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11/02/2016 | FRANCE | N°14/01992

France | France, Cour d'appel de Versailles, 17e chambre, 11 février 2016, 14/01992


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES









Code nac : 80A



17e chambre



ARRET N°



contradictoire



DU 11 FEVRIER 2016



R.G. N° 14/01992



AFFAIRE :



[R] [T]





C/

SAS GEMALTO INTERNATIONAL







Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 20 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 11/01927



r>
Copies exécutoires délivrées à :



Me Philippe VALENT



la SCP URBINO ASSOCIES





Copies certifiées conformes délivrées à :



[R] [T]



SAS GEMALTO INTERNATIONAL







le : 12 Février 2016

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





LE...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

17e chambre

ARRET N°

contradictoire

DU 11 FEVRIER 2016

R.G. N° 14/01992

AFFAIRE :

[R] [T]

C/

SAS GEMALTO INTERNATIONAL

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 20 Mars 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 11/01927

Copies exécutoires délivrées à :

Me Philippe VALENT

la SCP URBINO ASSOCIES

Copies certifiées conformes délivrées à :

[R] [T]

SAS GEMALTO INTERNATIONAL

le : 12 Février 2016

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE ONZE FEVRIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [R] [T]

[Adresse 1]

[Localité 1]

comparant en personne, assisté de Me Philippe VALENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C1185

APPELANT

****************

SAS GEMALTO INTERNATIONAL

[Adresse 2]

[Localité 2]

représentée par Me Bertrand OLLIVIER de la SCP URBINO ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0137

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Décembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Martine FOREST-HORNECKER, Président chargé(e) d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composé(e) de :

Madame Martine FOREST-HORNECKER, Président,

Madame Clotilde MAUGENDRE, Conseiller,

Madame Juliette LANÇON, Vice-président placé,

Greffier, lors des débats : Madame Amélie LESTRADE,

Par jugement du 20 mars 2014, le conseil de prud'hommes de [Localité 3] (section encadrement ) a :

- dit que le licenciement de Monsieur [R] [T] est sans cause réelle et sérieuse,

- condamné, en conséquence, la SAS GEMALTO INTERNATIONAL à verser à Monsieur [R] [T] les sommes suivantes :

. 29 640 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis, le conseil fixant le salaire à 9 880 €,

. 2 964 € au titre des congés payés afférents,

. 68 476 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 60 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à la SAS GEMALTO INTERNATIONAL le remboursement à Pôle emploi du montant des indemnités de chômage perçu par Monsieur [R] [T] dans la limite de 3 mois d'indemnités,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire autre que celle prévue à l'article R. 1454-28 du code du travail,

- dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal à compter de la saisine s'agissant des créances salariales et à compter du prononcé du jugement s'agissant des dommages et intérêts, débouté Monsieur [R] [T] du surplus de ses demandes,

- débouté la SAS GEMALTO INTERNATIONAL de sa demande reconventionnelle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS GEMALTO INTERNATIONAL aux dépens.

Par déclaration d'appel adressée au greffe le 11 avril 2014 et par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, Monsieur [R] [T] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il ne prononce pas l'annulation de son licenciement pour harcèlement moral,

- annuler en conséquence son licenciement en ce qu'il procède exclusivement des agissements de harcèlement moral dont il a été victime et qu'il a été contraint de dénoncer,

- à titre subsidiaire, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que son licenciement était intervenu sans cause réelle et sérieuse,

- en tout état de cause, confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SAS GEMALTO INTERNATIONAL à lui verser les sommes suivantes :

.68 476 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement

. 29 640 € au titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 2 964 € au titre des congés payés afférents,

- infirmer le jugement entrepris et condamner la SAS GEMALTO INTERNATIONAL à lui verser les sommes suivantes :

. 329 246 € à titre de dommages et intérêts compte tenu de la nullité ou l'absence de cause réelle et sérieuse,

. 47 230 € à titre de primes sur objectif pour l'année 2011,

. 30 000 € à titre de dommages et intérêts pour conditions d'emploi vexatoires (absence de fourniture de travail),

. 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour infraction à l'interdiction du travail dominical,

. 40 000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des durées minimales de temps de repos et des durées maximales du travail,

. 1 060 970 €à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'exercice de souscriptions d'actions et d'attributions des actions gratuites,

. 306 079, 42 € à titre de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2008, 2009, 2010 et 2011,

. 82 312 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

. 4 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la SAS GEMALTO INTERNATIONAL aux dépens.

