Cour de cassation que par son arrêt du 11 mai 2010.

Sur le fond, la défense des salariés souligne que la jurisprudence admet qu'une réparation identique et uniforme pour l'ensemble des salariés concernés n'est pas contraire aux principes fondamentaux de l'indemnisation des préjudices et ne serait être appréciée comme une décision de règlement ; que, de plus, un accord d'entreprise, qui assure une compensation plus importante de la perte de revenu résultant de la cessation d'activité, n'interdit pas une demande ultérieure en réparation d'un trouble psychologique résultant du risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante : de tels accords ne réparent pas le préjudice d'anxiété.

La défense des salariés ajoute que « la nature de l'exposition, fonctionnelle (c'est-à-dire au poste de travail) ou environnemental (c'est-à-dire indirect dans l'usine) » importe peu.

En outre, la société est tenue d'une obligation de sécurité de résultat à l'égard de ses salariés et il peut être déduit « de la seule circonstance que les mesures de prévention n'aient pas été appliquées que l'élément constitutif d'un manquement de l'entreprise à son obligation de sécurité de résultat causant nécessairement un préjudice aux salariés était caractérisé », étant observé que c'est à l'employeur de démontrer qu'il a pris toutes les mesures nécessaires à l'effectivité de l'obligation de sécurité

Vu les conclusions déposées en date du 03 décembre 2015, tant pour la société Valeo que pour Mme [E] [R], Mme [P] [K], M. [Z] [K], Mme [V] [H], Mme [G] [O], Mme [B] [L], ainsi que les pièces y afférentes respectivement, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 03 décembre 2015.

MOTIFS,

A titre préliminaire, la cour doit observer que la présentation, à la fois touffue et fouillée de la défense des salariés rend parfois malaisé de différencier ce qui relève de l'argument de ce qui relève de la demande proprement dite.

La société, pour sa part, a soumis des conclusions écrites articulées entre les salariés à l'égard desquels elle soulève la prescription (Mme [R], Mme [H], M. [K]) et les autres, mais sa présentation orale a été quelque peu différente.

Dès lors que chacune des parties s'est expressément référée à ses écritures, à l'occasion de ses explications devant la cour, et dès lors que deux salariés ont accepté le désistement de la société à leur égard, la situation des trois salariées pour lesquels la prescription est soulevée (Mmes [R] et [H], M. [K]) sera distinguée de celle de Mme [O].

Sur la prescription

Mme [R] a travaillé pour la société Valéo, en qualité d'ouvrier, du 13 janvier 1966 au 09 octobre 1970.

Mme [H], pour sa part, a été employée en qualité d' « agent » du 06 janvier 1966 au 25 mars 1971.

A l'époque, la prescription applicable pour le type d'action qu'elles ont engagé ici était la prescription trentenaire.

L'action de Mme [R] aurait ainsi été prescrite le 09 octobre 2000 et celle de Mme [H], le 25 mars 2001.

M. [K] a été employé en qualité d' « Agent » par la société du 07 juillet 1969 au 31 août 1973.

La société précise que M. [K] était en réalité ouvrier polyvalent mais qu'il ne peut prétendre à aucune indemnisation, ayant quitté l'entreprise depuis 1973.

L'action de M. [K] aurait été prescrite au 31 août 2003.

Mmes [R] et [H], ainsi que M. [K] ont saisi le conseil de prud'hommes le 30 septembre 2011.

Leur action serait, ainsi, depuis longtemps prescrite si l'on se réfère à la date à laquelle elles ont quitté l'entreprise.

Toutefois, il importe de le vérifier, en soulignant que la prescription ne court que du moment où la personne qui revendique un droit (en l'espèce, allègue un préjudice) a connu ou aurait pu connaître les circonstances de faits lui permettant d'engager l'action correspondant à cette revendication.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, tel qu'il résulte de la loi du 17 juin 2008 :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

La loi du 17 juin 2008 a prévu des mesures transitoires, en son article 26 :

« I. ' Les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
II. ' Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
III. ' Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation (') ».

Dans le cas d'espèce, l'application de la loi a eu pour effet de réduire la durée de la prescription.

Il convient dès lors de définir le jour où Mme [R], Mme [H] et M. [K] ont connu ou auraient dû connaître les faits permettant d'exercer l'action en cause, à savoir la réclamation d'un préjudice d'anxiété.

Le CPH a fixé cette date en janvier 1997, en considérant que c'était la date à laquelle « la fibre a été définitivement interdite » et que si l'employeur avait pu connaître les risques liés à l'amiante avant cette date, tel n'était pas le cas des salariés, qui n'avaient « pu prendre réellement la mesure du danger auquel ils avaient été exposés en travaillant sur des matériaux contenant de l'amiante que de façon progressive ».

