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04/02/2016 | FRANCE | N°14/00514

France | France, Cour d'appel de Versailles, 3e chambre, 04 février 2016, 14/00514


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 62B



3e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 04 FEVRIER 2016



R.G. N° 14/00514





AFFAIRE :





SAS PANZANI



C/



[Y] [J]

...







Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Décembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 8

N° RG : 12/00530





Expéditions exécutoires
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Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Gilles BRACKA





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE QUATRE FEVRIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 62B

3e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 04 FEVRIER 2016

R.G. N° 14/00514

AFFAIRE :

SAS PANZANI

C/

[Y] [J]

...

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Décembre 2013 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE

N° Chambre : 8

N° RG : 12/00530

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES

Me Gilles BRACKA

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE QUATRE FEVRIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS PANZANI

RCS 961 503 422

dont le siège social est [Adresse 3]

et dont un établissement est [Adresse 1]

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1452735

Représentant : Me Gaël BOUSQUET du Cabinet Joseph AGUERA et Associés, Plaidant, avocat au barreau de LYON - toque n° 8

APPELANTE

****************

1/ Monsieur [Y] [J]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 3]

[Adresse 4]

[Localité 1]

2/ Madame [B] [J]

née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 2]

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentant : Me Gilles BRACKA de la SCP BRACKA & ASSOCIES AARPI, Postulant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire 426

Représentant : Me Sarah DE HANTSETTERS, Plaidant, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE substituant Me Gilles BRACKA, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 426

INTIMES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Décembre 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Françoise BAZET, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Véronique BOISSELET, Président,

Madame Françoise BAZET, Conseiller,

Madame Caroline DERNIAUX, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Julie-Valérie FAURE

FAITS ET PROCEDURE

Par jugement du 19 décembre 2013, le tribunal de grande instance de Nanterre a :

- jugé que la société Panzani est responsable du trouble anormal de voisinage subi par les époux [J] et résultant de l'exploitation de son usine située [Adresse 2],

- condamné la société Panzani à payer aux époux [J] la somme de 500 euros par mois au titre de leur préjudice de jouissance subi entre juillet 2010 et novembre 2013 outre celle de 5 000 euros en réparation de leur préjudice moral,

- donné injonction à la société Panzani de mandater à ses frais un prestataire choisi d'un commun accord avec les époux [J] qui sera chargé de rechercher les mesures permettant de faire cesser le trouble anormal de voisinage,

- dit que ce prestataire devra être mandaté dans un délai de 2 mois et que, passé ce délai, il sera mis à la charge de la société Panzani une astreinte de 1 000 euros par jour de retard,

- sursis à statuer sur la demande d'injonction au titre de la réalisation des mesures curatives,

- condamné la société Panzani à payer aux époux [J] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision pour ce qui concerne les condamnations à des dommages-intérêts et au remboursement des frais irrépétibles,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 13 mars 2014 pour faire un point de la procédure notamment sur le choix du prestataire et pour retrait du rôle sauf opposition motivée des parties.

La société Panzani a interjeté appel de ce jugement le 20 janvier 2014.

Par une ordonnance du 13 avril 2015, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande formée par la société Panzani tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du jugement définitif, un prestataire ayant été désigné par les parties.

Dans ses conclusions signifiées le 18 novembre 2015 la société Panzani demande à la cour de :

- A titre principal,

- juger que le rapport de l'expert ne saurait valoir preuve en considération des nombreux vices et imprécisions qui l'affectent,

- En conséquence,

- juger que les époux [J] ne rapportent pas la preuve d'un trouble anormal de voisinage,

- A titre subsidiaire,

- juger que l'existence d'un trouble anormal de voisinage ne peut pas se déduire de la seule violation d'une règle légale ou réglementaire,

- juger qu'en application des dispositions de l'article L112-16 du code de la construction et de l'habitation, les époux [J] ne sont pas fondés à demander réparation des dommages antérieurs à l'arrêté préfectoral du 7 février 2013,

- juger qu'il n'existe aucun trouble anormal de voisinage,

- En tout état de cause,

- réformer le jugement en toutes ses dispositions,

- Statuant à nouveau,

- débouter les époux [J] de l'ensemble de leurs fins, moyens et prétentions,

- condamner les époux [J] in solidum à lui payer une somme de 15 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner les mêmes aux dépens, incluant les frais de l'expertise judiciaire, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans leurs conclusions signifiées le 17 novembre 2015 les époux [J] demandent à la cour de :

