COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
17e chambre
ARRET N°
contradictoire
DU 18 FEVRIER 2016
R.G. N° 14/02089
AFFAIRE :
[B] [X]
C/
SARL TRUELLING
Décision déférée à la cour : Décision rendu(e) le 31 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES
N° RG : 12/01862
Copies exécutoires délivrées à :
la SELARL GDM & ASSOCIES
Me Christine POMMEL
Copies certifiées conformes délivrées à :
[B] [X]
SARL TRUELLING
le : 19 Février 2016
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT FEVRIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [B] [X]
[Adresse 1]
[Localité 2]
comparant en personne,
assisté de Me Hélène DINICHERT-POILVERT de la SELARL GDM & ASSOCIES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 494
APPELANT
****************
SARL TRUELLING
[Adresse 2]
[Localité 1]
comparante en la personne de Monsieur [F] [W], gérant de la société,
assisté de Me Christine POMMEL, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 29
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Décembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine FOREST-HORNECKER, Président chargé(e) d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :
Madame Martine FOREST-HORNECKER, Président,
Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller,
Madame Juliette LANÇON, Vice-président placé,
Greffier, lors des débats : Madame Amélie LESTRADE,
Par jugement du 17 février 2014, le conseil de prud'hommes de [Localité 4] (section encadrement) a :
- dit que les relations entre Monsieur [B] [X] et la S.A.R.L. LA TRUELLE ne peuvent être qualifiées de relation de travail salarié et que Monsieur [B] [X] ne peut pas bénéficier du statut de salarié auprès de la S.A.R.L. LA TRUELLE,
- débouté Monsieur [B] [X] de la totalité de ses demandes,
- débouté la S.A.R.L. LA TRUELLE de la totalité de ses demandes reconventionnelles,
- condamné Monsieur [B] [X] aux éventuels dépens.
Par déclaration d'appel adressée au greffe le 2 mai 2014 et par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, Monsieur [B] [X] demande à la cour de :
- débouter la S.A.R.L. TRUELLING de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, sauf en ce qu'elle reconnaît à titre subsidiaire le principe du salariat,
- confirmer le jugement entrepris pour ce qui concerne la reconnaissance de la compétence matérielle,
- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes de [Localité 4] pour le surplus,
au titre de l'exécution de la relation de travail,
- requalifier la relation de travail [X] / TRUELLING en contrat de travail et ce, à compter du 21 juin 2010,
- en tirer les conséquences de droit et notamment :
- ordonner la remise des bulletins de salaire mentionnant son poste de chargé d'affaires et de suivis de chantiers salarié au sein de TRUELLING position C, échelon 1, coefficient 130 position cadre (emploi référant CCN : chef de bureau de métré - Pilote de chantiers) au salaire brut de 9886 euros brut et ce, à compter de juin 2010 jusqu'à l'issue du préavis,
- ordonner le paiement de ses salaires de septembre 2012 pour un montant brut de 9 886 euros,
- ordonner le paiement du préavis : 3 mois x 9886 euros soit 29 658 euros,
- ordonner le paiement des congés payés sur préavis à hauteur de 2 965 euros,
- ordonner le paiement de ses frais de repas, prime de vacances et autres indemnités de congés payés tels que devant ressortir de l'emploi salarié de Monsieur [B] [X],
- ordonner le paiement d'une indemnité pour travail dissimulé de 6 mois à hauteur de 59 316 euros,
au titre de la terminaison de la relation de travail
- ordonner le paiement de :
. l'indemnité de licenciement conventionnelle à hauteur de 7 414,50 euros,
. dommages intérêts pour licenciement irrégulier à hauteur de 9 886 euros,
. dommages intérêts pour licenciement abusif à hauteur de 79 088 euros,
. d'une indemnité pour défaut de visite médicale à hauteur de 9 886 euros,
. d'une indemnité pour perte de droit individuel à la formation de 50 heures à hauteur de 457,5 euros,
. d'une indemnité perte de portabilité santé/prévoyance à hauteur de 9 886 euros,
