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04/02/2016 | FRANCE | N°14/05296

France | France, Cour d'appel de Versailles, 19e chambre, 04 février 2016, 14/05296


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES













19ème chambre



ARRET N° 84/2016



contradictoire



DU 04 FÉVRIER 2016



R.G. N° 14/05296



AFFAIRE :



MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE





C/

[I] [F]









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 10 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

Section : Encadrement

N° RG : 14/0008

2





Copies exécutoires délivrées à :



la SCP LECAT ET ASSOCIES

Me Fabrice MARAUX





Copies certifiées conformes délivrées à :



MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE



[I] [F]







le : 10/02/2016

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU P...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

19ème chambre

ARRET N° 84/2016

contradictoire

DU 04 FÉVRIER 2016

R.G. N° 14/05296

AFFAIRE :

MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE

C/

[I] [F]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 10 Novembre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de RAMBOUILLET

Section : Encadrement

N° RG : 14/00082

Copies exécutoires délivrées à :

la SCP LECAT ET ASSOCIES

Me Fabrice MARAUX

Copies certifiées conformes délivrées à :

MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE

[I] [F]

le : 10/02/2016

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE FÉVRIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Nathalie FONVIEILLE de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0027 substituée par Me Annabelle LIAUTARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0027

APPELANTE

****************

Madame [I] [F]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

comparante en personne, assistée de Me Fabrice MARAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0436 substitué par Me Agnès MARAUX BENOIT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0041

INTIMÉE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 08 Décembre 2015, en audience publique, devant la cour composé(e) de :

Madame Aude RACHOU, Président,

Madame Marie-Christine HERVIER, Conseiller,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Monsieur Mohamed EL GOUZI

EXPOSÉ DU LITIGE :

Madame [I] [F] a été embauchée le 2 juillet 2012 par la Mutuelle Générale de l'Education Nationale (MGEN) en qualité de chef d'équipe position cadre C1, selon contrat à durée indéterminée moyennant une rémunération mensuelle qui était en dernier lieu de 2.600,73€ brut.

La convention collective applicable est celle de la mutualité.

La MGEN emploie au moins onze salariés.

La MGEN a convoqué sa salariée par lettre recommandée avec accusé de réception à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement avec mise à pied conservatoire prévu le 20 décembre 2013 et reporté au 10 janvier 2014.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 17 janvier 2014, la MGEN a notifié à madame [F] son licenciement pour faute.

Le 4 février 2014, elle saisissait le conseil des prud'hommes de Rambouillet (section encadrement) qui par jugement du 10 novembre 2014, revêtu de l'exécution provisoire, a :

requalifié le licenciement de madame [F] en licenciement abusif

condamné la MGEN à lui payer :

* 3.246,88 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire

* 324,68 € au titre des congés payés y afférent

* 7.802,34 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis

* 780,23 € au titre des congés payés y afférent

* 2.383 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

* 7.800 € à titre d'indemnité pour licenciement abusif

* 2.600 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

* 750 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- dit que les sommes allouées seront assorties de l'intérêt au taux légal à compter du prononcé de la décision

- débouté les parties du surplus de leurs demandes

La MGEN a régulièrement interjeté appel de cette décision le 9 décembre 2014.

Aux termes de ses conclusions du 8 décembre 2015 soutenues oralement à l'audience, la MGEN demande à la cour l'infirmation de la décision et le débouté de madame [F].

Aux termes de ses conclusions du 8 décembre 2015 soutenues oralement à l'audience, madame [F] demande à la cour la confirmation de la décision, sauf à fixer le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 23.400 € et pour licenciement vexatoire à la somme de 10.400 €.

Vu les conclusions déposées et soutenues oralement à l'audience du 8 décembre 2015 ;

Vu la lettre de licenciement ;

Sur ce :

Considérant que la lettre de licenciement fixe les limites du litige ;

Considérant qu'il est reproché à madame [I] [F] de :

- avoir adopté un comportement particulièrement irrespectueux à l'égard de plusieurs salariés de l'équipe qu'elle encadrait, se traduisant notamment par des propos insultants, dévalorisants parfois menaçant.

- avoir très régulièrement sur son lieu de travail de violents accès de colère ;

Considérant que l'employeur poursuit en disant que ces agissements ont eu pour effet une forte dégradation des conditions de travail des salariés de l'équipe qu'elle encadrait, générant un climat d'insécurité et un trouble manifeste au niveau du collectif de travail amenant plusieurs salariés à faire part d'un important risque psycho social les concernant ;

Considérant que le licenciement intervenu est un licenciement pour faute grave, l'employeur signifiant à sa salariée que la mesure prend effet dès présentation du courrier sans indemnité de préavis ni de licenciement ;

Considérant que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; que la charge de la preuve incombe à l'employeur qui l'invoque et que le doute doit profiter au salarié ;

Considérant que la salariée soulève la prescription des griefs évoqués par monsieur [X], technicien liquidation et membre du CHSCT ;

qu'en toute hypothèse, son attestation datée du 20 novembre 2013 devra être rejetée des débats, la MGEN ayant produit une attestation de ce salarié datée du 17 janvier 2014, postérieure à l'entretien préalable, ce qui établit que l'attestation initiale a été modifiée entre temps ;

Considérant que la MGEN soutient ne pas avoir eu connaissance des faits reprochés à sa salariée avant d'en être informée par madame [Q] le 4 novembre 2013, à l'exception d'un incident en juin 2013 qui l'avait conduite à mettre en garde madame [F] lors de son 'entretien intermédiaire de progrès' ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; que toutefois ce texte ne s'oppose pas à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement fautif du salarié s'est poursuivi dans ce délai ;

Considérant que monsieur [X] relate l'attitude de madame [F] à son encontre dans une première attestation datée du 20 novembre 2013 puis dans une seconde datée du 17 janvier 2014 ;

qu'il résulte des pièces versées aux débats que la MGEN a eu connaissance de ces faits à la suite de la demande d'entretien faite par d'autres salariées en novembre 2013 ;

que monsieur [S] [I], responsable du centre de gestion, atteste le 16 janvier 2014 que

« Le 4 novembre 2013, j'ai reçu madame [Y] [Q], gestionnaire Prestations et Service de l'Unité Liquidation Automatique, à sa demande expresse.
Madame [Q] m'a informé qu'elle même et d'autres collègues étaient en souffrance face aux comportements de leur responsable d'équipe Mme [I] [F]. Je l'ai rassuré et demandé de noter par écrit ses propos. Je l'ai fortement conseillé d'échanger avec ses collègues afin qu'ils puissent également me rencontrer . Par ailleurs, j'ai alerté le jour même Mme [Q] [O], délégué du personnel, de la situation . « ;

Qu'elle est donc bien fondée à invoquer l'attitude dénoncée dans l'attestation de monsieur [X] ;

que par ailleurs, il n'y a pas lieu d'écarter l'attestation du 20 novembre 2013 des débats appartenant à la juridiction d'en apprécier la force probante dans l'hypothèse où des modifications ont été faites entre deux attestations du même témoin ;

Considérant que l'employeur produit des attestations au soutien des griefs reprochés ;

Considérant que monsieur [X] dans deux attestations largement similaires indique qu'à la suite de plusieurs réunions où madame [S] avait fait preuve d'agressivité à son égard et l'a publiquement recadré, elle l'a progressivement mis à l'écart ;

qu'elle lui a rappelé ces incidents lors de réunions d'équipe postérieures en lui disant qu'elle avait énormément pris sur elle ;

que début novembre, elle l'a renvoyé à son poste en lui disant « vous n'avez pas de boulot ' « dès qu'il parle moins d'une minute avec un collègue ;

qu'il conclut son attestation datée du 17 janvier 2014 en ces termes 'Bref le climat de l'unité semble « bi polaire « et totalement dépendant de l'humeur de [I]. Elle peut être extrêmement calme et plaisante, proche de l'unité, et tout le contraire le lendemain' ;

que celle du 20 novembre 2013 se conclut de manière similaire ;

que madame [Q], à l'origine de la dénonciation des faits à l'employeur, dénonce également son agressivité ;

qu'elle rapporte les faits suivants dans son attestation du 2 décembre 2003 :

' J'ai également assisté également le 31 octobre 2013 à un comportement de médisance envers [G] contrat d'avenir service Liquidation Automatique. C'est encore notre responsable [I] [F] qui est à l'origine de cette émeute. Cette dernière demande à [G], je cite « n'oubli pas de remplir ton nouveau suivi d'activité. « [G] lui répond « non ne t'inquiète pas je n'ai pas oublié. « Inopinément, [I] [F] est passée derrière [G] en disant « c'était juste une question. « .

Puis deux minutes plus tard, elle est revenue de son bureau énervée comme d'habitude et s'est mise à hurler « comment une pisseuse de quinze ans peut me parler comme ça. « Elle s'écria aussi en disant « celle qui est à ma droite croit que je n'ai pas vu qu'elle me regarde du coin de l'oeil « . Je précise que celle qui est à sa droite , c'est moi ([Y] [Q]). Je me sens harceler, déstabiliser et contrarier face à cette situation car je ne sais plus comment me comporter. « ;

qu'elle donne également d'autres exemples de ce comportement et du langage employé comme le 30 octobre 2013 « J'en ai rien à foutre c'est pour vous que je dis cela « ;

qu'elle conclut :

« C'est une personne impulsive qui pète les plombs inopinément. De plus il est impossible de discuter avec elle sur des sujets en rapports avec le travail car elle veut être technicienne et manageur en même temps. Est ce normal ' J'ajoute que c'est une personne lunatique avec un dédoublement de la personnalité. Pour quelle raison j'affirme cela : c'est- à -dire qu'un jour elle va rigoler avec l'équipe et le lendemain venir très énerver avec un visage fermé. En effet, cela a un impact au sein du service car on est obligé de s'adapter à son humeur. Elle sème la terreur dans le service parce qu'il lui arrive souvent de nous convoquer et de lâcher ses nerfs sur nous. De plus, elle a tendance à nous infantiliser et à nous humilier En plus elle veut toujours avoir raison car elle n'accepte pas qu'on aille à l'encontre de ce qu'elle propose. ' ' ;

Considérant que madame [O] [L] relate des faits similaires dans son attestation du 25 novembre 2013 visant notamment le déroulement de son entretien annuel en date du même jour ;

Considérant enfin que madame [Q] [H] écrit quant à elle le 17 janvier 2014 que :

' le 15 novembre 2013, j'ai été sollicitée en tant que secouriste travail suite à la chute d'une collègue du service liquidation automatique. Celle ci est tombée devant les portes du service et l'une est condamnée. Après avoir aidé cette collègue à regagner sa place, j'ai vu que Mme [D] était très énervée à cause de la porte bloquée. Elle a dit, je cite « Y'en a qui sont payés 3000 € pour faire ça, c'est un vrai con ce gars . » Ces propos étaient directement destinés à Mr [M] [X], responsable des services généraux.' ;

qu'il résulte de ces éléments que la salariée a eu un comportement incompatible avec ses fonctions et entraînant un risque psycho social avéré ;

que les témoignages produits par la salariée aux termes desquels elle avait un comportement agréable et professionnel sont insuffisants à combattre cette appréciation d'autant que les témoins soulignent combien son comportement était ambivalent et changeant ;

que par ailleurs, le fait que l'atmosphère au sein de l'entreprise était mauvaise et le climat délétère entraînant un nombre important de départ/ou de ruptures de contrat ne justifie pas davantage l'attitude de la salariée et ses écarts de langage inacceptables de la part d'un personnel d'encadrement ;

qu'enfin, madame [F] soutient, ce fait n'étant pas par ailleurs établi, que le responsable du centre monsieur [S] [I] a été muté et rétrogradé sans pour autant alléguer que son attestation serait inexacte, voire fausse ;

qu'en conséquence, la décision déférée sera infirmée, la MGEN rapportant la preuve des griefs allégués à l'encontre de madame [F], peu important dans ces conditions qu'il n'y ait pas eu d'enquête diligentée a priori et la salariée ayant pu s'expliquer lors de l'entretien préalable et répliquer ainsi que le démontre le courrier adressé par ses soins le 16 janvier 2014, ces faits étant incompatibles avec sa fonction et justifiant la rupture immédiate du contrat de travail, la poursuite de celui ci étant de nature à mettre en péril la santé des salariés qu'elle encadrait ;

Par Ces Motifs

La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire

Infirme la décision déférée

Et statuant à nouveau

Déboute madame [I] [F] de ses demandes

La condamne aux dépens de première instance et d'appel

- prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par madame Aude RACHOU, Président et par monsieur Mohamed EL GOUZI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 19e chambre
Numéro d'arrêt : 14/05296
Date de la décision : 04/02/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 19, arrêt n°14/05296 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-04;14.05296 ?
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