Par conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience par son conseil, la SAS GEMALTO INTERNATIONAL demande à la cour de :

- à titre principal : sur le licenciement,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a considéré que le licenciement de Monsieur [T] n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse,

- dire qu'il n'existe aucune perte de chance de percevoir des Stocks options ou RSU ,

- débouter en conséquence Monsieur [T] de ses demandes au paiement des sommes de :

. 329 246,00 € au titre du licenciement nul,

. 68 476,00 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

. 29 675,00 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 2 967,50 € à titre de congés payés sur préavis,

. 1 084 915,00 € au titre de la perte de chance de recevoir des RSU,

- à titre subsidiaire : sur les prétentions financières,

- réduire à de plus justes proportions le montant des dommages-intérêts sollicités au titre du licenciement soit la somme de 59 256 euros (6 mois de salaire),

- dire que la perte de chance n'est pas réelle et sérieuse et débouter de Monsieur [T] de sa demande d'indemnisation à ce titre,

- confirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Monsieur [T] de sa demande au titre de la perte de chance d'obtenir des RSU,

- à titre très subsidiaire, réduire à de plus justes proportions l'indemnisation de la perte de chance de recevoir des stocks options et RSU,

- sur les autres prétentions,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la demande de prime pour l'année 2011 n'était pas fondée,

- débouter en conséquence Monsieur [R] [T] de sa demande au paiement de la somme de 47 230 € à ce titre,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'il n'était pas rapporté la preuve d'aucun manquement de sa part concernant les conditions d'emploi vexatoire,

- débouter en conséquence Monsieur [R] [T] de sa demande au paiement d'une somme de 30 000 €,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'aucune infraction à l'interdiction du travail dominical n'a été commise par elle,

- débouter en conséquence Monsieur [R] [T] de sa demande au paiement d'une somme de 20 000 €,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'elle n'a pas manqué au respect des durées de travail maximales et de temps de repos minimales,

- débouter en conséquence Monsieur [R] [T] de sa demande au paiement d'une somme de 40 000 €,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la demande au titre de rappel des heures supplémentaires n'était pas fondée.

- débouter Monsieur [T] de sa demande au paiement d'une somme d'un montant de 306 079,42 € à ce titre,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que Monsieur [R] [T] n'a pas fait l'objet d'un travail dissimulé,

- débouter Monsieur [T] de sa demande au paiement d'une somme d'un montant de 82 312 €,

- débouter Monsieur [T] de sa demande de condamnation au paiement d'une somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- en tout état de cause,

- condamner Monsieur [T] à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

LA COUR,

qui se réfère pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, à leurs écritures et à la décision déférée,

Considérant que Monsieur [R] [T] a été engagé par le Groupe [D] selon contrat à durée indéterminée en date du 28 décembre 1998 en qualité de Product Marketing Manager ;

qu'à compter du 1er mars 2008, Monsieur [R] [T] a occupé les fonctions de Directeur des Relations Investisseurs au sein de la SAS AXALTO INTERNATIONAL devenu SAS GEMALTO INTERNATIONAL avec une reprise d'ancienneté au 28 décembre 1998, et classé cadre position III B ;

qu'en contrepartie de ses responsabilités et en qualité de cadre de direction, Monsieur [R] [T] bénéficiait d'une rémunération variable selon les conditions du plan de rémunération propre au groupe GEMALTO et de Restricked Share Units (RSU)(actions gratuites dites verrouillées) ;

que fin de l'année 2010, Monsieur [R] [T] a souhaité évoluer vers de nouvelles fonctions ce dont il a fait part à la SAS GEMALTO INTERNATIONAL à l'occasion de son entretien d'évaluation ;

que c'est dans ce contexte que Monsieur [J] [O] a été recruté le 1er décembre 2010 pour une période transitoire de 6 mois au sein de l'équipe des relations investisseurs de la SAS GEMALTO INTERNATIONAL et que Monsieur [R] [T] a eu la responsabilité de former son successeur ;

que dans le même temps, la SAS GEMALTO INTERNATIONAL indique qu'elle a effectué des recherches d'un poste susceptible de convenir à Monsieur [R] [T] ;

que par courrier en date du 12 septembre 2011, Monsieur [R] [T] a fait part à la direction générale de la SAS GEMALTO INTERNATIONAL de la souffrance qu'il éprouvait et de sa vive préoccupation quant à sa situation actuelle au sein du groupe ;

