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01/03/2016 | FRANCE | N°15/00476

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 01 mars 2016, 15/00476


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 01 MARS 2016



R.G. N° 15/00476

(jonction avec le 15/00481)



AFFAIRE :

[M] [C] [B]

[R] [H] [N] épouse [B]

C/

SA TOTAL MARKETING SERVICES, anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING



Décisions déférées à la cour :

* Jugement rendu le 09 Janvier 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Com

merce

N° RG : 12/01015

* Jugement rendu le 09 Janvier 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Commerce

N° RG : 12/01014



Copies exécutoires délivrées à :

...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 01 MARS 2016

R.G. N° 15/00476

(jonction avec le 15/00481)

AFFAIRE :

[M] [C] [B]

[R] [H] [N] épouse [B]

C/

SA TOTAL MARKETING SERVICES, anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING

Décisions déférées à la cour :

* Jugement rendu le 09 Janvier 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Commerce

N° RG : 12/01015

* Jugement rendu le 09 Janvier 2015 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de NANTERRE

Section : Commerce

N° RG : 12/01014

Copies exécutoires délivrées à :

- Me Michel JOURDAN

- AARPI OPERA AVOCATS ASSOCIES

Copies certifiées conformes délivrées à :

- [M] [C] [B]

- [R] [H] [N] épouse [B]

- SA TOTAL MARKETING SERVICES, anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING

le :

Copies Service des Expertises

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE PREMIER MARS DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [M] [C] [B]

[Adresse 2]

[Adresse 4]

Représenté par Me Michel JOURDAN, avocat au barreau de PARIS

Madame [R] [H] [N] épouse [B]

[Adresse 2]

[Adresse 4]

Représentée par Me Michel JOURDAN, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

****************

SA TOTAL MARKETING SERVICES, anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING

[Adresse 1]

[Adresse 6]

Représentée par Me Sébastien REGNAULT de l'AARPI OPERA AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

FAITS ET PROCÉDURE

Statuant sur les appels formés par Mme [R] [H] [B] et M. [M] [C] [B], ci-après dénommés les époux [B], à l'encontre des jugements en date du 9 janvier 2015, par lequels le conseil de prud'hommes de Nanterre, en sa formation de départage, a dit que l'action des époux [B] dirigée contre la société TOTAL RAFFINAGE MARKETING était régie par la prescription quinquennale et que cette prescription s'appliquait pour toute demande antérieure au 16 avril 2007, et a débouté les époux [B] de leurs prétentions visant la période postérieure à cette date, au motif que l'application des dispositions de l'article L 781-1 du code du travail, devenu les articles L 7321-1 du code du travail, n'était pas justifié ;

Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 8 décembre 2015, par les époux [B], tendant voir condamner la société TOTAL MARKETING SERVICES, anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING, au paiement des sommes suivantes :

-à titre de rémunération, avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du le conseil de prud'hommes, le 16 avril 2012, et capitalisation,

pour M. [B]':

heures normales :488 379,31 € et 48 837,93 € de congés payés afférents

heures supplémentaires :449 971,64 € et 44 997,16 € de congés payés afférents

prime d'ancienneté : 109 823,33 € et 10 983,23 € de congés payés afférents

pour Mme [B]':

heures normales : 488 379,31 € et 48 837,93 € de congés payés afférents

heures supplémentaires :449 971,64 € et 44 997,16 € de congés payés afférents

prime d'ancienneté : 109 823,33 € et 10 983,23 € de congés payés afférents

au titre du repos compensateur

pour M. [B] : 256 450 € à titre d'indemnité, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et capitalisation

pour Mme [B] : 256 450 € à titre d'indemnité, avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et capitalisation

au titre de la rupture

pour M. [B] : - 3962,44 € d'indemnité pour inobservation de la procédure avec intérêts au taux légal , capitalisés, à compter de la rupture le 2 mai 2011

- 8717,36 € d'indemnité de préavis et congas payés afférents, avec les mêmes intérêts

- 68 870,40 € d'indemnité de congédiement avec intérêts capitalisés, à compter du 2 juillet 2011

- 23 774,64 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal, capitalisés à compter de la décision à intervenir

pour Mme [B] :- 3962,44 € d'indemnité pour inobservation de la procédure avec intérêts au taux légal, capitalisés, à compter de la rupture le 2 mai 2011

- 8717,36 € d'indemnité de préavis et congas payés afférents, avec les mêmes intérêts

- 68 870,40 € d'indemnité de congédiement avec intérêts capitalisés, à compter du 2 juillet 2011

-23774,64 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal, capitalisés à compter de la décision à intervenir

au titre de la participation

désignation d'un expert avec mission de recueillir tous éléments permettant de déterminer le montant des droits des appelants en vertu de l'article « L 411-1 du code du travail codifié à droit constant dans le nouveau code du travail » pour la période du 10 juin 1986 au 2 mai 2011

au titre de l'affiliation aux différents régimes de protection sociale

avec obligation, sous astreinte, pour la société TOTAL MARKETING SERVICES de régulariser la situation des époux [B] auprès du régime général, des régimes de retraite complémentaire et de tous régimes spécifiques à la société TOTAL MARKETING SERVICES

et, le cas échéant, en cas d'impossibilité de régularisation, mission pour l'expert de fournir tous éléments permettant de déterminer les préjudices subséquents pour les appelants

au titre du préjudice lié au défaut d'application du statut des gérants de succursales

avec intérêts au taux légal, capitalisés, à compter de l'arrêt à intervenir , pour CHACUN des appelants :