Les éléments soumis à l'attention de la cour conduisent à faire notamment les observations suivantes.

La société justifie que, le 07 décembre 1976, un tract a été diffusé par une organisation syndicale à l'ensemble des usines du groupe, et notamment celle de [Localité 7], qui fait référence à un « magnifique mouvement de solidarité » ayant suivi « la mise à pied infligée par la Direction, à l'encontre de (M. [C] Délégué du Personnel) ».

La cour relève, ainsi que l'a conclu la société Ferodo, que M. [C] avait refusé de balayer un atelier en s'appuyant sur le décret du 10 juillet 1913, lequel prévoyait que le balayage des ateliers devait s'effectuer en dehors des heures de travail.

Le tract précise, entre parenthèses : « Nous sommes payés pour connaître le danger des poussières d'amiante ».

Certes, à cette date, Mmes [R] et [H] ainsi que M. [K] avaient quitté l'entreprise.

Mais, le décret du 17 août 1977, relatif aux mesures d'hygiène applicables dans les établissements ou le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, est fréquemment utilisé par les sociétés ayant travaillé l'amiante (la cour note que ce n'est pas ce qui est en cause ici) ou utilisé des matériaux contenant de l'amiante (ce qui fut le cas dans l'usine de [Localité 6]) pour affirmer qu'avant cette date, les dangers de l'amiante n'étaient pas clairement identifiés et connus.

Il est constant que cette réglementation a été adoptée après qu'une large consultation avait été organisée par les pouvoirs publics auprès des syndicats de salariés comme des entreprises utilisant de l'amiante ou des matériaux amiantés.

L'article 9 du décret stipule que l'employeur « est tenu de remettre des consignes écrites à toute personne affectée aux travaux (l'exposant à l'inhalation de poussières d'amiante) de manière à l'informer : des risques auxquels peut l'exposer son travail ; des précautions à prendre pour éviter ces risques ».

La défense des salariés soutient, à cet égard, que l'employeur, contrairement aux obligations qui lui étaient faites par ce décret n'a effectué aucune mesure d'empoussièrement dans l'usine.

Mais, quand bien même cela serait vrai, il demeure que le décret du 17 août 1977 ne laissait place à aucun doute en ce qui concerne les dangers de l'amiante.

La cour considère ainsi qu'il ne peut être valablement soutenu par une personne travaillant ou ayant travaillé, comme en l'espèce, dans une telle entreprise, qu'elle ignorait les dangers de l'amiante après cette date.

De plus, l'argument de la défense de ces trois salariés, selon lequel, le préjudice d'anxiété n'ayant été reconnu par la Cour de cassation que le 11 mai 2010, leur action n'est pas prescrite, doit être écarté.

En effet, ce n'est pas cette décision qui crée la situation en raison de laquelle la personne concernée estime subir un préjudice.

Pour que ce préjudice puisse exister, il faut que la situation susceptible de l'engendrer ait elle-même existé.

En l'espèce, il est constant que plus de trente ans se sont écoulés entre le dernier moment à partir duquel la situation ayant pu engendrer le préjudice a existé et le moment où Mmes [R] et [H] ainsi que M. [K] ont voulu faire reconnaître ce préjudice et en être indemnisés.

Il résulte de ce qui précède que ni Mme [R] ni Mme [H] ni M. [K] ne peuvent raisonnablement alléguer qu'à compter du décret du 17 août 1977, au plus tard, ils ignoraient les dangers potentiels résultant de la poussière d'amiante.

L'argument de la date de l'arrêté permettant aux salariés de bénéficier de l'ACATA n'est donc pas davantage pertinent.

L'action qu'elles auraient pu engager en réparation du préjudice résultant des risques que fait peser sur elles l'exposition à ce matériau ou à ses poussières était donc prescrite le 17 août 2007.

L'application de la loi du 17 juin 2008 ne peut avoir pour effet de prolonger la durée totale de la prescription prévue par la loi antérieure.

Mme [R], Mme [H] et M. [K] ont saisi le CPH en 2011.

Leur action est prescrite.

Sur la situation de Mme [O]

Madame [O] dit avoir travaillé pour la société Valéo du 19 juillet 1976 au 31 juillet 1992, en qualité d'agent spécialisé la société soulevant qu'elle n'avait travaillé sur le site de [Localité 6] qu'à compter de 1989, ce que la cour peut vérifier au vu des pièces produites (22 mai 1989 au 31 juillet 1992).

Selon la défense des salariés, l'ACATA n'est pas une simple allocation de pré-retraite mais une forme de compensation à l'exposition à un produit cancérogène.

Dès lors qu'ils ont été exposés à l'inhalation de poussières d'amiante, le préjudice subi par les salariés, qui résulte de cette contamination, est certain et direct.

Le dommage subi par les salariés « se chiffre à la part de salaire non prise en charge par la CRAM soit 35% du salaire brut moyen versé durant ses douze derniers mois au sein de l'entreprise et par la crainte du salarié de développer une pathologie liée à l'amiante pouvant conduire au décès » (souligné comme dans l'original).

Mme [O] sollicite l'indemnisation de son préjudice d'anxiété à hauteur de la somme de 30 000 euros.

La société réplique notamment qu'il n'existe pas de présomption de méconnaissance par l'employeur de son obligation de sécurité de résultat, l'utilisation de l'amiante ne constituant pas un manquement à l'obligation de sécurité de résultat, les pièces produites et les considérations générales ne démontrant pas de manquement - d'autant que les attestations croisées sont dépourvues de valeur probante, et la société ayant pris les mesures collectives et individuelles nécessaires, étant souligné qu'à l'exception d'un cas concernant un chercheur travaillant dans un bâtiment isolé, la faute inexcusable de la société n'avait jamais été reconnue.

S'agissant de l'évaluation du préjudice d'anxiété alléguée, outre que la demande initiale était de 10 000 euros, le demandeur ne rapportait pas la preuve d'une anxiété.

La cour relève que la défense de Mme [O] ne conteste pas qu'elle n'a exercé ses fonctions sur le site de [Localité 6] que pendant environ un an et demi et ne démontre en aucune façon qu'elle aurait été exposée à l'inhalation de fibres d'amiante sur un autre site.

La cour estime également utile d'indiquer que, si la durée d'exposition est susceptible d'avoir une influence sur l'importance de l'anxiété éprouvée par le salarié exposé, encore convient-il de relativiser sensiblement cette observation, dès lors qu'il est acquis, au vu des différentes études menées, notamment par l'Inserm en juin 1996 dans le rapport sur les 'Effets sur la santé des principaux types d'exposition à l'amiante', qu'une seule exposition non protégée, ou insuffisamment protégée, à la poussière d'amiante suffit à faire peser un risque de pathologie liée à l'amiante. En outre, il est établi que les personnes développant une telle pathologie sont plus susceptibles d'être atteintes à partir de l'âge de 60 ans et de décéder prématurément (avec une dizaine d'année de différence en moyenne).

Il ne peut donc être sérieusement contesté qu'une exposition avérée à l'amiante est de nature à engendrer une anxiété telle que le principe de son indemnisation doit être retenu.

Encore faut-il vérifier que celui qui allègue ce préjudice a été exposé à l'inhalation de poussières d'amiante dans des conditions qui peuvent lui faire légitimement éprouver l'anxiété en cause.

C'est à celui qui allègue un préjudice d'en démontrer l'existence.

Mme [O] produit à cet égard une attestation de M. [S] [D] qui, comme la société l'a relevé, a introduit un recours identique à celui de Mme [O] devant le CPH, lequel lui a accordé une somme de dix mille euros au titre du préjudice d'anxiété.

La cour considère qu'il n'y a pas lieu d'exclure a priori des attestations au seul motif qu'elles sont croisées.

Il ne peut en revanche être contesté que, quelle que soit la bonne foi éventuelle de l'attestant, de telles attestations ont une valeur probante moindre que ne pourrait en avoir une attestation non croisée rédigée en connaissance de cause par un témoin direct des faits décrits.

Dans le cas présent, l'attestation est rédigée en termes généraux, tandis que Mme [O] elle-même n'a pas pris le soin de décrire avec précision quelles étaient ses tâches.

Enfin, Mme [O] a travaillé pendant peu de temps sur le site en cause. Si cela ne rend pas, en soi, le risque moins grave, en revanche, la possibilité de sa survenance en est considérablement réduite.

Dans ces conditions, la cour déboutera Mme [O] de sa demande et infirmera le jugement entrepris.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Valéo Systèmes Thermiques sera condamnée aux dépens.

Aucune considération d'équité ne conduit à condamner une partie à payer à l'autre partie une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, et statuant par décision contradictoire,

Constate le désistement d'instance et d'action de la société Valéo Systèmes Thermiques SAS à l'encontre de Mme [P] [K] et de Mme [B] [L] et dit qu'à l'égard de chacune d'elles, le jugement entrepris produira son plein et entier effet ;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus ; et statuant à nouveau,

Dit que l'action de Mme [X] [J], celle de Mme [M] [A] et celle de M. [K] est, pour chacune, atteinte par la prescription ;

Déboute Mme [O] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice d'anxiété ;

Déboute Mme [J], Mme [A], Mme [O] et M. [K], de leur demande respective sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Condamne la société Valéo Systèmes Techniques SAS aux entiers dépens.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 14/02095
Date de la décision : 03/03/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°14/02095 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-03;14.02095 ?
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