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02/02/2016 | FRANCE | N°15/01292

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 02 février 2016, 15/01292


Code nac : 82E

6e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 02 FEVRIER 2016
R. G. No 15/ 01292
AFFAIRE :
UNION FEDERALE DES INGENIEURS CADRES ET TECHNICIENS DU LIVRE ET DE LA COMMUNICATION (UFICT-CGT) ET AUTRES C/ SAS WOLTERS KLUWER FRANCE SAS HOLDING WOLTERS KLUWER FRANCE

UNION GENERALE DES INGENIEURS CADRES ET TECHNICIEN CGT-UGICT CGT
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Janvier 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No chambre : 2 No RG : 12/ 07821

Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : Me Chan

tal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT

Me Christophe DEBRAY REPUBLIQUE FRANCAISE AU...

Code nac : 82E

6e chambre
ARRET No
CONTRADICTOIRE
DU 02 FEVRIER 2016
R. G. No 15/ 01292
AFFAIRE :
UNION FEDERALE DES INGENIEURS CADRES ET TECHNICIENS DU LIVRE ET DE LA COMMUNICATION (UFICT-CGT) ET AUTRES C/ SAS WOLTERS KLUWER FRANCE SAS HOLDING WOLTERS KLUWER FRANCE

UNION GENERALE DES INGENIEURS CADRES ET TECHNICIEN CGT-UGICT CGT
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 22 Janvier 2015 par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE No chambre : 2 No RG : 12/ 07821

Expéditions exécutoires Expéditions délivrées le : à : Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT

Me Christophe DEBRAY REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LE DEUX FEVRIER DEUX MILLE SEIZE, La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

UNION FEDERALE DES INGENIEURS CADRES ET TECHNICIENS DU LIVRE ET DE LA COMMUNICATION (UFICT-CGT) 263 rue de Paris-Case 440 93514 MONTREUIL CEDEX

Ayant pour avocat postulant Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES-No du dossier 66/ 15 Ayant pour avocat plaidant Me Sylvain ROUMIER et Me Tristan SOULARD de la SELARL ROUMIER SPIRE, avocat au barreau de PARIS

SYNDICAT INTERPROFESSIONNEL DE LA PRESSE ET DES MEDIAS DE LA CONFEDERATION NATIONALE DU TRAVAIL (SIPM-CNT) 33 rue des Vignoles 75020 PARIS

Ayant pour avocat postulant Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES-No du dossier 66/ 15 Ayant pour avocat plaidant Me Sylvain ROUMIER et Me Tristan SOULARD de la SELARL ROUMIER SPIRE, avocat au barreau de PARIS

SYNDICAT NATIONAL DES JOURNALISTES (SNJ) 33 rue du Louvre 75002 PARIS

Ayant pour avocat postulant Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES-No du dossier 66/ 15 Ayant pour avocat plaidant Me Sylvain ROUMIER et Me Tristan SOULARD de la SELARL ROUMIER SPIRE, avocat au barreau de PARIS

SYNDICAT NATIONAL DE L'ECRIT (SNE-CFDT) 63 rue de Saintonge PARIS 75003

Ayant pour avocat postulant Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES-No du dossier 66/ 15 Ayant pour avocat plaidant Me Sylvain ROUMIER et Me Tristan SOULARD de la SELARL ROUMIER SPIRE, avocat au barreau de PARIS

APPELANTS

****************
SAS WOLTERS KLUWER FRANCE 14 rue Fructidor 75017 PARIS

Ayant pour avocat postulant Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES-No du dossier 15253 Ayant pour avocat plaidant Me Stéphane COULAUX de la SELARL COULAUX MARICOT GEORGANTA, avocat au barreau de PARIS

SAS HOLDING WOLTERS KLUWER FRANCE 14 rue Fructidor 75017 PARIS

Ayant pour avocat postulant Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES-No du dossier 15253 Ayant pour avocat plaidant Me Stéphane COULAUX de la SELARL COULAUX MARICOT GEORGANTA, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************
UNION GENERALE DES INGENIEURS CADRES ET TECHNICIEN CGT-UGICT CGT 263 rue de Paris Case 408 93516 MONTREUIL CEDEX

Ayant pour avocat postulant Me Chantal DE CARFORT de la SCP BUQUET-ROUSSEL-DE CARFORT, avocat au barreau de VERSAILLES-No du dossier 66/ 15 Ayant pour avocat plaidant Me Sylvain ROUMIER et Me Tristan SOULARD de la SELARL ROUMIER SPIRE, avocat au barreau de PARIS

PARTIE INTERVENANTE VOLONTAIRE

****************

Composition de la cour :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Novembre 2015 devant la cour composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président, Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller, Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

**************** EXPOSE DU LITIGE

La société WOLTERS KLUWER FRANCE (WKF) et la société mère HOLDING WOLTERS KLUWER FRANCE (HWKF) font partie du groupe hollandais WOLTERS KLUWER, leader européen de l'information juridique et fiscale, présent dans 170 pays et dont le siège social est situé à AMSTERDAM.

L'activité en FRANCE, initialement composée de 11 structures juridiques et opérationnelles, a été réorganisée en juin 2007 sous l'intitulé " opération COSMOS ", et se trouve composée de deux grands domaines : la presse, l'édition et activités associées d'une part, et l'activité Téléroute (gestion de base de données de fret) d'autre part. Antérieurement à cette opération, il existait principalement 4 sociétés, d'un côté les sociétés holding WKA et WKB, et de l'autre les deux sociétés anonymes LAMY et GROUPE LIAISONS, avec leurs filiales, qui ont été dissoutes, avec transmission universelle de leur patrimoine entre les mains d'un actionnaire unique, la société WKF, qui a acheté toutes les actions des-dites sociétés et a pu augmenter ainsi son capital, tout en permettant à la société mère HWKF d'atteindre le seuil d'un milliard d'Euros au bilan.

