COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 78H
16e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 21 JANVIER 2016
R.G. N° 14/05243
AFFAIRE :
[D] [W]
C/
SCOP CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC....
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Juin 2014 par le Tribunal d'Instance de PONTOISE
N° Chambre : /
N° Section :
N° RG : 1113000248
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES
SELARL 2APVO, avocat au barreau de VAL D'OISE -
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [D] [W]
[Adresse 2]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1453447 -
Représentant : Me Fabrice FRANCOIS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0927
APPELANT
****************
SCOP CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL AGRICOLE MUTUEL DU LANGUEDOC RCS MONTPELLIER
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège - N° SIRET : 492 82 6 4 177
[Adresse 3]
[Adresse 1]
Représentant : Me [Z] [T] de la SELARL 2APVO, Postulant, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 165 - N° du dossier 130088 -
Représentant : Me Pascal ADDE-SOUBRA de la SCP AS AVOCTAS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE
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Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 Décembre 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller chargé du rapport et Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Ghislaine SIXDENIER, Conseiller, faisant fonction de Président,
Madame Marie-Christine MASSUET, Conseiller,
Monsieur Eric LEGRIS, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Bernadette RUIZ DE CONEJO,
FAITS ET PROCEDURE,
Par acte notarié en date du 24 août 2005, la SCI CEGUI constituée le 6 juillet 2005, a emprunté auprès de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT MUTUEL AGRICOLE MUTUEL (CRCAM) DU GARD une somme totale de 458.460 € destinée à l'acquisition d'un bien immobilier pour 230.000 € et à la réalisation de travaux pour 228.460 €.
Les sommes empruntées étaient remboursables en mensualités constantes de 2.629,10 € pour la partie acquisition et 2.629,10 € pour la partie travaux, ce sur une durée de 20 ans aprés différé d'amortissement sur 6 mois.
L'emprunt était garanti par un privilège de deniers, une hypothèque et le cautionnement solidaire de Monsieur [Z] [I], Madame [X] [W] épouse [I] et Monsieur [D] [W].
Par jugement en date du 28 janvier 2010, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de NIMES a ordonné la vente forcée du bien immobilier acquis par la SCI CEGUI et fixé la créance de la CRCAM DU LANGUEDOC comme suit :
-450.620,43 € : capital restant dû et capital échu,
-59.444,81 € : intérêts de la créance arrêtés au 10 septembre 2009 après imputation des versements,
-35.704,56 € : indemnité de recouvrement.
Par jugement en date du 9 septembre 2010, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de NIMES a constaté l'adjudication de bien saisi au prix de 146.500 €.
Par requête enregistrée au greffe du tribunal d'instance de PONTOISE le 29 août 2012, la CRCAM DU LANGUEDOC (venant aux droits de la CRCAM DU GARD) a sollicité la saisie des rémunérations de Monsieur [D] [W] pour une somme de 455.624,50 € en principal, intérêts et frais.
En l'absence de conciliation des parties, l'affaire a été renvoyée devant le tribunal.
Par jugement du 17 juin 2014 le tribunal d'instance de PONTOISE a :
-autorisé la saisie des rémunérations de Monsieur [D] [W] à hauteur de la somme totale de 455.515,83 € en principal, intérêts et frais,
-débouté Monsieur [D] [W] de toutes ses prétentions,
-condamné Monsieur [D] [W] aux dépens de l'instance,
-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [W] a interjeté appel de la décision selon déclaration du 9 juillet 2014.
Vu la signification en date du 12 septembre 2014 de la déclaration d'appel à la CRCAM DU LANGUEDOC,
Vu les dernières conclusions en date du 6 octobre 2014 par lesquelles Monsieur [D] [W] demande à la cour de :
-infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de PONTOISE ;
Statuant à nouveau :
Vu notamment les dispositions des article L 341-1 et L 341-6 du code de la consommation :
-constater que la CRCAM DU LANGUEDOC ne justifie pas d'un titre exécutoire lui conférant une créance certaine liquide et exigible à son encontre ;
Vu les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation :
-constater la disproportion entre l'engagement de caution dont se prévaut la CRCAM et les biens et revenus de Monsieur [D] [W] ;
-dire et juger que la CRCAM DU LANGUEDOC ne peut se prévaloir du contrat de cautionnement qu'elle lui a fait souscrire ;
-dire et juger qu'elle ne peut donc se prévaloir d'un titre exécutoire à son encontre ;
-la débouter de ses demandes ;
Subsidiairement,
-constater que la CRCAM a commis des fautes à l'occasion de l'octroi de crédits à la société CEGUI et de l'obtention de son cautionnement et notamment qu'elle a manqué à son obligation de mise en garde ;
En conséquence :
-condamner LA CRCAM DU LANGUEDOC à lui payer, par compensation qui sera ordonnée, des dommages et intérêts pour une somme égale à celle à laquelle il resterait tenu en qualité de caution ;
En toute hypothèse :
-condamner LA CRCAM DU LANGUEDOC au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens ;
Vu les dernières conclusions signifiées le 24 décembre 2014 par lesquelles la CRCAM DU LANGUEDOC, poursuivant la confirmation du jugement déféré, demande à la cour de :
-déclarer Monsieur [D] [W] recevable, mais mal fondé en son appel,
-débouter Monsieur [D] [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-condamner Monsieur [D] [W] au paiement d'une somme de 2.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance d'irrecevabilité des conclusions d'intimé en date du 6 janvier 2015 confirmée par arrêt en date du 28 mai 2015,
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 3 novembre 2015.
Les plaidoiries ont été ouïes le 16 décembre 2015 et le délibéré fixé au 21 janvier suivant.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le titre conférant créance certaine liquide et exigible
Aux termes de l'article R3252-1 du code du travail, « Le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut faire procéder à la saisie des sommes dues à titre de rémunération par un employeur à son débiteur »,
Monsieur [W] excipe de ce que la créance de la banque ne serait pas certaine, liquide et exigible en ce que les intérêts réclamés pour la période du 10 septembre 2009 au 4 mars 2011 puis du 4 mars 2011 au 30 juin 2012 ne seraient pas justifiés par un décompte précis détaillant leur mode de calcul.
Considérant que ce sont par des motifs pertinents que la cour adopte que le jugement entrepris a écarté l'argumentation de Monsieur [W],
Qu'en effet, la créance dont se prévaut le CRCAM est fondée sur un titre constitué de l'acte notarié du 24 août 2005 comprenant mention d'un prêt à la SCI et des garanties réelles et personnelles alors prises par le préteur dont l'engagement de caution de Monsieur [W],
Que la créance est déterminable puisque l'acte notarié précise le montant du prêt pour 458.460 € en principal assorti d'un taux effectif global de 3,7135 % l'an, ainsi que la durée de remboursement et le nombre des échéances,
Que la créance à l'égard de Monsieur [W] caution est exigible en vertu des jugements rendus les 28 janvier 2010 et 9 septembre 2010,
Que le jugement est confirmé sur ce point,
Sur l'information de la caution et la déchéance du droit aux intérêts,
Il découle des dispositions cumulées des articles L341-1 et L 341-6 du code de la consommation que tout établissement de crédit doit procéder à l'information des cautions ; cette information porte tant sur les incidents de paiement affectant le prêt qui doivent lui être signalés que sur le capital et les intérêts restant annuellement à échoir.
A défaut de respecter une telle information, le créancier se voit déchu de son droit aux intérêts contractuels -ici 3,7135% l'an- relatifs au prêt accordé ; il ne peut alors prétendre qu'aux intérêts au taux légal.
Considérant que Monsieur [W] fait valoir qu'il n'a pas été tenu informé par le préteur des défauts de paiement comme des montants restant dus du fait du prêt accordé en 2005,
Qu'il reproche au premier juge d'avoir écarté les devoirs d'information motif pris que les dispositions contractuelles y autorisaient le préteur ce dont les parties convenaient à l'acte,
Considérant que l'acte notarié prévoit expressément en page 21 « l'information annuelle de la caution imposée par l'article L313-22 du code monétaire et financier s'effectuera par lettre simple adressée par la banque à la caution avant le 8 mars de chaque année, la caution s'engageant expressément à aviser la banque par lettre recommandée avec avis de réception au plus tard le 15 mars au cas où elle ne l'aurait pas reçue ; la preuve de la bonne exécution de l'obligation annuelle d'information par la banque sera acquise des lors que la caution n'a pas adressé à la banque dans le délai imparti la lettre visée à l'alinéa précédent »,
Considérant que les dispositions du code de la consommation destinées à l'information et à la protection des emprunteurs sont d'ordre public,
Que les règles contractuelles arrêtées par les parties ne peuvent avoir pour vocation d'exonérer la banque de son obligation de faire la preuve de la délivrance des informations prévus par les textes,
Que la banque succombe sur ce point puisqu'une telle preuve n'est pas administrée,
Qu'il s'ensuit que la banque ne peut prétendre qu'au paiement du principal -soit 450.620,43 €- et des intérêts au taux légal,
Qu'il en découle que le jugement est infirmé en ce que la banque est déchue de tout droit aux intérêts conventionnels pour les périodes des 10 septembre 2009 au 4 mars 2011 puis du 4 mars 2011 au 30 juin 2012,
Sur la disproportion de l'engagement pris par Monsieur [D] [W],
Aux termes de l'article 341-4 du code de la consommation « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation »,
Considérant que Monsieur [W] indique que lors de la souscription de son engagement de caution, il ne disposait pas d'un patrimoine et de revenus lui permettant de s'engager valablement,
Qu'il n'était pas propriétaire de son appartement,
Que ses revenus étaient de l'ordre de 1.818 à 2.036 € par mois,
Que la déclaration de patrimoine n'a pas été établie sous sa signature,
Que la proportion entre les ressources et l'engagement doit s'apprécier sans tenir compte du patrimoine de l'emprunteur principal,
Considérant que lorsque Monsieur [W] s'est porté caution du prêt octroyé à la SCI dont il était alors l'un des associés,
Qu'il n'est pas contesté que Monsieur [W] indiquait lors de la demande de crédit, des revenus tirés d'une activité salariée pour 1.818 €/mois, un patrimoine immobilier pour 350.000 € et un patrimoine mobilier pour 40.000 €,
Qu'il ne mentionnait aucune charge,
Que la circonstance que ce jour, Monsieur [W] déclare que le document n'est pas signé de sa main ne permet aucunement d'en conclure pour la cour qu'il s'agirait d'un faux,
Considérant que la disproportion s'entend par comparaison entre le montant de l'opération de prêt et les ressources et patrimoine de celui qui s'engage lors de la conclusion de l'opération,
Que le prêt octroyé le 24 août 2005 se chiffrait à la somme de 458.460 €,
Que Monsieur [W] estimait son patrimoine pour 390.000 €,
Que son engagement en tant que caution était alors en adéquation avec le patrimoine et les revenus déclarés,
Considérant que le créancier n'a pas à vérifier -sauf anomalies apparentes- l'exactitude des renseignements fournis par la caution,
Que le jugement est par suite confirmé sur ce point,
Sur le devoir de mise en garde de la banque,
Considérant que Monsieur [W] fait valoir que le banquier aurait commis une faute en ce qu'il n'aurait pas mis en garde la caution sur les difficultés potentielles que pourraient rencontrer l'emprunteur quant au règlement des échéances du crédit,
Considérant que la banque répond d'une obligation de mise en garde à l'égard de la seule caution « non avertie »,
Qu'en l'espèce, Monsieur [W] était un des 3 associés de la SCI CEGUI,
Que cette SCI constituée de Monsieur [I], de son épouse Madame [W] et de Monsieur [D] [W] était constituée pour l'achat d'une maison de 8 pièces à [Localité 1] dans le Gard -figurant au cadastre pour 2 ares et 6 centiares-,et sa transformation en résidence locative après travaux pour 238.460 €,
Qu'ainsi l'opération était à visée spéculative,
Que certes Monsieur [W] cédait ses parts à sa s'ur le lendemain de l'acte du prêt,
Que toutefois et comme dit supra l'opération projetée était à vocation spéculative, la SCI entendant tirer des mises en location de quoi assurer le remboursement de l'emprunt,
Que Monsieur [W] exerçait lors de la demande de prêt la profession de « technicien trafic » pour Air France,
Que le prêt sollicité par la SCI était de 458.460 € sur 20 ans payable par échéances mensuelles constantes de 2.629,10 € X 2,
Que le prêt était garanti par des inscriptions sur le bien et les engagements personnels des 3 associés de la SCI,
Que l'opération de crédit n'était pas complexe,
Qu'en effet les échéances étaient constantes, qu'il était convenu d'un différé d'amortissement pendant 6 mois temps correspondant aux travaux de rénovation et transformation en résidence locative,
Que le taux du prêt était fixe,
Qu'il résulte de ces éléments d'appréciation sur le prêt consenti comme des qualifications de Monsieur [W] -technicien trafic aérien à Air France- que ce dernier disposait lors de la demande de prêt de toute compétence pour comprendre de quels montants et selon quelles modalités, la SCI constituée aux fins d'achat d'une maison à [Localité 1] dans le Gard et mise en location devait répondre du prêt,
Que de plus fort la cour observe que par acte du 16 juin 2011, Monsieur [W] et sa compagne ont emprunté auprès de la caisse d'épargne d'île de France la somme de 659.000 € aux fins d'achat d'une maison à [Localité 2] dans le Gard,
Que lors de cet emprunt, Monsieur [W] exerçait toujours le métier de technicien trafic et disposait d'un revenu salarial sensiblement équivalent à celui perçu en 2005 alors que les échéances de crédit sont de plus de 3.000 € par mois,
Considérant que les prétentions sont rejetées et par ricochet toute demande de condamnation à dommages intérêts de la banque,
Considérant que Monsieur [W] succombe pour partie en ses prétentions,
Qu'il apparaît équitable de ne pas faire droit aux demandes formées au titre des frais irrépétibles et de faire supporter les dépens par moitié par chacune des parties,
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement par décision contradictoire et en dernier ressort,
Vu l'article R3252-1 du code du travail,
Vu les articles L341-1, L341-4 et suivants du code de la consommation,
CONFIRME le jugement du 17 juin 2014 en ce qu'il a autorisé la saisie des rémunérations de Monsieur [D] [W],
Y AJOUTANT
DIT que le CRCAM est déchue de tout droit aux intérêts conventionnels sur le capital prêté au titre du prêt du 24 août 2005,
DEBOUTE Monsieur [D] [W] du surplus de ses demandes en ce compris celle relative aux frais irrépétibles,
FAIT MASSE des dépens qui seront supportés par parts égales par les parties au litige.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame SIXDENIER, Conseiller faisant fonction de Président et par Madame RUIZ DE CONEJO, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le Conseiller,