- pour dépassement de la durée légale du travail: 200 325 €

- pour non respect des temps de pause : 15 686 €

- pour non respect des congés annuels : 37 335 €

- pour non respect du repos hebdomadaire : 51 850 €

- pour non respect du 1er mai : 1 200 €

- pour exposition à des substances dangereuses : 136 395 €

- au titre de des privation des droits et avantages dont les époux [B] auraient pu bénéficier en leur qualité de salariés de TOTAL pendant près de 25 ans : 500 000 €, chacun,

dans l'attente du dépôt du rapport, les époux [B] requérant, d'ores et déjà, la condamnation de la société TOTAL MARKETING SERVICES au paiement d'une somme provisionnelle de 100 000 € à chacun d'eux et l'allocation de la somme globale de « 5 000 HT » en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les écritures développées à la barre par la société TOTAL MARKETING SERVICES qui conclut :

au principal à l'irrecevabilité des demandes des époux [B] en l'absence de lien entre elle et les intéressés et en vertu de la violation du principe d'égalité

à titre subsidiaire, à la confirmation du jugement entrepris en ce que le conseil de prud'hommes a dit que l'article L 7321-1 du code du travail n'était pas applicable époux [B] postérieurement à la date du 16 avril 2007- la société TOTAL MARKETING SERVICES demandant à la cour de juger que ce texte n'était pas davantage applicable avant cette date

à titre très subsidiaire, si l'article L 7321-1 devait être reconnu applicable,

- à la prescription de l'action des époux [B] pour les demandes correspondant à la période antérieure au 16 avril 2007

- au rejet des demandes relatives aux heures supplémentaires , repos compensateur et congés payés, dès lors que les époux [B] avaient la maîtrise de leurs conditions de travail, d'hygiène et de sécurité

- au rejet de la demande formée au titre de la prime d'ancienneté, les époux [B] ne pouvant se prévaloir d'une ancienneté dans l'entreprise

- au débouté des appelants du chef des prétentions relatives au licenciement , car ceux-ci avaient cessé toute relation au jour de la fin des relations et n'étaient liés à elle que par une relation de fait

- à l'irrecevabilité des demandes formées au titre de la participation et de l'intéressement

- à l'irrecevabilité des demandes concernant leur affiliation aux régimes de retraite, compte tenu de leur affiliation en qualité de co-gérants, de sorte que les sommes qu'elle devrait aux époux [B],

- au rejet de demande de dommages et intérêts pour non respect des dispositions du code du travail , en l'absence de faute de sa participation

« à titre éminemment subsidiaire »

- au rejet de la demande en paiement d' heures supplémentaires, faute de preuve et en raison, de toute façon, de leur libre choix des heures de travaillait

- au rejet des demandes relatives au repos compensateur , elle-même n'ayant pas empêché les époux [B] de formuler une demande de ce chef

- au rejet de la demande injustifiée , formée au titre des congés payés, ainsi que de celles concernant le licenciement, la rupture des relations étant imputable aux époux [B] , et la participation

- débouter les époux [B] de leur demande d'affiliation aux organismes sociaux, en l'absence de toute obligation d'affiliation à sa charge

- au débouté des appelants de leur demande de dommages et intérêts au titre de leur exposition au benzène

« à titre très éminemment subsidiaire »

- à la prescription des actions tendant au paiement de dommages et intérêts pour une période antérieure au 16 avril 2012

- au fond, au débouté de toutes les demandes, compte tenu des sommes déjà reçue par les appelants, de la SARL [B] [M], dont ils étaient co-gérants

- à la communication aux débats par les époux [B] des justificatifs des diverses rémunérations perçues, de la SARL [B] [M], en 2007, 2008, 2010 et 2011,

la société TOTAL MARKETING SERVICES sollicitant enfin la condamnation de chacun des époux [B] au paiement de la somme de 5000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ;

SUR CE LA COUR

Considérant que les demandes formées par chacun des époux [B] ont fait l'objet d'instances distinctes ; qu'au regard de leur connexité, il y a lieu dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice de les juger ensemble et, donc, d'ordonner la jonction des deux instances ;

Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions des parties que la société TOTAL, aux droits de laquelle vient la société TOTAL MARKETING SERVICES, a signé le 11 juillet 1986, avec la SARL [B], constituée entre M. et Mme [B], cogérants de la SARL, un contrat de location-gérance portant sur l'exploitation d'une station service, située à [Adresse 7], dont elle était propriétaire ;

Qu'en 1996, la société TOTAL a vendu à la SCI [B], l'immeuble abritant la station service tandis qu'elle a vendu le fonds de commerce à la SARL [B] - le total des acquisitions s'élevant à 1 270 0000 F, TOTAL a consenti aux sociétés un prêt de 420 000 € (17, 19, 20), et la SARL a souscrit un engagement exclusif en faveur de TOTAL, d'une durée de sept années pour une quantité de 5 tonnes de lubrifiants au prix fixé par le fournisseur ;

Que par la suite les relations juridiques entre TOTAL et la SARL, ont été régies par des contrats de commissionnement, en vertu duquel la SARL, exploitante de la station service, restituait le montant de la recette à TOTAL et percevait en échange une commission ; que ces contrats ont été conclus en 2003, pour 4 ans, en 2007 pour 1an et en 2010 pour 5 ans ;

Que par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 2 mai 2011, reprochant à la SARL de ne pas avoir exécuté les travaux de mise aux normes qu'imposait l'état de la station service, TOTAL a résilié le contrat de commissionnement qui la liait à la SARL [B] ;