- débouter la société Panzani de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé la société Panzani responsable du trouble anormal de voisinage subi par eux et résultant de l'exploitation de son usine située [Adresse 2], en ce qu'il a constaté qu'ils subissaient un préjudice de jouissance et un préjudice moral, en ce qu'il a condamné la société Panzani à leur verser la somme de 500 euros par mois au titre de leur préjudice de jouissance entre le mois de juillet 2010 et le mois de novembre 2013 soit la somme de 20 500 euros,

- infirmer le jugement pour le surplus,

- Statuant à nouveau,

- condamner la société Panzani à leur verser la somme de 1 000 euros par mois au titre de leur préjudice de jouissance pour la période de janvier 2005 à novembre 2013, soit la somme de 107 000 euros,

- condamner la société Panzani à leur verser la somme de 1 000 euros par mois à compter de décembre 2013 et ce jusqu'à la fin de la réalisation des travaux fixée au 31 décembre 2017, soit la somme provisionnelle de 49 000 euros,

- condamner la société Panzani à leur payer les sommes suivantes :

* 25 000 euros au titre du préjudice moral,

* 10 742,96 euros en remboursement des frais d'expertise,

* 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

ainsi qu'aux dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 novembre 2015.

SUR QUOI, LA COUR

Il est de principe que nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage. Il s'agit d'une responsabilité objective qui ne nécessite pas la preuve d'une faute. Le caractère anormal des troubles du voisinage allégués s'apprécie concrètement et doit prendre en considération l'environnement existant.

Le seul respect des normes réglementaires fixées par l'autorité administrative pour la poursuite de l'exploitation d'une installation classée pour la protection de l'environnement -ce qui est le cas en l'espèce- ne permet pas de conclure à l'absence de caractère anormal du trouble allégué.

Les époux [J] ont acquis le bien qu'ils occupent en 2004, la construction de ce bien datant de 1928 et la société Panzani y est installée depuis 1948. Leur maison est située [Adresse 5], au bord d'un bras de Seine, l'usine étant implantée sur l'autre rive, ainsi que d'autres établissements industriels, sur la commune de [Localité 4].

A la différence des autres établissements industriels, l'usine Panzani fonctionne 24h sur 24h, 7 jours sur 7 et ne s'arrête que deux jours par an, les 1er janvier et 1er mai.

Les époux [J] se sont plaints en 2009 des bruits générés par l'usine auprès de la direction de la société Panzani, affirmant que ceux-ci s'étaient aggravés. A la demande des époux [J], le juge des référés du tribunal d'instance de Puteaux a ordonné une expertise confiée à [G] [N], expert en acoustique, qui a déposé son rapport le 13 octobre 2011.

L'expert relève tout d'abord que les lignes de production ont été modifiées au sein de l'usine en 2005 par la création de deux lignes nouvelles qui assurent 50 % de la production du site, soit autant que les six lignes qui existaient jusqu'alors. Les conditions d'exploitation du site et les nuisances sonores générées ont été modifiées entre 2005 et 2008, l'expert relevant la montée en puissance de la production, donc postérieurement à l'acquisition du bien par les époux [J], auxquels ne peuvent en conséquence être valablement opposées l'antériorité de l'occupation par la société Panzani et les dispositions de l'article L112-16 du code de la construction et de l'habitation.

L'expert a conclu que 'au bénéfice de l'arrêt de l'usine le 1er mai 2011, le lien entre le niveau sonore constaté chez les époux [J] et le fonctionnement de l'usine est établi. L'émergence nocturne est supérieure à 8dBA', ce qui excède largement la valeur communément admise de 3dBA, l'expert soulignant que cette émergence excède amplement le seuil à partir duquel 'l'élévation du bruit ambiant est incontestablement sensible et entraîne une gêne'. L'expert a mis en évidence une valeur de bruit résiduel inférieure à 38dBA. Il a par ailleurs noté, à partir de la façade avant de la propriété des époux [J], des bruits de coups frappés sur une surface métallique, qui pourraient correspondre au déversement d'objets dans les bennes stationnées côté Seine. L'émergence instantanée de ces bruits de coup est comprise entre 5 et 10 dBA et contribue à la gêne ressentie par les époux [J], qui s'en sont d'ailleurs plaints à plusieurs reprises.

La société Panzani reproche à l'expert de ne pas s'être référé à la norme NF S 31-010, soulignant que tout comme les époux [J] -qui s'en abstiennent désormais- elle en avait fait la demande au cours des opérations d'expertise.

Il sera rappelé que la mission judiciairement dévolue à M. [N], qui présidait alors le collège national des experts judiciaires en acoustique, consistait à 'constater, décrire et rechercher l'origine des nuisances alléguées et effectuer une étude acoustique dans les règles de l'art, de jour comme de nuit, en se rendant au domicile des époux [J] et dans l'usine Panzani'.

