COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
11e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 18 FEVRIER 2016
R.G. N° 13/04232
MCP/AZ
AFFAIRE :
[B] [A] [M]
C/
SOCIETE MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN
...
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 06 Septembre 2013 par le Conseil de prud'hommes - Formation de départage de BOULOGNE BILLANCOURT
N° RG : 12/00602
Copies exécutoires délivrées à :
la SCP OMNIS AVOCATS RIANDEY
Me Marc BORTEN
Copies certifiées conformes délivrées à :
[B] [A] [M]
SOCIETE MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN, SOCIETE MICHELIN TRAVEL PARTNER
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX HUIT FEVRIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [B] [A] [M]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Comparant en personne, assisté de Me Sylvie MAZARDO de la SCP OMNIS AVOCATS RIANDEY, avocat au barreau D'ORLEANS
APPELANT
****************
SOCIETE MANUFACTURE FRANCAISE DES PNEUMATIQUES MICHELIN
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Marc BORTEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R271
SOCIETE MICHELIN TRAVEL PARTNER
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Marc BORTEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : R271
INTIMEES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 Janvier 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sylvie BOSI, Président,
Madame Marie-Christine PLANTIN, Conseiller,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Claudine AUBERT,
Vu le jugement du Conseil de Prud'hommes de Boulogne-Billancourt statuant en formation de départage le 6 septembre 2013 qui a :
- rejeté les fins de non recevoir,
- dit recevable et bien fondée l'intervention volontaire de la Société Michelin TravelPartner,
- dit que le transfert du contrat de Monsieur [B] [L] [M] de la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin (ci-après MFPM) à la société Michelin TravelPartner (ci-après MTP) est nul,
- dit que la nullité du transfert entraîne la sortie des effectifs de cette dernière société,
- dit que le transfert nul opéré le 1er janvier 2012 s'analyse en un licenciement nul,
- condamné la société MFPM à verser à Monsieur [A] les sommes suivantes :
. 3 938, 16 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 393, 81 € au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 25 avril 2012,
. 13 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 71 242 € à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur desquels devront être déduits les salaires perçus de la société MTP, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- dit qu'il pourra être fait application des dispositions de l'article 1154 du Code civil relatif à la capitalisation des intérêts,
- dit que la société MFPM devra transmettre au salarié dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- condamné la société MFPM à verser à Monsieur [A] la somme de 1 200 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire sous réserve des dispositions des article R1454-14 et 5 du Code du travail,
- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 133, 17 €,
- condamné la société MFPM aux dépens,
Vu la notification de ce jugement intervenu le 13 septembre 2013,
Vu l'appel interjeté par Monsieur [A] par déclaration au greffe de la Cour le 14 octobre 2013,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 6 janvier 2016 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens de Monsieur [A] qui demande :
- l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit que la nullité du transfert entraînait la sortie du salarié des effectifs de la société Michelin TravelPartner, sur le quantum de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et a déduit de la somme allouée au titre de la violation du statut protecteur les salaires perçus de la Société Michelin TravelPartner, de condamner la société MFPM à verser les sommes de 40 000 € nette de CSG-CRDS à titre d'indemnité pour licenciement nul, 71 242 € nette de CSG-CRDS à titre de dommages et intérêts pour violation du statut protecteur et 2 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et enfin, condamner la société aux dépens,
Vu les conclusions déposées et soutenues oralement le 6 janvier 2016 auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des moyens des sociétés qui demandent :
- à titre principal, l'infirmation du jugement déféré et le rejet de toutes les demandes du salarié devant être condamné au versement de la somme de 2 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens,
- à titre subsidiaire, confirmer le jugement sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mais limiter à 23 628, 96 € brut le montant de l'indemnité pour violation du statut protecteur laquelle ne pourra, en toute hypothèse, excéder la somme de 63 995 €,
- en toute hypothèse, dire que la somme de 54 993, 47 € correspondant aux salaires versés entre le 1er janvier 2012 et le 31 mai 2013 devra être déduite de cette dernière indemnité et laisser à chaque partie la charge de ses dépens et frais irrépétibles,
LA COUR,
Considérant que Monsieur [A] a été embauché par contrat à durée indéterminée par la société MFPM le 8 septembre 1977 en qualité d'Assistant administratif ; qu'il exerçait, en dernier lieu, ses fonctions au sein de l'établissement [Localité 1] [Localité 2] dans le cadre de l'activité - Ligne Produit Cartes et Guides -; qu'à la fin de l'année 2011, le salarié a dû être informé que son contrat de travail serait transféré à la société MTP à compter du 1er janvier 2012 ; que par lettre datée du 23 février 2012, le salarié a refusé de régulariser l'avenant à son contrat de travail devant entériner ce transfert dont il a invoqué la nullité compte tenu de ses mandats syndicaux rendant, en l'espèce, obligatoire une autorisation administrative ;
Sur la nature du transfert
Considérant que l'article L 2414-1 du Code du travail prévoit que le transfert d'un salarié compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L 1224-1 ne peut intervenir qu'après autorisation de l'Inspecteur du travail lorsque le salarié est titulaire d'un mandat de représentation du personnel ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 2 janvier 2012, la société MFPM et la société MTP - anciennement dénommée ViaMichelin - ont conclu un traité d'apport partiel d'actif aux termes duquel la société MFPM a réalisé le transfert de l'activité services de tourisme au profit de la société MTP ; que, dans ce cadre, cette dernière société a repris à son compte l'ensemble des contrats de travail des salariés de la branche d'activité considérée à l'exception des salariés du secteur administratif ;
Considérant qu'il doit être observé, selon le compte-rendu d'une réunion préparatoire s'étant tenue le 21 décembre 2011, que des élections devaient être organisées, au sein de la société MTP, pour mettre en place ultérieurement un Comité d'entreprise et des délégués du personnel ;
Que jusqu'à l'aboutissement du processus électoral, il était prévu un fonctionnement transitoire des instances représentatives ce qui était de nature à priver la nouvelle entité d'une véritable autonomie ;
Considérant, en définitive, au regard de ce qui précède que les dites instances avaient été affectées par le transfert ;
Que l'on en doit en déduire que ce transfert avait été seulement partiel ;
Qu'en conséquence, par sa nature ce transfert nécessitait s'agissant des représentants du personnel un autorisation de l'autorité administrative à défaut de laquelle, c'est à bon droit, que le premier juge a considéré qu'il était entaché de nullité peu important, à cet égard, que Monsieur [A] ait pu y consentir par la voix de son organisation syndicale dès lors que le principe énoncé par le texte sus-visé constitue une règle d'ordre public à laquelle il ne peut être dérogé ;
Sur les conséquences indemnitaires de la nullité du transfert
Considérant que le salarié protégé qui ne demande pas sa réintégration peut prétendre au versement d'une indemnité de rupture, d'une indemnité pour licenciement nul et à des dommages-intérêts pour atteinte au statut protecteur ;
Considérant s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, que la société MFPM s'oppose à cette demande en affirmant que cette somme a été versée par la société MTP ; que pourtant, les éléments du dossier n'établissent pas la réalité du versement allégué ;
Qu'il convient de confirmer la décision entreprise qui a condamné la société MFPM à verser à Monsieur [A] la somme de 3 938, 16 € et celle de 393, 81 € au titre des congés payés y afférents ;
Considérant s'agissant de l'indemnité pour licenciement nul, que l'article L 1235-3 du Code du travail prévoit que le montant de cette indemnité ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois ; qu'il ne ressort pas des éléments de l'espèce que Monsieur [A] soit fondé à réclamer une somme supérieure à ce montant ; qu'il convient de confirmer le jugement qui a condamné la société à lui verser, de ce chef, la somme de 13 000 € ;
Considérant s'agissant des dommages-intérêts pour atteinte au statut protecteur, que d'une part, concernant la période de protection, en raison de l'irrégularité du transfert il ne peut être tenu compte des accords passés à ce sujet ; que la période à considérer est celle qui était en cours avant le transfert ; qu'il doit , à ce titre, être rappelé que le mandat de l'intéressé avait commencé le 12 avril 2010 et devait prendre fin le 12 avril 2014 ; qu'ainsi, la fin de période de protection était fixée au 12 octobre 2014 ;
Que d'autre part, s'agissant du montant des dommages-intérêts qu'il apparaît que le délégué du personnel qui ne demande pas la poursuite du contrat de travail illégalement rompu a droit à une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu'il aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de deux ans, durée minimale légale de son mandat, augmentée de six mois ; qu'il convient, de ce chef, d'infirmer le jugement déféré et d'allouer à Monsieur [A] la somme de 63 995 € ;
Considérant enfin que le salarié ne peut cumuler la somme correspondant aux salaires dont il a été privé avec celle qu'il a pu recevoir de la part du repreneur ; que c'est, dès lors, à bon droit que les premiers juges ont décidé qu'il y a lieu de déduire de la somme sus-visée les salaires versés par la société MTP ;
Sur les dépens et sur l'indemnité de procédure
Considérant que la société MFPM, qui succombe pour l'essentiel dans la présente instance, doit supporter les dépens ;
Qu'il y a lieu, en outre, de la condamner à verser à Monsieur [A] une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 1 000 €, en sus de celle qui lui a été allouée en première instance ;
Considérant que la société doit être déboutée de cette même demande ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
Infirme le jugement du Conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt sur le montant des dommages-intérêts pour violation du statut protecteur,
Statuant à nouveau de ce chef,
Condamne la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin à verser à Monsieur [B] [L] [M] la somme de 63 995 € à titre de dommages-intérêts pour violation du statut protecteur,
Y ajoutant,
Condamne la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin à verser à Monsieur [B] [L] [M] la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Déboute la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin de sa demande formée par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société Manufacture Française des Pneumatiques Michelin aux dépens,
Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Mme Sylvie BOSI, président, et Mme Claudine AUBERT, greffier.
Le GREFFIERLe PRESIDENT