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09/02/2016 | FRANCE | N°13/08893

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 09 février 2016, 13/08893


COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

FL
Code nac : 59A

12e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 09 FEVRIER 2016

R. G. No 13/ 08893

AFFAIRE :

Michel X...
...

C/
SA LA FRANCAISE DES JEUX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 12 Novembre 2013 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No Chambre : 05
No Section :
No RG : 2012F03840

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- Me Mélina PEDROLETTI
-Me Emmanuel JULLIEN

RÉP

UBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF FEVRIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Mi...

COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES

FL
Code nac : 59A

12e chambre

ARRET No

CONTRADICTOIRE

DU 09 FEVRIER 2016

R. G. No 13/ 08893

AFFAIRE :

Michel X...
...

C/
SA LA FRANCAISE DES JEUX

Décision déférée à la cour : Jugement rendu (e) le 12 Novembre 2013 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE
No Chambre : 05
No Section :
No RG : 2012F03840

Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- Me Mélina PEDROLETTI
-Me Emmanuel JULLIEN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE NEUF FEVRIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur Michel X...
né le 01 Août 1954 à WACQUEMOULIN (60420)
de nationalité Française
...
60600 FITZ JAMES
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626- No du dossier 22611
Représentant : Me Richard VALEANU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0516 (en remplacement de Me Daniel RICHARD, décédé)

SNC LE CHIQUITO
No SIRET : 381 23 3 5 19
73, rue Nationale
60590 TRIE CHATEAU
Représentant : Me Mélina PEDROLETTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 626- No du dossier 22611
Représentant : Me Richard VALEANU, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0516 (en remplacement de Me Daniel RICHARD, décédé)

APPELANTS
****************

SA LA FRANCAISE DES JEUX
126 rue Galliéni
92643 BOULOGNE BILLANCOURT CEDEX
Représentant : Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617- No du dossier 20130854
Représentant : Me Anne ATLAN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0305- substituée par Me BENICHOU

INTIMEE
****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 01 Décembre 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François LEPLAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,
Monsieur François LEPLAT, Conseiller,
Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Greffier F. F., lors des débats : Monsieur James BOUTEMY,

EXPOSÉ DU LITIGE

La société anonyme LA FRANÇAISE DES JEUX, ci-après désignée LA FRANÇAISE DES JEUX, est une société d'économie mixte détenue à hauteur de 72 % par l'État. Elle est placée sous la tutelle conjointe du ministre de l'économie et des finances et du ministre du budget, ainsi que sous le contrôle de l'inspection générale des finances et de la cour des comptes.

Afin d'assurer la distribution des divers jeux qu'elle organise auprès du public, LA FRANÇAISE DES JEUX développe, depuis plusieurs années, son réseau de distribution. Pour ce faire, elle s'appuie sur les compétences de deux types d'intermédiaires indépendants, à savoir :
- les courtiers-mandataires, d'une part, dont la mission consiste à prospecter et gérer les détaillants situés dans un secteur géographique, à les former, à les approvisionner en tickets de jeux, à recouvrer les mises collectées par les détaillants auprès des joueurs et à lui reverser les sommes ainsi perçues,
- les détaillants, d'autre part, qui sont essentiellement des commerces de proximité tels que cafés, bars, tabacs, presse, lesquels commercialisent, auprès du public, en annexe de leur commerce principal, l'ensemble ou une partie des jeux de loteries qu'elle propose.

Michel X...est propriétaire d'un fonds de commerce de bar-tabac à l'enseigne Le Chiquito, sis 73 rue Nationale-60590 Trie Château, et exploite son activité sous la forme d'une société en nom collectif dont la dénomination sociale est LE CHIQUITO.

Le 1er décembre 2001, il a conclu un contrat de détaillant avec LA FRANÇAISE DES JEUX, contrat modifié le 1er février 2010, lui octroyant la possibilité de vendre à la fois les jeux de grattage, de tirage et de pronostics sportifs, au nom et pour le compte de son mandant, et perçoit, à ce titre, une commission de 5 % sur la vente de chaque jeu.

Benjamin Y..., alors âgé de 22 ans, était un client de la SNC LE CHIQUITO qui jouait plusieurs fois par semaine pendant le 1er trimestre 2012 et jusqu'au mois de mai 2012 des montants allant de 10. 000 à 15. 000 euros, réglés par chèques de banque. Il a ensuite misé les sommes de 53. 000 euros et 16. 000 euros au moyen de chèques tirés sur d'autres comptes que les siens. Benjamin Y...s'est suicidé le 26 mai 2012.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 juillet 2012, LA FRANÇAISE DES JEUX a résilié le contrat qui la liait à Michel X..., motivant sa décision par sa conviction qu'il proposait à certains de ses joueurs de jouer à crédit et lui reprochant aussi d'avoir encouragé au jeu un joueur présentant des signes d'excès de jeu.