. la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la remise des documents de fin de contrat (solde de tout compte, certificat de travail, attestation pôle emploi et autres documents de fin de contrat dans les formes ) sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir,
- ordonner le remboursement de Pôle emploi dans la limite de 6 mois,
- ordonner l'exécution provisoire pour le tout,
- ordonner l'application de l'intérêt légal à compter de la décision à intervenir,
- condamner la SARL TRUELLING aux dépens.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la S.A.R.L. LA TRUELLE devenue TRUELLING demande à la cour de :
à titre principal,
- débouter Monsieur [B] [X] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [B] [X] de toutes ses demandes, moyens et prétentions
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle de condamnation de Monsieur [B] [X] à lui payer 4 000 euros au titre des dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner Monsieur [B] [X] à lui payer les sommes de :
. 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
. 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens,
à titre subsidiaire : si par extraordinaire, la cour requalifiait la relation de partenariat ayant existé entre les parties en contrat de travail :
- dire que les fonctions exercées par Monsieur [B] [X] étaient celles d'un conducteur de travaux, position B, échelon 2, coefficient 108, selon la convention collective de référence,
- fixer le salaire mensuel brut de référence à 3 098 euros,
- fixer l'indemnité conventionnelle de licenciement à 2 246,05 euros,
- le débouter de ses autres demandes.
LA COUR,
qui se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties à leurs écritures et à la décision déférée,
Considérant que la S.A.R.L. TRUELLING créée depuis le 1er juillet 2008 est une entreprise générale du bâtiment sans personnel d'exécution qui travaille en étroite collaboration avec différents partenaires auxquels elle confie la réalisation de chantiers dont elle assure la gestion et le suivi administratif ;
que, dans ce cadre, les partenaires se rendent chez les prospects, issus de leur propre clientèle ou de celle de la S.A.R.L. TRUELLING, préparent des devis, consultent leurs sous-traitants ;
que les devis ainsi établis sont envoyés aux clients par la S.A.R.L. TRUELLING ;que lorsqu'ils sont acceptés, cette dernière en assure la gestion administrative ( facturation, paiement des sous-traitants et des fournisseurs) jusqu'à la réception des travaux ;
que de leur coté, les partenaires sont en charge du suivi technique et des relations avec les sous-traitants assurant l'exécution ;
qu'à l'issue du chantier, la S.A.R.L. TRUELLING et le partenaire calculent la marge brute qui est répartie entre les partenaires, conformément aux accords commerciaux en vigueur entre eux ;
que Monsieur [B] [X] a créé la société unipersonnelle JBA RÉALISATIONS le 25 janvier 2010 qui a pour objet 'les travaux généraux notamment de maçonnerie, de charpente, d'électricité, la maîtrise d'oeuvre et la participation de la société par tous moyens à toutes entreprises créées ou à créer pouvant se rattacher à l'objet social' ;
que les 2 parties se sont rapprochées et ont collaboré de juin 2010 à octobre 2012 ;
Considérant, sur l'existence d'un contrat de travail, qu'il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence ; qu'en l'absence de contrat de travail écrit, il appartient à celui qui se prétend salarié de rapporter la preuve de son existence, laquelle peut être recherchée au regard des trois éléments le définissant que sont la prestation de travail, la rémunération versée en contrepartie et le lien de subordination ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 1411-1 du Code du travail, la compétence du conseil de prud'hommes est subordonnée à l'existence d'un contrat de travail soumis aux dispositions du code du travail entre employeur et salarié ; qu'il a une compétence exclusive et d'ordre public en matière de contestation de la réalité du contrat de travail ;
