COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80A
6e chambre
ARRET N°
RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
DU 19 JANVIER 2016
R.G. N° 14/05107
AFFAIRE :
[Q] [A]
C/
[K] [D]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Octobre 2014 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE BILLANCOURT
Section : Encadrement
N° RG : 13/00601
Copies exécutoires délivrées à :
Me [F] [V]
[K] [D]
Copies certifiées conformes délivrées à :
[Q] [A]
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE SEIZE,
La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Madame [Q] [A]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Comparant
Assisté de Me [F] [V], avocat au barreau de BOBIGNY
APPELANTE
****************
Madame [K] [D]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Non comparante - Non représentée
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L'affaire a été débattue le 10 Novembre 2015, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Catherine BÉZIO, président,
Madame Sylvie FÉTIZON, conseiller,
Madame Sylvie BORREL-ABENSUR, conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Sabine MARÉVILLE
FAITS ET PROCÉDURE
Statuant sur l'appel formé par Mlle [Q] [A] à l'encontre du jugement en date du 30 octobre 2014 par le conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt s'est déclaré territorialement compétent pour connaître des demandes de Mlle [A] dirigées contre Mme [D] mais a débouté Mlle [A] de ses prétentions après avoir jugé que le contrat liant les parties était un contrat de collaboration libérale - le conseil condamnant en outre Mlle [A] au paiement de la somme de 1000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions remises et soutenues à l'audience du 10 novembre 2015 par Mlle [A] qui reprend ses demandes de première instance, et sollicite en conséquence l'allocation des sommes suivantes :
- 2000 € nets à titre de provision sur rappel de salaires du 5 juillet au 27 août 2012, outre 200 € à titre de congés payés
- 4000 € nets à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 400 € de congés payés afférents
- 2000 € d'indemnité pour licenciement irrégulier
- 4000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif
- 5000 € de dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire
- 3661 € de dommages et intérêts pour préjudice distinct
- 12 000 € d'indemnité pour travail dissimulé
avec remise par Mme [D] , sous astreinte, des bulletins de paye, attestation Pôle emploi et certificat de travail, intérêts au taux légal à compter du 27 août 2012 et paiement de la somme de 3000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu l'absence de comparution de Mme [D] à l'audience précitée du 10 novembre 2015, à laquelle sur sa demande l'affaire avait été contradictoirement renvoyée, lors de l'audience tenue le 6 novembre précédent ;
SUR CE LA COUR
Considérant que Mme [D] étant absente et non représentée, le présent arrêt sera réputé contradictoire';
*
Considérant qu'il résulte des pièces et conclusions de Mlle [A] que celle-ci titulaire du certificat d'aptitude à la profession d'avocat en 2011 a recherché un contrat de collaboration libérale auprès de l'un de ses confrères ; qu'elle a ainsi signé un premier contrat de collaboration libérale avec Mme [D] le 28 juin 2012 à effet du 4 juillet 2012, puis, l'ordre des avocats lui ayant rappelé qu'elle devait avoir prêté serment pour conclure un tel contrat, un second contrat en date du 12 juillet 2012 précisant qu'il ne prendrait effet qu'« à compter de la date de la prestation de serment » qui n'est intervenue que le 12 septembre 2012 ;
Que néanmoins, entre le 5 juillet et le 27 août - notamment en raison des congés qu'elle prenait - Mme [D] lui a demandé de travailler pour son compte au cabinet ; qu'elle n'a perçu aucune rémunération et que le 27 août 2012 Mme [D] a brutalement mis fin à la relation contractuelle qui les liait, l'obligeant à quitter le cabinet et à rechercher une nouvelle collaboration - cette rupture verbale étant confirmée par lettre recommandée du 29 août ;