Que tandis qu'un litige oppose la société TOTAL MARKETING SERVICES à la SARL [B] devant le tribunal de commerce de Paris, saisi le 17 avril 2015 par cette dernière - qui réclame plus de 600 000 € - les époux [B] ont saisi le conseil de prud'hommes le 16 avril 2012 afin de voir reconnaître qu'ils devaient bénéficier des dispositions de l'article L 781-1 du code du travail, devenu L 7321-1 du même code ;

Que par le jugement entrepris, le conseil présidé par le juge départiteur a retenu qu'en vertu de l'article 2224 du code civil la prescription quinquennale s'appliquait aux demandes des époux [B] visant une période antérieure au 16 avril 2007'; qu'en outre, à compter de 2009, l'objet et l'activité de la SARL [B] ont été modifiés et étendus à la vente d'automobiles(neuves ou d'occasion) et la SARL tirait la plus grande partie de ses ressources d'une activité autre que la vente de produits fournis exclusivement ou presqu' exclusivement de TOTAL ; qu'enfin entre 2009 et le 17 avril 2007, le constat est le même, les commissions versées à la SARL par TOTAL étant bien inférieures au montant de la « production service » ;

*

SUR LES IRRECEVABILITÉS

Sur l'interdiction de se contredire

Considérant que la société TOTAL MARKETING SERVICES prétend que l'argumentation des époux [B] dans le cadre du présent litige serait en contradiction avec les prétentions de la SARL devant le tribunal de commerce ; que plus précisément cette société soutient avoir « exploité » la station service, comme les époux [B] le soutiennent eux-mêmes, présentement ;

Mais considérant que la contradiction prétendue n'apparaît pas établie alors que les parties sont différentes dans chacune des instances concernées et que , de plus, la simple similitude sémantique dont se prévaut la société TOTAL MARKETING SERVICES ne revêt aucun caractère juridique contradictoire intrinsèque, par rapport aux argumentations en cause - la SARL « exploitant » juridiquement la station service, en sa qualité de « commissionnaire », tandis que les époux [B], personnes juridiques distinctes de cette société, soutiennent avoir participé physiquement au fonctionnement de la station-service ; qu'il n'existe, en tout état de cause, aucune contradiction entre les deux points de vue, contrairement à ce que soutient la société TOTAL MARKETING SERVICES ;

Que cette première irrecevabilité soulevée par la société TOTAL MARKETING SERVICES doit être écartée - étant observé que l'intimée n'a pas jugé utile de mettre en cause devant la cour, la SARL [B] ;

*

Sur l'absence de lien

Considérant que la société TOTAL MARKETING SERVICES fait valoir que les époux [B] n'invoquent pas de lien et de relations, entre eux et elle-même, différents de ceux qui l' unissaient à la SARL [B] ; qu'il leur appartient de faire la démonstration d'un tel lien pour que l'article L 7321-1 du code du travail leur soit reconnu applicable ;

Mais considérant que cette argumentation touche au fond et non, à la recevabilité des demandes des époux [B] ; qu'elle sera examinée ultérieurement s'il y a lieu, quitte à ce que la société TOTAL MARKETING SERVICES tire éventuellement toute conséquence des conclusions de la cour au regard de la SARL, qu'elle n'a pas jugé bon d'attraire en la cause, comme il a déjà été dit ;

*

Sur la violation du principe d'égalité

Considérant que la société TOTAL MARKETING SERVICES expose encore que, contrairement au principe d'un contrat synallagmatique, les relations des époux [B] avec elle sont dépourvues de toute réciprocité d'obligations, les époux [B], en leur qualité alléguée de gérant de succursale disposant de tous les droits alors qu'elle même supporterait toutes les obligations ;

Considérant que cette observation de la société TOTAL MARKETING SERVICES apparaît sans rapport avec le principe dont se prévaut la société TOTAL MARKETING SERVICES et sans effet, sur la recevabilité à agir des appelants ; qu'elle sera dès lors rejetée';

*

Sur la prescription

Considérant que les premiers juges ont estimé que l'ensemble des demandes formées par les époux [B] étaient prescrites dès lors qu'elles se rapportent à une période antérieure de cinq ans à la date de la saisine du conseil de prud'hommes -la prescription quinquennale édictée par l'article L 2224 du code civil et L 3245-1 du code du travail étant applicable à cette dernière date ;

Considérant que les époux [B] soutiennent que si la prescription quinquennale s'applique bien à la réclamation formée au titre des salaires et de leurs accessoires, celle de trente ans s'applique en revanche à l'action en reconnaissance du statut de gérant de succursale et à l'action en paiement de dommages et intérêts pour non respect des dispositions légales ; qu'en outre, celle de cinq ans applicable aux salaires ne peut leur être opposée alors que leur régime juridique leur était totalement inconnu en raison des obstacles mis par TOTAL pour le leur dissimuler ;

Considérant que, comme le rappelle la société TOTAL MARKETING SERVICES, la prescription quinquennale prévue à l'article 2277 du code civil, en vigueur lors de l'introduction de la présente instance, est bien applicable et s'est bien appliquée à l'action des appelants en paiement de salaires et accessoires, dès lors que n'est versé aux débats, ni même allégué aucun élément de nature à démontrer que les intéressés se sont trouvés dans l'impossibilité d'agir contre la société TOTAL-étant observé que le moyen de la fraude n'est pas ici invoqué par les époux [B] qui se plaignent d'une dissimulation par la société de leur statut , sans l'établir ;

Considérant que s'agissant des sommes réclamées à titre de dommages et intérêts pour la période antérieure à la saisine de la juridiction prud'homale, la société TOTAL MARKETING SERVICES objecte également que le 16 avril 2012, la prescription régissant les actions en dommages et intérêts était celle de cinq ans, en application de l'article 2224 du code civil, tel qu'issu de la loi du 17 juin 2008';

Mais considérant que si la loi du 17 juin 2008 a institué la prescription quinquennale, comme prescription de droit commun, les dispositions transitoires de cette loi ont prévu, pour les prescriptions en cours au jour de l'entrée en vigueur - dont le délai était raccourci par la loi - que le nouveau délai de cinq ans courait à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi (19 juin 2008), sans que la durée totale de prescription de cinq ans, désormais applicable, excède la durée de la prescription jusqu'alors prévue ; qu'en outre, antérieurement à la nouvelle loi, les actions à caractère délictuel et indemnitaire, comme celle tendant à requalifier le statut juridique des époux [B], se prescrivaient par trente ans ;

Or considérant qu'en l'espèce, les époux [B] ont saisi le conseil de prud'hommes le 16 avril 2012'; que dans la limite du délai global de l'ancienne prescription de 30 ans, les demandes de requalification et de dommages et intérêts s'avèrent donc recevables pour la période remontant à 1982, comme le soutiennent les appelants ; qu'il s'en suit que les époux [B] sont en droit de former des demandes de dommages et intérêts pour toute la période où ils ont exploité la station service, soit entre 1986 et 2011';

*

SUR LE FOND

Sur l'application de l'article L 7321-3 du code du travail

Considérant que les époux [B] revendiquent le bénéfice du statut de gérant de succursale prévu par les dispositions de l' article L 781-1 du code du travail, recodifié désormais, à droit constant, sous les articles L 7321-2 et L 7321-3 du même code ;

Qu'en application du premier de ces textes, est gérant de succursale toute personne qui :

- vend des produits fournis exclusivement ou presqu'exclusivement par une seule entreprise

- dans un local fourni ou agréé par cette entreprise

- aux conditions et prix imposés par cette même entreprise ;

Que l'article L 7321-3 du code du travail énonce, lui, limitativement les dispositions du code du travail qui sont applicables au gérant salarié de succursale ainsi défini ;

Considérant que la condition tenant à la fourniture ou l'agrément du local est acquise et non contestée ;

Considérant que la condition afférente l'imposition des prix n'est pas contestable s'agissant de la vente de carburants effectuée par la SARL [B] en qualité de mandataire de TOTAL , les divers contrats conclus entre les deux sociétés rappelant que le prix de vente était fixé par TOTAL ;

Considérant que sont essentiellement en litige entre les deux parties, les conditions relatives à la fixation des conditions par TOTAL et à l'exclusivité du fournisseur des produits vendus par la SARL ;

°

Sur la fixation par TOTAL des conditions d'exploitation

Considérant que la société TOTAL MARKETING SERVICES soutient que TOTAL n'a jamais imposé la moindre obligation personnelle aux époux [B] et que ceux-ci ne sauraient se prévaloir des dispositions contractuelles liant TOTAL et la SARL [B] qui leur sont étrangères ;

Mais considérant que les relations instaurées entre les sociétés visaient l'accomplissement d'activités diverses qui ne peuvent être le fait que de personnes humaines ; qu'il importe peu dès lors que ces activités résultent des conventions passées entre les sociétés, dès lors qu'elles permettent d'apprécier à travers les exigences contractuelles que formulait TOTAL, la nature et l'importance du contrôle que celle-ci exerçait sur l'exploitation de la station service , et partant, la nécessaire répercussion sur la liberté des les époux [B] -peu important que ceux-ci aient accompli leur prestation de travail en qualité, juridiquement, de salariés de la SARL [B] ;

Considérant qu'il n'est pas prétendu que les dispositions des divers contrats conclus entre TOTAL et la SARL [B] n'aient pas été appliquées ; qu'il n'est pas contesté en outre que ces contrats, bien que conclus avec la SARL, étaient fortement déterminés par la personne des gérants de celle-ci, qui ne pouvaient ainsi céder leur parts sans l'agrément de TOTAL ;

Or considérant qu'il résulte de la lecture de ces documents que TOTAL imposait les heures d'ouverture de la station, tous les jours durant 13 ou 14 heures, à compter de 6 h 30, un travail administratif suivi avec elle-même, fait de comptes rendus dans le cadre d'échanges comptables obligatoires, réguliers, un fonctionnement précis de la station, avec contrôle des livraisons de carburants, vérification hebdomadaire de la fosse etc ... ;

Considérant qu'en définitive, à l'égard de TOTAL, les époux [B] fournissaient une prestation de travail unique, tout entière tournée vers la distribution du carburant de TOTAL, à l'issue de laquelle ils restituaient à TOTAL, demeurée propriétaire du carburant, le montant de la recette, moyennant le paiement d'une commission par celle-ci ; que la qualification de « franchise » invoquée par la société TOTAL MARKETING SERVICES ne peut donc trouver place ici puisque les époux [B] travaillaient non seulement, comme le souhaitait TOTAL, mais également, pour celle-ci ;