Pour acheter ces actions, la société WKF, a souscrit le 24 juillet 2007 un emprunt de 445 millions d'Euros auprès de la société mère HWKF remboursable sur 15 ans, qui a eu pour effet d'empêcher tout versement de participation aux salariés en raison de cet endettement.
Les institutions représentatives du personnel avaient donné un avis favorable pour cette opération, mais le comité d'entreprise de la société WKF, nouvellement constitué depuis le 17 septembre 2007, souhaitant comprendre la raison de l'absence de participation aux résultats de la société depuis 2007, a assigné la société WKF devant le Tribunal de Commerce de Nanterre aux fins d'expertise ; le rapport de l'expertise ordonnée par jugement du 14 décembre 2010 a été déposé le 25 octobre 2011.
Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour d'Appel de Versailles en date du 14 décembre 2011, sauf que la Cour, contrairement au jugement, a exclu du champ de cette expertise la société mère HWKF-estimant que le comité d'entreprise de la société WKF n'était pas recevable à demander une extension de l'expertise à une autre société non contrôlée par la société WKF-décision confirmée par la Cour de Cassation par arrêt du 10 septembre 2013.
Entre-temps, le 22 juin 2010, le comité d'entreprise (CE) de la société WKF déposait plainte auprès du Procureur de la République de Nanterre pour entrave à son fonctionnement régulier, lequel sollicitait l'avis de l'inspecteur du travail ; ce dernier, par un rapport du 17 février 2011, indiquait que le délit d'entrave était constitué à l'égard de la société représentée par son PDG Mr X...ou sa DRH Mme Y...DRH, selon l'existence ou non d'une délégation de pouvoir, dans la mesure où l'obligation de consulter le CE avait été sciemment violée au moins à 5 reprises de mi-2007 à fin 2009, par le refus persistant de communiquer toutes les informations légales sur les comptes et le fonctionnement de la société, et la communication d'informations parcellaires, ce qui incluait notamment l'absence d'information sur l'emprunt de 445 millions d'Euros et ses conséquences sociales, à savoir l'absence de versement de la réserve spéciale de participation aux salariés.
Suite à cet avis, qui concluait que le changement de direction depuis fin 2010 avait, semble-t-il, entraîné un changement de ton concernant la prise en compte des obligations de consultation du CE, nécessitant d'être confirmé par des contrôles ultérieurs, mais ne pouvait éluder le responsabilités des prédécesseurs ; le Procureur de la République décidait d'un rappel à la loi en janvier 2014, compte tenu de la reconnaissance partielle des faits.
Par acte d'huissier du 28 juin 2012, l'Union Fédérale des Ingénieurs Cadres et Techniciens du Livre et de la Communication (UFICT-CGT), le Syndicat Interprofessionnel de la Presse et des Médias de la Confédération Nationale du Travail (SIPM-CNT), le Syndicat National des Journalistes (SNJ) et le Syndicat National de l'Ecrit (SNE-CFDT) ont fait assigner les sociétés WKF et HWKF devant le Tribunal de Grande Instance de Nanterre afin de voir déclarer l'opération de restructuration " COSMOS " intervenue le 30 juin 2007 inopposable aux salariés et d'obtenir la condamnation des deux sociétés à reconstituer une réserve spéciale de participation pour les exercices 2007 à 2022 et à la répartir entre les salariés.
Par jugement du 22 janvier 2015, dont les quatre syndicats sus-énoncés ont formé appel-l'Union Générale des Ingénieurs Cadres et Techniciens (UGICT-CGT) se joignant à eux en appel par son intervention volontaire-le Tribunal a déclaré irrecevables leurs demandes tant à l'égard de la société mère HWKF pour défaut de pouvoir, qu'à l'égard de la société WKF, au motif que leurs demandes revenaient à mettre en cause les attestations du commissaire aux comptes KPMG, aux termes desquelles ce dernier ne formulait aucune observation sur le montant du bénéfice net et des capitaux propres de la société WKF pour les exercices 2008 à 2012.
Par conclusions écrites signifiées les 28 octobre et 9 novembre 2015, soutenues oralement à l'audience du 15 septembre 2015, les parties ont fait valoir les arguments suivants :

Les syndicats appelants concluent à l'infirmation du jugement, sollicitant à titre principal que la Cour :

- juge que l'opération de restructuration COSMOS est constitutive d'une manoeuvre frauduleuse, et à tout le moins d'un abus de droit, et de la déclarer inopposable au x salariés de la société WKF, bénéficiaires du régime obligatoire de participation,
- condamne les sociétés WKF et HWKF in solidum à reconstituer une réserve spéciale de participation pour les exercices 2007 à 2022 au sein de la société WKF, en neutralisant les effets de cet abus de droit, par application des méthodes de calcul retenues par l'expert-comptable TANDEM, en opérant la moyenne arithmétique des résultats obtenus dans les 2 hypothèses retenues par application de la formule légale du régime d'autorité,
- les condamne in solidum à leur payer à chacun la somme de 10 000 ¿ à titre de dommages et intérêts, au titre du préjudice porté aux intérêts de la collectivité de travail qu'ils représentent, outre la somme de 3500 ¿ à chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, avec distractions des dépens au profit de Maître Chantal DE CARFORT.
A titre subsidiaire, ils demandent à la Cour de désigner un expert pour déterminer la méthode applicable pour reconstituer la réserve spéciale de participation, et de condamner les sociétés WKF et HWKF in solidum à répartir ces réserves spéciales de participation reconstituées entre les salariés de la société WKF, selon les règles posées par l'accord de participation du 14 mars 2008.
Ils soutiennent que l'opération COSMOS a abouti à un endettement important de la société WKF, par l'emprunt de 445 M ¿ contracté auprès de la société mère HWKF pour l'acquisition des sociétés LAMY et GROUPE LIAISONS, qui a grevé ses résultats, empêchant le versement de la participation aux salariés depuis 2008.