Que par lettre recommandée du 29 août suivant, elle a vainement mis en demeure Mme [D] de lui régler, sur le fondement, en partie, des modalités de rétrocession d'honoraires, prévues au contrat de collaboration, le montant de la rémuneration qu'elle lui devait pour les travaux qu'elle avait effectués au cabinet depuis le 5 juillet';
Qu'une tentative de conciliation a échoué devant le bâtonnier qui a conclu en l'absence de contrat de collaboration à la compétence du conseil de prud'hommes pour statuer sur les demandes de Mlle [A] ;
Que celle-ci a donc saisi, le 2 avril 2013, le conseil de prud'hommes qui par le jugement dont appel a estimé que les parties étaient liées par un contrat de collaboration libérale, et non par un contrat de travail ;
Qu'en outre, en l'absence d'appel incident formé par Mme [D] sur les dispositions du jugement, relatives aux moyens d'incompétence dont a été saisi le conseil de prud'hommes, ces dispositions sont défintives et n'ont pas lieu d'être remises en cause ;
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Considérant que, comme en première instance, Mlle [A] soutient que du 5 juillet au 27 août 2012 elle a effectué divers travaux pour le compte de Mme [D], à raison d'un jour et demi par semaine, en qualité de salariée puisque le contrat de collaboration ne pouvait prendre effet avant sa prestation de serment en septembre ;
Considérant que les premiers juges ont estimé que Mlle [A] ne justifiait pas concrètement des prestations salariées effectuées pour Mme [D]';
Mais considérant que la période litigieuse ne pouvait être qualifiée de collaboration libérale puisque Mlle [A] n'avait pas encore prêté le serment d'avocat ainsi que Mme [D] ne pouvait l'ignorer, puisque ce fut le motif de l'éléboration du deuxième exemplaire du contrat de collaboration signé le 12 juillet 2012, à la demande de l'Ordre des avocats, qui ne devait prendre effet précisément qu'«'à compter de la prestation de serment'»';
Or considérant que la réalité du travail accompli par Mlle [A] du 5 juillet au 27 août 2012 n'est pas contestable'; qu'elle ressort des termes de l'attestation de l'assistante juridique de Mme [D], des messages téléphoniques écrits par Mme [D], elle-même, à l'appelante, et des indications de cette dernière dans sa correspondance à Mlle [A] du 25 octobre 2012 ;
Que ces éléments convergent pour établir que Mlle [A] travaillait avec les clients, sur les instructions et sur les dossiers de Mme [D], à laquelle elle rendait compte de ses diverses démarches';
Que l'appelante pendant ces quelques semaines n'avait donc d'autre statut que celui de salarié, dans l'attente de pouvoir faire usage du titre d'avocat et du statut de collaborateur libéral ;
Que Mme [D] n'ayant versé aucune rémunération à Mlle [A], pendant la période du 5 juillet au 27 août 2012, Mlle [A] est bien fondée à solliciter un rappel de salaire de ce chef'- peu important les récriminations que Mme [D] a faites à l'appelante et qui sont à l'origine de la rupture intervenue le 27 août';
Considérant que Mlle [A] réclame, au titre du rappel de salaire, la somme de 2000 €, outre les congés payés de 200 €, et ce, sur la base des tarifs prévu par les contrats de collaboration précités, soit «'1000 HT'» par mois, pour 1 jour et demi par semaine, jusqu'à la prestation de serment, puis à compter de la prestation, 2000 €, pour trois jours et demi par semaine ;
Considérant que ces tarifs ne sont pas applicables puisqu'il s'agit là de rétrocessions d'honoraires dus à Mlle [A], en sa qualité d'avocate, dans le cadre d'une collaboration libérale qui n'a jamais pris effet'; qu'ils ne peuvent dès lors être réclamés en tant que tels'; que la somme mensuelle de 1000 € requise apparaît, toutefois, dans son montant, conforme au salaire conventionnel des personnels des cabinets d'avocat ; qu'il convient donc d'allouer à Mlle [A] la somme de 2000 € qu'elle réclame à titre de salaire jusqu'au 27 août, outre 200 € à titre de congés payés ; qu'aucun élément ne justifie que cette somme soit revêtue d'un caractère provisionnel, comme demandé par Mlle [A] ;
*
Considérant que s'agissant de la rupture de la relation contractuelle, celle-ci résulte de la lettre adressée à Mlle [A] le 29 août 2012 par Mme [D] qui y précise : « je vous confirme par la présente ma décision de mettre fin à notre collaboration qui vous a été notifiée verbalement lors d'un entretien le 27 août 2012';'»