que par courrier en date du 21 septembre 2011, la SAS GEMALTO INTERNATIONAL confirmait à Monsieur [R] [T] sa nomination au poste de VP Marketing Mobile Financial Services ; que sa rémunération annuelle brute était portée à 125 000 € et qu'il restait éligible au plan de rémunération interne (GIP) ;

que Monsieur [R] [T] n'a pas remis le deuxième exemplaire de la lettre daté, signé et revêtu de la menton 'lu et approuvé' ;

que par courrier du 26 septembre 2011, Monsieur [Z] directeur Général répondait au courrier du 12 septembre 2011 dans ces termes ' tes allégations sont à la fois inacceptables et infondées. J'imagine que tu essaies de créer artificiellement les conditions d'un litige dans le seul but de négocier ton départ' ;

que par courrier du 2 octobre 2011, Monsieur [R] [T] répondait vivement aux termes du dit courrier 'qui m'ont profondément meurtri' ;

que par lettre recommandée avec avis de réception en date du 30 septembre 2011, la SAS GEMALTO INTERNATIONAL a convoqué Monsieur [R] [T] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 10 octobre 2011 ;

que la SAS GEMALTO INTERNATIONAL a notifié à Monsieur [R] [T] son licenciement pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception en date du 19 octobre 2011 libellée en ces termes :

(...) Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 30 septembre 2011, nous vous avons convoqué à un entretien préalable qui a eu lieu dans nos locaux le 10 octobre dernier.

Lors de cet entretien nous vous avons exposé l'ensemble des motifs nous conduisant à envisager votre licenciement et recueilli vos observations.

Vous avez été embauché par la société [D] suivant contrat à durée indéterminée en date du 28 décembre 1998 en qualité de Product Marketing Manager.

A compter du 1er mars 2008, vous occupiez les fonctions de Directeur des Relations Investisseurs au sein de la société Axalto International SAS devenue Gemalto International SAS..

Vos rapports d'évaluation ont toujours été très positifs ; Lors du dernier entretien d'évaluation annuel clôturé le 28 février 2011 (GPR 2010), il avait été prévu à votre demande que vous évolueriez vers d'autres fonctions. Dans cette optique, il vous a été demandé de former votre successeur, Monsieur [J] [O].

Depuis février 2011, vous continuez à exercer vos fonctions tout en formant Monsieur [J] [O] dans l'attente d'une proposition d'un nouveau poste, ce dont nous avions le souci.

Au cours du mois de juin 2011, un poste de Vice Président a été identifié. Dès le mois de juillet 2011, des discussions concernant une proposition de poste Vice Président Marketing Mobile Financial Services ont débuté avec vous sans qu'à aucun moment vous nous indiquiez que ce poste ne vous convenait pas. La seule chose évoquée concernait le montant de votre bonus sans qu'il y ait pour autant de blocage sur ce point.

C'est donc contre toute attente que le 12 septembre 2011 vous avez adressé un courrier à [Z] [Z] dans lequel vous nous indiquiez être l'objet de harcèlement moral.

Vous précisiez notamment qu'aucun travail ne vous était affecté depuis le mois d'avril 2011, que vous étiez mis à l'écart du service et des réunions et que la non transmission d'information et la négation de votre existence constituaient des agissements répétés visant à porter atteinte à votre dignité et intégrité.

Vous exposiez également dans ce courrier que la personne que vous aviez formée avait dans les faits repris l'intégralité de votre poste.

Par courrier en date du 26 septembre 2011, Monsieur [Z] [Z] n'a pas manqué de répondre à vos allégations en soulignant votre mauvaise foi et déloyauté en vous indiquant:

« Tes allégations sont à la fois inacceptables et infondées (...) J'imagine que tu essaies de créer artificiellement les conditions d'un litige dans le seul but de négocier ton départ. »

De surcroît, dans un mail en date du 23 septembre dernier adressé à [V] [G] et [B] [S], vous indiquiez souhaiter réagir aux termes du courrier électronique qui vous avait été adressé le 21 septembre dernier par lequel il vous était précisé que vous seriez nommé VP Marketing Mobile Financial Services à compter du 1er octobre 2011.

Selon vous, ce mail constituait dans la précipitation une réponse à votre courrier du 12 septembre dernier.

