COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 JANVIER 2016
R.G. N° 07/00831
AFFAIRE :
[E] [M]
[Y] [M]
C/
SA TOTAL MARKETING SERVICES
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 23 Novembre 2006 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NANTERRE
Section : Commerce
N° RG : 03/01936
Copies exécutoires délivrées à :
Me Michel JOURDAN
Me Marie-Odile LARDIN
Copies certifiées conformes délivrées à :
[E] [M]
[Y] [M]
SA TOTAL MARKETING SERVICES
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [E] [M]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Michel JOURDAN, avocat au barreau de PARIS
Madame [Y] [M]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Michel JOURDAN, avocat au barreau de PARIS
APPELANTS
****************
SA TOTAL MARKETING SERVICES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Marie-Odile LARDIN, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :
Compaud
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE
FAITS ET PROCÉDURE
Vu l'arrêt définitif en date du 7 mars 2006 par lequel cette cour a rejeté le contredit formé par la société, à l'époque dénommée, TOTAL FRANCE, aujourd'hui TOTAL MARKETING SERVICES, à la suite du jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre , saisi le 12 mai 2003 par les époux [M] et a jugé que ces derniers relevaient des dispositions de l'article 781-1 du code du travail de l'époque ;
Vu l'arrêt infirmatif en date du 30 octobre 2007 par lequel cette cour , après avoir écarté la prescription quinquennale, opposée par la société TOTAL FRANCE aux demandes à caractère salarial des époux [M] :
- a dit que les dispositions des livres I et II du code du travail sont applicables aux époux [M] ;
- a condamné la société TOTAL FRANCE à payer à chacun des époux [M] la somme de 5000 € au titre du préjudice lié à leur exposition à des matières dangereuses ;
- a dit que la convention collective nationale de l'industrie du pétrole est applicable aux époux [M] ;
- a dit que pour les fonctions qu'ils ont l'un et l'autre exercées au titre de la gérance du fonds de commerce, les époux [M] sont chacun en droit de prétendre, en application de la convention collective précitée au paiement d'un salaire par la société TOTAL FRANCE, selon le coefficient K 230 ;
- a dit que les époux [M] ne peuvent prétendre, au cours d'une même année, au cumul des sommes qui correspondent aux salaires prévus par la convention collective et les avantages attachés à la nature commerciale des contrats conclus entre la société TOTAL FRANCE et la SARL [M] ;
- a condamné la société TOTAL FRANCE à justifier auprès des époux [M] de leur immatriculation au régime général de la Sécurité sociale et à payer les cotisations correspondantes ;
la cour a également ordonné une mesure d'expertise et confié à l'expert commis le soin de rechercher tous éléments permettant de calculer les sommes revenant aux époux [M] au titre de la participation et des salaires déterminés comme dit précédemment, au regard de leur temps de travail ;
Vu l'arrêt en date du 1er juillet 2009 par lequel la Cour de cassation, cassant l'arrêt susvisé du 30 octobre 2007 :
- a jugé que seule la prescription quinquennale, à l'époque prévue par l'article L 143-14, devenu L 3245-1 du code du travail s'appliquait à l'action engagée par les époux [M] qu'aucune constatation de la cour d'appel ne permettait de considérer comme s'étant trouvés dans l'impossibilité d'agir et de contester leur situation - celle-ci n'ayant été contestée que 13 ans après la fin des relations contractuelles ;
- en conséquence, a cassé l'arrêt du 30 octobre 2007, mais seulement en ce que la cour avait rejeté la fin de non recevoir opposée aux demandes de nature salariale et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Paris ;
Vu l'arrêt du 23 février 2010 par lequel la cour de céans a ordonné le remplacement de l'expert précédemment commis et a désigné un nouvel expert M. [G] avec une mission modifiée en raison de la cassation intervenue ;
Vu l'arrêt en date du 11 janvier 2011 par lequel la cour d'appel de Paris, saisie sur renvoi après cassation, a déclaré prescrites les demandes de nature salariale, formées par les époux [M], et a dit en conséquence les époux [M] irrecevables en leur demandes « principales et accessoires relatives au paiement d'heures de prestation, en délivrance de bulletins de salaires et obligation à justifier du paiement des cotisations sociales » et a rejeté les « demandes en dommages et intérêts des époux [M] pour retard de paiement et à titre d'enrichissement sans cause » ;
