La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2016 | FRANCE | N°15/01228

France | France, Cour d'appel de Versailles, 6e chambre, 19 janvier 2016, 15/01228


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80C



6e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 JANVIER 2016



R.G. N° 15/01228



AFFAIRE :



[I] [U]



C/



SAS MULTI THEMATIQUES





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 14/01067





Copies exécutoires dÃ

©livrées à :



SELARL DAVIDEAU ASSOCIES



SCP Cabinet Flichy Grangé Avocats





Copies certifiées conformes délivrées à :



[I] [U]



SAS MULTI THEMATIQUES



le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF JANVIER D...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

6e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 JANVIER 2016

R.G. N° 15/01228

AFFAIRE :

[I] [U]

C/

SAS MULTI THEMATIQUES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 05 Février 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT

Section : Encadrement

N° RG : 14/01067

Copies exécutoires délivrées à :

SELARL DAVIDEAU ASSOCIES

SCP Cabinet Flichy Grangé Avocats

Copies certifiées conformes délivrées à :

[I] [U]

SAS MULTI THEMATIQUES

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Monsieur [I] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Emmanuel HAIMEZ de la SELARL DAVIDEAU ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

APPELANT

****************

SAS MULTI THEMATIQUES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Joël GRANGE de la SCP Cabinet Flichy Grangé Avocats, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Catherine BÉZIO, président,

Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,

Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE

EXPOSE DU LITIGE

Mr [U] a été engagé par la société MULTI THEMATIQUES, employant environ 140 salariés et filiale de groupe CANAL+, en qualité de réalisateur bande-annonce à compter du 5 septembre 2007 et jusqu'au 22 août 2013, dans le cadre de multiples contrats à durée déterminée (CDD) successifs pour la chaîne TPS STAR.

Il saisissait le conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT le 6 mai 2014, aux fins de voir requalifier les CDD d'usage en contrats à durée indéterminée (CDI) à temps plein.

Par jugement du 5 février 2015, dont Mr [U] a formé appel, le conseil l'a débouté de toutes ses demandes.

PRETENTIONS DES PARTIES

Par écritures soutenues oralement à l'audience du 10 novembre 2015, les parties ont conclu comme suit :

Mr [U] sollicite l'infirmation du jugement, et à titre principal, la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à temps plein pour un salaire mensuel de 6842 € brut (et subsidiairement de 3421 €, voire de 2014 €), à compter du 1er septembre 2007, et la constatation que la rupture de la relation contractuelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'où sa demande de condamnation de la société à lui payer les sommes suivantes :

- 161 409 € à titre de rappel de salaires pendant les périodes intercalaires, du fait de la requalification des CDD d'usage en CDI à temps plein, et 16 140,90 € au titre des congés payés afférents, et à titre subsidiaire les sommes de 53 937 € et 5393,70 € au titre des congés payés afférents ;

- 20 256 € à titre d'indemnité de requalification, ou subsidiairement la somme de 10263 €, voire de 6042 € ;

- 29 489 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, ou à titre subsidiaire celle de 14 744 €, voire de 8675 € ;

- et à défaut, 8210,40 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, ou 4105,20 € à titre subsidiaire, voire de 2416,80 € ;

- 120 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 5000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des obligations en matière de visite médicale ;

- la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En outre, il demande que soit ordonnée la remise d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du délai de 5 jours suivant la notification de l'arrêt, et que les montants alloués soient majorés, à défaut de règlement dans le délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt, des frais de recouvrement d'huissier prévus à l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996.

Il soutient avoir occupé pendant 6 ans un emploi lié à l'activité normale et permanente de la société intimée, cette dernière ne contestant pas avoir employé d'autres salariés en contrats à durée indéterminée avec la même fonction que lui; il précise que la rupture de la relation contractuelle est imputable à la société qui à compter d'avril 2013 a diminué le travail confié par 3 avant de cesser de lui confier du travail en août 2013.

La société MULTI THEMATIQUES conclut à titre principal à la confirmation du jugement, sollicitant le débouté de Mr [U] en toutes ses demandes et sa condamnation à lui payer la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, elle demande la requalification des contrats à temps partiel, avec l'allocation des sommes suivantes, sur la base d'un salaire mensuel de référence de 1834 € avec une ancienneté de 5,97 ans :

- 1834 € à titre d'indemnité de requalification,

- 5502 € à titre d'indemnité de préavis,

- 2189,79 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 11 004 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Elle fait valoir que Mr [U] était employé selon des CDD d'usage, comme le prévoit l'accord national de branche, pour des besoins ponctuels et variables (son activité ayant été régulièrement interrompue pendant plusieurs mois) dans le cadre d'émissions uniquement sportives pour la chaîne TPS STAR précisées dans chaque contrat, et pour lesquelles il était difficile de planifier à l'avance une intervention ; selon elle, le salaire de référence à prendre en compte est celui des 12 derniers mois, étant précisé que le salaire horaire était élevé pour tenir compte de la précarité de la collaboration et qu'il convient de tenir compte d'un emploi à temps partiel, précisant que les contrats respectent le formalisme des contrats de travail à temps partiel, et qu'en moyenne il a travaillé 59 jours par an, ce qui ôte à son emploi un caractère permanent; enfin, elle soulève le fait qu'il a travaillé pour elle en 2012 seulement à hauteur de 38 % de ses revenus, complétant essentiellement ses revenus par une collaboration avec d'autres sociétés.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée :

L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3 ).

Aux termes de l'article D.1242-1 du code du travail, les secteurs d'activité dans lesquels peuvent être conclus des contrats à durée déterminée sont (...) 6° les spectacles, l'action culturelle, l'audiovisuel, la production cinématographique, l'édition phonographique (...).

En application des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et L. 1242-12 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, qui ne peut avoir pour effet ou pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas déterminés par la loi, et doit être établi par écrit et comporter la définition précise de son motif, à défaut de quoi il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

La possibilité de conclure des contrats à durée déterminée d'usage est certes prévue et encadrée par la convention collective de la production audiovisuelle et l'accord national de branche de la télédiffusion et de la production audiovisuelle en date du 22 décembre 2006 (et étendu par arrêté du 5 juin 2007), dont relève l'ensemble des sociétés du groupe CANAL +, mais il appartient au juge de contrôler tant le formalisme des contrats que le motif par nature temporaire des contrats, qui doit être apprécié concrètement.

Sur le plan du formalisme, les lettres d'engagement produites et valant contrats de travail indiquent bien notamment le motif de l'emploi, la durée journalière du temps de travail et les jours de travail, se référant expressément aux dispositions légales et réglementaires qui autorisent le recours au contrat à durée déterminée d'usage dans le secteur de l'audiovisuel, à savoir la convention collective susvisée et de l'avenant concernant CANAL+.

Par ailleurs, Mr [U] ne rapporte pas la preuve qu'il n'aurait pas signé et/ou reçu certains de ces contrats dans le délai légal de deux jours prévu par l'article L.1242-13 du code du travail, les contrats produits étant revêtus de sa signature et datés du premier jour de travail.

La date de réception des contrats par le service comptable ne peut être prise en compte.

Dès lors que les contrats comportent l'ensemble des précisions et mentions légales, ils n'encourent pas la requalification en contrat de travail à durée déterminée sur ce point.

Mr [U] a travaillé, selon une centaine de contrats, pendant environ 6 ans comme réalisateur graphiste pour réaliser des bandes annonces (travail technique et parfois artistique de sélection et d'assemblages d'images, qui permet en bas de l'écran de faire des annonces sur l'émission en cours mais aussi d'annoncer d'autres programmes) dans de nombreuses émissions ou documentaires, comme cela résulte des mentions sur ses 'lettres d'engagement' :

- en particulier pour l'émission BA FACTORY sur TPS STAR, diffusée de manière régulière chaque mois, entre septembre 2007 et mars 2012,

- mais aussi pour d'autres émissions sportives, sur la maison/décoration ou de cuisine sur TPS STAR.

Ces bandes-annonces sont depuis quelques années quasi-systématiques sur la plupart des émissions.

La fréquence du recours par la société MULTI THEMATIQUES à Mr [U] était, entre 2007 et 2012, de plusieurs jours par mois, avec une moyenne 58 heures par mois sur 10 mois, les mois de juin et juillet étant le plus souvent non travaillés de 2008 à 2012.

La nature de son emploi, absolument nécessaire pour de nombreuses émissions et programmes diffusés par la société MULTI THEMATIQUES, explique qu'il soit régulièrement fait appel chaque jour à des réalisateurs de bande-annonces comme lui-même employé sous CDD, mais aussi à des salariés en CDI que la société admet employer en même temps.

Au vu de ces éléments établissant que l'emploi de Mr [U] correspondait à un emploi lié à l'activité normale et permanente de sociétés, il y a lieu de requalifier cette relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à compter du 1er septembre 2007, contrairement à la décision du conseil.

Sur la rupture de la relation contractuelle :

Lorsqu'un contrat de travail à durée déterminée est requalifié en contrat à durée indéterminée postérieurement à son exécution, la relation contractuelle se trouve rompue de fait et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la date du premier jour suivant celui auquel l'employeur, qui s'estimait à tort lié au salarié par un contrat de travail à durée déterminée venu à échéance, a cessé de lui fournir un travail et de le rémunérer.

A partir d'avril 2013 la société MULTI THEMATIQUES a réduit de manière drastique le nombre d'heures de travail de Mr [U], d'une moyenne de 58h à 16 ou 24h, pour ne plus lui donner de travail à partir de 23 août 2013, tout en réduisant son salaire journalier de 311 à 282 €, et ce sans aucune explication, le dernier contrat mentionnant le 22 août comme dernier jour travaillé.

Les circonstances, invoquées a posteriori par la société, selon lesquelles, d'une part la chaîne TPS STAR a cessé d'émettre en décembre 2012, et d'autre part que le nombre de bandes-annonces différentes a fortement diminué à compter de 2012 (comme cela apparaît en pièce 8), entraînant un moindre besoin en réalisateurs de bande-annonces, importent peu, puisqu'en employant régulièrement Mr [U] pendant environ 6 ans la société MULTI THEMATIQUES devait lui fournir du travail, au regard de son emploi à caractère permanent.

Il a ainsi mis fin aux relations de travail au seul motif de l'arrivée du terme d'un contrat improprement qualifié par la société MULTI THEMATIQUES de contrat de travail à durée déterminée.

Cette rupture est donc à son initiative et s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ouvre droit au profit de Mr [U] au paiement des indemnités de rupture et de requalification.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé.

Sur le temps de travail :

Selon l'article L.3123-14 du code du travail, le contrat de travail à temps partiel doit mentionner la qualification du salarié, les éléments de rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié.

L'absence d'une de ces mentions entraîne la requalification en contrat de travail à temps complet, et il incombe à l'employeur qui le conteste de rapporter la preuve qu'il s'agit d'un travail à temps partiel.

En l'espèce les contrats de Mr [U] comportent toutes les mentions sus-énoncées, sauf celle relative aux modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée lui sont communiqués par écrit.

De fait, Mr [U] indique qu'aucun planning n'était connu à l'avance et donc communiqué à lui, de sorte qu'il lui était impossible de connaître son rythme de travail à l'avance, ce qui est confirmé par le fait que les contrats étaient établis le premier jour de travail du mois, ce que la société MULTI THEMATIQUES reconnaît elle-même dans ses conclusions : 'le programme, dont le réalisateur doit réaliser la bande-annonce, est souvent mis à sa disposition très tardivement, à une date qui, elle aussi,connue que très tardivement, de sorte que la réalisation de la bande annonce échappe là encore à une prévisibilité sur le long terme'.

Les horaires de travail ne sont d'ailleurs pas définis dans les contrats, seuls la durée hebdomadaire et les jours de travail étant fixés.

Toutefois, si Mr [U] a travaillé effectivement sur la base d'un temps partiel, soit une moyenne de 58 heures par mois pour la société MULTI THEMATIQUES, son employeur principal, il a pu trouver régulièrement du travail auprès de plusieurs autres sociétés pour compléter son revenu, comme cela ressort de ses déclarations de revenus pour les années 2011 et 2012 :

- en 2011, il a travaillé pour la société MULTI THEMATIQUES à hauteur d'un revenu de 27 662 € sur un revenu total de 45 199 €, soit pour 61,20 % ;

- en 2012, il a travaillé pour la société MULTI THEMATIQUES à hauteur d'un revenu de 25 599 € sur un revenu total de 54 661 €, soit pour 46,83 %.

Dès lors, Mr [U] n'étant pas à la disposition permanente de son employeur principal la société MULTI THEMATIQUES pendant les mois où il a travaillé pour elle, son contrat de travail demeure à temps partiel ; toutefois, il est en droit de réclamer le paiement de ce salaire à temps partiel sur 12 mois, les rappels de salaire portant sur la différence entre la moyenne des salaires qu'il aurait dû percevoir et les salaires effectivement perçus ; cette différence est en grande partie liée aux 2 mois (voire 3 mois en 2012) non travaillés qui correspondent à la période des congés où la société MULTI THEMATIQUES ne lui fournissait aucun travail.

Ce temps partiel doit être déterminé par rapport à la moyenne des 12 derniers mois travaillés d'une activité régulière, soit sur la base de novembre et décembre 2011, des 9 mois de salaires de l'année 2012 ajoutés au mois de février de l'année 2013 avant la diminution de salaire :

- 3363 (novembre/décembre 2011) + 25 599 (année 2012) + 3102 (février 2013) = 32 064 € ;

- soit en moyenne sur 12 mois la somme de 2672 € brut.

Mr [U] a donc droit aux rappels de salaire et indemnités suivantes, sur la base d'un salaire mensuel de 2672 € brut :

- rappels de salaire pour 2011 : 32 064 € (2672 x 12) moins les salaires perçus, soit 25 136 € = 6928 €.

- rappels de salaire pour 2012 : 32 064 € moins les salaires perçus, soit 23 422 € = 8642 €.

- rappels de salaire pour 2013 : 21 376 € (2672 x 8 mois) moins les salaires perçus, soit 6977 € = 14 399 €.

Soit un rappel de salaire total de 29 969 €, outre 2996,90 € au titre des congés payés afférents.

- indemnité de préavis de 3 mois : 8016 €, outre 801,60 € au titre des congés payés afférents.

Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement et l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Mr [U] revendique une ancienneté de 17 ans, en raison de ses contrats de travail à durée déterminés d'usage avec la société TPS depuis 1996.

Or, comme le soutient à raison la société MULTI THEMATIQUES, le dernier contrat de travail de Mr [U] avec la société TPS s'est terminé le 18 mai 2007, alors que le rapprochement entre la société TPS et la société CANAL+ remonte à décembre 2007, ce qui ne peut donc emporter de transfert du contrat de travail de Mr [U] à la société CANAL+ ; par ailleurs il faudrait que sa relation contractuelle avec la société TPS soit requalifiée en contrat à durée indéterminée, ce qui n'est pas demandé et aurait supposé l'appel en la cause de cette société.

Ne sera donc retenue que l'ancienneté liant Mr [U] avec la société MULTI THEMATIQUES, soit du 1er septembre 2007 au 22 novembre 2013, date de la fin de la période de préavis de 3 mois (à compter du 22 août 2013), soit 6 ans 2 mois 22 jours (6,22 ans), ce qui lui donne droit, selon la convention collective à une indemnité de licenciement calculée comme suit :

6,22 x 0,20 x 2672 = 3 323,96 €.

L'article L. 1235-3 du code du travail, dans le cas d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité, qui ne peut être inférieure aux 6 derniers mois de salaire.

Au regard de l'ancienneté de Mr [U], du montant de son salaire et de sa situation de chômage partiel depuis la perte de son emploi, il lui sera alloué la somme de 35 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité de requalification :

Aux termes de l'article L1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud'hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s'applique sans préjudice de l'application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Mr [U] estime qu'il a été illégalement soumis à un statut précaire alors qu'il a travaillé au service de la société de manière quasi-ininterrompue pendant plus de 6 ans et qu'il occupait un poste permanent. Cependant il a réussi à travailler pour d'autres sociétés, ce qui limite son préjudice financier et permet d'estimer son préjudice à la somme de 8016 €.

Sur le défaut de visite médicale :

L'article R 4624-10 du code du travail prévoit qu'un salarié ayant plusieurs employeurs doit bénéficier d'un seul examen médical d'embauche, sous réserve d'un accord entre employeurs ou d'un accord de branche prévoyant notamment la répartition de la charge financière de la surveillance médicale.

Or, l'article 3.1 de l'accord collectif de branche relatifs aux intermittents du spectacle applicable dans l'audiovisuel prévoit des employeurs des intermittents par le versement d'une cotisation annuelle au service médical (CMB) qui convoque le salarié auquel est délivré une carte d'aptitude.

La société MULTI THEMATIQUES rapporte la preuve de sa cotisation au CMB et d'un suivi informatique de l'échéance théorique des visites, mais n'établit pas que le salarié a effectivement bénéficié régulièrement des visites médicales; elle devrait pourtant en avoir la preuve, car il est prévu par l'article 3.4 de cet accord que l'employeur doit conserver un double de cette carte d'aptitude.

La charge de la preuve de l'effectivité des visites médicales d'embauche et des visites périodiques (annuelle en l'espèce) repose sur l'employeur.

Faute de rapporter cette preuve, la société MULTI THEMATIQUES sera donc condamnée à indemniser Mr [U].

Cette omission de visites médicales pendant 6 ans a nécessairement causé un préjudice au salarié, cet examen étant non seulement à visée immédiate (la recherche de l'aptitude) mais aussi à visée préventive (information sur les risques liés au poste de travail et les moyens de prévention), comme l'indique l'article R 4624-11 dudit code.

Il sera donc alloué à Mr [U] à ce titre la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts.

Sur les autres demandes :

La demande de majoration, en cas de non règlement des sommes allouées, au titre des frais de recouvrement afférents est accordée mais seulement à compter du délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, et ce en application de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996.

Sera ordonnée la remise à Mr [U] d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail par la société MULTI THEMATIQUES, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent arrêt.

Les société MULTI THEMATIQUES sera condamnée à payer à Mr [U] la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT du 5 février 2015, et statuant à nouveau ;

Requalifie en contrat à durée indéterminée à temps partiel la relation contractuelle conclue à compter du 1er septembre 2007 entre la société MULTI THEMATIQUES et Mr [U] ;

Dit que la rupture abusive de leurs relations contractuelles par la société MULTI THEMATIQUES emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la société MULTI THEMATIQUES à payer à Mr [U] les sommes suivantes :

- 29 969 € à titre de rappels de salaire, outre celle de 2996,90 € au titre des congés payés afférents pour les années 2011 à 2013,

- 8016 € à titre d'indemnité de préavis et 801,16 € au titre des congés payés afférents,

- 3 323,96 € d'indemnité conventionnelle de licenciement,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2014 date de l'accusé de réception de la convocation de la société MULTI THEMATIQUES devant le bureau de jugement,

- 8016 € à titre d'indemnité de requalification,

- 35 000 € à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1000 € à titre de dommages et intérêts pour non respect des visites médicales,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit que les montants alloués seront majorés, à défaut de règlement dans le mois suivant la notification du présent arrêt, du droit de recouvrement ou d'encaissement par huissier en application de l'article 10 du décret n°96-1080 du 12 décembre 1996 ;

Ordonne à la société MULTI THEMATIQUES de remettre à Mr [U] une attestation Pôle Emploi et un certificat de travail, sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la notification du présent arrêt;

Condamne la société MULTI THEMATIQUES à payer à Mr [U] la somme de 4000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société MULTI THEMATIQUES aux dépens de première instance et d'appel.

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.

Le GREFFIER,Le PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 6e chambre
Numéro d'arrêt : 15/01228
Date de la décision : 19/01/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 06, arrêt n°15/01228 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-19;15.01228 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award