Par lettre du 17 juillet 2012, le conseil de Michel X...a vainement sollicité des explications de LA FRANÇAISE DES JEUX.

C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier du 8 octobre 2012 délivré à personne, Michel X...a fait assigner LA FRANÇAISE DES JEUX devant le tribunal de commerce de Nanterre, lui demandant :
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil,
Vu le contrat signé entre les parties le 1er février 2010,
Dire et juger que La Française des Jeux a violé ses obligations contractuelles en résiliant brutalement le contrat signé par M. X..., en sa qualité de gérant de la SNC Le Chiquito, de façon infondée et sans même respecter les formes contractuelles prévues pour la résiliation ;
La condamner à remettre en vigueur ce contrat sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
La condamner à verser à la SNC Le Chiquito, en réparation de son préjudice financier, la somme de 432. 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de son chiffre d'affaires pendant un an, sauf à parfaire ;
Condamner La Française des Jeux à verser à M. X..., en réparation de son préjudice moral, la somme de 50. 000 euros ;
Ordonner l'exécution provisoire ;
Condamner La Française des Jeux au paiement de la somme de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement entrepris du 12 novembre 2013 le tribunal de commerce de Nanterre a :
Dit que le contrat entre la Française des Jeux et M. X...avait été résilié à bon droit
Débouté M. X...de sa demande en indemnisation
Condamné M. X...à payer à la Française des Jeux la somme de 5. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonné l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie,
Condamné M. X...à supporter les dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 3 décembre 2013 par Michel X...et la SNC LE CHIQUITO ;

Vu les dernières écritures en date du 9 novembre 2015 par lesquelles Michel X...et la SNC LE CHIQUITO demandent à la cour de :

Déclarer Monsieur X...et la SNC LE CHIQUITO recevables et bien fondés dans leur appel et y faisant droit :
Infirmer le jugement rendu le 12 novembre 2013 par la 5ème Chambre du tribunal de commerce de Nanterre.
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil,
Vu le contrat signé entre les parties le 1er février 2010,
Dire et juger que LA FRANÇAISE DES JEUX a violé ses obligations contractuelles en résiliant brutalement le contrat signé par Monsieur X..., en sa qualité de gérant de la SNC Le Chiquito, de façon infondée et sans même respecter les formes contractuelles prévues pour la résiliation.
La condamner à remettre en vigueur ce contrat sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
La condamner à verser à la SNC Le Chiquito, en réparation de son préjudice financier, la somme de 432. 000 euros à titre de dommages et intérêts correspondant à la perte de son chiffre d'affaires pendant un an, sauf à parfaire.
Condamner LA FRANÇAISE DES JEUX à verser à Monsieur Michel X..., en réparation de son préjudice moral, la somme de 50. 000 euros.
Condamner LA FRANÇAISE DES JEUX au paiement de la somme de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont le montant sera recouvré par Maître Mélina PEDROLETTI, Avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Débouter La Française des Jeux de ses demandes reconventionnelles et particulièrement de ses prétentions en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières écritures en date du 9 octobre 2015 au terme desquelles la société LA FRANÇAISE DES JEUX demande à la cour de :

Vu les articles 1142 et 1147 du code civil,
Vu les articles L. 131-15, L. 561-2 et suivants du code monétaire et financier,
Vu la loi no2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne,
Vu le décret no78-1067 du 9 novembre 1978, modifié.
Vu le contrat conclu entre LA FRANÇAISE DES JEUX et Monsieur X...le 1er décembre 2001 et modifié le 1er février 2010,
Vu le jugement du tribunal de commerce de Nanterre du 12 novembre 2013,

DIRE ET JUGER que la résiliation du contrat d'agrément de Monsieur X...par LA FRANÇAISE DES JEUX était fondée sur des motifs légitimes,
DIRE ET JUGER que LA FRANÇAISE DES JEUX n'a commis aucune faute en résiliant le contrat d'agrément de Monsieur X...,
DIRE ET JUGER qu'il était impossible pour LA FRANÇAISE DES JEUX d'enquêter de manière plus approfondie sur les enjeux réalisés au sein du point de vente de Monsieur X...et d'identifier le comportement pathologique d'un joueur,
DIRE ET JUGER que les manquements commis par Monsieur X...étaient constitutifs d'irrégularités à la législation sur les jeux d'argent et portaient atteinte à l'image de LA FRANÇAISE DES JEUX
CONSTATER l'impossibilité de « remettre en vigueur » un contrat d'agrément résilié par LA FRANÇAISE DES JEUX,
DIRE ET JUGER que la SNC LE CHIQUITO ne démontre pas l'existence de son prétendu préjudice financier,
DIRE ET JUGER que Monsieur X...n'a subi aucun préjudice,
En conséquence,
DIRE ET JUGER que LA FRANÇAISE DES JEUX était bien fondée à résilier immédiatement le contrat d'agrément de Monsieur X..., sans préalablement le mettre en demeure,
CONFIRMER le jugement du 12 novembre 2013 dans l'ensemble de ses dispositions,
DÉBOUTER la SNC LE CHIQUITO et Monsieur X...de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause,
CONDAMNER solidairement la SNC LE CHIQUITO et Monsieur X...à verser à LA FRANÇAISE DES JEUX la somme de 10. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNER solidairement la SNC LE CHIQUITO et Monsieur X...aux entiers dépens de l'instance dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par l'AARPI JRF Avocats, représentée par Maître Emmanuel Jullien, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture contractuelle :