Considérant que cette rupture non motivée et brutale du contrat de travail de Mlle [A] caractérise un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que Mlle [A] est, dès lors, en droit de solliciter les indemnités subséquentes, soit, une indemnité de préavis conventionnel de deux mois, sur la base du salaire mensuel ci-dessus de 1000 €, soit 2000 €'et les congés payés afférents, 200 € ;
Que la rupture étant intervenue sans respect des dispositions relatives à la procédure de licenciement, il y a lieu d'allouer, en outre, à l'appelante la somme de 1000 € de ce chef ;
Considérant, au fond, que la rupture de son contrat de travail a causé à Mlle [A] un préjudice particulier puisque celle-ci a perdu sa collaboration projetée avec Mme [D], à quelques jours de sa prestation de serment qui s'est avérée impossible ; que ce bouleversement dans la vie professionnelle débutante de l'appelante qui a un jeune enfant à charge, a été à l'origine d'un préjudice matériel et moral que la cour évalue à 2000 € - étant observé qu'il n'est fourni aucune explication ni justification sur le sort professionnel et la situation actuelle de Mlle [A] ;
Considérant que cette indemnité a pour objet de réparer le préjudice intégral résultant de la rupture, qu'il n' y a pas lieu d'allouer de dommages et intérêts pour rupture vexatoire et distinct - étant précisé que de ce dernier chef Mlle [A] sollicite, aussi, le remboursement de frais (robe d'avocat) et frais divers dont il n'est pas démontré qu'ils aient été rendus nécessaires par la présence de Mlle [A] au cabinet de Mme [D] ;
Considérant qu'enfin, Mlle [A] demande à la cour de lui allouer une indemnité pour travail dissimulé ; que la notion de travail dissimulé suppose cependant que soit caractérisée l'intention de l'employeur de se soustraire à ses obligations ; qu'au regard des tâtonnements des parties quant à la rédaction de la convention signée entre elles, de la brève durée de la période litigieuse et des affirmations faites au bâtonnier par Mme [D] selon lesquelles il aurait été convenu entre elle et Mlle [A] de régulariser la situation financière de l'appelante, sous forme d'honoraires, dès sa prestation de serment , la cour ne trouve pas en la cause la preuve d'une telle intention, imputable à Mme [D]'; que la cour rejettera cette demande ;
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Considérant que Mme [D] devra remettre à Mlle [A] les bulletins de paye, certificat de travail et attestation Pôle emploi, conformes au présent arrêt'; que la demande d'astrinte sera rejetée, en l'état';
Considérant qu'en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile , elle verser à Mlle [A] la somme de 3000 € au'elle requiert';
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
STATUANT par arrêt réputé contradictoire, en dernier ressort et mis à la disposition des parties au greffe,
INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a qualifié de collaboration libérale, et non de contrat de travail, les relations contractuelles entre les parties du 5 juillet au 27 août 2012 ;
Statuant à nouveau,
DIT que durant cette période les parties étaient liées par un contrat de travail ;
CONDAMNE, en conséquence, Mme [D] à payer à Mlle [A] les sommes suivantes':
- 2000 € à titre de rappel de salaire et 200 € de congés payés afférents ;
- 2000 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 200 € de congés payés afférents ;
avec intérêts au taux légal à compter de la réception par Mme [D] de sa convovation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes ;
- 1000 € pour inobservation de la procédure de licenciement ;
- 2000 € de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;
avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
ORDONNE à Mme [D] de remettre à Mlle [A] les bulletins de paye, certificat de travail et attestation Pôle emploi, conformes au présent arrêt';
DÉBOUTE Mlle [A] du surplus de ses demandes';
CONDAMNE Mme [D] à payer à Mlle [A] la somme de 3000 € en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Catherine BÉZIO, président, et par Sabine MARÉVILLE, greffier, auquel le magistrat signataire a rendu la minute.
Le GREFFIER,Le PRESIDENT,