[B] [S] vous répondait par mail en date du 30 septembre 2011 manifestant sa stupéfaction et rappelant à votre mémoire que les discussions concernant la proposition de poste VP Marketing Mobile Financial Services avaient débuté au tout début du mois de juillet :

« Tes discussions avec [F] [X], qui est en charge de Mobile Financial Services, ont commencé début juillet. Les nombreux échanges ont continué, notamment avec [V] [G] sur les conditions salariales.

Le dernier point «d'achoppement» concernait une demande spécifique de ta part pour rester sur l'entité légale Gemalto International SAS, demande qui a été satisfaite par un mail de [V].

Je pense qu'il y avait d'autres façons plus honnêtes et loyales de refuser un poste/les conditions de package, que d'inventer de toutes pièces un prétendu harcèlement moral dont tu serais victime.»

Compte tenu de la gravité de votre comportement et de votre déloyauté, il a été décidé d'engager la présente procédure de licenciement.

Lors de l'entretien, nous vous avons indiqué que ce qui vous était reproché n'était pas d'avoir invoqué des faits de harcèlement moral mais d'instrumentaliser de telles accusations dans le seul but de négocier financièrement au mieux votre départ.

Ce qui est en cause, ce n'est donc pas un exercice même excessif de votre liberté d'expression mais un comportement déloyal et empreint de mauvaise foi envers Gemalto.

En effet, nous ne vous reprochons pas d'avoir évoqué des faits de harcèlement moral mais d'avoir engagé de mauvaise foi une polémique dans le seul but de créer les conditions d'un litige.

Ce comportement est d'autant plus choquant que vous faites partie des salariés les plus proches de la Direction générale et que par vos fonctions vous étiez associé au plus près aux décisions de cette même direction.

Lors de notre entretien, vous ne nous avez à aucun moment fourni de motifs susceptibles de modifier notre appréciation des faits reprochés.

En conséquence et après réflexion, nous avons décidé de mettre un terme à votre contrat de travail et de vous licencier pour faute grave, ces faits rendant impossible votre maintien au sein de notre entreprise.

Le licenciement prendra effet à la date de la première présentation de cette lettre et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.(...)

Considérant, sur le licenciement, qu'aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ; que selon l'article L. 1152-3, toute rupture de contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles L. 1152-1 et L. 1152-2 du code du travail, toute disposition ou tout acte contraire est nul ;

qu'il s'en déduit que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis ;

qu'ainsi, la dénonciation de faits de harcèlement moral peut constituer une cause légitime de licenciement lorsque cette dénonciation intervient de mauvaise foi ; que cette dernière est caractérisée lorsque le salarié a connaissance de la fausseté des faits qu'il dénonce ; que cette fausseté se compose de deux éléments : un élément objectif ( les faits dénoncés ne correspondent pas à la réalité) et un élément subjectif ( la connaissance de la fausseté des faits dénoncés) ;

qu'il appartient à l'employeur d'établir que le salarié savait que les agissements invoqués étaient inexistants lorsqu'il a fait état du harcèlement moral allégué ;

qu'en l'espèce, la lettre de licenciement indique que ce qui vous était reproché n'était pas 'd'avoir invoqué des faits de harcèlement moral mais d'instrumentaliser de telles accusations dans le seul but de négocier financièrement au mieux votre départ ;

Ce qui est en cause, ce n'est donc pas un exercice même excessif de votre liberté d'expression mais un comportement déloyal et empreint de mauvaise foi envers Gemalto' ;

que quelque soit la formulation employée par la SAS GEMALTO INTERNATIONAL, il n'en demeure pas moins que Monsieur [R] [T] a été licencié pour avoir dénoncé des faits de harcèlement moral, et ce, de mauvaise foi selon la SAS GEMALTO INTERNATIONAL ;

que la SAS GEMALTO INTERNATIONAL allègue que la mauvaise foi de Monsieur [R] [T] résulte de l'instrumentalisation d'une situation qu'il a largement créée ;

que dans sa lettre du 12 septembre 2011, Monsieur [R] [T] dénonçait :

