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19/01/2016 | FRANCE | N°14/01118

France | France, Cour d'appel de Versailles, 12e chambre, 19 janvier 2016, 14/01118


COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES



FL

Code nac : 50Z



12e chambre



ARRET N°



CONTRADICTOIRE



DU 19 JANVIER 2016



R.G. N° 14/01118



AFFAIRE :



SAS SUEDE





C/

SAS Q-PARK INVEST venant aux droits de la société Q PARK FRANCE









Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 16 Janvier 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 03

N° Section :

N° RG : 2011F0

214



Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :



Me Emmanuel JULLIEN

Me Martine DUPUIS





RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, ...

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

FL

Code nac : 50Z

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 19 JANVIER 2016

R.G. N° 14/01118

AFFAIRE :

SAS SUEDE

C/

SAS Q-PARK INVEST venant aux droits de la société Q PARK FRANCE

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 16 Janvier 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre : 03

N° Section :

N° RG : 2011F0214

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Emmanuel JULLIEN

Me Martine DUPUIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX NEUF JANVIER DEUX MILLE SEIZE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

SAS SUEDE

[Adresse 1]

[Localité 1]

Représentant : Me Emmanuel JULLIEN de l'AARPI INTER-BARREAUX JRF AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 - N° du dossier 20140112

Représentant : Me Jean-pierre VERSINI CAMPINCHI de la SCP VERSINI CAMPINCHI ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0454 -

APPELANTE

****************

SAS Q-PARK INVEST venant aux droits de la société Q PARK FRANCE

[Adresse 2]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 - N° du dossier 1452908 - Représentant : Me Olivier FAGES de l'AARPI DS AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : T07 substitué par Me Emmanuelle MOREAU

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 19 Novembre 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François LEPLAT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Dominique ROSENTHAL, Président,

Monsieur François LEPLAT, Conseiller,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSÉ DU LITIGE

La société par actions simplifiée SUEDE, filiale du groupe de promotion immobilière CONSTRUCTA, a été chargée de l'opération dite des [Adresse 4] à [Localité 3] comportant des bureaux, des logements, des commerces et des parkings.

Par l'intermédiaire de la société par actions simplifiée CONSTRUCTA PROMOTION, qu'elle présente comme son mandataire, elle est entrée en relation avec la société anonyme Q PARK France, intéressée par l'acquisition d'une partie du parc de stationnement souterrain prévu au projet, intérêt confirmé dans sa lettre du 14 avril 2008.

Le 26 septembre 2008, la société CONSTRUCTA PROMOTION a adressé à la société Q PARK France une lettre, préalable à la promesse de vente, précisant les conditions d'acquisition de 556 places de parking pour un prix de 16.729.000 euros HT et prévoyant une date d'achèvement des travaux au 3ème trimestre 2011. Cette lettre a été contresignée par Q PARK avec la mention Bon pour accord.

Des échanges sur les aspects techniques de ces parkings en construction ont eu lieu entre les parties et, le 11 mars 2009, la société CONSTRUCTA PROMOTION a adressé à la société Q PARK France un projet de promesse de vente qui a donné lieu à quelques courriers jusqu'au mois de mai 2009, date à laquelle les contacts entre elles ont cessé.

La société SUEDE a dû rechercher de nouveaux acquéreurs.

C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier du 23 mai 2011, délivré à personne, la société SUEDE a fait assigner la société Q PARK France devant le tribunal de commerce de Nanterre, pour rupture fautive de la convention signée et demande d'indemnisation.

A la suite d'une opération de fusion absorption du 30 juin 2011, la société par actions simplifiée Q PARK INVEST est venue aux droits de la société anonyme Q PARK France.

Après échanges de conclusions, la société SUEDE a déposé à l'audience du 20 mars 2013 des conclusions récapitulatives n°3, demandant au tribunal de :

Vu notamment les articles 1147 et suivants et subsidiairement 1382 et suivants du code civil, ainsi que l'article 1134 du dit code,

Débouter la société Q PARK INVEST de l'ensemble des ses fins, moyens, demandes ; A titre principal,

Dire que Q PARK a commis une faute contractuelle dommageable en rompant abusivement la convention qu'elle avait conclue avec elle, par l'entremise de la société CONSTRUCTA PROMOTION ;

Condamner de ce fait la société Q PARK INVEST, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, à lui verser la somme indemnitaire à parfaire en principal de 8.278.928 euros ;

A titre subsidiaire,

Dire que Q PARK a commis une faute dommageable en rompant tout aussi abusivement les pourparlers très avancés en cours ;

Condamner de ce fait la Société Q PARK INVEST sur le fondement de l'article 1382 du code civil, à lui verser la somme indemnitaire à parfaire en principal de 8.278.928 euros ;

En tout état de cause,

Dire que les condamnations ainsi prononcées porteraient intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir, et que les intérêts ayant couru depuis un an à compter de la demande se capitaliseraient conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil ;

A titre infiniment subsidiaire,

Dans l'hypothèse où le Tribunal considérerait ne pas disposer d'éléments d'appréciation suffisants, et eu égard aux divergences existant entre les parties quant au montant du préjudice subi par elle,

Désigner tel Expert qu'il lui plaira, avec pour mission de rechercher et d'établir les éléments techniques et financier permettant à la juridiction saisie de se prononcer quant au préjudice subi par elle ;

Dire qu'en raison de la faute qui lui est imputable, Q PARK devra d'ores et déjà supporter et faire l'avance de la provision relative aux frais et honoraires d'expert ;

Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Condamner Q PARK INVEST à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par jugement entrepris du 16 janvier 2014 le tribunal de commerce de Nanterre a :

Pris acte de ce que la SAS Q PARK INVEST venait aux droits de la SAS Q PARK FRANCE ;

Condamné la SAS Q PARK INVEST à payer à la SAS SUEDE la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Débouté la SAS SUEDE de ses autres demandes ;

Débouté la SAS Q PARK INVEST de sa demande au titre de dommages et intérêts ;

Condamné la SAS Q PARK INVEST à payer à la SAS SUEDE la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Ordonné l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie ;

Condamné la SAS Q PARK INVEST aux dépens.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu l'appel interjeté le 12 février 2014 par la société SUEDE ;

Vu les dernières écritures en date du 20 août 2014 par lesquelles la société SUEDE demande à la cour de :

Vu notamment l'article 1382 et suivants du Code Civil, ainsi que l'article 1134 du dit Code,

Vu le jugement rendu le 16 janvier 2014 par le Tribunal de Commerce de Nanterre,

Déclarer la SAS SUEDE recevable en son appel,

Y faisant droit :

Confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a constaté l'intérêt et la qualité pour agir de la SAS SUEDE, et débouté la Société Q-PARK INVEST de ses contestations à ce titre ;

Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité fautive de la Société Q-PARK INVEST au titre de la rupture abusive de pourparlers.

Confirmer le même jugement en ce qu'il a débouté la Société Q-PARK INVEST de l'ensemble des ses fins, moyens, demandes.

Réformer le jugement entrepris, en ce qu'il a réduit l'indemnisation due à la SAS SUEDE à la somme de 15.000 euros, sans rapport avec le préjudice réellement subi par cette dernière.

Constater en effet que les règles légales et jurisprudentielles ne font pas obstacle, en l'espèce, à ce que le préjudice subi par la SAS SUEDE soit intégralement indemnisé.

Statuant à nouveau :

Condamner la Société Q-PARK INVEST, à verser à la SAS SUEDE la somme indemnitaire à parfaire en principal de 8.278.928 euros,

Dire et juger que les condamnations ainsi prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, et que les intérêts ayant couru depuis un an à compter de la demande se capitaliseront conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil.

Donner acte à la SAS SUEDE de ce que cette dernière se réserve la faculté de réclamer par la suite un complément d'indemnisation, en cas d'augmentation du préjudice actuel du fait du complément de prix convenu avec VINCI Park.

Débouter en tant que de besoin la Société Q-PARK de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins, exceptions.

Condamner la Société Q-PARK INVEST à verser à la SAS SUEDE la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile.

Condamner la même aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Emmanuel JULLIEN, Avocat, aux offres de droit.

Vu les dernières écritures en date du 20 octobre 2015 au terme desquelles la société Q PARK INVEST demande à la cour de :

Vu le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Nanterre le 16 janvier 2014,

Prendre acte du fait que la société Q PARK INVEST vient aux droits de la société Q PARK FRANCE du fait d'une fusion absorption en date du 30 juin 2011,

A TITRE LIMINAIRE,

Vu l'article 31 du Code de procédure civile,

Dire et juger que la SAS SUEDE ne justifie ni d'un intérêt ni d'une qualité à agir à l'encontre de la société Q PARK INVEST,

Déclarer irrecevable la SAS SUEDE en l'ensemble de ses demandes ;

AU FOND :

Vu l'article 564 du Code de procédure civile,

Vu les termes de la lettre du 26 septembre 2008,

Vu l'article 1382 du Code civil,

Confirmer le Jugement attaqué en ce qu'il a :

- jugé que la SAS SUEDE ne pouvait pas reprocher à Q PARK une rupture de ses obligations contractuelles, ni réclamer une indemnité sur le fondement de l'article 1147 du code civil,

Infirmer le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Q PARK INVEST à payer la somme de 15.000 euros à la SAS SUEDE,

ET, STATUANT A NOUVEAU sur l'absence de rupture abusive des pourparlers par la société Q PARK France,

A TITRE PRINCIPAL,

Dire et juger que la lettre du 26 septembre 2008 constitue un accord de principe, par lequel les parties ont manifesté la volonté expresse de différer la formation éventuelle d'un contrat au seul jour de la signature d'une promesse de VEFA, devant intervenir dans un délai déterminé ;

Dire et juger que la lettre d'intention est devenue caduque au 31 mars 2009, faute de signature d'une promesse de VEFA,

Dire et juger que les pourparlers ont pris fin d'eux-mêmes du fait de la survenance du terme contenu dans la lettre du 26 septembre 2008, et n'ont donc pas pu être rompus, a fortiori de façon abusive ;

Dire et juger qu'aucune faute délictuelle ne peut être imputée à la société Q PARK France ;

En conséquence :

DÉBOUTER la SAS SUEDE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en matière délictuelle.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

Si, par extraordinaire, la Cour estimait qu'une faute délictuelle peut être imputée à Q PARK,

Dire et juger que la SAS SUEDE ne démontre pas l'existence d'un préjudice réparable ;

En conséquence :

DÉBOUTER la SAS SUEDE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en matière délictuelle.

A TITRE TRÈS SUBSIDIAIRE,

Si par extraordinaire la Cour estimait qu'une faute délictuelle peut être imputée à Q PARK et que le préjudice allégué est réparable :

Constater que le prix auquel la SAS SUEDE a effectivement vendu les parkings à VINCI PARK et à [Adresse 3] se révèle supérieur au prix envisagé avec Q PARK.

Dire et juger en conséquence que la SAS SUEDE ne justifie d'aucun préjudice financier dans la cession des 500 places de stationnement réalisée, et la débouter de sa demande à ce titre, formulée à hauteur de 6.594.000 euros

Constater que le préjudice allégué par la SAS SUEDE au titre des 56 places de stationnement invendues à ce jour est purement hypothétique et futur,

Dire et juger en conséquence que la SAS SUEDE ne justifie d'aucun préjudice financier de ce fait, et la débouter de sa demande à ce titre, formulée à hauteur de 1.684.928 euros

Dire et juger que la SAS SUEDE ne peut pas formuler de demandes nouvelles en cause d'appel, s'agissant de sa demande tendant à se réserver la faculté de réclamer un complément d'indemnisation en cas d'augmentation de son prétendu préjudice du fait du complément de prix convenu avec VINCI PARK.

En conséquence :

DÉBOUTER la SAS SUEDE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en matière délictuelle.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

Si par impossible la Cour estimait qu'une faute délictuelle peut être imputée à Q PARK et que le préjudice allégué est réparable, actuel et certain :

dire et juger que l'indemnisation du préjudice subi par la SAS SUEDE du fait de l'absence de cession de 56 places de stationnement devrait l'être sur la base d'un prix de cession de 22.490 euros par place ;

A titre reconventionnel,

Vu l'article 32 du Code de procédure civile,

Condamner la SAS SUEDE à payer à la société Q PARK INVEST la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

En tout état de cause,

Condamner la SAS SUEDE à payer à la société Q PARK INVEST la somme de 32.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, pour les dépens d'appel, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées par les parties et au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Q PARK INVEST :

Au visa de l'article 31 du code de procédure civile, la société Q PARK INVEST conteste l'intérêt et la qualité à agir de la société SUEDE et demande ainsi à la cour de la déclarer irrecevable en toutes ses demandes.

Elle fait valoir que lors des pourparlers en vue de l'acquisition d'une partie du parc de stationnement litigieux, elle n'a eu pour seul interlocuteur que la société par actions simplifiée CONSTRUCTA PROMOTION et non pas la société SUEDE, dont le nom n'est apparu que dans la lettre d'intention signée le 26 septembre 2009, comme pouvant être son interlocuteur possible dans l'hypothèse où serait conclue une vente en l'état de futur achèvement.

La société SUEDE lui rétorque toutefois justement que :

- la lettre d'intention de la société Q PARK France du 14 avril 2008 mentionne comme objet : Projet Suède - Parc de stationnement

- la lettre portant engagement du 26 septembre 2008 émanant de la société CONSTRUCTA PROMOTION et contresignée pour acceptation par la société Q PARK France, spécifie, à l'article l.Forme de la cession, que : La cession des Parkings prendra la forme d'une vente en l'état futur d'achèvement qui serait conclue entre la société SAS SUEDE (ou une autre société de son groupe) (le « vendeur ») et une société que votre groupe constituerait pour les besoins de l'acquisition (« l'acquéreur »)

- le bordereau de transmission, adressé le 2 octobre 2008 par la société Q PARK France à la société CONSTRUCTA PROMOTION, indique : Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint l'ensemble des documents signés du Protocole concernant le parc de stationnement de l'îlot SAS SUEDE.

- la lettre de la société Q PARK France du 5 janvier 2009 porte la mention : objet : projet SUEDE

- le document intitulé POINT D'ETAPE FÉVRIER 2009, portant informations sur l'opération des [Adresse 4], décrit à la page 2 : l'historique de l'opération SAS SUEDE depuis 2002 ayant conduit au projet actuel « les [Adresse 4] »

- les courriels émanant de Maître [T] [Y], notaire de la société Q PARK France et mandataire de celle-ci, mentionnent en objet : VEFA SAS SUEDE/Q PARK (MARSEILLE)

- le projet de promesse de vente synallagmatique adressé par Maître [G], notaire de la société SUEDE, à Maître [Y], notaire de la société Q PARK France, qui est versé aux débats par cette dernière, identifie le vendeur comme étant la SAS SUEDE.

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que, depuis avril 2008, même si elle n'a pas été l'interlocuteur direct de la société Q PARK France, devenue la société Q PARK INVEST, lors des pourparlers qui ont été formalisés avec la société CONSTRUCTA PROMOTION, la société SUEDE a cependant été identifiée, dès le début de ces pourparlers, comme étant le cocontractant devant intervenir pour l'éventuelle vente en l'état de futur achèvement au profit de la société Q PARK France et l'est demeurée jusqu'à leur rupture, alors même que les pièces versées aux débats ne laissent à aucun moment entrevoir que la société CONSTRUCTA PROMOTION interviendrait directement dans cette opération.

Il s'ensuit que c'est bien la société SUEDE qui a seule qualité et intérêt à agir pour réclamer réparation du préjudice qu'elle formule dans le cadre de la rupture fautive des pourparlers qu'elle soutient.

Le tribunal qui a déclaré ses demandes recevables sera ainsi confirmé de ce chef.

Sur la qualification de la lettre d'intention du 26 septembre 2009 et la rupture des pourparlers:

La société SUEDE expose que, la lettre d'intention de la société Q PARK France est celle qu'elle lui a adressée le 14 avril 2008, pour confirmer [son] plus grand intérêt pour devenir acquéreur d'une partie du parc de stationnement, mais qu'en revanche, la lettre-convention signée le 26 septembre 2008, porte sur la chose et le prix et n'était pas une simple manifestation d'intérêt de la part de la société Q PARK France.

Elle soutient qu'en donnant ainsi son accord à ce courrier, la rencontre de volontés s'est formalisée sur les conditions essentielles et déterminantes de la cession, à savoir : la chose, le prix, la forme de la vente et l'existence d'une condition suspensive. Elle ajoute que deux termes étaient fixés dans cette lettre, le premier, impératif, au 15 octobre 2008 pour la caducité de l'offre, le second au 31 mars 2009, indicatif, pour la régularisation de la promesse de vente et que, dans ce contexte, la rédaction de l'article 11 de la lettre litigieuse prévoyant que la promesse de vente, qui serait obligatoirement signée entre les parties prévaudrait sur elle, ne saurait être entendue que comme la prévention de toute éventuelle contradiction entre les deux actes, eu égard aux détails que la promesse allait préciser.

Mais la société Q PARK INVEST, venant aux droits de la société Q PARK France, lui oppose justement la rédaction claire de l'article 11 de la lettre acceptée du 26 septembre 2008, selon laquelle : En cas d'accord de votre part sur les termes et conditions de la présente, la Promesse pourrait être conclue consécutivement au dépôt d'un permis modificatif et avant le 31 mars 2009.

La Promesse serait conclue notamment sous la condition suspensive du caractère définitif des autorisations administratives nécessaires à l'édification des Parkings.

Le Vendeur et l'Acquéreur ne seront engagés que par la seule conclusion de la Promesse, laquelle prévaudra sur la présente ainsi que sur tout autre accord entre les parties.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la société SUEDE, la vente n'était pas formée par la signature de l'offre que la société CONSTRUCTA PROMOTION, agissant pour son compte, a adressée à la société Q PARK France le 26 septembre 2008, puisque cette offre ne prévoyait un engagement des parties qu'à la seule conclusion de la promesse de vente, laquelle est présentée dans cette lettre comme étant conditionnelle (elle pourrait être conclue ou bien elle serait conclue).

Loin de préciser des détails, la société Q PARK INVEST indique que la promesse de vente en l'état de futur achèvement qui a été transmise le 11 mars 2009 par le notaire de la société CONSTRUCTA PROMOTION était un document très incomplet, dans lequel ne figurait aucune mention relative à la garantie locative par le vendeur en cas de retard d'achèvement des emplacements de parking, mais qu'en revanche, elle-même devrait garantir l'acquisition par une indemnité forfaitaire de 2.000.788 euros, laquelle devait faire l'objet d'une garantie bancaire à première demande, ce qui était pour elle inacceptable.

La société Q PARK INVEST poursuit en indiquant que le terme du 31 mars 2009 est intervenu sans que les parties se rencontrent à nouveau, seuls quelques courriers étant échangés entre elles jusqu'en mai 2009 et fait observer que cette absence de relations entre les parties démontre qu'aucune des deux n'a entendu donner suite à un projet qui est devenu caduc.

Or, force est de constater que si le projet de promesse de vente en l'état de futur achèvement a été transmis par le notaire de la société CONSTRUCTA PROMOTION le 11 mars 2009, avant le terme du 31 mars 2009 fixé par la lettre du 26 septembre 2008, celui-ci n'était pas en l'état de signature, la consistance de l'immeuble n'étant pas précisée, le texte renvoyant à des annexes non numérotées, les délais de réalisation de la vente ayant été laissés en blanc.

La société Q PARK INVEST fait justement observer que les quelques échanges de courriers qui s'en sont suivis ne marquent en rien la détermination de la société SUEDE, qui ne lui a jamais adressé de mise en demeure, de voir aboutir positivement et rapidement ce projet, la cour faisant d'ailleurs observer qu'elle a attendu deux années et la conclusion de la vente avec un autre acquéreur avant d'assigner la société Q PARK INVEST en responsabilité.

Ainsi la cour confirmera le jugement en ce qu'il a dénié à l'offre acceptée du 26 septembre 2008 tout caractère contractuel contraignant pour les parties et l'a jugé comme étant une simple étape des pourparlers conduits par elle, mais elle l'infirmera en ce qu'il a jugé fautive la rupture de ces mêmes pourparlers par la société Q PARK France, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société Q PARK INVEST, du seul fait de leur durée d'une année, ce que la dimension d'un tel projet d'aménagement justifie amplement et de l'engagement pris le 26 septembre 2008, qui renvoyait lui-même à une promesse de vente, seul document engageant les parties et pour laquelle les arguments soulevés par la société Q PARK INVEST, qui ne reçoivent pas vraiment de contradiction de la part de la société SUEDE, écartent tout caractère fautif à cette rupture, qui ne justifie en conséquence aucune indemnisation.

Sur le caractère abusif de la procédure :

L'article 32-1du code de procédure civile édicte que : Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

Le droit d'ester en justice ne trouve sa limite que dans l'abus fait de celui-ci, avec malice, mauvaise foi ou bien lorsqu'il résulte d'une erreur équipollente au dol.

En l'espèce, la société Q PARK INVEST ne caractérise pas de la part de la société SUEDE, qui a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits et a utilement discuté la qualification de la relation qui les a unies, des agissements constitutifs d'un abus de droit.

Il ne sera donc pas fait droit à la demande de dommages et intérêts formulée de ce chef par la société Q PARK INVEST, le jugement étant confirmé sur ce point.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il est équitable d'allouer à la société Q PARK INVEST une indemnité de procédure de 5.000 euros. La société SUEDE, qui succombe, sera, en revanche, déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris du tribunal de commerce de Nanterre du 16 janvier 2014, sauf en ce qu'il a jugé fautive la rupture des pourparlers par la société par actions simplifiée Q PARK France, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société par actions simplifiée Q PARK INVEST et a condamné cette dernière à payer à la société par actions simplifiée SUEDE la somme de 15.000 euros de dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau,

DIT non fautive la rupture des pourparlers ayant eu lieu entre la société par actions simplifiée SUEDE et la société anonyme Q PARK France aux droits de laquelle vient aujourd'hui la société par actions simplifiée Q PARK INVEST,

DÉBOUTE la société par actions simplifiée SUEDE de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société par actions simplifiée Q PARK INVEST, venant aux droits de la société anonyme Q PARK France, pour la rupture fautive des pourparlers,

Et y ajoutant,

REJETTE toutes autres demandes,

CONDAMNE la société par actions simplifiée SUEDE à payer à la société par actions simplifiée Q PARK INVEST, venant aux droits de la société anonyme Q PARK France, la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société par actions simplifiée SUEDE aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct, par application de l'article 699 du code de procédure civile.

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

signé par Mme Dominique ROSENTHAL, Président et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Formation : 12e chambre
Numéro d'arrêt : 14/01118
Date de la décision : 19/01/2016

Références :

Cour d'appel de Versailles 12, arrêt n°14/01118 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2016-01-19;14.01118 ?
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