Il est constant que, le 1er décembre 2001, LA FRANÇAISE DES JEUX a signé avec Michel X..., agissant en SNC LE CHIQUITO, un contrat de mandat de détaillant, présentant explicitement un caractère intuitu personae, valant agrément du détaillant à promouvoir et commercialiser ceux des jeux qui lui sont confiés par LA FRANÇAISE DES JEUX et d'exploiter les moyens matériels de prise de jeux mis en place dans son établissement par la dite société, moyennent une commission de 5 % du prix de vente public des produits commercialisés.

Il n'est pas contesté qu'un nouveau contrat d'agrément a été conclu, le 1er février 2010, entre LA FRANÇAISE DES JEUX et Michel X..., se substituant, selon son article 1, au premier contrat, nouveau contrat qui stipule notamment, qu'au titre des obligations réglementaires, le détaillant doit ne pas inciter à une consommation excessive de jeux par les joueurs, notamment les plus fragiles, et appliquer les mesures de jeu responsable édictées par LA FRANÇAISE DES JEUX et, qu'à celui des obligations éthiques, il doit vendre des jeux uniquement aux personnes présentes physiquement dans son point de vente et ne pas accepter de paiement des mises à crédit.

LA FRANÇAISE DES JEUX expose avoir été alertée, par le courrier du 21 juin 2012 que lui a adressé Jean-Jacques Y..., du suicide de son fils, Benjamin Y..., à cause de pratiques illégales de paris sportifs.

Elle indique avoir mené des investigations auprès de son détaillant, Michel X..., auquel elle a signifié, par courrier du 10 juillet 2012, la résiliation, sans préavis, de tous ses agréments, dans les termes suivants : (...) nous avons acquis la conviction que vous proposiez à certains de vos joueurs d'effectuer des prises de jeux à crédit. Or, vous n'êtes pas sans savoir que (...) la prohibition de la vente de jeux à crédit ne souffre pas d'exception, ni d'aucune tolérance (...) plus encore, il nous est parvenu un document indiquant que vous aviez accepté un paiement par chèque d'un montant très élevé (supérieur à 15. 000 euros), et dont le titulaire ne correspondait pas au joueur qui se présentait devant vous (...). Il apparaît en outre que, face à un joueur présentant des signes d'excès de jeu, vous l'auriez encouragé à jouer en acceptant des moyens de paiement fortement déconseillés, voire des paiements à crédit (...).

Michel X...conteste les motifs de cette résiliation, qu'il estime avoir été brutale, insistant sur le fait que LA FRANÇAISE DES JEUX qui a constaté, entre le 1er janvier et le 28 avril 2012 une progression brutale et inhabituelle de son chiffre d'affaires, n'a procédé, pour seules investigations, qu'à un appel téléphonique, le 25 avril 2012, pour s'enquérir auprès de lui des moyens de paiement utilisés, à l'exclusion de toute autre information, et s'est déclarée satisfaite des propos rassurants qu'il aurait eu en indiquant que les paiements se faisaient par chèque de banque.

Il soutient que LA FRANÇAISE DES JEUX n'a réagi-et surréagi-qu'à l'annonce du décès de Benjamin Y...et au courrier de son père, Jean-Jacques Y...du 21 juin 2012, qui posait de bonnes questions :
1. Existe-t-il un plafond d'une mise jouée sur un même pari ?
2. Existe-t-il un montant maximum du gain potentiel ?
3. Est-il autorisé de jouer + de 100 fois le même pari ? (...)
6. Est-il normal d'encaisser tous les deux ou trois jours des chèques de banque de 25. 000 ¿, 15. 000 ¿ (...).

Pourtant, fait-il observer, que LA FRANÇAISE DES JEUX qui savait, à la suite de son appel téléphonique du 25 avril 2012, qu'un seul et même joueur était en cause, ne lui a accordé aucune attention particulière, ne cherchant pas à entrer en contact avec ce joueur, ni ne l'a convoqué lui-même, comme le contrat lui en fait obligation.