Vu l'arrêt du 13 mars 2013 par lequel la Cour de cassation a déclaré non admis le pourvoi, formé contre ce dernier par les époux [M] ;
Vu le rapport de l'expert M. [G] en date du 13 janvier 2015 ;
Vu les conclusions après expertise, remises et soutenues à l'audience du 17 novembre 2015 par les époux [M], tendant à ce que la cour :
- condamne la société TOTAL MARKETING SERVICES, anciennement dénommée TOTAL FRANCE, à payer, à titre de dommages et intérêts et avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
à M. [M] :
- 426 515,60 € pour le non respect du temps maximum hebdomadaire de travail,
- 66 920 € pour le non respect des repos hebdomadaires,
- 44 850 € pour le non respect des congés payés,
- 6020 € pour le non respect des jours fériés,
au titre de la rupture des relations avec la société TOTAL :
- 12 310,11 € d'indemnité de licenciement,
- 153 420 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
au titre du préjudice de retraite pour la période de 2000 à 2014 :
- 5888,95 € de préjudice de retraite du régime général,
- 20 433,39 € de préjudice de retraite ARRCO,
- 77 315,11 € de préjudice de retraite AGIRC,
- 91 271,71 € de préjudice de retraite postérieur à 2014,
- 6846 € au titre de la participation avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2003 € au titre de la participation,
à Mme [M] :
- 25 510,10 € pour le non respect du temps maximum hebdomadaire de travail,
- 35 280 € € pour le non respect des repos hebdomadaires,
- 24 165 € pour le non respect des congés payés,
- 3290 € pour le non respect des jours fériés,
au titre de la rupture des relations avec la société TOTAL :
- 3603 € d'indemnité de licenciement,
- 86 472 € d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
au titre de la période de 2002 à 2014 :
- 7044,22 € de préjudice de retraite du régime général,
- 14 414,53 € de préjudice de retraite ARRCO
- 6769,30 € de préjudice de retraite AGIRC,
- 35 151,40 € de préjudice de retraite postérieur à 2014,
au titre de la participation : 2628 € avec intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2003,
- chacun des époux [M] sollicitant en outre l'allocation de la somme de 25 000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les écritures développées à la barre par la société TOTAL MARKETING SERVICES qui conclut à l'irrecevabilité de toutes les demandes qualifiées de dommages et intérêts, comme portant atteinte à l'autorité de la chose jugée par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 11 janvier 2011 ;
Subsidiairement,
à la prescription en tout état de cause des demandes formées à titre de dommages et intérêts ;
et prie la cour, en tout cas :
- de débouter les époux [M] de leurs demandes d'indemnités au titre de la rupture des relations entre les époux [M] et la société EFF FRANCE, aux droits de laquelle elle-même vient, et dire que cette rupture s'analyse en une démission des époux [M] avec rejet des demandes d'indemnités formées au titre de la rupture, en tout état de cause, non fondées, faute de preuve des préjudices allégués ;
- de juger que les sommes dues au titre de la participation seront défalquées les cotisations sociales salariales ;
- de rejeter les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
SUR CE LA COUR
Sur les moyens de procédure
Considérant qu'il convient de rappeler que la société TOTAL FRANCE devenue aujourd'hui TOTAL MARKETING SERVICES a donné la gérance d'un fonds de commerce de station-service à la SARL [M] dont les époux [M] étaient les gérants; que les relations contractuelles ont pris fin le 31 octobre 1990 ; que le 12 mai 2003 les époux [M] ont saisi le conseil de prud'hommes afin de se voir reconnaître le bénéfice du statut de gérant de succursale salarié ; qu'aux termes des diverses décisions susvisées leur demande a été accueillie et une expertise a été ordonnée dont le rapport a été déposé le 13 janvier 2015 ;
Que certaines des prétentions des époux [M] ont été définitivement tranchées par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 11 janvier 2011, qui les a rejetées en les déclarant prescrites ;
Que les demandes présentement formées par les époux [M] visent exclusivement à l'octroi de dommages et intérêts, en réparation du préjudice qu'ils ont subi du fait de l'inobservation par la société TOTAL FRANCE, à l'époque, des dispositions du code du travail relatives à la durée du travail et au repos (temps hebdomadaire de travail, repos hebdomadaire, congés annuels, jours fériés) ;