- l'absence de fourniture de travail correspondant à son poste actuel,

- sa mise à l'écart du service et des réunions,

- la non- transmission d'information et la négation même de son existence dans l'entreprise ;

que dans ses conclusions, il indique que le retrait de ses attributions, sa mise à l'écart du service et des réunions s'illustrent par le fait que les documents d'information financière sur la situation de la société en 2011 ont été signés par Monsieur [O] qui a repris ses fonctions ;

que cependant c'est Monsieur [R] [T] lui-même qui a souhaité évoluer vers d'autres fonctions début 2011 ; que compte tenu de l'importance et la sensibilité de ses fonctions, ce dernier ne dément pas qu'il a été décidé d'un commun d'accord qu'il devait accompagner la transmission des dossiers dans les meilleures conditions possibles sur la période minimum d'essai du successeur ; que l'arrivée de ce dernier s'est donc effectuée en accord avec Monsieur [R] [T] en toute transparence ; qu'il est en conséquence à l'origine de ce changement de fonction et de la période de transition dès lors qu'à ce niveau de responsabilités et d'expérience, la recherche d'un poste disponible peut être de quelques mois ;

que de plus, outre le fait que la pièce intitulée 'Gemalto reports first quarter 2011 revenue' produite par Monsieur [R] [T] qui d'ailleurs ne comporte que 4 pages sur les 24 annoncées est de langue anglaise dont il n'est pas proposé de traduction ne peut être prise en considération en application de l'ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 qui fonde la primauté et l'exclusivité de la langue française devant les juridictions nationales, elle n'est pas datée ;

que par ailleurs Monsieur [R] [T] ne produit aucun document ni attestation justifiant de sa mise à l'écart du service et des réunions et d'une disparition de tous les supports externes de communication financière de l'entreprise ;

que sur l'absence de fourniture de travail, il n'est pas contestable que Monsieur [R] [T] avait en charge d'assurer la transition avec son successeur ce qui était une tache indispensable et dont l'accomplissement devait nécessairement prendre du temps ;

que d'ailleurs outre les principales caractéristiques du plan de rémunération variable 2011,son objectif spécifique individuel pour l'année 2011 était la formation de son successeur ; qu'il en avait été informé et avait donné son accord ;

qu'en outre, la SAS GEMALTO INTERNATIONAL justifie qu'en juillet 2011, Monsieur [R] [T] était en charge d'une mission avec Monsieur [M] , EVP Sécurité ; qu'en août 2011, il donnait son avis au sujet d'une étude publiée par l'équipe Équity Research de la Société Générale au sujet de la gestion des restructurations ;

que sur la non- transmission d'information et la négation même de son existence dans l'entreprise, Monsieur [R] [T] ne détaille pas ce grief et ne produit aucun justificatif à l'appui de ce grief ;

que dans ses conclusions Monsieur [R] [T] indique qu'il a attendu plusieurs mois pour se voir proposer une esquisse d'évolution sur un poste au sein de Mobile FINANCIAL SERVICES ;

que cependant il résulte des mails produits par la SAS GEMALTO INTERNATIONAL

que cette dernière a recherché un poste disponible à Monsieur [R] [T] compte tenu de son niveau de responsabilités et d'expérience dès lors que par mail du 13 juillet 2011 il lui était indiqué 'pas de job avec Cambriel car finalement pas de changement d'organisation à ST, à priori job chez MFS avec JC DETURCHE dont le contour doit être précisé dans les semaines à venir' ;

que des discussions ont ainsi débuté avec Monsieur [R] [T] sur un poste de Vice Président Marketing Mobile au sein de la branche MFS ;

que le 19 juillet 2011, l'accord du Management intervenait pour transférer Monsieur [R] [T] du service HF Finances au service MFS Marketing ;

que le 30 août 2011, un échange de mails de langue anglaise traduits, ayant pour objet proposition Monsieur [R] [T], entre Monsieur [G] [J], directeur des ressources humaines et Monsieur [G] [V] ' c'est vraiment la personne clé pour le job, bien complémentaire de JCD. Si j'ai des réactions de son coté, je t'en ferai part ...(étant à l'étage, il vient régulièrement dans mon bureau) ' ;offre revue par PC, je devrais avoir le feu vert pour parler à VB ([R] [T] ) dès demain ; j'espère qu'avec un tel support du grand chef finances tu pourras faire une belle proposition au Biraud ' démontre que la proposition se concrétisait ;

que cette proposition a été faite à Monsieur [R] [T] et que ce dernier a voulu avoir des précisions sur les conditions de rémunérations et avoir la garantie de ne pas changer d'entité légale dès lors que par mail du 7 septembre 2011Monsieur [G] lui indiquait qu'il n'avait pas encore de réponse 'à la question du changement d'entité' ;