que le litige soumis à la cour portant sur l'existence d'un contrat de travail liant Monsieur [B] [X] et la S.A.R.L. TRUELLING, le seul fait que cette dernière a développé des moyens de défense devant le conseil de prud'hommes devant lequel elle était convoquée ne peut constituer un aveu concernant la reconnaissance d'un contrat de travail la liant avec Monsieur [B] [X] ;
Considérant qu'il convient de constater en premier lieu que Monsieur [B] [X] ne peut retenir la date du mois de juin 2010 comme celle de sa prétendue embauche par la S.A.R.L. TRUELLING dès lors que c'est lui-même qui a proposé un partenariat à cette dernière pour réaliser un chantier pour lequel il était maître d'oeuvre tel que cela résulte du mail du client [J] en ces termes 'par l'entremise de mon maître d'oeuvre Monsieur [B] [X],' que le 28 juin 2010 la société JBA RÉALISATIONS a facturé la S.A.R.L. TRUELLING pour sa prestation administrative après calcul de la marge dégagée pour un montant de 3 500 € tout en facturant également directement le client pour un montant de 7 551 € ;
que Monsieur [B] [X] a fondé sa société JBA RÉALISATIONS au mois de janvier 2010 soit six mois avant le premier contrat passé avec la S.A.R.L. TRUELLING à une époque où Monsieur [B] [X] n'avait aucun partenariat, ni aucun chantier en collaboration avec elle ; qu'il ne peut prétendre que cette création avait pour but 'de porter son travail pour le compte de la S.A.R.L. TRUELLING' ;
que, de plus, la société JBA RÉALISATIONS a réalisé un chiffre d'affaires de 126 045 € en 2010 dont seulement 25 800 € facturés à la S.A.R.L. TRUELLING ; que Monsieur [B] [X] ne peut en conséquence affirmer 'que dès juin 2010 la S.A.R.L. TRUELLING représente la quasi -totalité du chiffre d'affaires de sa société' ;
que dans le rapport de gestion de la société JBA RÉALISATIONS sur l'exercice 2010, il est fait allusion à la S.A.R.L. TRUELLING, comme partenaire dès lors qu'il y est indiqué 'dans le courant de l'année, nous avons réussi à nous associer avec une société de maîtrise d'oeuvre gérant ainsi la partie travaux ;'
que Monsieur [B] [X] avait l'intention de développer sa société dans la mesure où le 6 octobre 2011 il est ajouté de nouvelles fonctions dans l'objet de la société
' conseil en architecture d'intérieur et plus généralement toutes missions de conseil reliées à l'amélioration de l'habitat résidentiel ou professionnel' ;
que d'une part aux termes de l'article L.8221-6 du code du travail, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription, notamment les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés ;
que cependant l'existence d'un contrat de travail peut être établie lorsque ces personnes fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui -ci ;
que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;
que la charge de la preuve du lien de subordination repose sur celui qui invoque l'existence du contrat de travail en l'espèce Monsieur [B] [X] ;
que ce dernier ne rapporte pas la preuve que la S.A.R.L. TRUELLING déterminait unilatéralement les conditions d'exécutions de ses missions, le soumettait à des horaires déterminés, organisait ses plannings et ses congés et lui demandait de rendre compte de ses prestations ;
que Monsieur [B] [X] ne peut prétendre utilement qu'il était totalement intégré à la S.A.R.L. TRUELLING avec une adresse mail sur les documents établis par cette dernière, une ligne téléphonique, une carte de visite professionnelle et un bureau dès lors que la S.A.R.L. TRUELLING supportait les coûts de secrétariat, d'assurance du chantier, de structure d'accueil en mettant à disposition un bureau pour les partenaires, des téléphones et une connexion internet tel que cela résulte des 2 contrats versés au dossier et de l'attestation de Monsieur GUILLOU Cedric, gérant de la société Immo Consulting ;
que, comme les autres partenaires Monsieur [Q] [P] et Monsieur [E] [S] , Monsieur [B] [X] a disposé d'une carte professionnelle plate-forme du bâtiment qui est une simple carte d'accès et non de paiement, et d'une autorisation d'utilisation du chéquier de la société afin de régler des achats ;