Considérant que, quel que soit le calcul choisi et utilisé par les époux [M] pour évaluer ces préjudices (taux horaire), il est ainsi non contestable que, lorsque ceux-ci ont saisi le conseil de prud'hommes, le 12 mai 2003, pour voir constater qu'ils avaient été juridiquement liés à la société TOTAL FRANCE, leur action contre cette société, en paiement de dommages et intérêts, aujourd'hui présentée devant la cour de céans, n'était pas prescrite puisque, s'agissant d'une action à caractère indemnitaire, cette action ne se prescrivait, à l'époque, que par trente ans ; que, de plus, même si dans leur acte introductif d'instance, les époux [M] ne formulaient pas cette demande, cet acte a néanmoins interrompu le délai de prescription afférent à toute action relative au paiement de sommes dues en vertu de leur relation de travail avec la société TOTAL FRANCE ; qu'il s'ensuit que l'action en demande de paiement de dommages et intérêts, pour inobservation par la société TOTAL FRANCE des dispositions du code du travail, applicables entre les parties, a été engagée dans les délais de la prescription et s'avère recevable ;
Considérant qu'en outre, contrairement à ce que conclut la société TOTAL MARKETING SERVICES dans ses écritures, l'arrêt du 11 janvier 2011 précité n'a pas statué sur la demande des époux [M] tendant à voir réparer le préjudice subi au titre de leur retraite ; qu'il ressort, en effet, tant des demandes des époux [M], que des dispositions de l'arrêt que, seules étaient débattues devant la cour parisienne, les demandes en paiement de sommes à caractère salarial et de cotisations sociales ; qu'il n'est aucunement statué sur l'affiliation des époux [M] à la sécurité sociale ; qu'ainsi, ceux-ci ne portent pas atteinte à l'autorité de la chose jugée, comme l'allègue la société TOTAL MARKETING SERVICES, et sont donc recevables à solliciter que la cour statue aujourd'hui sur le préjudice lié à leur défaut d'affiliation au régime de sécurité sociale - étant rappelé, au demeurant, qu'antérieurement à la décision du 11 janvier 2011, dans son arrêt du 30 octobre 2007, cette cour avait, elle, déjà condamné la société TOTAL MARKETING SERVICES à immatriculer les époux [M] au régime général de la sécurité sociale ;
Considérant que ces moyens de procédure opposés par la société TOTAL MARKETING SERVICES étant écartés, il y a lieu d'examiner, au fond, les demandes des époux [M] ;
*
Sur le fond
Sur les dommages et intérêts au titre de la durée du travail et du repos
Considérant que M. [M] a travaillé dans la station-service durant 9 ans environ, son épouse pendant 4 ans et demi ;
Considérant que les investigations et conclusions de l'expert démontrent que la société TOTAL, pendant toutes ces périodes n'a respecté, ni le temps de congé légal, ni les repos hebdomadaire, ni les repos des jours fériés, ni encore le temps maximum de travail puisque, dans le cas contraire, les époux [M] auraient dû effectuer des journées de travail de près de 23 heures ; que la société TOTAL MARKETING SERVICES ne conteste d'ailleurs pas les conclusions de l'expert ;
Considérant que le respect des dispositions légales d'ordre public, relatives à la santé au travail et aux conditions tenant à la durée du temps de travail des époux [M], incombait à la société TOTAL ; qu'à défaut, d'avoir permis aux époux [M] de bénéficier de ces dispositions, la société TOTAL MARKETING SERVICES doit répondre du préjudice subséquent ;
°
Sur le dépassement de la durée hebdomadaire maximale :
Considérant qu'à partir de ceux de l'expert , les époux [M] ont établi un calcul, non contesté par la société TOTAL MARKETING SERVICES, duquel il ressort que M. [M], pour la période de 1981 à 1990 a souvent dépassé, les 46 heures maximales hebdomadaires de travail, prévues par la loi ;
Que s'agissant de Mme [M], le rythme est moindre et sur une durée deux fois moins longue ;
Considérant que M. [M] réclame de ce chef 426 515,60 € tandis que Mme [M] sollicite 25 510,10 € ;
Considérant que le préjudice à indemniser revêt un caractère moral ; que son appréciation au regard du tarif de l'heure de travail n'apparaît pas adaptée ; que la cour estime être en mesure de chiffrer ce préjudice à la somme de 5000 € pour Mme [M] et 15 000 € pour M. [M] ;
°
Sur le repos hebdomadaire :
Considérant que, de ce chef, M. [M] requiert le versement d'une indemnité de 66 920 € et Mme [M], la somme de 35 280 € ; que le premier sur la base des calculs de l'expert constate qu'il a été privé, au titre des deux jours de repos hebdomadaires, de 956 jours de repos, et Mme [M], de 504 jours, représentant selon eux des dommages et intérêts respectifs de 66 920 et 35 280 € ;