Il ne lui était nullement fait obligation de conduire ses opérations à partir de la norme précitée, étant observé que les éléments qui la constituent sont parfois d'un usage délicat dans le cadre d'une expertise. L'expert s'explique de façon circonstanciée sur sa méthodologie, soulignant à raison d'une part que le recours à la norme NF S 31-010 ne s'impose que lorsqu'il s'agit de rechercher si les obligations réglementaires ont été respectées, ce qui n'était pas sa mission, et d'autre part qu'il lui incombe de choisir le mode le plus adapté pour décrire et apprécier les phénomènes à l'origine du trouble allégué.

L'expert rappelle qu'il avait choisi de prendre les mesures du bruit résiduel lorsque la production de l'usine était à l'arrêt, dans la nuit du 30 avril au 1er mai 2011. La société Panzani a contesté ce choix en faisant observer que ce 1er mai était un dimanche de telle sorte qu'il était peu significatif. L'expert a décidé de maintenir cette date tout en se proposant de revenir à la fin du mois de mai, la direction de l'établissement l'ayant informé de ce que l'arrêt de l'usine était alors programmé pour trois jours. La décision de l'expert s'est avérée opportune puisque la fermeture de l'usine n'a pas eu lieu à la date annoncée et les griefs que forme la société Panzani à ce sujet sont mal venus.

Si un arrêté préfectoral du 7 février 2013, constatant que le coût des travaux permettant de respecter les limites d'émergence fixées par l'arrêté ministériel du 23 janvier 1997 serait 'économiquement inacceptable' pour la société Panzani, a fixé à 48,5 dBA pour la période nocturne, les dimanches et les jours fériés, le niveau de bruit mesuré à hauteur de la maison d'habitation des époux [J], cette nouvelle norme, édictée postérieurement à l'occupation des lieux par ces derniers, ne les prive pas du droit d'invoquer le principe selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Il y a lieu de juger en conséquence que les époux [J] ont suffisamment rapporté la preuve de ce que le trouble de voisinage provoqué par le fonctionnement des installations de l'usine Panzani excédait les inconvénients normaux du voisinage, en ce qu'il était continu, de jour comme de nuit, dimanche et jours fériés inclus, à l'exception de deux d'entre eux.

Alors que l'expert avait achevé la prise des mesures d'émergence, les époux [J] lui ont demandé de déposer son rapport en l'état, ne voulant pas faire l'avance du coût des investigations destinées à définir les mesures curatives. Après avis donné par le juge qui l'avait désigné, l'expert a donc déposé son rapport en l'état.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a jugé que la société Panzani était responsable d'un trouble anormal de voisinage et l'a condamnée à verser aux époux [J] la somme de 500 euros par mois au titre de leur préjudice de jouissance entre le mois de juillet 2010 et le mois de novembre 2013. Il ne sera pas fait droit à la demande des époux [J] tendant à ce que l'indemnisation de leur préjudice débute en 2005, dés lors que leurs premières doléances sont de septembre 2009 et que le constat du dépassement de la limite de 3dBA en période nocturne a été fait le 6 juillet 2010 par la préfecture des Hauts de Seine.

Le préjudice moral des époux [J] a été justement évalué à la somme de 5 000 euros.

La disposition du jugement donnant injonction à la société Panzani de mandater un prestataire a été exécutée et le prestataire a rempli sa mission en juin 2015. Les parties ne font d'ailleurs sur ce point aucune observation, et ne formulent aucune demande.

Il sera rappelé que le tribunal demeure saisi des demandes relatives à la réalisation de mesures curatives, sur le mérite desquelles il a sursis à statuer. En conséquence, la demande tendant à ce que l'indemnisation du préjudice de jouissance couvre la période allant jusqu'au 31 décembre 2017, date supposée de la fin de la réalisation des travaux ne peut qu'être rejetée par la cour, le tribunal n'ayant prononcé à ce jour aucune condamnation de la société Panzani à exécuter des travaux.

Les dispositions du jugement relatives au sort des dépens -incluant le coût de l'expertise judiciaire- et à l'indemnité de procédure allouée aux époux [J] seront confirmées.

La société Panzani sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute les époux [J] du surplus de leurs demandes en indemnisation,

Condamne la société Panzani à payer aux époux [J] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société Panzani aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Véronique BOISSELET, Président et par Madame Lise BESSON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 14/00514
Date de la décision : 04/02/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 03, arrêt n°14/00514 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-02-04;14.00514 ?
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