que c'est dans ce contexte de finalisation des négociations que Monsieur [R] [T] s'est plaint de harcèlement moral dans sa lettre du 12 septembre 2011 ;

qu'il résulte des éléments sus -visés que Monsieur [R] [T] n'établit pas les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et ne caractérise pas la dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel dès lors que il ne justifie pas de la situation de santé qu'il allègue dans son courrier du 12 septembre 2011, aucun certificat médical ni aucune attestation ne sont versés au dossier ;

qu'il n'est pas contestable que Monsieur [R] [T] faisait partie des plus proches collaborateurs du Directeur Général de la SAS GEMALTO INTERNATIONAL et était en relation directe avec notamment la direction des ressources humaines du groupe ; que c'est d'ailleurs Monsieur [G] [J], directeur des ressouces humaines qui le tenait informé de l'état des recherches d'un nouveau poste disponible ;

qu'à aucun moment, Monsieur [R] [T] a manifesté une quelconque impatience dans cette recherche, ne s'est plaint de la longueur de la dite procédure et du fait qu'il n'avait pas de travail alors qu'il dit lui-même qu'il a continué à avoir des horaires soutenus ;

que par ailleurs c'est Monsieur [R] [T] lui-même qui a souhaité évoluer vers d'autres fonctions début 2011 ; qu'il est en conséquence à l'origine de ce changement de fonction et de la période de transition dès lors qu'à ce niveau de responsabilités et d'expérience, il savait que la recherche d'un poste disponible pouvait prendre plusieurs mois ;

qu'il s'ensuit que Monsieur [R] [T] avait conscience du caractère mensonger de ses déclarations ; qu'il ne pouvait qu'avoir conscience de la déloyauté des griefs reprochés dès lors qu'il se plaint d'harcèlement moral au moment où les négociations pour un nouveau poste ont abouti ce que lui confirme la SAS GEMALTO INTERNATIONAL le 21 septembre 2011 et qu'il n'a jamais manifesté la moindre opposition au dit poste ;

qu'en conséquence, compte tenu du niveau de responsabilité de Monsieur [R] [T], son comportement fautif ainsi établi est suffisamment grave pour être caractérisé de faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ;

que les demandes de Monsieur [R] [T] au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, d'indemnité de préavis, d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'indemnité de conditions d'emploi vexatoires seront rejetées à ce titre et le jugement entrepris infirmé ;

que sur la prime sur objectif pour l'année 2011, il résulte du plan de rémunération variable du groupe GEMALTO que la prime est payable en mars 2012 pour les personnes qui étaient présentes au 31 décembre 2011 ;

que Monsieur [R] [T] qui reconnaît dans ses écritures qu'il a bien eu des objectifs fixés pour l'année 2011 a quitté la SAS GEMALTO INTERNATIONAL le 19 octobre 2011, jour de l'envoi de la lettre de licenciement pour faute grave ;

que c'est à bon droit que le premier juge a rejeté cette demande formée par Monsieur [R] [T], la jurisprudence citée par ce dernier ne s'appliquant qu'en cas de licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

que sur la perte de chance d'exercice de souscriptions d'actions et d'attributions d'actions gratuites, dès lors que le licenciement de Monsieur [R] [T] est fondé, il n'a subi aucune perte de chance ;

Que de plus, par contrat en date du 25 septembre 2008, la SAS GEMALTO INTERNATIONAL a attribué à Monsieur [R] [T] 10 000 options d'achat d'actions qui ne pouvaient pas être exercées avant le 25 septembre 2012 ni après le 25 mars 2018 ;

que le contrat prévoyait que lorsqu'au jour de la rupture du contrat de travail les options n'ont pas été exercées par son titulaire, ces options deviennent caduques et font perdre tout droit à leur bénéficiaire ;

qu'au jour de la rupture du contrat de travail, Monsieur [R] [T] n'avait exercé aucune de ses options d'achat d'actions lesquelles sont devenues caduques ;

qu'en ce qui concerne les RSU qui sont des actions gratuites pour le futur et conditionnées à la réalisation d'objectifs individuels ou collectifs et /ou à une condition de présence à une certaine date, Monsieur [R] [T] devait être salarié de la SAS GEMALTO INTERNATIONAL ou de l'une de ses filiales au 2 octobre 2012 pour le 1er contrat RSU ou au 4 mars 2013 pour le second contrat d'attribution de RSU ;

que ces contrats prévoyaient expressément l'hypothèse de la rupture du contrat de travail en ces termes 'les RSU qui ne sont pas acquises à la date de résiliation (rupture du contrat)sont perdus' ; que cette disposition est reprise dans le GMALTO N.VGlobal Équité Inventive Plan à l'article 8.2 ;

qu'il s'ensuit que les promesses d'attribution de RSU à Monsieur [R] [T] sont devenues nulles et non avenues du fait de la rupture de son contrat de travail ;

que le jugement entrepris sera confirmé sur ce point ;

que sur la législation en matière de droit du travail, il résulte du contrat de travail de Monsieur [R] [T] signé le 1er mars 2008 que 'votre fonction comportant une autonomie importante dans la gestion de votre temps de travail, il ne saurait vous être imposé un horaire strictement défini. Dans ces conditions et en application de l'accord sur la réduction, l'organisation et l'aménagement du temps de travail en vigueur, nous vous proposons d'être rémunéré sur la base d'un forfait défini en fonction d'un nombre de jours de travail sur l'année';

que ce forfait de 218 jours est appliqué par référence à la convention collective des Ingénieurs et cadres de la métallurgie ;

que Monsieur [R] [T] soutient que la SAS GEMALTO INTERNATIONAL ne relève pas du champ d'application professionnel de cette convention qu'elle applique volontairement à titre d'usage et qu'en conséquence la convention de forfait lui est inopposable ;

que cependant cette convention collective est visée expressément par le contrat de travail signé par Monsieur [R] [T] ;

que selon l'article L.2261-2 du code du travail, la convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur peu important ses activités secondaires ;

que les juges doivent , en cas en contestation, rechercher quelle est l'activité réellement exercée par l'entreprise, le code APE ou code NAF attribué par l'INSEE n'a qu'une valeur indicative ;

que la SAS GEMALTO INTERNATIONAL justifie que son activité principale est plus liée à la métallurgie qu'au SYNTEC dès lors que ses salariés sont majoritairement des opérationnels dont l'activité est de développer l'activité du groupe GEMALTO dont l'activité relève de la métallurgie ;

qu'il ne s'agit pas d'une application volontaire mais d'une application obligatoire dès lors qu'aux termes de l'article L.2261-15 du code du travail, l'extension a pour effet de rendre obligatoire la convention ou l'accord étendu pour tous les salariés et employeurs compris dans le champ d'application de cette convention ou de cet accord ;

que Monsieur [R] [T] ne peut soutenir utilement que ce rattachement unilatéral aurait pour objet d'organiser 'un droit d'organiser le temps de travail de manière dérogatoire' dès lors que la SAS GEMALTO INTERNATIONAL fait une application intégrale et non distributive des dispositions de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie et que cette convention contient, notamment en ce qui concerne le forfait annuel en jours, des dispositions plus favorables pour les salariés que celles de la convention collective nationale dite du Syntec dans la mesure où la cour de cassation a validé les dites dispositions relatives au forfait en jours ;

qu'il s'ensuit que la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie s'applique au contrat de travail signé par Monsieur [R] [T] et qu'en conséquence le forfait en jours lui est opposable ;

que sa demande à ce titre sera rejetée ainsi que celles subséquentes des heures supplémentaires, du travail dissimulé, du travail dominical et dépassement des durées maximales du travail pour lesquels Monsieur [R] [T] n'apporte au surplus aucun élément probatoire ;

Considérant que Monsieur [R] [T] qui succombe, doit supporter la charge des dépens et ne saurait bénéficier de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instant qu'en appel ; que toutefois, pour des raisons d'équité, il n'y a pas lieu de faire application à son encontre des dispositions de l'article 700 du code de Procédure civile ;

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme partiellement le jugement entrepris,

Et, statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Monsieur [R] [T] est fondé sur une faute grave,

Rejette les demandes de Monsieur [R] [T] à ce titre,

Confirme le jugement entrepris pour le surplus,

Rejette les autres demandes des parties,

Condamne Monsieur [R] [T] aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, conformément à l'avis donné aux parties à l'issue des débats en application de l'article 450, alinéa 2, du code de procédure civile, et signé par Madame Martine FOREST-HORNECKER, présidente et Madame Amélie LESTRADE , greffier.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 17e chambre
Numéro d'arrêt : 14/01992
Date de la décision : 11/02/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 17, arrêt n°14/01992 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-11;14.01992 ?
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