Que la privation de ces deux jours hebdomadaires de repos, sur une période longue pour Mme [M] et très longue pour M. [M] justifie, pour le surcroît de fatigue et le manque de liberté qu'elle a générés au préjudice des époux [M], une indemnité de 15 000 € pour M. [M] et de 8000 € pour Mme [M] ;
°
Sur les congés payés :
Considérant que la privation des congés payés annuels, a laissé les époux [M] travailler sans interruption pendant 9 ans et 4,5 ans pour chacun d'eux ; qu'ils sont en droit de solliciter une indemnité destinée à réparer le préjudice qu'ils ont souffert, en restant durement attachés au fonctionnement de leur station-service, sans pouvoir reconstituer, par le repos, leur organisme et leur force de travail ;
Que, comme les précédentes, les indemnités réclamées par les intéressés sont excessives et seront réduites à 15 000 € pour M. [M] et 8000 € pour Mme [M] ;
°
Sur les jours fériés :
Considérant qu'enfin, la suppression, au préjudice de chacun des époux [M], de 11 jours fériés par an, soit 86 jours pour M. [M] et 47 jours pour Mme [M] est évaluée à 6020 € par le premier et à 3290 € par la seconde - ; qu'il sera alloué respectivement aux époux [M], les sommes de 4000 et 2000 € ;
*
Sur la rupture de la relation de travail
Considérant que les époux [M] exposent que la fin de leur relation de travail avec la société TOTAL MARKETING SERVICES, anciennement TOTAL FRANCE, - venue à expiration le 31 octobre 1990, fin de leur activité pour la société - constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'ils réclament le paiement de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant que, pour sa part, la société TOTAL MARKETING SERVICES objecte que le contrat de mandat et de location-gérance conclu entre la société TOTAL et la société [M] a fait l'objet d'un avenant de résiliation le 31 juillet 1990 d'un commun accord entre les parties et soutient que, dans ces conditions, cette résiliation doit être qualifiée de démission des époux [M] qui sont dès lors mal fondés en leur demande ;
Mais considérant que l'avenant de résiliation a été signé entre les sociétés TOTAL FRANCE et [M] ; que dans ces conditions, ceux-ci ne sauraient se voir opposer les dispositions d'un acte auquel ils n'étaient pas personnellement partie ; que, dès lors, la cessation de la relation de travail qui existait entre les époux [M] et la société TOTAL FRANCE, ne peut s'analyser qu'en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Considérant que s'agissant de l'indemnité de licenciement, la société TOTAL MARKETING SERVICES prétend que la demande des époux [M] serait prescrite puisque fondée sur des salaires qui eux-mêmes sont prescrits ;
Considérant toutefois, que les salaires, certes prescrits, ne sont ici utilisés que pour calculer l'indemnité de licenciement dont il n'est pas soutenu, qu'elle, soit prescrite ;
Considérant que dans ces conditions les sommes réclamées, en elles-mêmes, non contestées, seront allouées aux époux [M], comme dit ci-après au dispositif ;
Considérant que les époux [M] réclament chacun une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 153 420 € pour M. [M] et 86 472 € pour Mme [M] ;
Considérant que compte tenu de leur investissement dans l'activité de la station-service et de la dureté de leurs conditions de travail, alors que ni l'un, devenu invalide, ni l'autre, n'a retrouvé d'autre emploi, la cour est en mesure d'évaluer à 35 000 € pour M. [M] et à 22 000 € pour Mme [M] le montant de l'indemnité due au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
*
Sur le défaut d'affiliation des époux [M] au régime général de sécurité sociale
Considérant que cette demande est recevable comme dit ci-dessus, au regard de l'arrêt du 11 janvier 2011 qui a déclaré prescrite la seule action en paiement des cotisations et, surtout, au regard de l'arrêt définitif de cette cour du 30 octobre 2007 qui a ordonné à la société TOTAL MARKETING SERVICES de justifier de l'immatriculation des époux [M] au régime général de sécurité sociale, cette juridiction reconnaissant ainsi que la société TOTAL MARKETING SERVICES avait cette obligation, ne l'avait pas exécutée et devait l'accomplir ;
Considérant, au fond, que selon les calculs de l'expert le manque à gagner par M. [M] au titre de ses pensions de retraite, du fait de son absence d'immatriculation pendant la période où il a travaillé pour TOTAL, est de 77 315,11 € pour le passé, c'est à dire de la liquidation de sa retraite en 2000 à 2014, et à 91 271,71 € pour les onze années de vie, à venir, à compter à du 1er janvier 2015'- étant rappelé que M. [M] est âgé de 75 ans en 2015 ;