Les sociétés WKF et HWKF concluent à la confirmation du jugement et au rejet des demandes des appelants, sollicitant chacune la somme de 7000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles invoquent l'appel tardif de l'UFICT-CGT le 16 mars 2015, le jugement ayant été signifié valablement à domicile de son représentant le 22 janvier 2015.
Elles demandent aussi que soit déclarée irrecevable l'intervention volontaire de l'UGICT-CGT, faute d'intérêt à agir, les journalistes étant déjà représentés par le SNJ, et faute de preuve de l'adhésion à sa fédération et à son union départementale.
En tout état de cause, elles font valoir que les appelants ont considéré, en demandant la mise en cause de la société HWKF (pour laquelle ils n'ont pas de mandat d'ester) que c'était cette dernière qui était responsable de l'opération litigieuse et non la société WKF, plutôt victime des faits.
Par ailleurs, elles soutiennent qu'au vu des attestations du commissaire aux comptes le calcul de la réserve de participation ne peut être remis en cause, que les syndicats ne peuvent réclamer l'indemnisation des salariés, s'agissant d'un avantage individuel, et que le dommage soit-disant provoqué par des actes frauduleux a été subi directement par la société WKF dont le compte d'exploitation a été diminué et non par les salariés, et qu'enfin le préjudice allégué n'est pas certain (après neutralisation des frais d'emprunts et à capitaux propres constants, aucune réserve n'aurait existé en tout état de cause).

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'action des syndicats appelants

-Sur la recevabilité de l'appel de l'UFICT-CGT
Les sociétés intimées soutiennent que la copie du jugement à signifier n'avait pas à être annexée à l'avis de passage de l'huissier intervenu le 5 février 2015, tandis que l'UFICT-CGT prétend le contraire, estimant que son délai d'appel ne courait qu'à compter de la remise de la copie du jugement à son représentant.
Or, l'article 656 du code de procédure civile mentionne qu'en l'absence de la personne l'huissier, qui a vérifié l'adresse de la personne, laisse un avis de passage mentionnant notamment que la copie de l'acte à signifier doit être retirée dans les plus brefs délais à l'étude et que la date de son avis de passage fait courir le délai d'appel.
En l'espèce, l'avis de passage en date du 5 février 2015 comporte les mentions légales et a bien été déposé à l'adresse de l'UFICT-CGT.
L'UFICT-CGT ayant formé appel le 16 mars 2015, il est donc irrecevable en son appel, vu l'expiration du délai d'un mois suivant l'avis de passage de l'huissier.
- Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de l'UGICT-CGT
Les sociétés intimées contestent l'intérêt à agir de l'UGICT-CGT, au motif que les salariés journalistes sont déjà représentés dans la procédure par un autre syndicat le Syndicat National des Journalistes (SNJ) ; elles soutiennent aussi que cette intervention en appel est irrecevable.
L'UGICT-CGT rétorque que son intervention volontaire, recevable en appel selon l'article L. 2132-3 du code du travail, est justifiée par le pluralisme syndical, et son intérêt à agir résulte du fait que le syndicat CGT des journalistes est affilié à elle.
Selon l'article 554 du code de procédure civile, une partie, non représentée en première instance, peut intervenir en cause d'appel si elle y a intérêt et si sa demande se rattache par un lien suffisant à celle des parties initiales.
Selon l'article L 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice concernant des faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent.
L'UGICT-CGT est recevable à intervenir pour la première fois en appel, dans la mesure où ses demandes sont les mêmes que les autres syndicats déjà en la cause en première instance, et qu'elle défend l'intérêt collectif des journalistes salariés de la société WKF, qui dans le cadre du présent litige se sont estimés lésés au niveau de leur rémunération par les conséquences de l'opération de restructuration COSMOS sur leur droit à la participation, droit collectif issu de dispositions légales et faisant l'objet d'un accord collectif en date du 14 mars 2008 négocié par l'ensemble des organisations syndicales (SNJ, CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC) pour l'année 2007.
L'UGICT-CGT produit la délibération de son bureau en date du 1er avril 2015, qui décide de manière expresse d'intervenir volontairement en appel dans le présent litige contre la société WKF et la société HWKF pour obtenir tant la réparation du préjudice subi par l'atteinte à l'intérêt collectif de la profession que le rétablissement du droit à la participation.
L'UGICT-CGT sera donc déclarée recevable en son action à l'égard des deux sociétés intimées.
- Sur la recevabilité des syndicats SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT à l'égard des sociétés WKF et HWKF
Concernant la recevabilité de l'action des syndicats SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT contre la la société WKF, elle n'est pas contestable, comme l'a jugé le tribunal.
En revanche, les sociétés intimées estiment que les appelants n'avaient pas, dès la première instance, de mandat d'ester contre la société HWKF mais seulement contre la société WKF, ce qui a justifié la décision d'irrecevabilité prononcée par le TGI.
Les syndicats appelants prétendent que ce moyen a été abandonné par les intimées au stade de la mise en état par voie de conclusions de désistement, et qu'en tout état de cause ils ont mandaté leur avocat pour agir contre les deux sociétés.
Or, il ressort des conclusions de désistement d'incident des sociétés intimées au stade de la mise en état, que leur désistement ne concernait que la demande de communication de pièces et ne valait donc pas désistement sur le moyen d'irrecevabilité tiré du défaut de mandat.
Il ressort des mandats donnés par le Syndicat Interprofessionnel de la Presse et des Médias de la Confédération Nationale du Travail (SIPM-CNT), le Syndicat National des Journalistes (SNJ) et le Syndicat National de l'Ecrit (SNE-CFDT), respectivement les 15 juin 2012, le 20 juin 2012 et le 28 mars 2012, que ces mandats concernaient l'action contre la société WKF ; ces trois syndicats ont en appel produit une attestation de leur secrétaire, indiquant avoir donné instruction à leur avocat Maître ROUMIER d'assigner les sociétés WKF et HWKF dans le litige relatif à la disparition de la réserve de participation dans le cadre de la fusion de 2007.
Or, ces attestations ne valent pas pouvoir des secrétaires d'agir pour leur syndicat contre la société HWKF, faute de mention de la délibération du bureau ou du conseil de chaque syndicat.
Les syndicats SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT, sont donc irrecevables en leur action contre la société HWKF, comme l'a jugé le tribunal dont le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur la demande tendant à déclarer l'opération COSMOS inopposable aux salariés de la société WKF dans ses effets sur la réserve spéciale de participation

En application des articles L. 3322-1 et L. 3322-2 du code du travail, dans les entreprises d'au moins 50 salariés, les salariés bénéficient obligatoirement d'un droit de participation aux résultats de l'entreprise, sous la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, et constituant la réserve spéciale de participation.
Selon l'article L. 3326-1 du code du travail, le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise sont établis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes ; ils ne peuvent être remis en cause à l'occasion des litiges nés de l'application des dispositions relatives à la participation.
Dans son jugement le tribunal a déclaré cette demande irrecevable au motif que les demandes des syndicats revenaient à contester la validité des 4 attestations du commissaire aux comptes datées du 1er août 2012- indiquant que pour les années 2008 à 2011 il n'avait pas d'observations à formuler sur les éléments comptables et méthodes de calcul utilisés pour le calcul de la réserve spéciale de participation de la société WKF-alors que ces attestations ne pouvaient être remises en cause que par le juge administratif.
Cependant, les syndicats, sans remettre en cause la sincérité des attestations du commissaire aux comptes, sollicitent seulement que l'opération de restructuration COSMOS soit déclarée inopposable aux salariés de la société WKF, avec pour conséquence la réintroduction dans le bénéfice net, des sommes soustraites abusivement à ce bénéfice (du fait des charges de l'emprunt litigieux), afin de reconstituer la réserve de participation.
* Or les attestations établies par le commissaire aux comptes ne sauraient, en tout état de cause, faire obstacle à ce que le juge judiciaire, à l'occasion du litige dont il est présentement saisi et qui relève de sa compétence, remette en cause, en cas de fraude de la société WKF, les comptes certifiés par ce professionnel sur la base des éléments fournis par la société ; en effet, le commissaire aux comptes n'est pas un organe administratif et son attestation n'est pas un acte administratif.
Ces attestations ne sauraient donc faire obstacle à ce que l'opération COSMOS puisse, elle-même, être contestée ; par surcroît, les syndicats appelants et intervenant, ne se fondent pas sur ces attestations, qui sont postérieures au rapport de l'inspecteur du travail relevant le délit d'entrave, mais sur la base d'un ensemble de documents, comme les rapports d'expertise comptable, les procès-verbaux des réunions du CE et les propres déclarations des dirigeants de la société WKF.
En effet, comme l'a bien souligné l'expert judiciaire, désigné par le tribunal de commerce à la demande du CE de la société WKF, Mr Z..., dans son rapport du 25 octobre 2011, les données comptables sur le calcul de la valorisation des sociétés LAMY et GROUPE LIAISONS ne posent pas problème et il n'existe pas d'irrégularité formelle dans les différentes opérations de restructuration par dissolutions-cessions-fusion, mais il note en contrepoint plusieurs éléments ayant eu des conséquences négatives sur la situation de la société WKF et sur celle des salariés, éléments que la Cour résume et analyse ainsi, à la lumière des autres pièces du dossier, comme le rapport de l'inspection du travail en date du 17 février 2011 :
- élément conjoncturel, indépendant des dirigeants : les prévisions de 2007 pour les sociétés LAMY et GROUPE LIAISONS, qui avaient été présentées de manière positive (augmentation de la croissance, de la marge et de l'EBITDA) par le rapport d'expertise TANDEM lors du CE du 30 juin 2007 pour les années 2008/ 2010, ont été remises en cause à la baisse par la crise des subprimes en 2008 ;
- élément décisionnel dépendant des dirigeants : le taux d'intérêt de l'emprunt de 445 millions d'Euros-taux égal au taux Euribor 3 mois augmenté d'un taux de marge de 2, 75 %, soit 7, 3 % en 2007 et 7, 4 % en 2008 puis 4, 3 % en 2009 suite à la chute des taux-souscrit initialement par la société WKF auprès de la société mère HWKF, et transféré au cours de l'exercice 2007 à la maison mère tête de groupe, la société hollandaise WKI NV, n'apparaît pas, selon l'expert judiciaire, avantageux pour la société WKF, car d'une part s'agissant d'une opération intra-groupe ce taux aurait dû être plus bas, et d'autre part il aboutit à un endettement significatif, obérant fortement les capacités d'investissement de la société WKF ;
- élément factuel entraînant l'entrave au fonctionnement du CE : cet emprunt a été dissimulé au CE car souscrit en juillet 2007 après les opérations de restructuration, au cours d'une période où la société WKF n'avait plus de CE, le nouveau CE étant constitué en septembre 2007 ; la Cour ajoute que cette dissimulation s'est poursuivie par la suite, par l'absence de communication au CE de la documentation économique et financière prévue par les dispositions de l'article L. 2323-7 du code du travail fin 2007 et en 2008 (comme cela ressort du rapport de l'inspection du travail et des procès-verbaux de réunion du CE) ;
- élément fiscal profitant à la société mère HWKF et à la société hollandaise WKI NV, comme l'explique l'expert judiciaire :
Grâce à la cession des titres des sociétés LAMY et GROUPE LIAISONS-qui avaient un résultat net bénéficiaire avant l'opération de restructuration-à la société WKF moyennant l'emprunt à la société HWKF, cette dernière a bénéficié d'une plus-value de 547 millions d'euros en 2007, qui lui a permis de reconstituer ses capitaux propres tout en apurant son report à nouveau antérieur, et de profiter de la distribution de dividendes à hauteur de 555 millions d'Euros en 2007 et 2008, dividendes perçus en définitive le 30 juin 2008 par la société hollandaise WKI NV, associée unique de la société HWKF ; comme l'indique l'expert : « l'opération dans son ensemble, concrétisée par la distribution de dividendes de la société HWKF à la société hollandaise WKI NV, constitue une remontée de trésorerie significative dans le cadre d'une fiscalité avantageuse, compte-tenu du régime fiscal applicable aux dividendes en Hollande. », étant précisé que ce taux d'impôt sur les sociétés est de 15 % en Hollande depuis une réforme en application à compter du 1er janvier 2007 et plus favorable qu'en France.
L'opération COSMOS a eu en définitive pour conséquences :
- d'augmenter les masses bilancielles pour atteindre un total de bilan d'un Milliard d'euros, en vue d'accéder à de nouveaux marchés par des acquisitions d'autres sociétés (ces acquisitions de fait ne s'étant pas réalisées), objectif principal affiché par la direction des sociétés WKF et HWKF ; les autres alternatives proposées par le CE pour la restructuration étaient, selon l'expert Mr Z..., cohérentes et réalistes, mais n'auraient pas permis d'atteindre le montant du haut de bilan souhaité par la direction ; elles auraient toutefois atteint les deux autres objectifs de la restructuration, à savoir « l'alignement du statut de l'ensemble des salariés sur une base commune, le développement des ventes croisées avec la possibilité d'étendre à un client existant d'autres produits de la gamme, de simplifier les circuits hiérarchiques ».
- mais aussi d'obérer la rentabilité de la société WKF, par l'augmentation importante de son endettement due à l'emprunt de 445 millions d'Euros, souscrit le 24 juillet 2007 auprès de la société mère HWKF remboursable sur 15 ans, qui a eu pour effet direct d'empêcher tout versement de participation aux salariés, effet mécanique de la réduction des bénéfices avant impôts de la société WKF de 2007 à 2009.
L'expert Mr Z..., qui rejoint les conclusions du rapport du cabinet SECAFI (en date du 19 mai 2009) expert désigné par le CE début 2007, conclut que l'opération de restructuration COSMOS a eu pour effet direct de réduire à néant la réserve de participation des salariés pour plusieurs années.
Cet effet négatif de la restructuration sur le plan social pour 2/ 3 du personnel a été sciemment dissimulé au comité d'entreprise, comme le précise de manière circonstanciée l'inspecteur du travail qui a relevé l'existence d'une entrave au fonctionnement du CE :

* Interrogée sur les conséquences de la fusion dans le cadre de l'opération COSMOS, la responsable des relations sociales puis DRH de la société WKF en fonction entre 2006 et début 2010, Mme Y...-possédant le diplôme d'avocat-a assuré au CE que cela n'aurait aucune conséquence sociale ni en particulier sur les salaires ; répondant aux questions du CE de la société LAMY (qui sera fusionnée) lors de la réunion du 26 mars 2007, elle dira que la fusion a pour objet de modifier la structure juridique, sans impact sur le chiffre d'affaires du groupe.
* Mme A..., DRH de la société LAMY depuis 2006 et DRH de la société WKF de juin 2007 à avril 2009, a admis lors de l'enquête pénale pour entrave au fonctionnement du CE que la direction s'était aperçue au moment (sans préciser de date) du calcul de la participation que la recapitalisation des sociétés avait eu un impact sur la participation du fait de l'emprunt ; or, lors du CE de la société GROUPE LIAISONS le 8 mars 2007, Mme A...déclare que la configuration comptable, financière et économique restera la même après la fusion ; à la question du CE sur l'impact de la fusion sur le montant de la participation, Mme A...et Mr B...(autre représentant de la direction) ne répondront pas, se retranchant derrière la complexité de l'opération de fusion, tout en expliquant longuement ce qu'est la réserve de participation ; or, l'impact de la fusion sur la participation, vu son ampleur, ne pouvait échapper à la direction, qui par son absence de réponse au questionnement des représentants des salariés sur l'impact de la fusion sur le montant de la participation, a tenu un discours rassurant mais trompeur.
Le manque de communication des éléments comptables et notamment sur l'existence d'un emprunt grevant le bénéfice de la société, a contribué aussi à maintenir le CE et les salariés dans l'ignorance des effets de la fusion sur la participation, avant mais aussi après la fusion.
* Entendu le 19 mai 2011, Mr X..., PDG en fonction au moment de l'opération COSMOS, reconnaissait être incapable de dire s'il y avait eu ou non communication des documents comptables et prévisionnels des années 2008 et 2009.
* Mr C..., nouveau DRH de la société WKF depuis début 2010 n'a pas démenti devant l'inspecteur du travail que la documentation économique et financière (rapport sur les perspectives économiques de l'entreprise notamment)- que la société, en application de l'article L. 2323-55 du code du travail, devait communiquer au nouveau CE lors de sa première réunion le 9 octobre 200- n'a pas été communiquée, et que cette documentation n'a été finalement été transmise que de manière incomplète lors de la réunion du CE du 10 juin 2008, et ne comportait pas la mention de l'emprunt de 445 millions d'Euros auprès de la société mère HWKF ; ce n'est que le 18 juillet 2008, comme cela ressort du procès-verbal de réunion du CE, que la direction fait état de l'emprunt, puis donne plus de détails lors du CE des 13 et 17 février 2009, sans toutefois communiquer le document constatant l'emprunt.
Par ailleurs, les comptes annuels de l'entreprise portant sur l'ensemble de la situation économique, contenant les documents comptables et financiers prévisionnels pour les années 2008 et 2009, n'ont pas, non plus, été communiqués au CE, comme le prévoient les articles L. 2323-8 et L. 2323-10 du code du travail, ainsi que cela ressort des procès-verbaux de réunion du CE, ce qui n'est pas contesté par la nouvelle direction.
Comme l'indique l'inspecteur du travail, ces omissions délibérées sont aggravées par la circonstance que la société WKF assure notamment l'édition et la diffusion d'ouvrages de droit du travail, de sorte qu'elle était particulièrement bien placée pour avoir connaissance des dispositions légales à respecter.
Enfin, comme l'indique le cabinet SECAFI en mai 2009, dans le cadre d'une conjoncture négative, a été enregistrée une baisse du chiffre d'affaires de 7 % entre 2007 et 2008, et en outre les intérêts de la dette (cf l'emprunt litigieux) absorbent une grande partie du résultat opérationnel ; il ressort du procès-verbal du CE de la société WKF en date du 11 juin 2009 que l'EBITDA (notion anglaise correspondant à l'excédent brut d'exploitation, soit les revenus avant impôts, intérêts, dotation aux amortissements et provision pour dépréciation) a chuté de 30 % entre 2007 et 2008, ce qui a contraint la direction à envisager 184 licenciements, un accord GPEC étant signé depuis mars 2009 ; le procès-verbal du CE en date du 19 janvier 2010 indique que le CE donne un avis négatif sur le PSE.
Ainsi, les sociétés WKF et HWKF, par des manoeuvres frauduleuses, constituées à la fois par la non communication au CE des documents comptables légalement obligatoires et par un discours trompeur auprès du CE, ont sciemment dissimulé au CE de la société WKF une des conséquences importantes de l'opération de restructuration COSMOS, à savoir l'augmentation importante de l'endettement de la société WKF ayant pour effet direct l'absence de réserve spéciale de participation et donc du versement de cette participation aux salariés, avant et après l'opération intervenue en juin 2007.
Comme le soutiennent les syndicats, le motif allégué par la direction pour justifier l'opération COSMOS était la possibilité d'acheter d'autres sociétés, ce qui n'a pas été fait, de sorte que le choix des modalités de l'opération COSMOS fait par la direction des sociétés WKF et HWKF était préjudiciable pour la société WKF et ses salariés, car il n'a apporté aucun bénéfice économique à ces derniers, aggravant au contraire les difficultés économiques de la société WKF à partir de 2007/ 2008.
La collectivité des salariés de la société WKF a d'ores et déjà indubitablement subi un préjudice du fait de l'absence de versement de la participation, entre 2008 et 2010, et d'un versement limité à 329 285 ¿ pour l'année 2007, alors que le montant avoisinait 5 000 000 les années 2004 à 2006. Il conviendra de vérifier ce qu'il en sera pour les années ultérieures jusqu'à la fin de l'année 2015.
Au vu de ces éléments, la Cour faisant droit à la demande des syndicats UGICT-CGT, SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT, juge que l'opération de restructuration COSMOS intervenue le 30 juin 2007 est constitutive d'une manoeuvre frauduleuse, à l'égard du CCE et des salariés de la société WKF, et qu'il convient, en conséquence, de déclarer cette opération inopposable à ces derniers,. dans les effets de l'emprunt de 445 millions d'Euros auprès de la société mère HWKF, sur la réserve spéciale de participation