Considérant qu'enfin, pour établir la liberté d'exercice des appelants, la société TOTAL MARKETING SERVICES invoque vainement l'activité secondaire - de réparation et vente d'automobiles - à laquelle s'est livrée la SARL [B] à partir de 2007'; qu'en effet, l'intervention de TOTAL sur les conditions d'exploitation et de travail de la station service n'est pas modifiée du fait de l'exploitation de cette autre activité par la SARL [B] et ne fait pas obstacle à ce que cette autre activité puisse être exercée distinctement et indépendamment de TOTAL, dès lors que celle-ci l'acceptait ;

Considérant qu'il convient donc d'examiner la quatrième conditions à laquelle est soumis l'octroi du statut prévu à l'article L 7321-3 et suivants et qui est la plus disputée entre les parties ;

°

Sur l'exclusivité du fournisseur

Considérant que le gérant de succursale défini à l'article L 7321-2 auquel sont applicables certaines dispositions du code du travail précisées à l'article L7321-3 doit vendre des produits fournis exclusivement ou presqu' exclusivement par une seule entreprise ;

Considérant qu'il n'est pas discuté que jusqu'en 2007, la SARL [B] a borné son activité à celle de vente de carburants, exclusivement fournis par TOTAL, conformément aux dispositions figurant dans les diverses conventions passées entre les sociétés ; que l'activité nouvelle de vente d'automobiles neuves ou d'occasion - de la marque FORD - que la SARL a d'ailleurs adjointe à son objet social initial par une modification statutaire le 7 septembre 2007, a fondamentalement changé cet objet social ainsi que la composition du chiffre d'affaires de l'entreprise ;

Considérant que ce critère lié à la fourniture exclusive ou quasi exclusive par une seule entreprise des produits que vend le gérant de succursale, traduit la dépendance économique qui doit exister entre ce dernier et son fournisseur ;

Considérant que les époux [B] soutiennent que cette nouvelle activité - exercée seulement par leur fils- n'a pas eu d'incidence sur la vente des carburants ; que la société TOTAL MARKETING SERVICES affirme le contraire, en précisant que les activités hors carburant, donc non exclusives, ont atteint entre 1/ 3 et 2/ 3 de l'activité globale de l'entreprise, et que cette proportion importante assure une indépendance économique, de sorte que la condition du lien d'exclusivité avec le fournisseur fait défaut ;

Considérant que chacune des parties adopte des calculs différents, souvent complexes, qui ne sont guère plus intelligibles, les uns que les autres ;

Considérant qu'il ressort cependant de la simple lecture du tableau figurant en page 49 des conclusions des époux [B] que les activités annexes, non exclusives, qui représentaient régulièrement moins de 15 % du chiffre d'affaires global jusqu'en 2008, sont passées à 20 % cette année là, puis à 27 % en 2009 et à 37 % en 2010';

Que sans qu'il soit besoin de recourir sur ce point à une expertise, il apparaît ainsi manifeste, qu' à partir de 2008, les époux [B] ne peuvent plus prétendre qu'ils vendaient des produits fournis exclusivement ou presqu'exclusivement par TOTAL ; qu'en revanche, cette modification induit également, a contrario, qu'avant 2008, les appelants vendaient exclusivement , ou presque, des produits fournis par TOTAL, de sorte que jusqu'alors, la condition litigieuse était remplie';

Considérant qu'il résulte des énonciations qui précèdent que jusqu' en 2008, et dans les limites des prescriptions respectivement applicables à leurs demandes, les époux [B] doivent pouvoir bénéficier des avantages liés au statut de gérant de succursale ;

*

Sur les conséquences de l'application de l'article L 7321-3 du code du travail

Sur les dispositions du code du travail applicables en vertu de l'article L 7321-3

Considérant que les parties sont contraires sur l'interprétation des dispositions de cet article, quant à la détermination des dispositions du code du travail applicables au « gérant salarié de succursale » ;

Qu'il convient de rappeler qu'après recodification, l'article L 7321-3 du code du travail - ancien L 781-1 - comporte deux alinea, envisageant deux hypothèses distinctes ;

- si le fournisseur de marchandises a fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement, il est redevable envers les gérants de l'application des dispositions du Livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés et de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité du travail

- « dans le cas contraire », les gérants sont assimilés à des chefs d'établissement et « leur sont applicables, dans la mesure où elles s'appliquent aux chefs d'établissement, directeurs ou gérants salariés, les dispositions relatives » notamment, « à la durée du travail, aux repos et aux congés prévus au livre Ier de la troisième partie, aux salaires prévus au livre II de la troisième partie et à la santé et la sécurité au travail prévues à la quatrième partie » ;

Considérant, tout d'abord, que la société TOTAL MARKETING SERVICES expose que n'ayant pas fixé les conditions de travail, de santé et de sécurité dans la station service, elle n'est pas redevable - en application du premier alinea précité- de l'obligation afférente à la durée, au repos et aux congés, de sorte que les époux [B] sont mal fondés en toutes leurs demandes visant l'inobservation de cette obligation ;

Mais considérant qu'ainsi qu'il vient d'être rappelé, à défaut pour le fournisseur d'avoir fixé les conditions de travail , d'hygiène et de sécurité, le second alinea de l'article L 7321-3 ne libère pas le fournisseur de toute obligation en matière de respect de la durée du travail, des repos et des congés ; qu'il maintient au contraire celle-ci, « dans la mesure où les dispositions (correspondantes) s'appliquent aux chefs d'établissement, directeurs ou gérants salariés » ;

Qu'en l'espèce, la société TOTAL MARKETING SERVICES ne démontre pas, ni même n'allègue, que les dispositions litigieuses ne seraient pas applicables aux époux [B] ; qu'ainsi, en tout état de cause, la société TOTAL MARKETING SERVICES est mal fondée à prétendre que TOTAL n'était pas tenue de respecter les dispositions du livre Ier de la troisième partie du code du travail relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés ;

Considérant, ensuite, que l'application limitée, au gérant salarié de succursale, des dispositions du code du travail, conduit à écarter certaines des prétentions de ce dernier -comme le demande la société TOTAL MARKETING SERVICES ;

Qu'il en va ainsi des réclamations formées au titre de la participation et de l'assurance chômage ; qu'en effet, ces deux matières sont traitées respectivement au livre III de la troisième partie et à la cinquième partie du code du travail, qui ne sont pas visés dans l'énumération limitative de l'article L 7321-3 du code du travail ;

°

Sur la convention collective

Considérant que les époux [B] revendiquent le bénéfice des dispositions de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole et plus précisément le coefficient 230 de la classification figurant dans ce texte conventionnel ;

Que la société TOTAL MARKETING SERVICES soutient que le gérant de succursale est exclu de l'application de cette convention, aux termes mêmes de celle-ci stipulant qu'elle s'applique « exclusivement aux stations service dont le personnel est salarié dans les entreprises » de « commerce au détail de carburants et lubrifiants » ; que les époux [B] n'étant pas ses salariés, ils ne peuvent revendiquer l'application de la convention litigieuse ;

Considérant que le statut juridique spécial des gérants visés à l'article L 7321-3 du code du travail ne correspond pas, il est vrai, en tous points à la nature et à la définition d'un salarié ; que cependant le critère de la dépendance économique du gérant , la rémunération de celui-ci par « le fournisseur » ainsi que l'application aux intéressés des dispositions légales qui font l'essentiel du contrat de travail ne permettent pas d'estimer que les époux [B], comme les autres gérants -au demeurant dénommés « gérants salariés de succursale » - doivent être exclus du champ d'application de la convention des industries pétrolières ;

Que le coefficient 230 revendiqué par les époux [B] apparaît correspondre aux fonctions exercées par ceux-ci et n'est d'ailleurs pas contesté ; qu'il doit donc être retenu ;

*

Sur les demandes des époux [B]

Sur les salaires

Considérant que compte tenu des énonciations précédentes, les demandes des époux [B] ont trait désormais au paiement de leurs salaires, pour la période non prescrite, à compter du 17 avril 2007 (soit cinq ans avant la saisine du conseil de prud'hommes ), le début de l'année 2008 où le statut de gérant salarié de succursale ne peut plus leur être reconnu, au regard de la disparition , à compter de cette date, du critère relatif à l'exclusivité , ainsi qu'il a été jugé plus haut ;

Considérant que les époux [B] sont donc en droit d'obtenir le paiement des sommes correspondantes à la période qui vient d'être arrêtée (en salaire de base et heures supplémentaires) ;

Considérant que les appelants affirment avoir régulièrement travaillé durant 51 heures hebdomadaires ; qu'à juste titre, la société TOTAL MARKETING SERVICES objecte que la matérialité et le nombre de ces heures ne ressort que de calculs théoriques opérés par les appelants ; qu'elle prétend en outre que les époux [B] étaient aidés par des salarié, ce que les appelants contestent ;

Considérant que dans ces conditions, il y a lieu de recourir à une mesure d'expertise afin d'obtenir tous éléments chiffrés utiles pour statuer sur ces demandes, comme d'autres examinées ci-après ;

°

Sur la prime d'ancienneté

Considérant que cette prime d'ancienneté étant calculée selon la convention collective précitée à compter de la 3ème année d'ancienneté du salarié dans l'entreprise (article 405 a), la société TOTAL RAFFINAGE SERVICES fait valoir que les époux [B] ne sont pas titulaires de contrats de travail et ne font pas partie de ses effectifs, de sorte que les dispositions conventionnelles litigieuses doivent être exclues ;

Mais considérant que la convention collective des industries pétrolières étant reconnue applicable aux époux [B] la prime d'ancienneté définie à l'article 405 de cette convention leur est due dans la limite de la période prévue ci-dessus pour les salaires, soit 17 avril 2007- 1er janvier 2008';

Que de surcroît l' expression « ancienneté dans l'entreprise » ne renvoie, en elle-même, qu'à la durée pendant laquelle le travailleur est occupé à l'activité de l'entreprise, indépendamment de toute référence à un quelconque lien de subordination ; que, faute pour la société TOTAL MARKETING SERVICES d'établir en quoi l'absence de lien de subordination serait incompatible avec le versement de la prime litigieuse, les époux [B] doivent bénéficier des dispositions conventionnelles et sont ainsi bien fondés à solliciter le paiement de cette prime, dans la limite de la prescription quinquennale ci-dessus ;

Considérant que l'expert commis aura donc pour mission de calculer la somme due aux appelants de ce chef, en retenant - contrairement à ce que soutient la société TOTAL MARKETING SERVICES - que cette prime doit être incluse dans l'assiette des congés payés ;

°

Sur les repos compensateurs

Considérant que la société TOTAL MARKETING SERVICES conteste le principe même de son obligation à ce titre, au motif qu'elle n'a rien fait qui pût empêcher les époux [B] de formuler des demandes de repos compensateur, d'autant qu'elle a ignoré jusqu' à ce qu'il soit le cas échéant reconnu, à l'occasion de la présente instance- que les époux [B] étaient régis par le statut des gérants prévu à l'article L 7321-3';