Que Mme [M], âgée de 73 ans, chiffre également son préjudice à la somme retenue par l'expert, soit 15 422,80 € pour le préjudice passé depuis la liquidation de sa retraite et 35 151,40 € pour le préjudice à venir ;
Considérant que le préjudice ainsi allégué revêt, pour partie, un caractère réel et précisément déterminé, s'agissant du manque à gagner au titre de la retraite des époux [M] liquidée jusqu' à ce jour ; que la diminution des droits à retraite des intéressés est certaine et définitive que cependant la réparation du préjudice qui s'ensuit pour les époux [M] doit tenir compte des aléas relativisant, pour les époux [M] comme pour chacun, l'effectivité et la durée de la perception d'une pension de retraite ; qu'en outre, l'indemnisation doit prendre en considération le fait que les époux [M] n'auront jamais versé de cotisations salariales ;
Que compte tenu de ces éléments, la cour estime être en mesure d'évaluer le préjudice consécutif à l'absence d'immatriculation à la sécurité sociale à la somme de 120 000 € le préjudice de M. [M] et à 50 000 € celui de Mme [M] ;
*
Considérant qu'enfin, au titre de la participation aux fruits de l'expansion, les sommes calculées par l'expert et sollicitées par les époux [M] seront à verser à ces derniers par la société TOTAL MARKETING SERVICES soit, 6846 € pour M. [M] et 2628 € pour Mme [M] - sans qu'il y ait lieu de retenir les modalités de paiement proposées par celle-ci dans ses conclusions ;
*
Considérant que conformément à la demande des époux [M], il y a lieu d'allouer les intérêts au taux légal époux [M], avec anatocisme, mais à compter, non du 10 juillet 2003, comme requis, mais à compter de ce jour, les condamnations prononcées ayant un caractère indemnitaire ; que ces intérêts seront dus avec anatocisme dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
Considérant que les dépens qui comprendront les frais des rapports des experts [Q] et [G] seront à la charge de la société TOTAL MARKETING SERVICES ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , il sera alloué à chacun des époux [M] la somme de 10 000 €, en sus de celle qui leur a été précédemment allouée par la cour à ce titre ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
STATUANT contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,
Statuant après le dépôt du rapport d'expertise de M. [G] ;
CONDAMNE la société TOTAL MARKETING SERVICES à payer, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour et dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
à M. [M] :
- à titre de dommages et intérêts pour non respect du temps maximum hebdomadaire de travail, la somme de 15 000 € ;
- à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaire, la somme de 15 000 € ;
- à titre de dommages et intérêts pour non respect des congés annuels, la somme de 15 000 € ;
- à titre de dommages et intérêts pour non respect des jours fériés, la somme de 4000 € ;
- à titre de dommages et intérêts , au titre de la retraite, la somme de 120 000 € ,
- à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 35 000 € ;
- à titre d'indemnité de licenciement, la somme de 12 310,11 € ;
- au titre de la participation des fruits de l'expansion , la somme de 6846 € ;
ces deux dernières sommes avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par la société TOTAL FRANCE de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
à Mme [M] :
- à titre de dommages et intérêts pour non respect du temps maximum hebdomadaire de travail, la somme de 5000 € ;
- à titre de dommages et intérêts pour non-respect du repos hebdomadaires, la somme de 8000 € ;
- à titre de dommages et intérêts pour non respect des congés annuels, la somme de 8000 € ;
- à titre de dommages et intérêts pour non respect des jours fériés, la somme de 2000 € ;
- à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la somme de 22000 € ;
- à titre de dommages et intérêts, au titre de la retraite, la somme de 50 000 € ;
- à titre d'indemnité de licenciement, la somme de 3603 € ;
- au titre de la participation des fruits de l'expansion, la somme de 2628 € ;
ces deux dernières sommes, avec intérêts au taux légal à compter du jour de la réception par la société TOTAL FRANCE de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes, capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil ;
CONDAMNE la société TOTAL MARKETING SERVICES aux dépens qui comprendront les frais d'expertise et au paiement, au profit de chacun des époux [M], de la somme de 10 000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRÉSIDENT,