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03/03/2016 | FRANCE | N°14/02091

France | France, Cour d'appel de Versailles, 5e chambre, 03 mars 2016, 14/02091


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

OF

5e Chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 03 MARS 2016



R.G. N° 14/02091



AFFAIRE :



SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES

C/

[JK] [LD]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Janvier 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de RAMBOUILLET

Section : Industrie

N° RG : 10/00715





Copies exécutoires délivrées Ã

  :



Me Chantal BONNARD



Me Abd el waheb BERKOUCHE





Copies certifiées conformes délivrées à :



SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES



[JK] [LD],



[OO] [CF],



[IP] [JL],



[SU] [DM],



[WE] [RY],



[GA] [RC],



[BT] [R...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

OF

5e Chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 03 MARS 2016

R.G. N° 14/02091

AFFAIRE :

SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES

C/

[JK] [LD]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Janvier 2014 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de RAMBOUILLET

Section : Industrie

N° RG : 10/00715

Copies exécutoires délivrées à :

Me Chantal BONNARD

Me Abd el waheb BERKOUCHE

Copies certifiées conformes délivrées à :

SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES

[JK] [LD],

[OO] [CF],

[IP] [JL],

[SU] [DM],

[WE] [RY],

[GA] [RC],

[BT] [RC],

[BU] [QG],

[RX] [AH],

[RZ] [UM],

[MW] [LZ],

[GB] [MV],

[EJ] [XA],

[PK] [NR],

[FE] [ON],

[HS] [HT],

[GB] [XX],

[RB] [GW],

[YT] [ZP],

[GA] [E],

[PJ] [XX],

[RZ] [XX],

[FF] [MA],

[BV] [MA],

[WF] [J],

[WE] [TR],

[GX] [IO],

[BU] [N],

[XW] [ST],

[KH] [DN],

[DB] [CE],

[WE] [SV],

[UN] [TP],

[YS] [LC],

[RB] [VJ],

[VI] [LY],

[ZQ] [DC],

[QF] [KI],

[TQ] [QH],

[NS] [AG],

[KG] [DL],

[MW] [OP]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TROIS MARS DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS VALEO SYSTEMES THERMIQUES

[Adresse 38]

[Adresse 42]

[Adresse 37]

représentée par Me Chantal BONNARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : G0214

APPELANTE

****************

Madame [JK] [LD]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [OO] [CF]

[Adresse 14]

[Localité 1]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [IP] [JL]

[Adresse 15]

[Adresse 32]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [SU] [DM]

[Adresse 18]

[Adresse 36]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [WE] [RY]

[Adresse 41]

[Localité 1]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [GA] [RC]

[Adresse 12]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [BT] [RC]

[Adresse 51]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [BU] [QG]

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [RX] [AH]

[Adresse 52]

[Adresse 36]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [RZ] [UM]

[Adresse 48]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [MW] [LZ]

[Adresse 8]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [GB] [MV]

[Adresse 25]

[Adresse 34]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [EJ] [XA]

[Adresse 43]

[Adresse 28]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [PK] [NR]

[Adresse 44]

[Adresse 31]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [FE] [ON]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [HS] [HT]

[Adresse 39]

[Localité 1]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [GB] [XX]

[Adresse 10]

[Localité 1]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [RB] [GW]

[Adresse 5]

[Adresse 28]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [YT] [ZP]

[Adresse 21]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [GA] [E]

[Adresse 24]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [PJ] [XX]

[Adresse 22]

[Adresse 28]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [RZ] [XX]

[Adresse 46]

[Adresse 50]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [FF] [MA]

[Adresse 20]

[Localité 1]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [BV] [MA]

[Adresse 20]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [WF] [J]

[Adresse 17]

[Adresse 31]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [WE] [TR]

[Adresse 3]

[Adresse 33]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [GX] [IO]

[Adresse 7]

[Adresse 29]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [BU] [N]

[Adresse 1]

[Adresse 13]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [XW] [ST]

[Adresse 4]

[Adresse 31]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [KH] [DN]

[Adresse 47]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [DB] [CE]

[Adresse 16]

[Adresse 35]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [WE] [SV]

[Adresse 23]

[Adresse 35]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [UN] [TP]

[Adresse 11]

[Adresse 33]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [YS] [LC]

[Adresse 11]

[Adresse 33]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [RB] [VJ]

[Adresse 45]

[Adresse 34]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [VI] [LY]

[Adresse 40]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [ZQ] [DC]

[Adresse 6]

[Adresse 26]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [QF] [KI]

La Pervandière

[Adresse 30]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [TQ] [QH]

[Adresse 49]

[Adresse 28]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Monsieur [NS] [AG]

[Adresse 19]

[Localité 1]

représenté par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [KG] [DL]

[Adresse 7]

[Localité 1]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

Madame [MW] [OP]

[Adresse 9]

[Adresse 27]

représentée par Me Abd el waheb BERKOUCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1789

INTIMÉS

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 03 Décembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Olivier FOURMY, Président,

Madame Régine NIRDE-DORAIL, Conseiller,

Madame Elisabeth WATRELOT, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marion GONORD

Le présent dossier concerne, à l'origine, l'établissement de la société Valeo Systèmes Thermiques SAS (ci-après, la 'société' ou 'Valeo') sis à [Localité 2] et de nombreux salariés y ayant travaillé.

Cet établissement, construit en 1947, a d'abord été exploité par la société d'application des matières plastiques (SAMP), laquelle a été rachetée par le groupe Ferodo en 1964.

En 1969, la SAMP est devenue un département de la société Sofica, filiale de Ferodo spécialisée dans le radiateur sans soudure.

A partir de 1988, l'établissement s'est spécialisé dans la fabrication d'équipements pour le chauffage et la climatisation des véhicules de tourisme, utilisant pour ce faire des pièces contenant de l'amiante (la société se défendant d'avoir jamais procédé au 'travail de l'amiante' en tant que manipulation de matière brute).

La société soutient que, dès 1985, l'amiante « en tant que simple composant, a été progressivement et rapidement supprimée des pièces produites sur le site (') soit bien avant l'interdiction de l'usage de l'amiante à compter du 1er janvier 1997 » (en gras dans l'orginal des conclusions).

En 1995, un rapprochement entre Valeo et la société Siemens a eu pour effet le transfert de certains salariés de la première vers la seconde.

Le 03 juillet 2000, l'établissement de [Localité 1] a été inscrit sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante (ACATA) pour la période de 1960 à 1992.

De nombreux salariés de Valeo sur ce site ont demandé à bénéficier de l'ACATA et ont donc quitté l'entreprise.

De nombreuses années plus tard, plusieurs salariés ont saisi le conseil de prud'hommes de Rambouillet (ci-après, le CPH) d'une demande de réparation de leurs préjudices économique, d'anxiété et de troubles dans les conditions d'existence.

Par jugement de départage en date du 28 janvier 2014,le CPH a dit que les demandeurs étaient recevables à agir, et a alloué à chacun la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice d'anxiété, en outre la somme de 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société a régulièrement relevé appel de ce jugement, limitant son appel, devant la cour, à la situation de Mme [RC] et de Mme [ZP].

Tous les salariés ont formé un appel incident. Devant la cour, seules Mmes [RC] et [ZP] le maintiennent, les autres salariés se désistant expressément.

La société Valeo soutient, à titre principal, l'irrecevabilité de l'action de Mmes [RC] et [ZP], au motif de la prescription trentenaire.

A titre subsidiaire, la société demande à la cour de constater que les conditions de la responsabilité contractuelle de la société Valeo ne sont pas réunies, que les demandes formulées au titre des préjudices d'anxiété sont irrecevables et mal fondées.

A titre plus subsidiaire, Valeo demande à la cour de constater que le montant des demandes relatives à la réparation du préjudice d'anxiété n'est pas justifié, de le réduire, de déduire des sommes allouées à ce titre celles versées par l'employeur lors des départs en pré-retraite.

En tout état de cause, il convient de débouter les salariés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de les condamner aux entiers dépens.

La défense de Mmes [RC] et [ZP] fait notamment valoir que le délai de prescription ne peut courir avant la date de publication de l'arrêté ministériel de classement de l'usine de [Localité 2] sur Sarthe sur la liste des établissements ouvrant droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante, en l'espèce le 03 juillet 2000 et que, par application de la loi sur la prescription de 2008, leur action n'est pas prescrite.

Vu les conclusions déposées en date du 03 décembre 2015, tant pour la société Valeo que pour Mme [BT] [RC] et Mme [YT] [ZP], ainsi que les pièces y afférentes respectivement, auxquelles la cour se réfère expressément, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.

Vu les explications et les observations orales des parties à l'audience du 03 décembre 2015.

MOTIFS,

Sur la prescription

Mme [BT] [RC] a quitté la société Valéo le 31 mars 1973, et Mme [YT] [ZP], le 30 avril 1966.

A l'époque, la prescription applicable pour le type d'action qu'elles ont engagé ici était la prescription trentenaire.

L'action de Mme [RC] aurait ainsi été prescrite le 31 mars 2003 et celle de Mme [ZP], le 30 avril 1996.

Mmes [RC] et [ZP] ont saisi le conseil de prud'hommes le 27 décembre 2010.

Leur action serait, ainsi, prescrite si l'on se réfère à la date à laquelle elles ont quitté l'entreprise.

Toutefois, il importe de souligner que la prescription ne court que du moment où la personne qui revendique un droit (en l'espèce, allègue un préjudice) a connu ou aurait pu connaître les faits lui permettant d'engager l'action correspondant à cette revendication.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, tel qu'il résulte de la loi du 17 juin 2008 :

« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

La loi du 17 juin 2008 a prévu des mesures transitoires, en son article 26 :

« I. ' Les dispositions de la présente loi qui allongent la durée d'une prescription s'appliquent lorsque le délai de prescription n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
II. ' Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
III. ' Lorsqu'une instance a été introduite avant l'entrée en vigueur de la présente loi, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s'applique également en appel et en cassation (') ».

Dans le cas d'espèce, l'application de la loi a eu pour effet de réduire la durée de la prescription.

Il convient dès lors de définir le jour où Mme [RC] ou Mme [ZP] ont connu ou auraient dû connaître les faits permettant d'exercer l'action en cause, à savoir la réclamation d'un préjudice d'anxiété.

Le CPH a fixé cette date en janvier 1997, en considérant que c'était la date à laquelle « la fibre a été définitivement interdite » et que si l'employeur avait pu connaître les risques liés à l'amiante avant cette date, tel n'était pas le cas des salariés, qui n'avaient « pu prendre réellement la mesure du danger auquel ils avaient été exposés en travaillant sur des matériaux contenant de l'amiante que de façon progressive ».

Les éléments soumis à l'attention de la cour conduisent à faire notamment les observations suivantes.

La société justifie que, le 07 décembre 1976, un tract a été diffusé par une organisation syndicale à l'ensemble des usines du groupe, et notamment celle de [Localité 1], qui fait référence à un « magnifique mouvement de solidarité » ayant suivi « la mise à pied infligée par la Direction, à l'encontre de ([ZO] Délégué du Personnel) ».

La cour relève, ainsi que l'a conclu la société Ferodo, que [ZO] avait refusé de balayer un atelier en s'appuyant sur le décret du 10 juillet 1913, lequel prévoyait que le balayage des ateliers devait s'effectuer en dehors des heures de travail.

Le tract précise, entre parenthèses : « Nous sommes payés pour connaître le danger des poussières d'amiante ».

Certes, à cette date, Mmes [RC] et [ZP] avaient quitté l'entreprise.

Mais, le décret du 17 août 1977, relatif aux mesures d'hygiène applicables dans les établissements ou le personnel est exposé à l'action des poussières d'amiante, est fréquemment utilisé par les sociétés ayant travaillé l'amiante (la cour note que ce n'est pas ce qui est en cause ici) ou utilisé des matériaux contenant de l'amiante (ce qui fut le cas dans l'usine de [Localité 1]) pour affirmer qu'avant cette date, les dangers de l'amiante n'étaient pas clairement identifiés et connus.

Il est constant que cette réglementation a été adoptée après qu'une large consultation avait été organisée par les pouvoirs publics auprès des syndicats de salariés comme des entreprises utilisant de l'amiante ou des matériaux amiantés.

L'article 9 du décret stipule que l'employeur « est tenu de remettre des consignes écrites à toute personne affectée aux travaux (l'exposant à l'inhalation de poussières d'amiante) de manière à l'informer : des risques auxquels peut l'exposer son travail ; des précautions à prendre pour éviter ces risques ».

La défense de Mmes [RC] et [ZP] soutient, à cet égard, que l'employeur, contrairement aux obligations qui lui étaient faites par ce décret n'a effectué aucune mesure d'empoussièrement dans l'usine.