que Monsieur [B] [X] ne peut soutenir qu'il était présenté comme salarié de l'entreprise dès lors que pour le chantier d'[Localité 3] par exemple il est désigné 'conducteur de travaux C/O LATRUELLE' c'est à dire pour le compte de la S.A.R.L. TRUELLING et sur le plan qualité environnement comme 'chargé d'affaires' ;
que surtout Monsieur [B] [X] ne justifie pas que Monsieur [W], gérant de la S.A.R.L. TRUELLING lui a donné des ordres ou des directives dès lors que les mails produits font état d'une relation d'égal à égal entre partenaires, chacun oeuvrant dans son domaine de compétence comme par exemples les 4 avril 2011 et 29 août 2011 et 19 mars 2012 ' voici le devis modifié avec les éléments vus ensemble ce matin; je vous envoie votre devis pour les travaux ...' ou le 30 décembre 2011 'vous trouvez ci-joint le lien pour obtenir les autorisations d'activité pour vos sous-traitants' ou encore le 8 juin 2012 'il est nécessaire de m'adresser une copie du marché, de la facture et du procès- verbal de réception' ;
que d'autre part, Monsieur [B] [X] via la société JBA RÉALISATIONS a toujours facturé à la S.A.R.L. TRUELLING ses prestations sous forme d'honoraires avec TVA, conformément aux accords commerciaux en vigueur, sa part représentant 33% de la marge brute des chantiers dont il assurait le suivi technique, ce qui n'est pas contesté ;
qu' il résulte des pièces versées au dossier que cette part était variable en fonction du montant des chantiers réalisés ; qu'un accord non contesté était intervenu pour le versement mensuel d'avances sur honoraires et à l'achèvement de chacun des chantiers, la S.A.R.L. TRUELLING procédait au calcul de la marge brute réelle et régularisait la part revenant à Monsieur [B] [X] ; qu'il ne s'agit pas ' de primes ou bonus' comme l'allègue ce denier mais de régularisations d'honoraires ;
qu'au surplus, dès lors que ses honoraires dépendaient de la marge brute dégagée, Monsieur [B] [X] participait aux risques ce qui est incompatible avec le statut de salarié ;
qu'enfin, Monsieur [B] [X] a souscrit de façon ininterrompue entre 2009 et 2013 une assurance de responsabilité décennale construction pour son activité de maîtrise d'oeuvre, comme le justifent les attestations d'assurance nominatives produites aux débats par la S.A.R.L. TRUELLING , ce qui exclusif de toute subordination vis à vis de cette dernière ;
que cette souscription lui permettait de conserver son indépendance et de réaliser des chantiers de façon autonome pendant toute sa période de partenariat avec la S.A.R.L. TRUELLING ; que Monsieur [B] [X] s'est déclaré lui-même 'chef d'entreprise' devant le commissariat de Marly-Le- Roy le 7 septembre 2012 ; qu'il ne justifie pas par ailleurs d'avoir sollicité la S.A.R.L. TRUELLING pour obtenir un statut de salarié avant le 24 octobre 2012 ;
qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que Monsieur [B] [X] ne peut se prévaloir de l'existence d'un contrat de travail ; qu'il convient dans ce cas de rejeter toutes les demandes de ce dernier et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
qu'en conséquence Monsieur [B] [X] n'a pas été licencié par
la S.A.R.L. TRUELLING dès lors que les parties n'étaient pas liées par un contrat de travail mais par des relations commerciales ; que le différend entre sociétés partenaires échappe à la juridiction prud'hommale ;
Considérant que l'action en justice, comme l'exercice du droit d'appel ne dégénère en abus de nature à justifier l'allocation de dommages-intérêts qu'en cas d'une attitude fautive génératrice d'un dommage ; qu'une telle preuve n'est pas rapportée à l'encontre de Monsieur [B] [X] ; que la demande de dommages-intérêts formée par la S.A.R.L. TRUELLING doit être rejetée ;
Considérant que Monsieur [B] [X], qui succombe, doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier de l'article 700 du Code de procédure civile ; que toutefois, pour des raisons d'équité, il n'y a pas lieu de faire application à son encontre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Rejette les autres demandes des parties,
Condamne Monsieur [B] [X] aux dépens d'appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Martine FOREST-HORNECKER, présidente et Madame Amélie LESTRADE , greffier en préaffectation .
LE GREFFIERLE PRESIDENT