Mais considérant que le statut juridique énoncé à l'article L 7321-3 étant d'ordre public, il importe peu que la société TOTAL MARKETING SERVICES n'ait pas eu de comportement fautif ; qu'elle est tenue de plein droit des obligations résultant de celui-ci ; qu'ainsi, son moyen ne saurait prospérer et elle devra, le cas échéant, verser aux époux [B] - dans les limites de la prescription quinquennale applicable aux créances salariales- les sommes dues à ceux-ci au titre des repos compensateurs,dès lors qu'ils n'ont pas été mis en mesure par elle, d'exercer leur droit à repos compensateur';

°

Sur les congés payés

Considérant que la société TOTAL MARKETING SERVICES estime que les époux [B] étaient en mesures de prendre des congés, n'ayant aucune obligation de solliciter son autorisation à cette fin ; qu'ils sont dès lors mal fondés à réclamer quoi que ce soit de ce chef ;

Considérant néanmoins, qu'en droit, ainsi qu'il vient d'être dit, les époux [B] devaient être mis en mesure par TOTAL, de prendre des congés annuels ; que ce manquement imputable à TOTAL peut ainsi être l'origine de la privation de congés dont se plaignent les époux [B] ;

Qu'en fait, cependant, la cour ne dispose d'aucun élément permettant de connaître les conditions effectives d'exploitation de la station service par les appelants et leurs conditions de travail quant à la durée de leur travail et les modalités de cette exploitation - les intéressés contestant l'existence de salariés, contrairement à la société TOTAL MARKETING SERVICES qui s'appuie sur les comptes sociaux produits par les appelants eux-mêmes (pièces 53 à 77) ;

Considérant que le recours à la mesure d'expertise permettra d'obtenir de plus amples informations sur les conditions de travail et la possible répartition de celui-ci ainsi que les éventuels congés pris par les appelants ; qu'il est donc sursis à statuer de ce chef';

°

Sur la rupture de la relation des époux [B] avec la société TOTAL MARKETING SERVICES

Considérant que compte tenu des énonciations précédentes, les époux [B] n'étaient plus régis par les dispositions de l'article L 7321-2 à compter du 1er janvier 2008 ;

Qu'ils sont dès lors mal fondés à solliciter sur ce fondement l'indemnisation de leur préjudice à la suite de la rupture de la relation de travail ;

°

Sur le défaut d'affiliation aux organismes de retraite

Considérant que les époux [B] demandent la condamnation de la société TOTAL MARKETING SERVICES à procéder à la régularisation de leur situation auprès des divers organismes de retraite (régimes général et complémentaires) où elle aurait dû les affilier lorsqu'ils travaillaient pour elle'; que la société TOTAL MARKETING SERVICES fait justement valoir que leur affiliation à ces régimes, en qualité de travailleurs indépendant, peut être de nature à empêcher cette affiliation ;

Qu'il convient de confier à l'expert désigné ci-après la mission de rechercher tous éléments de nature à permettre à la cour de statuer sur cette demande ;

*

Sur les demandes de dommages et intérêts

Considérant que la plupart de ces demandes, liées au temps de travail et aux repos, supposent que la cour soit en possession des conclusions de l'expert afin d'apprécier l'existence et l'importance du préjudice éventuel, consécutif aux divers dépassements horaires et absences de repos et congés , allégués par les appelants ;

Considérant qu'en l'état, la cour n'est pas davantage en mesure de statuer sur le dommage invoqué par les époux [B] du fait de leur exposition à des substances dangereuses puisqu'aussi bien, les conditions matérielles de distribution du carburant (avec ou sans personnel) demeurent indéterminées ;

Qu'il sera en conséquence sursis à statuer sur ces prétentions dans l'attente du rapport d'expertise ;

Considérant que l'expertise sera ordonnée comme dit ci-après au dispositif, aux frais avancés de la société TOTAL MARKETING SERVICES qui rend nécessaire le recours à cette mesure pour avoir méconnu l'application des dispositions légales ;

*

Sur les demandes de provision des les époux [B]

Considérant que d'ores et déjà cependant, - au regard des salaires dus aux appelants et de la rupture de la relation de travail intervenue, la cour estime devoir allouer à chacun des appelants une provision de 10 000 € ;

Considérant qu'il y a lieu en outre, en vertu de l'article 700 du code de procédure civile, de condamner la société TOTAL MARKETING SERVICES à verser aux époux [B] la somme respective de 4000 € ;

*

Considérant, enfin, que contrairement aux prétentions de la société TOTAL MARKETING SERVICES les sommes versées aux appelants par la SARL [B] en leur qualité de co-gérant (salaires et dividendes) ne sauraient venir en déduction des sommes mises ci-dessus à sa charge ;

Qu'en effet, celle-ci ne saurait invoquer une quelconque compensation alors que les dettes et créances en cause ne sont pas réciproques ;

Que, de plus, les dividendes se rapportent à la qualité d'associé des appelants et ne peuvent être assimilés à un salaire rémunérant une prestation de travail ;

Qu'en outre, les époux [B] étant jugés remplir les conditions posées par l'article L 7321-2 du code du travail, sont fondés à s'adresser à la société TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING pour obtenir d'elle, l'exécution des obligations dont elle est redevable à leur égard en vertu de ce texte et de l'article L 7321-3 ;

Considérant qu'il n' y a donc pas lieu de procéder à la déduction requise par la société TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING - étant observé, par surcroît, que la TOTAL MARKETING SERVICES anciennement dénommée TOTAL RAFFINAGE MARKETING ne démontre pas que la société [B] aurait agi en son nom, comme l'exige l'article 1236 du code civil qu'elle invoque également comme fondement à sa demande ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