Michel X..., qui dit être buraliste et non psychiatre, médecin, policier ou assistante sociale, expose avoir, à plusieurs reprises, attiré l'attention de Benjamin Y...sur les risques qu'il prenait et ne pas avoir pu faire davantage. Il relève, à cet égard, que dans le courrier en réponse à Jean-Jacques Y...du 12 juillet 2012, LA FRANÇAISE DES JEUX elle-même indique, à propos des joueurs excessifs, la sensibilisation intervenue des détaillants à déceler de tels comportements, l'instruction qui leur est faite de ne pas les inciter à jouer davantage et la demande qui leur est adressée d'entrer en communication avec ces joueurs, mais que, pour autant, une intervention abrupte en phase aiguë de jeu est très complexe, voire, peut produire des effets inverses à ceux recherchés.

LA FRANÇAISE DES JEUX estime, quant à elle, n'avoir commis aucune faute, contrairement en ce qu'en a décidé le tribunal qui a jugé que, ayant relevé, la présence de prises de jeux très importantes et inhabituelles, il appartenait à la Française des Jeux, à raison des obligations que lui confère le législateur, d'enquêter de façon plus approfondie sur les causes de ces prises de jeux et ne pas se contenter d'affirmations rassurantes du détaillant ;
Que si elle s'était enquise de savoir si ces mises provenaient d'un ou de plusieurs joueurs, elle aurait sans doute été à même d'identifier un comportement addictif et pathologique ;
Que le tribunal dira qu'un comportement responsable, tant de M. X...que de la Française des Jeux aurait dû les conduire, au-delà de leurs intérêts immédiats, à s'interroger sur l'attitude d'un joueur manifestement porteuse de risques importants ;
Qu'en tout état de cause, même si la Française des Jeux a commis elle-même une faute, celle-ci ne vient pas atténuer celle commise par M. X....

Elle entend tout d'abord répondre à Michel X...qui déduit de l'existence d'un minimum contractuel de chiffre d'affaires, une obligation pesant sur les détaillants à inciter les consommateurs à jouer.

LA FRANÇAISE DES JEUX précise que la réalisation d'un chiffre d'affaires minimum est imposée uniquement pour les jeux de tirage et non pour les jeux de grattage ; qu'en effet, alors que la distribution de jeux de grattage ne nécessite pas la mise en place d'un matériel spécifique, les jeux de tirage et de pronostics sportifs, qui sont, quant à eux, informatisés, entraînent des coûts de fonctionnement que seul l'opérateur supporte, que ces coûts sont liés :
- à la mise à disposition pour chaque détaillant de terminaux de prises de jeux, ainsi que des éléments connectiques nécessaires à leur raccordement au dispositif de télécommunication, tel que l'abonnement ADSL,
- à l'emploi d'un architecte ou de tout autre intervenant aux fins de réaliser les préconisations nécessaires à l'installation des matériels et équipements nécessaires à l'exploitation des jeux en temps réel avant l'installation du point de vente ou lors d'un déplacement de ces matériels,
- au transport, à l'installation, ou la réinstallation de ces matériels, et enfin,
- à la maintenance et au dépannage des matériels installés.

Elle ajoute que les détaillants ont contractuellement accepté la prise en charge financière par elle de l'ensemble des coûts précités, en contrepartie de la réalisation d'un chiffre d'affaires minimum et que tel est le sens de l'article 5. 3 du contrat d'agrément qui stipule à cet égard que : La mise en place gratuite de matériels chez le détaillant commercialisant les Jeux de Grattage et/ ou les Jeux de Tirage et/ ou les Jeux Express et/ ou les Jeux de Pronostics Sportifs fait peser sur LA FRANÇAISE DES JEUX des coûts liés notamment à l'achat, l'installation et la maintenance de ces matériels, ainsi que les coûts de télécommunications que seule la réalisation d'un chiffre d'affaires minimum par semaine permet de couvrir ; étant précisé que, si toutefois LA FRANÇAISE DES JEUX juge le niveau de chiffres d'affaires du détaillant compatible avec un autre type d'agrément, LA FRANÇAISE DES JEUX pourra proposer au détaillant de signer un nouveau contrat correspondant à sa nouvelle configuration matérielle et au nouveau type d'agrément qui lui sont confiés.

Sur le grief qui lui est fait d'une absence d'enquête relative à la présence d'importantes prise de jeux au sein du point de vente de Michel X..., LA FRANÇAISE DES JEUX répond que dès lors que les comptes spécifiques ouverts par les détaillants sont suffisamment provisionnés pour permettre les prélèvements hebdomadaires, elle n'a aucune raison de s'immiscer dans leurs bilans financiers, s'agissant de commerçants indépendants, ce qui a été le cas pour Michel X..., qui ne lui a jamais signalé les éventuelles difficultés qu'il rencontrait avec Benjamin Y....

En revanche, elle admet qu'au-delà des impayés, son attention peut être attirée par l'accroissement soudain du chiffre d'affaires d'un détaillant, ce qui a été le cas en l'espèce et l'a ainsi amenée à s'enquérir de la situation auprès de Michel X..., le 25 avril 2012. Elle réfute l'obligation qu'elle avait d'effectuer une enquête plus approfondie, alors qu'elle était en lien contractuel avec ce détaillant depuis 2001, sans aucun incident et que l'intuitu personae sur lequel repose le contrat d'agrément, suppose une confiance, qu'elle n'avait, en l'état des informations qui lui étaient fournies, aucune raison de remettre en cause.

LA FRANÇAISE DES JEUX fait néanmoins valoir qu'elle n'a pas jugé utile d'enquêter davantage sur les causes de ces prises de jeux dans la mesure où Michel X...avait déjà enregistré des enjeux particulièrement importants par rapport aux mises habituellement effectuées. Ainsi, rapporte-t-elle qu'alors qu'au cours des deux derniers mois de l'année 2011, il avait enregistré des enjeux égaux en moyenne à 3. 900 euros, les trois dernières semaines du mois de janvier 2012 ont été marquées par une évolution importante de son chiffre d'affaires, les mises ayant atteint en moyenne une somme de 14. 000 euros ; ajoutant que le mois d'avril 2012 a été marqué par des rencontres sportives importantes et médiatisées ayant généré un fort chiffre d'affaires pour les pronostics sportifs ;

Qu'à titre d'exemples, le 3 avril 2012, le montant total des pronostics sportifs effectués lors des rencontres de football opposant les équipes Bayern Munich à Marseille et Barcelone à Milan AC s'est élevé à près de 2 millions d'euros ; de même, les matchs de Champions League opposant des équipes très connues telles que le Real Madrid, Barcelone, Chelsea ou encore le Bayern Munich ont généré des mises à hauteur de près de 6 millions d'euros entre le 17 et le 25 avril 2012 ;

Que compte tenu de l'attractivité qu'ont pu exercer ces rencontres sur les pronostics sportifs elle a légitimement pu estimer que l'augmentation du chiffre d'affaires réalisé par Michel X...était justifiée par une forte hausse des pronostics sportifs portant sur ces matchs, fortement médiatisés, et effectués par plusieurs joueurs et pouvait, dans ces conditions, légitimement se contenter d'affirmations rassurantes du détaillant.

LA FRANÇAISE DES JEUX met d'ailleurs en doute l'utilité d'une enquête sur place de quelques heures, qui n'aurait certainement pas permis de détecter l'addiction d'un joueur, dont Michel X...ne s'est pas ouvert à elle et qu'il n'a jamais tenté de freiner.

L'intimée fait par ailleurs état de l'impossibilité dans laquelle elle se trouvait d'identifier un comportement addictif ou pathologique, car les prises de jeu sont anonymes et elle nie avoir été informée par Michel X...qu'il s'agissait en l'occurrence d'un seul joueur, dont seul ce dernier pouvait détecter l'éventuelle addiction et certainement pas un courtier mandataire, qui est un commerçant indépendant et non l'un de ses salariés, chargé d'approvisionner en jeux les détaillants, en fonction de l'état de leurs stocks.

Force est de constater, sur ce point qu'eu égard aux sommes très importantes misées par le seul Benjamin Y...en un court laps de temps, ces mises étant en croissante augmentation, Michel X...n'a non seulement pas alerté les services de LA FRANÇAISE DES JEUX pour exposer la situation à laquelle il se trouvait confronté, mais que, contacté téléphoniquement par elle le 25 avril 2012, du fait de cet accroissement soudain du chiffre d'affaires, il a continué en mai 2012 à accéder aux demandes de ce client, y compris à l'aide de moyens de paiement qui pouvaient légitimement provoquer des interrogations de sa part, eu égard à leurs montants et au fait qu'il s'agissait de chèques non certifiés par les banques tirées, sur des comptes ouverts au nom d'autres personnes que le client.

Michel X...se trouve dès lors malvenu à critiquer la faiblesse des investigations effectuées par LA FRANÇAISE DES JEUX, qui a pu croire à une augmentation des mises dans un contexte d'actualité porteur, s'est rapprochée de lui sans posséder les éléments en sa seule connaissance et dont il ne rapporte pas la preuve qu'il les a oralement révélés lors de la conversation téléphonique du 25 avril 2012.

Le tribunal verra donc sa décision réformée en ce qu'il a retenu une faute commise par LA FRANÇAISE DES JEUX de ce chef.

Sur les griefs formulés par LA FRANÇAISE DES JEUX à l'encontre de Michel X..., celle-ci entend justifier la résiliation immédiate du contrat et le retrait de son agrément par :
- l'acceptation de prises de jeux à crédit,
- l'acceptation de chèques dont le titulaire ne correspondait pas au joueur,
- l'absence de mise en ¿ uvre de l'encadrement de la consommation des jeux.

En ce qui concerne l'acceptation du jeu à crédit, LA FRANÇAISE DES JEUX en rappelle l'interdiction légale prévue par l'article 30 de la loi no2010-476 du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

Elle expose que cet interdit figure aussi au contrat d'agrément de détaillant, qui stipule, en son article 5. 1. 2, que le détaillant doit ne pas accepter de paiement de mises à crédit.

Le tribunal a estimé que LA FRANÇAISE DES JEUX ne rapportait pas la preuve de ce que Michel X...avait accepté des paiements à crédit dans la mesure où elle n'avait produit aucun relevé de compte ou autre élément de cette nature.

LA FRANÇAISE DES JEUX entend démontrer qu'il n'en est rien, en rappelant liminairement que le jeu à crédit consiste pour un opérateur de jeux ou l'un de ses représentants à consentir un ou des prêts d'argent à des joueurs afin que ceux-ci effectuent des prises de jeux, c'est-à-dire soit en avançant des mises que le joueur remboursera ultérieurement, soit en acceptant un paiement important pour permettre au joueur d'effectuer des prises de jeux sur plusieurs jours ; que les prises de jeux doivent donc être réglées dans leur intégralité le jour où elles sont effectuées et qu'à défaut, elles caractérisent le jeu à crédit.

En l'occurrence, elle indique que Jean-Jacques Y...l'a informée, par courrier du 21 juin 2012, que Michel X...avait tenté d'encaisser deux chèques d'un montant de 16. 000 euros et 53. 000 euros, qui lui avaient été remis par Benjamin Y..., alors que ce dernier n'était pas titulaire des comptes sur lesquels ces chèques avaient été tirés et dont il lui a adressé une copie.

Elle dit avoir, dès la réception de ce courrier, reconstitué l'historique des enjeux réalisés au sein du bar-tabac géré par Michel X..., afin d'établir si ces chèques correspondaient à des prises de jeux effectivement réalisées les jours de leur émission, à savoir les 3 avril et 22 mai 2012 et constaté que les montants de ces deux chèques ne correspondaient nullement aux prises de jeux effectués ces jours-ci.

LA FRANÇAISE DES JEUX expose ainsi, que Benjamin Y...a remis, le 3 avril 2012, un chèque d'un montant de 16. 000 euros au bénéfice de la SNC LE CHIQUITO, alors que les enjeux réalisés ce même jour au sein de cet établissement ne se sont élevés qu'à la somme de 9. 873 euros, selon tableau versé aux débats ; que, de même, Benjamin Y...a remis, le 22 mai 2012, un chèque d'un montant de 53. 000 euros à la SNC LE CHIQUITO, alors que d'une part, les enjeux réalisés ce même jour au sein de cet établissement ne se sont élevés qu'à la somme de 16. 027 euros et que, d'autre part, durant la semaine du 21 au 27 mai 2012, le total des mises effectuées au bar-tabac de Michel X...s'est élevé à un montant de 31. 629 euros.

La cour ne peut que constater, Michel X...n'ayant jamais soutenu que ces chèques avaient été acceptés en règlement d'autres prestations que les jeux de LA FRANÇAISE DES JEUX, que ces deux chèques ne correspondaient pas à des prises de jeux effectivement réalisées par Benjamin Y...les jours où ils ont été émis et que la preuve du jeu à crédit, par avance de fonds du client sur les mises réellement effectuées ou remboursement de mises effectuées antérieurement sans paiement immédiat, est ainsi rapportée, car, comme le fait observer justement LA FRANÇAISE DES JEUX, si Michel X...n'avait pas accepté de paiement de prises de jeux à crédit, le montant des chèques ou espèces qui lui auraient remis chaque jour aurait concordé avec le montant des mises réalisées à ces dates.

Le jugement qui a écarté ce grief de jeu à crédit sera donc réformé sur ce point.

S'agissant de l'acceptation de chèques dont le titulaire ne correspondait pas au joueur, LA FRANÇAISE DES JEUX rappelle que l'acceptation par un commerçant détaillant de chèques dont le titulaire ne correspond pas à la personne qui se présente devant lui, peut constituer une faute tant au regard des procédures de paiement par chèques, que des dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment d'argent ;

Qu'ainsi, l'article L. 131-15 du code monétaire et financier dispose que : Toute personne qui remet un chèque en paiement doit justifier de son identité au moyen d'un document officiel portant sa photographie et que l'article 5. 1. 1 du contrat d'agrément stipule que le détaillant doit signaler à LA FRANÇAISE DES JEUX ou à son courtier-mandataire, toute fraude ou tentative de fraude ou de blanchiment d'argent dont il serait le témoin ou dont il aurait connaissance.

LA FRANÇAISE DES JEUX expose qu'elle ne peut matériellement adresser un courrier individuel à chacun de ses 35. 500 détaillants pour leur rappeler la réglementation applicable, car ces détaillants sont des commerçants indépendants qui sont donc censés connaître et appliquer les dispositions réglementaires et législatives auxquelles ils sont soumis ; qu'en revanche, elle distribue à l'ensemble de son réseau, dont Michel X...faisait partie, le magazine précité, PROFESSION JEUX, dans lequel elle a attiré à plusieurs reprises l'attention de ses mandataires sur les risques liés aux différents moyens de paiement, dont les chèques, et que ce dernier, qui ne conteste pas la réception de ce magazine, ne pouvait donc ignorer ni la dangerosité, ni l'illicéité d'une telle pratique.

Elle produit un reportage effectué pour l'émission Sept à Huit, diffusé sur la chaîne TF1 le 30 décembre 2012, dans lequel il est déclaré par une personne de sexe féminin, prénommée Nathalie, pouvant être l'épouse de Michel X...et en présence de celui-ci, que Benjamin Y...aurait affirmé que le chèque de 53. 000 euros était le chèque d'un collègue, parce qu'on joue à plusieurs et là c'est lui qui me donne le chèque ou encore avoir pris le chèque avec beaucoup de réticence bien sûr parce que bon c'est quand même énorme quoi ! (...) même si ça peut paraître gros, on lui fait confiance, parce que les fois d'avant, aucun souci quoi, c'est toujours la même histoire.

Elle fait justement observer que cette dernière circonstance était cependant de nature à permettre à Michel X...de refuser ce moyen de paiement et, plus généralement, les prises de jeux émanant du joueur dans la mesure où son contrat lui imposait expressément de vendre des jeux uniquement aux personnes présentes physiquement dans son point de vente, ce qu'il s'est abstenu de faire.

LA FRANÇAISE DES JEUX rappelle que l'article L. 163-3 du code monétaire et financier dispose ainsi que : Est puni d'un emprisonnement de sept ans et d'une amende de 750 000 euros le fait pour toute personne : (...)

3. D'accepter, en connaissance de cause, de recevoir un paiement au moyen d'un chèque ou d'un autre instrument mentionné à l'article L. 133-4 contrefaisant ou falsifié.
et que l'article 321-1 du code pénal prévoit que : Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit.
Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou d'un délit.
Le recel est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende.

Elle indique que, s'agissant des deux chèques litigieux de 16. 000 et 53. 000 euros, Michel X...a été poursuivi sur le fondement de ces deux infractions, reconnu coupable et condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis par jugement correctionnel du tribunal de grande instance de Beauvais du 14 janvier 2014, Michel X...s'étant désisté de l'appel qu'il avait formé devant la cour d'appel d'Amiens, selon arrêt rendu le 15 juillet 2015.

Elle soutient à bon doit que ce comportement est à classer sous la rubrique irrégularité, fraude, tentative de fraude ou atteinte à l'image de LA FRANÇAISE DES JEUX, ouvrant droit, par application de l'article 7. 1. 2 du contrat, à résiliation immédiate du contrat, entraînant le retrait de l'agrément et la révocation du mandat, signifiée par lettre recommandée avec avis de réception, le jugement devant être réformé en ce sens.

Enfin, sur l'absence de mise en ¿ uvre de l'encadrement de la consommation des jeux LA FRANÇAISE DES JEUX fait état de la législation en la matière en vue de protéger les joueurs les plus fragiles, en se référant notamment à l'article 1er du décret no85-390 du 1er avril 1985, modifié, qui dispose que : (...) il peut être proposé au public une offre de jeux de pronostics sportifs qui doit respecter les objectifs suivants : (...)
- encadrer la consommation des jeux afin de prévenir le développement des phénomènes de dépendance.
ou l'article 3 de la loi no2010-476 du 12 mai 2010 selon lequel : I. La politique de l'Etat en matière de jeux d'argent et de hasard a pour objectif de limiter et d'encadrer l'offre et la consommation des jeux et d'en contrôler l'exploitation afin de :
1o Prévenir le jeu excessif ou pathologique et protéger les mineurs ; (...)

LA FRANÇAISE DES JEUX affirme que Michel X...a, au même titre que l'ensemble des détaillants formant le réseau de LA FRANÇAISE DES JEUX, reçu les supports matériels de son mandant visant à l'informer du contenu de sa politique de Jeu Responsable (Charte Ethique, magazine Profession Jeux, etc.) et justifie de ce qu'il a également bénéficié d'une formation spécifique au Jeu Responsable qui lui a été dispensée le 29 novembre 2007 et à l'issue de laquelle il a apposé sa signature sur la feuille d'émargement mise aux débats.

Elle soutient à bon droit que Michel X...ne peut donc pas raisonnablement persister à soutenir qu'il n'aurait jamais participé à la moindre formation relative au Jeu Responsable.

Plus encore, fait-elle observer que, le 14 avril 2009, Michel X...a rempli un Questionnaire Jeu Responsable, qu'elle produit, suite à une formation e-learning relative au Jeu Responsable à laquelle il avait participé, ce qu'il ne conteste pas vraiment.

Or, LA FRANÇAISE DES JEUX constate qu'en l'espèce Michel X...a manifestement méconnu ses obligations dans la mesure où il n'a pas détecté le type de joueur qu'était Benjamin Y..., à savoir un joueur excessif, et l'a encouragé à effectuer des prises de jeux au moyen de modes de paiements non autorisés, ou à tout le moins, ne l'a jamais mis en garde contre les dangers d'un excès de jeu, notamment par le biais de la remise du questionnaire : Quel joueur êtes-vous ?

A cet égard, la cour estime que le tribunal de commerce de Nanterre a bien jugé que, en ne signalant pas spontanément à LA FRANÇAISE DES JEUX une situation potentiellement dangereuse qu'il ne pouvait ignorer compte tenu des montants, Monsieur X...a manqué à son obligation de vigilance minimale, s'agissant de jeux d'argent commis par un joueur jeune et faisant manifestement l'objet d'une addiction ou encore que, s'agissant de l'absence de mise en ¿ uvre de l'encadrement de la consommation des jeux, le tribunal dira que la faute commise par Monsieur X...qui n'a pas spontanément informé LA FRANÇAISE DES JEUX de la situation avant la déconnexion de son terminal, n'a pas fidèlement relaté la situation ni fait état du risque à LA FRANÇAISE DES JEUX avant leur entretien du 25 avril 2012 et a continué à accepter des chèques dont un le 22 mai d'un montant exorbitant du même joueur, a commis une grave irrégularité telle que visée à l'article 7. 1. 2.

En effet, les très nombreuses attestations que Michel X...met aux débats, indiquant qu'il n'a jamais incité leurs rédacteurs à jouer, encore moins à crédit, ne peuvent utilement venir contrer la matérialité des faits en ce qui concerne son attitude vis à vis de Benjamin Y...pour laquelle il ne rapporte nulle preuve des avertissements qu'il a pu lui dispenser, compte tenu de son profil.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que Michel X...s'est rendu coupable de plusieurs fautes : jeu à crédit par acceptation de paiement sans aucune mesure avec les mises effectivement réalisées le jour de la remise des moyens de paiement, acceptation de paris de personnes non physiquement présentes dans son point de vente ou bien non justification de l'application des mesures de jeu responsable édictées par LA FRANÇAISE DES JEUX qui relèvent de la catégorie irrégularité, fraude, tentative de fraude ou atteinte à l'image de LA FRANÇAISE DES JEUX, ouvrant droit, par application de l'article 7. 1. 2 du contrat, à résiliation immédiate du contrat, qui, dès lors, n'a pas été rompu brutalement sans la mise en demeure prévue à ce même article pour de simples manquements par le détaillant aux dispositions en vigueur.

Par substitution partielle de ses motifs, le jugement entrepris sera ainsi confirmé en son entier.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable d'allouer à LA FRANÇAISE DES JEUX une indemnité de procédure de 3. 000 euros à laquelle Michel X...et la SNC LE CHIQUITO seront condamnés in solidum. Ces derniers, qui succombent, seront, en revanche, déboutés de leur demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 12 novembre 2013 en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant,

REJETTE toutes autres demandes,

CONDAMNE in solidum Michel X...et la société en nom collectif LE CHIQUITO à payer à la société anonyme LA FRANÇAISE DES JEUX la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum Michel X...et la société en nom collectif LE CHIQUITO aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 13/08893
Date de la décision : 09/02/2016
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Analyses

12ème chambre, 9 février 2016, RG n° 13/08893 CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Résiliation. - Violation des clauses contractuelles. Le contrat d'agrément passé avec LA FRANCAISE DES JEUX octroyant la possibilité de vendre à la fois les jeux de grattage, de tirage et de pronostics sportifs, fait interdiction au cocontractant d'accepter les mises de jeux faites à crédit, ou faites par des personnes non présentes dans son point de vente et lui fait obligation d'appliquer les mesures de jeu responsable édictées par LA FRANÇAISE DES JEUX. La violation, avérée en l'espèce, de ces obligation ouvre droit, par application de l'article 7.1.2 du contrat, à résiliation immédiate du contrat, qui, dès lors, n'a pas été rompu brutalement sans la mise en demeure prévue à ce même article pour de simples manquements par le détaillant aux dispositions en vigueur. En conséquence la cour confirme le jugement qui a rejeté la demande du cocontractant en paiement de dommages et intérêts pour résiliation du contrat en violation des articles 1134 et 1147 du code civil.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2016-02-09;13.08893 ?
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