Sur la condamnation in solidum des sociétés WKF et HWKF à reconstituer et abonder dans la société WKF la réserve spéciale de participation pour les exercices 2007 à 2012

La réparation du préjudice des salariés, résultant de la privation de leur droit à la participation, peut être évaluée sur la base, à préciser le cas échéant par les parties, du complément au rapport d'expertise de gestion du cabinet TANDEM, réalisé par ce cabinet en 2011 à la demande du CE de la société WKF (pièce 33 produite par les syndicats) ; cette note technique complémentaire a estimé le montant qu'aurait atteint la participation des salariés entre 2007 et 2010, si l'une des deux alternatives proposées par le CE pour la restructuration avait été retenue, en prenant les données réelles des comptes annuels de la société WKF pour cette période. Dans l'hypothèse 1 (fusion absorption classique entre les sociétés LAMY et GROUPE LIAISONS), qui n'engendrait aucun endettement, il est constaté des résultats nets positifs sur toute la période, alors que dans la réalité les résultats nets de la société KWF sont bien plus bas, voire largement négatifs en 2008 et 2009 ; ces résultats nets auraient permis de verser une participation de 6 139 000 ¿ entre 2007 et 2010, au lieu de 329 000 ¿.

Dans l'hypothèse 2 (transmission universelle de patrimoine des sociétés LAMY et GROUPE LIAISONS, après rachat par la société HWKF des 1, 37 % des titres de LAMY détenu par GROUPE LIAISONS), qui n'engendrait pas non plus d'endettement, les résultats nets sont encore plus élevés que la première hypothèse, mais donnent un montant de participation inférieur, soit néanmoins d'un montant de 3 002 000 ¿, en raison de l'intégration des frais financiers de la société holding HWKF (liés à des emprunts groupe indépendants de la restructuration de 2007) grevant le résultat net de la société KWF.
Pour être objectif, le cabinet TANDEM précise qu'en dehors de la restructuration juridique, d'autres facteurs ont pesé sur le niveau de la participation, d'une part l'évolution défavorable de l'activité et des résultats opérationnels du groupe WKF entre 2008 et 2010, et d'autre part de la filialisation de l'activité TELEROUTE, qui était auparavant intégrée dans la société LAMY et dont les très bons résultats contribuaient à la participation de LAMY.
Le cabinet TANDEM souligne que les salariés de la société TELEROUTE ont pu effectivement percevoir la participation aux résultats pour 2007/ 2010.
Par conséquent, il est prématuré de fixer rétroactivement le montant de la participation des salariés de la société KWF, sans prendre en compte ces deux éléments pour partie indépendants de l'opération de restructuration COSMOS ; il convient dès lors d'ordonner une expertise pour préciser, sur les bases (à préciser le cas échéant par les parties) de la note technique du cabinet TANDEM, mais aussi sur les principes de calcul de l'accord de participation du 14 mars 2008 (restant aussi en vigueur pour les années 2009 et 2010) et en distinguant dans chacune des 2 hypothèses susvisées, les effets de chacun de ces deux éléments-l'évolution défavorable de l'activité et des résultats opérationnels du groupe WKF entre 2008 et 2010, et d'autre part de la filialisation de l'activité TELEROUTE-sur le montant de la réserve, afin de déterminer le montant reconstitué de la réserve spéciale de participation pour les années 2007 à 2010 dans un permier temps, que les sociétés WKF et HWKF devront verser aux salariés de la société WKF.
Concernant les années 2011 à 2015 l'expertise pourra être l'occasion pour les parties de faire des propositions en fonction d'un éventuel nouvel accord d'entreprise sur la participation.
Il sera donc sursis à statuer sur la fixation du montant de cette réserve de 2007 à 2015, les frais d'expertise étant mis à la charge des sociétés WKF et HWKF dont le comportement rend nécessaire de recourir à cette mesure d'instruction, la mission de l'expert-comptable et les modalités de l'expertise étant précisées dans le dispositif du présent arrêt.
Concernant la période de 2016 à 2022 il n'y a pas lieu de faire droit à la demande, le préjudice d'avenir n'étant pas certain.
Sur la demande en dommages et intérêts des syndicats
Au regard de la reconnaissance par la Cour du préjudice subi par la collectivité des salariés de la société WKF dont les syndicats appelants ou intervenants représentent les intérêts, les syndicats UGICT-CGT, SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT sont fondés à réclamer chacun des dommages et intérêts à l'encontre de la société WKF, et le syndicat UGICT-CGT des dommages et intérêts à l'encontre « in solidum » des sociétés WKF et HWKF.
Au vu de la période de 4 ans (2007 à 2010) d'ores et déjà concernée par le préjudice et des efforts conjugués des syndicats pour faire reconnaître les droits des salariés tant au niveau des institutions représentatives du personnel (le CE) que des procédures judiciaires, la somme de 10 000 ¿ sera allouée à chacun des syndicats recevables.
En conséquence, la société WKF sera condamnée à payer cette somme à chacun des syndicats SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT, tandis que la société HWKF sera condamnée « in solidum » avec la société WKF,) à payer la même somme de 10 000 euros à l'UGICT-CGT.

Sur les demandes accessoires

Il sera alloué aux syndicats la somme de 2000 ¿ à chacun à titre provisionnel en l'application de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens étant réservés.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
DÉCLARE irrecevable l'appel tardif de l'UFICT-CGT ;
DÉCLARE recevable l'intervention volontaire de l'UGICT-CGT à l'égard des sociétés WOLTERS KLUWER FRANCE (WKF) et HOLDING WOLTERS KLUWER FRANCE (HWKF) ;
CONFIRME le jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE en date du 22 janvier 2015, en ce que le tribunal a déclaré irrecevables les syndicats SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT en leurs demandes à l'encontre de la société HOLDING WOLTERS KLUWER FRANCE (HWKF), mais l'infirme pour le surplus ;
Et statuant à nouveau :
DÉCLARE recevables les syndicats SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT en leurs demandes à l'encontre de la société WOLTERS KLUWER FRANCE (WKF) ;
CONSTATE que l'opération de restructuration COSMOS est constitutive d'une manoeuvre frauduleuse de la part de la direction des sociétés WKF et HWKF et, en conséquence, la déclare inopposable dans ses effets sur le montant de la réserve spéciale de participation pour les années 2007 à 2010, à l'égard des salariés de la société WKF, bénéficiaires du régime obligatoire de participation ;
CONDAMNE in solidum les sociétés WKF et HWKF à payer à l'UGICT-CGT la somme de 10 000 ¿ à titre de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la société WKF à payer à chacun des syndicats SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT la somme de 10 000 ¿ à titre de dommages et intérêts ;
DEBOUTE les syndicats concernant la fixation de la réserve spéciale de participation pour les années 2016 à 2022 ;
SURSEOIT à statuer sur le montant de la réserve spéciale de participation aux fruits de la société WKF pour les exercices 2007 à 2015 à reconstituer et à abonder par les sociétés WKF et HWKF, pour le compte des salariés de la société WKF ; Avant-dire droit sur la fixation du montant reconstitué de cette réserve spéciale de participation :

ORDONNE une expertise-comptable confiée à :
Alain Z......75 116 PARIS ...... Expert-comptable-inscrit sur la liste des experts agréés près la Cour d'Appel de Paris ;

lequel, après avoir convoqué les parties et leur conseil, aura pour mission :
- D'entendre les parties et leur conseil, de recueillir leurs observations, de se faire remettre toutes pièces utiles à l'accomplissement de sa mission détaillée comme suit :
- Déterminer le montant de la réserve spéciale de participation qu'auraient pu percevoir les salariés de la société KWF pour les années 2007 à 2010, si l'emprunt de 445 millions n'avait pas obéré le compte de résultat de la société (absence d'endettement), sur les bases (à préciser le cas échéant par les parties) de la note technique du cabinet TANDEM (pièce 33 des syndicats), mais aussi sur les principes de calcul de l'accord de participation du 14 mars 2008 et de tous autres éléments utiles,
en distinguant dans chacune des 2 hypothèses susvisées :
* l'hypothèse 1 (fusion absorption classique entre les sociétés LAMY et GROUPE LIAISONS), * l'hypothèse 2 (transmission universelle de patrimoine des sociétés LAMY et GROUPE LIAISONS, après rachat par la société HWKF des 1, 37 % des titres de LAMY détenu par GROUPE LIAISONS),

hypothèses qui sous-tendent l'absence de l'emprunt de 445 millions, les effets de chacun des deux éléments suivants-à savoir d'une part l'évolution défavorable de l'activité et des résultats opérationnels du groupe WKF entre 2008 et 2010, et d'autre part de la filialisation de l'activité TELEROUTE-sur le montant de la réserve,

- Interroger les parties concernant la réserve spéciale de participation pour les années 2011 à 2015 afin qu'elles fassent des propositions sur les modalités de calcul en fonction d'un éventuel nouvel accord d'entreprise sur la participation ;
- Se faire communiquer par les parties tous éléments utiles à sa mission, et donner tous éléments de nature à éclairer la compréhension des données et " retraitements " comptables ;
DIT que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera un rapport en un exemplaire au greffe de la cour d'appel de Versailles dans le délai de six mois à compter de la consignation sauf prorogation de ce délai sollicité auprès du conseiller chargé du contrôle des expertises ;
DIT que l'expert devra dès réception de l'avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l'expiration du délai d'un mois à compter de la consignation au cours de laquelle il procédera à une lecture contradictoire de sa mission présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d'éventuelles mises en cause, établira contradictoirement le calendrier des opérations et évaluera le coût prévisible de sa mission et qu'à l'issue de cette réunion il adressera un compte rendu aux parties et au conseiller chargé du contrôle ;
DIT que sauf avis contraire des parties l'expert adressera une note de synthèse aux parties dans laquelle il rappellera l'ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction ;
DIT que l'expert fixera aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l'article 276 du code de procédure civile et RAPPELLE qu'il ne sera pas tenu compte des transmissions tardives ;
DÉSIGNE Mme D...en qualité de magistrat chargé du contrôle de cette expertise ;
DIT que l'expert devra lui rendre compte de l'avancement de ses travaux d'expertise et des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de ses mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ;
FIXE à la somme de 10 000 euros (DIX MILLE EUROS) la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par les sociétés WKF et HWKF auprès du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Versailles dans le délai maximum d'un mois à compter du prononcé du présent arrêt ;
DIT que faute de consignation dans ce délai la désignation de l'expert sera caduque et privée d'effet ;
DIT que l'affaire sera rappelée à l'audience du : mardi 06 décembre 2016 à 09H15, en formation collégiale salle d'audience no3, porte H rez-de-chaussée droite

pour fixation après le dépôt de rapport d'expertise ;
DIT que la notification de la présente décision vaut convocation à ladite audience ;
CONDAMNE in solidum les sociétés WKF et HWKF à payer à l'UGICT-CGT la somme de 2000 ¿ à titre provisionnel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société WKF à payer à chacun des syndicats SIPM-CNT, SNJ et SNE-CFDT la somme de 2000 ¿ à titre provisionnel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
RÉSERVE les dépens.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER, Le PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/01292
Date de la décision : 02/02/2016
Sens de l'arrêt : Expertise

Analyses

Sommaire Arrêt rendu le 02 février 2016 par la 6ème chambre de la cour d’appel de Versailles RG 15/01292 En application des articles L.3322-1 et L.3322-2 du code du travail, dans les entreprises d'au moins 50 salariés, les salariés bénéficient obligatoirement d'un droit de participation aux résultats de l'entreprise, sous la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise, et constituant la réserve spéciale de participation. Selon l'article L.3326-1 du code du travail, le montant du bénéfice net et celui des capitaux propres de l'entreprise sont établis par une attestation de l'inspecteur des impôts ou du commissaire aux comptes; ils ne peuvent être remis en cause à l'occasion des litiges nés de l'application des dispositions relatives à la participation. Dans le cadre d’une opération de réorganisation, la société intimée a souscrit un emprunt auprès de la société mère ce qui a eu pour effet d’empêcher tout versement de participation aux salariés en raison de cet endettement. La Cour constate que les syndicats appelants, sans remettre en cause la sincérité des attestations du commissaire aux comptes, sollicitent seulement que l'opération de restructuration litigieuse soit déclarée inopposable aux salariés de la société, avec pour conséquence la réintroduction dans le bénéfice net, des sommes soustraites abusivement à ce bénéfice afin de reconstituer la réserve de participation. Infirmant le jugement entrepris, elle déclare les syndicats recevables en leurs demandes et, sur le fond, juge que l'opération de restructuration est constitutive d'une manœuvre frauduleuse tant à l'égard du CCE que des salariés de la société intimée et déclare cette opération inopposable à ces derniers. Sur la réparation du préjudice des salariés, la Cour ordonne une expertise afin notamment de déterminer le montant reconstitué de la réserve spéciale de participation sur la période retenue et sursoit à statuer sur la fixation du montant de cette réserve.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2016-02-02;15.01292 ?
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