ORDONNE la jonction des instances enregistrées sous les numéros de rôle 15/00476 et 15/00481 sous le seul numéro 15/00476 ;

INFIRME le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau ;

DIT que les dispositions de l'article L 7321-3 du code du travail sont applicables aux époux [B] jusqu' au 1er janvier 2008 ;

DIT que l'action en paiement des salaires - auxquels les époux [B] pouvaient prétendre en vertu de l'article L 7321-3 précité - est prescrite à compter du 17 avril 2007 et que les époux [B] sont en conséquence recevables en leur action en paiement de salaire et autres créances salariales, pour la seule période du 17 avril 2007 au 1er janvier 2008 ;

DIT que l'action en paiement de dommages et intérêts formée par les époux [B] soumise à la prescription trentenaire est recevable pour toute la période visée par la demande ;

DIT que l'article L 7321-3 exclut les époux [B] du bénéfice des dispositions légales relatives, d'une part, à la participation, à l'intéressement et à l'épargne salariale et, d'autre part, à l'assurance chômage ;

DIT que les fonctions exercées par les époux [B] relèvent de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole et correspondent au coefficient 230 de la classification figurant dans cette convention ;

DIT que les époux [B] ont droit à la prime d'ancienneté prévue par cette convention collective pour la période du 17 avril 2007 au 1er janvier 2008'et que cette prime doit être incluse dans l'assiette des congés payés ;

DIT que la société TOTAL MARKETING SERVICES est redevable aux époux [B] de la somme due au titre du repos compensateur dans la limite de la période comprise entre le 17 avril 2007 et le 1er janvier 2008 ;

DEBOUTE les époux [B] de leur demande d'indemnisation liée à la rupture de la relation de travail, fondée sur les dispositions des articles L 7321-2 et 3 du code du travail ;

REJETTE la demande de compensation formée par la société TOTAL MARKETING SERVICES, tendant à voir déduire du montant des sommes dont celle-ci est redevable aux époux [B] en application des articles L7321-2 et L 7321-3 du code du travail, le montant des sommes perçues par eux de la SARL [B], à titre de salaires ou de dividendes ;

CONDAMNE la société TOTAL MARKETING SERVICES à verser à chacun des époux [B] une provision de 10 000 € à valoir sur le montant de leurs demandes ;

Avant dire droit sur les autres prétentions des époux [B], ORDONNE une mesure d'expertise ;

COMMET pour y procéder :

M. [Z] [W], expert judiciaire,

domicilié [Adresse 3],

[Adresse 5]

(téléphone : 01 46 96 56 13),

lequel aura pour mission, après avoir entendu les parties et tous sachants, de :

* déterminer le montant des salaires auquel les époux [B] peuvent respectivement prétendre au titre des article L 7321-2 et L 7321-3 du code du travail, selon le coefficient 230 de la convention collective susvisée, sur la base d'un temps de travail de 35 heures hebdomadaires entre les 17 avril 2007 et le 1er janvier 2008 ;

* donner à la cour tous éléments lui permettant de dénombrer et évaluer, durant cette période, les heures supplémentaires effectuées par les époux [B], avec les majorations applicables selon le code du travail, évaluer les incidences en matière d'indemnité de congés payés, de repos compensateur et congés payés sur repos compensateur ;

* tenir compte pour ce faire du temps total de travail réel en prenant en considération l'assistance éventuelle de personnel embauché par les époux [B], et déterminer les temps de repos et congés légaux et conventionnels qui auraient dû être respectés en faveur des époux [B] ;

* procéder à toutes recherches et démarches utiles permettant de déterminer si l'affiliation des époux [B], au titre de leur activité de gérants de la station service du [Adresse 4], aux organismes de retraite (du régime général et complémentaire) est encore possible et à quelles conditions, dans la négative, pour quelles raisons et en ce cas, fournir à la cour tous éléments d'information lui permettant d'apprécier le préjudice éventuel subi du fait de ce défaut d'affiliation pendant la période où les époux [B] ont « tenu » la station service, soit de 1986 à 2011 ;

* communiquer tous autres éléments techniques et matériels susceptibles d'être utiles aux comptes à faire entre les parties au regard des demandes telles que formées par les époux [B] : dommages et intérêts pour perte du bénéfice des jours fériés, privation du repos hebdomadaire, des congés annuels, dépassement du temps de travail hebdomadaire ;

* rechercher, d'une manière générale, tous éléments permettant de fixer les préjudices allégués ;

FIXE à 15 000 € le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que la société TOTAL MARKETING SERVICES devra consigner auprès du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Versailles dans le mois suivant la notification du présent arrêt ;

DIT que de toutes ses opérations l'expert dressera un rapport qu'il déposera au greffe du service des expertises près la cour d'appel de Versailles dans les cinq mois de sa saisine ;

DIT que l'affaire sera rappelée à l'audience du :

mardi 08 novembre 2016 à 09H15,

en formation collégiale

salle d'audience n°3, porte H rez-de-chaussée droite

pour fixation de l'audience des plaidoiries après le dépôt du rapport d'expertise ;

DIT que la notification de la présente décision vaut convocation à ladite audience ;

CONDAMNE la société TOTAL MARKETING SERVICES aux dépens exposés jusqu' à ce jour ainsi qu' au paiement, à chacun des appelants, de la somme de 4000 € en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/00476
Date de la décision : 01/03/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/00476 : Expertise


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-03-01;15.00476 ?
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