De plus, l'argument de la défense de ces deux salariés, selon lequel, le préjudice d'anxiété n'ayant été reconnu par la Cour de cassation que le 11 mai 2010, leur action n'est pas prescrite, doit être écarté.

En effet, ce n'est pas cette décision qui crée la situation en raison de laquelle la personne concernée estime subir un préjudice.

Pour que ce préjudice puisse exister, il faut que la situation susceptible de l'engendrer ait elle-même existé.

En l'espèce, il est constant que plus de trente ans se sont écoulés entre le dernier moment à partir duquel la situation ayant pu engendrer le préjudice a existé et le moment où Mmes [RC] et [ZP] ont voulu faire reconnaître ce préjudice et en être indemnisées.

Il demeure que le décret du 17 août 1977 ne laissait place à aucun doute en ce qui concerne les dangers de l'amiante.

L'argument de la date de l'arrêté permettant aux salariés de bénéficier de l'ACATA n'est donc pas davantage pertinent.

La cour considère ainsi qu'il ne peut être valablement soutenu par une personne travaillant ou ayant travaillé, comme en l'espèce, dans une telle entreprise, qu'elle ignorait les dangers de l'amiante après cette date.

Il résulte de ce qui précède que ni Mme [RC] ni Mme [ZP] ne peuvent raisonnablement alléguer qu'à compter du décret du 17 août 1977, au plus tard, elles ignoraient les dangers potentiels résultant de la poussière d'amiante.

L'action qu'elles auraient pu engager en réparation du préjudice résultant des risques que fait peser sur elles l'exposition à ce matériau ou à ses poussières était donc prescrite le 17 août 2007.

L'application de la loi du 17 juin 2008 ne peut avoir pour effet de prolonger la durée totale de la prescription prévue par la loi antérieure.

Mmes [RC] et [ZP] ont saisi le CPH en 2010.

Leur action est prescrite.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Valéo Systèmes Thermiques, qui succombe pour l'essentiel sera condamnée aux dépens.

Aucune considération d'équité ne conduit à condamner une partie à payer à l'autre partie une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, après en avoir délibéré, et statuant par décision contradictoire,

Donne acte à la société de son désistement d'instance et d'action à l'égard de : Mme [JK] [LD], M. [CF], M. [JL], Mme [DM], M. [RY], Mme [QG], Mme [AH], Mme [UM], Mme [LZ], M. [MV], Mme [XA], M. [NR], Mme [ON], M. [HT], M. [XX], M. [GW], Mme [E], Mme [XX], Mme [XX], M. [MA], Mme [MA], Mme [J], M. [TR], M. [IO], Mme [N], Mme [ST], Mme [DN], Mme [CE], M. [SV], M. [TP], M. [LC], M. [VJ], Mme [LY], Mme [DC], Mme [KI], Mme [QH], M. [AG], Mme [DL] et Mme [OP] ; et dit qu'à l'égard de chacune de ces personnes, le jugement produira son plein et entier effet ;

Infirme le jugement entrepris pour le surplus ;

Dit que l'action de Mme [BT] [RC] et celle de Mme [XB] [ZP] sont, chacune, atteinte par la prescription ;

Déboute Mme [RC], Mme [ZP] ainsi que Mme [JK] [LD], M. [CF], M. [JL], Mme [DM], M. [RY], Mme [QG], Mme [AH], Mme [UM], Mme [LZ], M. [MV], Mme [XA], M. [NR], Mme [ON], M. [HT], M. [XX], M. [GW], Mme [E], Mme [XX], Mme [XX], M. [MA], Mme [MA], Mme [J], M. [TR], M. [IO], Mme [N], Mme [ST], Mme [DN], Mme [CE], M. [SV], M. [TP], M. [LC], M. [VJ], Mme [LY], Mme [DC], Mme [KI], Mme [QH], M. [AG], Mme [DL] et Mme [OP] de leur demande respective sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de toute autre demande plus ample ou contraire ;

Condamne la société Valéo Systèmes Thermiques SAS aux dépens ;

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Olivier Fourmy, Président, et par Monsieur Jérémy Gravier, Greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 5e chambre
Numéro d'arrêt : 14/02091
Date de la décision : 03/03/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 05, arrêt n°14/02091 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-03;14.02091 ?
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